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Date : 20220201

Dossier : IMM-498-21

Référence : 2022 CF 115

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 1er février 2022

En présence de madame la juge Rochester

ENTRE :

XUEWEI LIANG

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. L’aperçu

[1] Le demandeur, M. Xuewei Liang, sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue le 24 décembre 2020 par laquelle la Section d’appel des réfugiés [la SAR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés [la SPR] selon laquelle le demandeur n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger au titre des articles 96 et 97, respectivement, de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.

II. Le contexte

[2] Le demandeur, M. Xuewei Liang, est un citoyen de la République populaire de Chine [la Chine]. Il est né en 1968. Il est marié et a un enfant.

[3] Le demandeur prétend qu’en janvier 2017, il a commencé à ressentir des douleurs au cou, et qu’on lui a diagnostiqué une spondylose cervicale. Ses douleurs au cou nuisaient à son travail en tant que conducteur de camion. Il affirme avoir essayé de nombreux traitements, sans succès. Il allègue qu’en juillet 2017, un de ses collègues lui a recommandé d’essayer le Falun Gong.

[4] Le demandeur affirme qu’il a d’abord pratiqué le Falun Gong à la maison avec son collègue. Il affirme avoir constaté une amélioration de son état de santé au début, mais que les progrès ont ensuite ralenti. Pour accélérer ses progrès, le demandeur s’est joint à un groupe de pratique du Falun Gong en octobre 2017. En janvier 2018, il s’était complètement rétabli et il a pu recommencer à travailler à temps plein.

[5] Le demandeur prétend qu’en mars 2018, le Bureau de la sécurité publique a arrêté un membre de l’ancien groupe de pratique de son collègue et que ce dernier s’est alors caché. Il affirme que, par la suite, son épouse a entrepris des démarches pour qu’un passeur de clandestins l’aide à obtenir un visa pour le Canada et à quitter la Chine.

[6] Le demandeur allègue que, pendant qu’il attendait de quitter la Chine, le Bureau de la sécurité publique l’a convoqué pour un interrogatoire, mais l’a relâché. Il a obtenu son visa canadien le 5 juillet 2018 avec l’aide du passeur. Il a quitté la Chine le 26 juillet 2018.

[7] Le 1er août 2018, le demandeur a présenté une demande d’asile au Canada au motif qu’il craignait d’être persécuté par les autorités chinoises, y compris le Bureau de la sécurité publique, en raison de sa pratique du Falun Gong.

[8] La SPR a instruit la demande d’asile du demandeur le 14 novembre 2019. Le 16 décembre 2019, elle a rejeté la demande d’asile du demandeur et a conclu que celui-ci n’était pas crédible en raison 1) des divergences entre les renseignements fournis dans l’exposé circonstancié contenu dans son formulaire Fondement de la demande d’asile, ceux fournis lors d’une entrevue avec un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC] et ceux fournis lors de son témoignage devant la SPR, et 2) de sa connaissance insuffisante du Falun Gong.

III. La décision

[9] La SAR a conclu que la question déterminante était celle de la crédibilité. Elle a admis que, lorsqu’un demandeur d’asile jure que certains faits sont véridiques, il existe une présomption selon laquelle ils le sont, sauf s’il existe des raisons valables de douter de leur véracité. En l’espèce, elle a conclu qu’un certain nombre d’incohérences minaient la crédibilité de la demande d’asile du demandeur et sa crédibilité en général.

[10] La SAR a conclu qu’il y avait des incohérences quant au moment où s’étaient produits les événements, notamment le moment où le demandeur s’était joint au groupe de pratique du Falun Gong, le moment où le membre de l’ancien groupe de son collègue avait été arrêté et le moment où les services du passeur avaient été retenus. Elle a souligné qu’il y a un écart de plusieurs mois entre certaines dates indiquées dans le formulaire Fondement de la demande d’asile du demandeur et celles fournies à l’entrevue avec l’agent de l’ASFC.

