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TRÈS SECRET

Date : 20210607

Dossier : ||||||||||||||||||||||

Référence : 2021 CF 541

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 7 juin 2021

EN PRÉSENCE DE LA JUGE KANE

DANS L’AFFAIRE d’une demande de mandats présentée par |||||||||||||||||||||||||||||||||||| en vertu des articles 12 et 21 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, LRC (1985), c C-23

ET DANS L’AFFAIRE VISANT le TERRORISME ISLAMISTE, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

ORDONNANCE ET MOTIFS

I. Contexte

[1] Le contexte de l’espèce est présenté plus en détail dans mes ordonnances du 16 juin 2020 et du 21 janvier 2021.

[2] Le contexte général en est également donné dans la décision du juge Gleeson 2020 CF 616 (dossier [Cas B] Dans l’affaire d’une demande de mandats présentée par |||||||||||||||| en vertu des articles 12 et 21 de la Loi sur le service canadien du renseignement de sécurité, LRC (1985), c C 23 et dans l’affaire visant le terrorisme islamiste, |||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, qui traite des questions d’intérêt commun soulevées au cours de l’instance en formation plénière ayant trait à trois dossiers, à savoir [Cas B], [Cas D] et [Cas C] (l’espèce), ainsi que des questions propres au dossier [Cas B].

[3] Le juge Brown traite également de cette instance dans son ordonnance et ses motifs 2020 CF 1190 (dossier [Cas D]|, Dans l’affaire d’une demande de mandats présentée par |||||||||||||||||| en vertu des articles 12 et 21 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, LRC (1985), c C-23 et dans l’affaire visant |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||).

[4] Récemment, la Cour d’appel fédérale a traité de l’instance en formation plénière dans son jugement 2021 CAF 92 (Dans l’affaire d’une demande de mandats présentée par |||||||||||||| en vertu des articles 12 et 21 de la Loi sur le service canadien du renseignement de sécurité, LRC (1985), c C-23 et dans l’affaire visant le terrorisme islamiste, |||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||), qui porte sur les conclusions tirées dans le dossier [Cas B]|.

[5] La présente ordonnance porte sur les questions qui ont été soulevées précisément en l’espèce, et tient compte du cadre établi dans 2020 CF 616 (ce cadre n’est pas contesté, comme le reconnaît la Cour d’appel fédérale dans 2021 CAF 92, au paragraphe 161) et de l’établissement des questions d’intérêt commun qui y sont soulevées. L’ordonnance, qui vise à rendre compte des événements et à conclure l’affaire, a été retardée par les répercussions des mesures de santé et de sécurité mises en place en raison de la pandémie de COVID-19, qui ont rendu nécessaire le recours à d’autres observations écrites plutôt qu’à l’audition de témoignages.

A. Contexte du dossier [Cas C]

[6] À l’origine, les |||||||||||||| février 2017, le juge Mosley a décerné pour un an des mandats dans l’enquête sur les activités liées à la menace des personnes susmentionnées. Une nouvelle demande de mandats a été présentée en février 2018. J’ai pris connaissance des affidavits présentés en appui à la demande, que j’ai entendue à huis clos et ex parte. Le || février 2018, me fondant sur la preuve et les observations, convaincue que les critères établis aux articles 12 et 21 avaient été respectés, j’ai décerné les mandats pour un an, soit jusqu’au || février 2019.

[7] En janvier 2019, M. Owen Rees, avocat général principal du Groupe litiges et conseils en sécurité nationale, ministère de la Justice, a écrit à la Cour pour l’aviser que le Service canadien du renseignement de sécurité [SCRS ou Service] s’était rendu compte qu’il avait utilisé, en appui à certaines demandes de mandats, des informations susceptibles d’avoir été recueillies illégalement. Cette question avait été soulevée par le juge Simon Noël dans le dossier [Cas A]. En janvier 2019, le Service mentionnait trois demandes de mandats : [Cas C] (qui visait seulement [une cible]), [Cas A] (devenu ensuite [Cas B]) et [Cas D]. Le Service a entrepris un examen visant à déterminer s’il y en avait d’autres.