[11] La SAR a examiné une copie d’une décision relative à une sanction administrative, dont la traduction indique, entre autres, ce qui suit : [traduction] « L’enquête a révélé que Liang, Xuewei avait pris part à des activités religieuses illégales du Falun Gong. » La SAR et la SPR ont toutes deux conclu que le document n’était pas authentique. La SAR a renvoyé au point 10.9 d’une réponse à une demande d’information contenue dans le cartable national de documentation sur la Chine (15 octobre 2020) [le CND], soulignant les différences relevées entre le document présenté et les versions authentiques figurant dans le CND. Par conséquent, elle a conclu que le document ne corroborait pas le fait que le demandeur avait été interrogé par le Bureau de la sécurité publique ni qu’il pratiquait le Falun Gong, et elle ne lui a donc attribué aucun poids.

[12] En ce qui concerne la preuve présentée par le demandeur à l’appui de sa pratique du Falun Gong au Canada, la SAR a conclu que les photographies n’avaient qu’une faible valeur probante et qu’elles n’établissaient pas que le demandeur était un véritable adepte. Elle a aussi conclu qu’un affidavit présenté par un adepte canadien du Falun Gong était avare de précisions et qu’il n’expliquait en rien l’affirmation du souscripteur selon laquelle le demandeur était un véritable adepte du Falun Gong.

[13] La SAR a souligné que, contrairement à certaines religions, le Falun Gong est une pratique fondée sur les connaissances. Elle a renvoyé au point 12.9 du CND, où il est expliqué que le « fondement du Falun Dafa consiste en un corps de connaissances fondamentales indispensables à celui qui veut entreprendre la cultivation d’une manière permettant d’atteindre les plus hauts niveaux de perfectionnement » (en italique dans l’original). Elle a déclaré que, selon la preuve du demandeur, celui-ci s’était joint au Falun Gong précisément dans le but d’en tirer des avantages grâce à une pratique active. La SAR a conclu que le demandeur aurait donc dû acquérir une certaine connaissance du Falun Gong. Par conséquent, il était loisible à la SPR de vérifier l’authenticité de la pratique du demandeur en lui posant des questions fondées sur ses connaissances.

[14] La SAR a examiné le témoignage du demandeur devant la SPR et elle a jugé que, puisque le demandeur avait répondu aux questions de façon incorrecte ou qu’il avait admis qu’il ne connaissait pas les réponses, il n’avait pas affiché un niveau de connaissance du Falun Gong proportionnel à ses années de pratique. Elle a donc conclu qu’il n’était pas crédible que le demandeur soit un adepte sincère du Falun Gong.

[15] La SAR a aussi conclu que, puisqu’il avait été établi que le demandeur n’était pas un véritable adepte du Falun Gong et qu’il était peu probable qu’il le pratique à son retour en Chine, il ne serait pas exposé à un risque de persécution. De plus, elle a conclu que le demandeur n’avait présenté aucun élément de preuve ni aucune explication qui indiquerait les raisons pour lesquelles ses activités au Canada auraient attiré l’attention des autorités chinoises et qu’il n’avait donc pas établi de demande d’asile sur place.

IV. La question en litige et la norme de contrôle applicable

[16] La seule question en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire est celle de savoir si la décision est raisonnable. Plus précisément, le demandeur soulève les sous-questions suivantes, à savoir si la SAR a raisonnablement évalué i) le document sur la décision relative à une sanction administrative et ii) son profil religieux.

[17] Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, telle qu’elle est exposée dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov].

[18] Il incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable (Vavilov, au para 100). Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable est empreint de déférence, mais demeure rigoureux (Vavilov, aux para 12‑13). Pour pouvoir intervenir, la cour de révision doit être convaincue par la partie qui conteste la décision que celle-ci « souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence », et que les lacunes ou insuffisances reprochées ne sont pas « simplement superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision » (Vavilov, au para 100).

[19] De plus, la cour de révision doit s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve examinée par le décideur et, à moins de circonstances exceptionnelles, elle ne doit pas modifier les conclusions de fait (Vavilov, au para 125). Néanmoins, selon l’arrêt Vavilov, un décideur « doit prendre en considération la preuve versée au dossier et la trame factuelle générale qui a une incidence sur sa décision et celle-ci doit être raisonnable au regard de ces éléments » (au para 126).

V. Analyse

1) La conclusion de la SAR concernant le document sur la décision relative à une sanction administrative

[20] Le demandeur soutient que la conclusion de la SAR selon laquelle la copie de la décision relative à une sanction administrative n’était pas authentique est déraisonnable au motif que la SAR s’est fondamentalement méprise sur les documents contenus dans le CND. Il affirme notamment que la SAR n’a pas reconnu que les formulaires varient selon leur type, et que le contenu des modèles de formulaires ne représente pas des exigences sans équivoque. Le défendeur plaide qu’il était loisible à la SAR, compte tenu de la preuve dont elle disposait, de conclure que le document sur la décision relative à une sanction administrative n’était pas authentique.

[21] Après avoir examiné le document sur la décision relative à une sanction administrative et le contenu du CND, je ne suis pas convaincue que la conclusion de la SAR est déraisonnable. À moins de circonstances exceptionnelles, la Cour ne doit pas modifier les conclusions de fait (Vavilov, au para 125). La SAR a relevé de nombreuses irrégularités dans le document sur la décision relative à une sanction administrative, et la conclusion est raisonnable eu égard au contenu de ce document ainsi qu’aux renseignements et aux modèles de documents figurant dans le CND.

2) La conclusion de la SAR concernant le profil religieux du demandeur

[22] Le demandeur soutient que la SAR a fondé ses conclusions défavorables quant à sa crédibilité générale et à son profil religieux sur des [traduction] « incohérences mineures et sans importance ». Il prétend que la question importante est sa pratique actuelle.

[23] Le défendeur plaide que les incohérences ne sont pas mineures et qu’elles sont pertinentes quant à la question de savoir si le demandeur pratiquait vraiment le Falun Gong. Il soutient que les allégations concernant le moment où le demandeur s’était joint au groupe de pratique du Falun Gong, celui où le membre de l’ancien groupe de pratique du collègue du demandeur avait été arrêté et celui où le demandeur avait retenu les services du passeur de clandestins se rapportent toutes à des éléments centraux du récit du demandeur.

[24] Bien que je convienne avec le demandeur que l’une des incohérences était mineure, à savoir le type de blessure dont souffrait son collègue, je suis d’accord avec le défendeur en ce qui concerne les autres incohérences. Je conclus que, d’après le dossier dont elle disposait, la SAR était en droit de juger que certaines des incohérences n’étaient pas mineures et que le demandeur n’y avait pas répondu adéquatement. Il était donc loisible à la SAR d’en tirer une inférence défavorable.

[25] Le raisonnement exposé par mon collègue, le juge Gleeson, dans la décision Hirimuthugoda c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 784, s’applique à la question qui nous occupe :

[11] Je conviens avec le demandeur que plusieurs incohérences soulignées par la SAR sont mineures et ne justifient pas, à elles seules, une conclusion défavorable en matière de crédibilité. Toutefois, cela joue peu en sa faveur. La SAR n’était pas tenue d’examiner isolément les nombreuses incohérences et omissions. La SAR était en droit de prendre en compte l’accumulation d’incohérences, de contradictions et d’omissions et de s’y fier pour conclure à un manque de crédibilité (Lawani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 924 au para 22 [Lawani]). [...]

[26] Le demandeur s’appuie sur la décision Mohacsi c Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), 2003 CFPI 42, [2003] 4 CF 771, pour soutenir que des incohérences mineures ne devraient pas inciter à conclure à une absence générale de crédibilité si la preuve documentaire confirme la vraisemblance de son récit. Il fait valoir qu’il était déraisonnable pour la SAR de rejeter en grande partie les photographies et l’affidavit versés au dossier. Le défendeur soutient qu’il était raisonnable pour la SAR de conclure que la preuve avait une valeur probante limitée étant donné son contenu.

[27] La SAR a conclu que l’affidavit était avare de précisions et elle n’a accordé que peu de poids à l’affidavit et aux photographies. Elle a fait remarquer que l’affidavit ne contenait pas de détails quant au nombre de fois ou à la fréquence à laquelle le souscripteur avait vu le demandeur en train de pratiquer le Falun Gong, ni d’autres renseignements qui auraient pu expliquer son affirmation selon laquelle le demandeur était un adepte authentique.

[28] Compte tenu de la preuve en question, j’estime que la conclusion de la SAR était raisonnable étant donné le contenu de la preuve et les doutes de la SAR quant à la crédibilité du demandeur. Le manque de crédibilité concernant les éléments centraux d’une demande d’asile peut s’appliquer de façon généralisée aux éléments de preuve documentaire présentés pour corroborer une version des faits. Dans le même ordre d’idées, il est loisible à la SAR de n’accorder aucune force probante aux évaluations ou aux rapports fondés sur des éléments sous-jacents jugés non crédibles (Lawani, au para 24). La SAR était en droit d’accorder peu de poids à l’affidavit et aux photographies.