[8] Comme il en est question plus en détail dans 2020 CF 616 sous la plume du juge Gleeson, la Cour a réuni une formation de trois juges désignés pour qu’ils étudient et déterminent les questions d’intérêt commun soulevées dans les trois demandes de mandats [instance en formation plénière]. Elles concernaient essentiellement le possible manquement à l’obligation de franchise attribuable à l’omission, par le Service et l’avocat du procureur général du Canada [procureur général], de communiquer à la Cour le fait que les informations utilisées en appui aux demandes de mandats avaient été ou pouvaient avoir été recueillies illégalement, les circonstances de leur collecte, ainsi que les conséquences de l’utilisation d’informations recueillies ou susceptibles d’avoir été recueillies illégalement. La Cour a reçu des observations portant sur les trois demandes et tenu plusieurs audiences sur une période d’un an.

[9] Puisque le Service n’a pas cherché à renouveler les mandats visant |||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, qui ont expiré le |||| février 2019, j’ai avisé l’avocat du procureur général que je me pencherais plus tard sur l’incidence des informations utilisées par le Service en appui à la demande de mandats visant [la cible], après que la décision découlant de l’instance en formation plénière aura été rendue.

B. Ordonnance du 16 juin 2020

[10] Le 16 juin 2020, après que le juge Gleeson eut rendu sa décision, j’ai émis une ordonnance invitant l’avocat du procureur général à présenter des observations sur l’incidence de la communication d’activités illégales sur la validité des mandats décernés dans le dossier [Cas C], et sur la possibilité qu’il y ait lieu d’isoler les informations recueillies par le Service en vertu des mandats visant [la cible] ou d’envisager d’autres mesures.

[11] Dans l’ordonnance en question, j’ai brièvement présenté les informations portées à l’attention de la Cour après la délivrance des mandats, au cours de la période suivant l’envoi de la lettre de M. Rees à la Cour en janvier 2019. (Il s’agissait notamment d’informations figurant dans les affidavits des avocats du procureur général qui avaient présenté les demandes de mandats en 2017 et 2018. Tous deux ont expliqué qu’à ce moment, ils n’étaient pas au courant des activités que la source avait eu l’ordre de mener et qui pouvaient avoir été illégales.) J’ai fait remarquer qu’il pourrait être utile d’obtenir d’autres informations pour déterminer ce qu’il convenait de faire des informations recueillies, et maintenant isolées, compte tenu du cadre défini par le juge Gleeson dans le dossier [Cas B].

[12] J’ai précisé qu’il serait difficile, sans autres informations, de déterminer si les mandats auraient été ou auraient pu avoir été décernés en l’absence des informations recueillies grâce aux activités de la source humaine dirigée qui  |  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| a pu prendre connaissance de ses réflexions, opinions et intentions, [techniques d’enquête]|||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

[13] Dans mon ordonnance du 16 juin 2020, j’ai dégagé deux grandes questions nécessitant un examen plus approfondi.

  1. Y a-t-il lieu d’annuler les mandats décernés en février 2018 contre [la cible], puisqu’ils l’ont été en partie sur la foi d’informations découlant d’activités illégales? Si ces informations étaient supprimées, le dossier serait-il encore suffisamment étoffé pour convaincre la Cour que les mandats auraient pu être décernés?

  2. Si les mandats ne sont pas annulés, quelle utilisation le Service pourrait-il être autorisé à faire des informations qu’ils ont permis de recueillir, le cas échéant? Ces informations devraient-elles plutôt rester isolées ou être détruites?

[14] En réponse à mon ordonnance, le procureur général a présenté plusieurs affidavits nouveaux contenant des informations additionnelles. Le procureur général et les amici ont présenté des exposés des faits et du droit ayant trait à l’incidence des activités illégales sur la délivrance des mandats et sur l’application du cadre établi par le juge Gleeson dans les circonstances particulières.