[29] Je passe maintenant à la conclusion de la SAR selon laquelle le demandeur n’avait pas affiché un niveau de connaissance du Falun Gong proportionnel à ses années de pratique, ce qui portait à croire qu’il n’était pas un adepte sincère. Le demandeur soutient que la SAR a commis une erreur en assimilant les croyances religieuses à la connaissance d’une religion, et que la norme pour établir la connaissance d’une religion est peu élevée. Le défendeur convient qu’il suffisait au demandeur de démontrer la sincérité de ses croyances, mais qu’un lien devait être établi entre ces croyances et les particularités de la religion, en l’espèce le Falun Gong. Il s’appuie sur les décisions Gao c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 271 [Gao] et Sui c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 406.

[30] Comme il a été mentionné précédemment, la SAR a mentionné que, contrairement à certaines religions, le Falun Gong est une pratique fondée sur la connaissance, et elle a renvoyé aux renseignements contenus dans le CND concernant, entre autres, le fondement du Falun Gong. Elle a souligné que le demandeur s’était vu « pos[er] des questions très fondamentales comme celles de savoir pourquoi il faut envoyer des pensées droites et quel est le but des deuxième et quatrième exercices ». Le demandeur n’a pas été en mesure de répondre correctement aux questions, et la SAR n’a pas été convaincue par l’argument de la conseil du demandeur selon lequel celui-ci n’avait qu’un niveau d’instruction intermédiaire.

[31] Dans la décision Gao, mon collègue, le juge Ahmed, a examiné des questions semblables et il a conclu qu’il était raisonnable pour la SAR d’évaluer la crédibilité d’un demandeur en tant qu’adepte du Falun Gong en se demandant si sa connaissance de la religion correspondait à l’expérience qu’il prétendait avoir, soit deux ans de pratique. Les conclusions du juge Ahmed sont instructives en l’espèce :

[27] En premier lieu, la SAR a conclu que le demandeur n’était pas capable d’expliquer convenablement la compréhension qu’il avait des pensées vertueuses, qui sont pour la SAR un principe fondamental du Falun Gong. J’estime qu’il était raisonnable que la SAR mette en doute la crédibilité du demandeur parce que celui‑ci était incapable de définir cette notion rudimentaire de sa foi religieuse (Zheng c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 731 au para 17, citant Wang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 668 aux para 29 à 39). De plus, je conclus que la SAR a raisonnablement rejeté l’explication du demandeur selon qui son manque de connaissances était attribuable au fait qu’il avait très peu d’instruction et de littératie, étant donné que le demandeur a prétendu qu’il avait étudié avec l’aide d’autres personnes, et non pas de manière isolée. […]

[29] En troisième lieu, la SAR a contesté l’incapacité du demandeur de réciter les versets accompagnant ses pratiques régulières à l’audience devant la SPR. Lors de l’audience devant la SPR, le demandeur a prétendu avoir pratiqué régulièrement pendant plus de deux ans les quatre exercices qu’il lui avait été demandé de réciter. Par conséquent, je conclus que la SAR a eu raison de contester la crédibilité du demandeur en établissant que ses connaissances du Falun Gong ne concordaient pas avec la durée et l’ampleur de ses prétendues activités religieuses (Qi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 400 (Qi) au para 18; Gao c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1156 (Gao) au para 29).

[30] Enfin, je ne suis pas convaincu par l’argument avancé par le demandeur selon lequel la SAR a déraisonnablement haussé le seuil de connaissances requis d’un adepte véritable du Falun Gong en décrivant le Falun Gong comme « une foi qui repose sur la connaissance ». Après avoir lu la décision de la SAR dans son ensemble, je conclus que la SAR a raisonnablement pris en compte les caractéristiques de la religion et conclu que la connaissance du demandeur ne correspondait pas à son expérience alléguée. Cette conclusion fait suite à une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles la SAR est assujettie (Vavilov au para 85).

[31] J’estime que la description du Falun Gong par la SAR en tant qu’une « foi qui repose sur la connaissance » est justifiée au regard des éléments de preuve. Comme source de cette description, la SAR a cité le point 12.9 du Cartable national de documentation (le CND) sur la Chine, daté du 28 juin 2019, selon lequel « [l]e fondement du Falun Dafa consiste en un corps de connaissances fondamentales indispensables à celui qui veut entreprendre la cultivation d’une manière permettant d’atteindre les plus hauts niveaux de perfectionnement ». Je conclus que, quand elle décrit le Falun Gong comme une foi qui repose sur la connaissance, la SAR s’attend à ce que ses adeptes authentiques aient généralement compris les concepts qui sont à la base de la religion. Cette conclusion est étayée par le CND, qui confirme que la connaissance de certains concepts du Falun Gong fait partie intégrante de sa pratique.

[32] L’interprétation mentionnée précédemment est étayée par la conclusion subséquente de la SAR selon laquelle « il est attendu qu’un adepte authentique fasse des efforts pour grandir dans sa compréhension de ce système de croyances à partir du moment où il a commencé à pratiquer le Falun Gong ». J’estime que cette conclusion est justifiée au regard de la jurisprudence qui, comme on l’a vu précédemment, affirme que l’authenticité de l’identité religieuse d’un demandeur d’asile peut raisonnablement être contestée si la connaissance que le demandeur d’asile a de sa religion ne correspond pas à ses prétendues activités religieuses (Qi au para 18; Gao au para 29). Il convient d’apprécier au cas par cas ce qui est considéré comme compatible avec la pratique religieuse, étant donné que le tout dépend de la situation du demandeur d’asile et des particularités de la religion en question. En l’espèce, la SAR a tenu compte de cette considération : elle a souligné la place importante que tiennent les connaissances religieuses dans le Falun Gong, la façon dont ces connaissances illustrent le profil d’un adepte avec l’expérience que prétend avoir le demandeur, et la façon dont le demandeur ne correspond pas à ce profil.

[32] En l’espèce, la SAR a tenu compte du contenu du CND, des questions posées par la SPR, des réponses fournies par le demandeur et de la période pendant laquelle celui-ci alléguait avoir pratiqué le Falun Gong. De plus, elle a souligné l’allégation du demandeur selon laquelle il s’était joint au Falun Gong précisément dans le but d’en tirer des avantages grâce à une pratique active, justifiant ainsi les questions fondées sur les connaissances visant à vérifier l’authenticité de la pratique du demandeur. À la date à laquelle a eu lieu l’audience devant la SPR, le demandeur pratiquait le Falun Gong depuis plus de deux ans. Il a néanmoins été incapable de répondre aux questions fondamentales concernant la pratique de cette religion.

[33] Selon les éléments de preuve contenus dans le CND qui lui avaient été présentés, il était raisonnable pour la SAR de s’attendre à ce que les véritables adeptes aient acquis une connaissance de certains concepts qui font partie intégrante de la pratique du Falun Gong. Il lui était donc loisible de mettre en doute l’authenticité de l’identité religieuse du demandeur étant donné qu’elle avait conclu que ce dernier n’avait pas affiché un niveau de connaissance du Falun Gong proportionnel à son expérience alléguée.

[34] Je suis d’avis que la présente affaire se distingue de la décision Lin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 288, invoquée par le demandeur, dans laquelle la Cour a jugé que la conclusion était fondée sur des exigences déraisonnables et impossibles à respecter en ce qui concerne la connaissance de la pratique du Falun Gong.

[35] Je conclus que la décision de la SAR était raisonnable, en ce sens que sa conclusion concernant la sincérité des croyances religieuses du demandeur découlait d’une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle, et qu’elle était justifiée au regard des faits de l’espèce et du droit (Vavilov, au para 85).

VI. Conclusion

[36] Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Les parties conviennent qu’il n’y a pas de question grave de portée générale à certifier.

JUGEMENT dans le dossier IMM-498-21

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire du demandeur est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Vanessa Rochester »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mélanie Lefebvre


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

IMM-498-21

INTITULÉ :

XUEWEI LIANG c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATON

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO) – audience tenue par vidéoconférence sur Zoom

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 janvier 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ROCHESTER

DATE DES MOTIFS :

LE 1er février 2022

COMPARUTIONS :

Me Alison Pridham

Pour le demandeur

Me Stephen Jarvis

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Alison Pridham

Lewis & Associates

Pour le demandeur

Me Stephen Jarvis

Procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

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