C. Ordonnance du 14 janvier 2021 – autres questions

[15] Après avoir pris connaissance des informations additionnelles ainsi que des exposés, j’ai soulevé deux autres questions et, le 14 janvier 2021, par voie d’ordonnance, j’ai demandé :

1. toute autre explication de la raison pour laquelle la menace que représentait [la cible], compte tenu de la preuve présentée en 2017 et en 2018 et par la suite à ce sujet, pouvait être passée de « menace pour la sécurité du Canada » à « aucune menace », uniquement sur la foi ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||;

2. pour quelle raison la note d’information du Service intitulée Overview of CT HS Operations - Impact of Legal Risk, datant du 30 janvier 2017 [note de janvier 2017], mentionnée dans un affidavit du procureur général présenté en septembre 2020 en réponse à l’ordonnance de la Cour de juin 2020 et annexé à l’affidavit à titre de pièce, qui rendait compte d’un examen de toutes les activités de sources humaines et relevait celles qui avaient trait à la source liée à [la cible], n’avait pas encore été remise à la Cour ni mentionnée plus de dix mois après la conclusion de l’instance en formation plénière et quatre mois après que le juge Gleeson eut rendu sa décision sur les questions d’intérêt commun dans cette instance (2020 CF 616, dossier [Cas B]).

[16] J’ai notamment souligné que trois éléments méritaient une explication : le fait que la note de janvier 2017 datait de la même période que les questions principales ayant trait à l’invocation, par le Service, de l’immunité de l’État; l’allusion explicite à la source liée à [la cible]; l’omission, par les témoins, de mentionner l’existence de la note ou de la fournir dans le contexte de l’instance en formation plénière.

D. Processus relatif aux observations

[17] La Cour avait prévu une audience à huis clos et ex parte où il aurait été possible de présenter des observations orales quant aux questions soulevées dans les exposés du procureur général et des amici. Toutefois, en raison des mesures de santé et de sécurité publiques visant à lutter contre la COVID-19, qui limitent toujours la tenue d’audiences en personne, la Cour a proposé, avec l’aval des parties, de circonscrire les questions en se fondant sur les exposés et les affidavits ainsi que sur les réponses aux deux autres questions de la Cour.

[18] La présente ordonnance et les motifs qui l’accompagnent portent essentiellement sur le statut des mandats décernés en 2017 et en 2018, ainsi que des informations qu’ils ont permis de recueillir.

II. Informations fournies à la Cour en réponse à l’ordonnance du 16 juin 2020

[19] Plusieurs nouveaux affidavits ont été présentés en réponse à ma demande d’informations additionnelles visant à m’aider à réaliser l’examen a posteriori, notamment par les déposantes qui avaient fait les demandes de mandats en 2017 et en 2018.

A. Déposante de 2018

[20] La déposante qui avait présenté l’affidavit en appui à la demande de mandats en 2018 a souligné qu’une des sources avait mené certaines de ses activités illégales avant la délivrance des mandats en 2017 et en 2018. Elle a expliqué que le Service s’intéressait à [la cible] ||||| |||||||| et donné des exemples d’informations fournies par la source, notamment sur les opinions extrémistes de [la cible], son lien possible avec des groupes extrémistes ainsi que ses |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| et à d’autres activités violentes, par exemple |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. La déposante a aussi fait état des résultats |[une évaluation du risque de violence posé par la cible]|| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

[21] S’agissant du contexte des activités illégales, la déposante en a révélé davantage sur le caractère essentiel de la relation entre la source et [la cible], qui devait être renforcée; il s’agissait notamment de lui procurer ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Elle a donné des précisions sur les informations que cette relation avait permis à la source d’obtenir auprès de [la cible].

[22] Je souligne que certaines de ces informations ne figuraient pas d’une manière aussi détaillée dans les affidavits qui appuyaient les demandes de mandats en 2017 et en 2018.

[23] La déposante a attesté que, si certaines des activités de la source avaient fait l’objet – dans une certaine mesure – d’une évaluation des risques juridiques en 2017 et en 2018, elle n’était pas au courant des activités maintenant en cause qui, il a été déterminé par la suite, présentaient des risques élevés |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. La déposante n’a appris l’existence de ces activités qu’au cours de la préparation d’une nouvelle demande, qui n’a pas été présentée. Elle a déclaré ne pas avoir eu connaissance de la note de janvier 2017, selon laquelle les activités de la source présentaient des risques élevés.

[24] La déposante a expliqué [traduction] qu’« après avoir pris en considération les risques que représentaient, pour la sécurité publique, [la cible] et les activités illégales constatées pendant la préparation d’une nouvelle demande de mandats le visant, le Service a décidé de ne pas présenter cette demande ». Selon la déposante, le Service a mis fin à son enquête sur [la cible] |||||||||||||||||||||||||| après avoir conclu [la cible] ne « constituait plus une menace pour la sécurité du Canada ».

B. Déposante de 2017

[25] La déposante qui avait présenté un affidavit en 2017 en appui à la demande de mandats faite au juge Mosley (qui les avait décernés), en a présenté un nouveau en août 2020. Elle y a repris les faits – auxquels elle a ajouté des informations – sur lesquels elle s’était fondée pour estimer que [la cible] présentait un danger pour la sécurité du Canada.

[26] La déposante a souligné qu’elle savait que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| la source, mais qu’elle ignorait que cette dernière avait |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||. Elle savait aussi qu|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||, mais ignorait que ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

[27] La déposante a ajouté qu’elle ne savait pas que les activités de la source seraient considérées comme illégales et n’avait pas connaissance de la note de janvier 2017, selon laquelle les activités de la source présentaient des risques élevés.

[28] En outre, la déposante a souligné qu’il n’avait été question ni du problème d’illégalité ni des risques à la réunion du Comité d’examen des mandats tenue le |||||||||||||||||||||| janvier 2017 en préparation à la demande de mandats de 2017.

[29] Dans leurs nouveaux affidavits, les déposantes de 2017 et de 2018 ont affirmé qu’avoir su que les activités des sources pouvaient être illégales, elles auraient soulevé la question et demandé conseil à un avocat au cours de la préparation des demandes de mandats. En outre, elles en auraient avisé la Cour, conscientes de l’obligation de franchise.

III. Observations du procureur général

[30] Le procureur général reconnaît que les activités des […] sources – essentiellement, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| – contrevenaient aux dispositions du Code criminel sur le financement d’activités terroristes, et que les détails connexes auraient dû être communiqués à la Cour. Il reconnaît en outre le manquement à l’obligation de franchise.

[31] Le procureur général ajoute que certaines des activités en cause sont antérieures aux mandats de 2017 et reconnaît que certaines des informations utilisées en 2018 en appui à la demande de mandats avaient été obtenues en vertu des mandats de 2017.

[32] Néanmoins, le procureur général soutient qu’il n’y a pas lieu d’annuler les mandats de 2017 ni de 2018, parce qu’ils auraient pu être décernés en l’absence des informations découlant des activités illégales. Il ajoute que la Cour, sur la foi des autres informations uniquement, aurait pu décider de décerner les mandats.

[33] Subsidiairement, le procureur général est d’avis que, si la Cour statue qu’elle n’aurait pas pu décerner les mandats sans disposer des informations découlant des activités illégales, celles-ci ne devraient pas être exclues.

[34] Il ajoute que l’omission de communiquer les activités illégales n’est pas assimilable à un abus de procédure, soulignant qu’il ne s’agissait pas d’un acte délibéré, mais plutôt le produit de problèmes organisationnels maintenant bien documentés.

A. Mandats de 2017

[35] S’agissant des mandats découlant de la première demande, décernés par le juge Mosley en février 2017, le procureur général souligne que c’est |||||||||||||| que [la cible]|||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, a attiré l’attention du Service. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Celle-ci |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| lui a offert de |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| et, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Celle-là l’a aidé à |||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||| et, |||||||||||||||||||||||||||||||||||| et lui a ||||||||||||||||||||||||||||.

[36] Le procureur général met en relief les informations recueillies par les sources; notamment, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Le procureur général souligne qu’en ||||||||||||||||||, les sources ont fait état |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||.

[37] Le procureur général reconnaît que les informations recueillies par les […] sources ont été utilisées en appui à la demande de mandats faite en 2017, mais que ni la déposante ni l’avocat – dans ses observations – n’ont informé le juge Mosley que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||| sources l’avaient |||||||||||||| et lui avaient offert |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

[38] Le procureur général souligne, comme en a attesté la déposante, que la déposante en 2017 n’était pas au courant des questions juridiques soulevées par certaines activités de la source. Il explique que, dans les bases de données du Service, un seul document traitait de la légalité des activités de la source : la note de janvier 2017, dont la déposante et l’avocat du procureur général n’avaient pas connaissance.

B. Mandats de 2018

[39] Le procureur général reconnaît que le Service a mis à contribution |||||||||||||||||||||||||||||||| et |||||||||||||||||||||||| pour, notamment, [aider à l’enquête]| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Comme l’a souligné la déposante, des interceptions techniques ont révélé que [la cible]|||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

[40] Le procureur général reconnaît que, dans la demandes de mandats faites en 2018, les activités illégales menées par les sources avant la délivrance des mandats de 2017 ou par la suite |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||| et |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||| ne m’avaient pas été signalées.

[41] Le procureur général réitère que ni la déposante ni l’avocat du procureur général n’étaient au courant des questions juridiques soulevées par les activités des sources.

C. Examen des activités des sources

[42] Le procureur général souligne qu’avant de présenter la demande de mandats en février 2017, le Service a passé en revue les dossiers de toutes ses sources humaines pour déterminer quelle serait l’incidence, sur le plan opérationnel, de la cessation des opérations fondées sur des sources humaines présentant des risques élevés. Selon le procureur général, la note de janvier 2017 faisait état de cet examen, qui était une évaluation préliminaire réalisée à la hâte.

[43] Selon l’examen, |||||||||||||||||||||| des sources liées à [la cible]| ||||||||||||||| [le risque associé à la |cessation des activités de la source]. Le procureur général ajoute qu’en 2018, |||||||||||||||||||||||||||||| [le risque avait été réévalué]|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

[44] Il souligne en outre qu’il n’avait pas été question de la légalité des activités des sources humaines lors des réunions du Comité d’évaluation des mandats portant sur les demandes de 2017 et de 2018.

D. Selon le procureur général, la Cour ne devrait pas annuler les mandats décernés en 2017

[45] Le procureur général soutient que, même si les informations découlant d’activités illégales étaient supprimées, il resterait suffisamment d’informations dignes de foi pour que la Cour conclue que les mandats auraient pu être décernés.

[46] D’après le procureur général, l’affidavit présenté à l’appui de la demande en 2017 contenait les informations suivantes, qui ne découlaient pas d’activités illégales.

  • |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

  • ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

  • ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

  • ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

[47] Par ailleurs, le procureur général soutient qu’une analyse contextuelle comme l’a décrite le juge Gleeson, c’est-à-dire qui met en balance, d’une part, la gravité de l’acte criminel et, d’autre part, l’équité et l’intérêt de la collectivité, permettrait à la Cour d’en arriver à la même conclusion : les mandats auraient pu être décernés, et il n’y a pas lieu de supprimer les informations découlant d’activités illégales.

[48] Le procureur général souligne que l’application du cadre établi par le juge Gleeson commence par le discernement des activités illégales, compte tenu des dispositions du Code criminel sur le financement d’activités terroristes. Il reconnaît qu’en fournissant |||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, le SCRS, les […] sources |||||||||||||||||||||||||||||||| ont contrevenu à l’article 83.3. Il soutient toutefois que ces activités étaient légales jusqu’à ce que le Service se rende compte que [la cible] menait des activités terroristes. Même si [la cible] préoccupait déjà le Service en raison de ses déclarations et d’autres comportements, ses agissements n’ont atteint le niveau d’« activités terroristes » qu’en ||||||||||||||||||||, lorsqu [la cible] a exprimé |||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. C’est à ce moment que les comportements de [la cible] sont devenus des « activités terroristes » au sens du Code criminel. Selon le procureur général, avant cette date, il n’était pas illégal pour les sources de lui fournir ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

[49] Le procureur général soutient en outre que les actes illégaux étaient relativement bénins et n’avaient pas été commis sciemment, et que l’omission, par le Service, de reconnaître et de communiquer ces comportements était attribuable à des problèmes organisationnels.

[50] Le procureur général ajoute que le caractère illégal des activités n’est préjudiciable ni à la crédibilité ni à la fiabilité des informations fournies par les sources. Il souligne que les […] personnes étaient les principales sources d’informations sur |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| [la cible] et sur d’autres comportements qui semblaient en voie de s’aggraver, et que le Service |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||.

[51] Le procureur général ajoute que le comportement du Service ne justifie pas l’annulation des mandats de 2017 pour abus de procédure, car il n’a pas omis délibérément de communiquer des informations et n’a pas fait preuve de mauvaise foi.

E. Mandats de 2018

[52] S’agissant des mandats de 2018, le procureur général soutient qu’une fois supprimées les informations découlant d’activités illégales, les autres informations suffiraient pour que la Cour conclue que les mandats auraient pu être décernés.

[53] En premier lieu, selon le procureur général, la Cour dispose de suffisamment d’éléments pour conclure que les mandats de 2018 auraient pu être décernés, si elle détermine qu’il n’y a pas lieu de supprimer les informations découlant des mandats de 2017.

[54] En second lieu, même s’il y a suppression des informations découlant des mandats de 2017 qui ont été obtenues dans le cadre d’activités illégales, il existe d’autres informations sur lesquelles la Cour peut s’appuyer pour conclure que les mandats de 2018 auraient pu être décernés.

[55] Selon le procureur général, la Cour peut s’appuyer sur les éléments de preuve qui font état des opinions extrémistes de [la cible], |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, ainsi que des informations |||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||.

[56] Toutefois, le procureur général reconnaît qu’advenant la suppression de toutes les informations obtenues en vertu des mandats de 2017, il ne resterait pas suffisamment d’éléments permettant d’affirmer que [la cible] présentait une menace pour la sécurité du Canada.

[57] Selon le procureur général, une analyse contextuelle et une mise en balance mèneraient à la même conclusion : il n’y a pas lieu de supprimer les informations découlant des activités illégales.

[58] Le procureur général reconnaît en outre que les sources ont participé à l’exécution des mandats en 2018, notamment en procurant |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

F. Observations consécutives à l’ordonnance du 14 janvier 2021

[59] Pourquoi le Service, qui considérait en 2017 et en 2018 que [la cible] constituait une menace suffisamment grave pour la sécurité du Canada pour demander des mandats || visant, a‑t-il ensuite déterminé qu [la cible] ne représentait plus aucune menace du genre? Le procureur général a expliqué que le Service avait décidé de ne pas demander le renouvellement des mandats en 2019 en raison de l’instance en formation plénière qui se déroulait et de son évaluation de la menace que constituait [la cible] à ce moment.

[60] Selon le procureur général, le Service s’est fondé sur les informations recueillies depuis |||||||||||||||||||| sur les activités et la situation de [la cible] pour déterminer qu [la cible] ne présentait aucun [traduction] « indice de menace pour la sécurité nationale » et qu’en |||||||||||| ||||||||||, il n’existait aucun motif raisonnable de soupçonner qu [la cible] prenait part à des activités constituant une menace pour la sécurité du Canada. Partant, le Service a mis fin à son enquête [sur la cible].

[61] Pourquoi la note de janvier 2017 n’a-t-elle pas été remise à la Cour ni mentionnée avant que le juge Gleeson ait rendu sa décision? Le procureur général souligne que les informations y figurant ont été fournies par plusieurs témoins qui se sont présentés devant la Cour pendant l’instance en formation plénière. Le procureur général relève des extraits de témoignages portant notamment sur l’examen des dossiers des sources humaines effectué par le Service en janvier 2017, selon lequel les activités de certaines d’entre elles avaient pu être criminelles, dans une certaine mesure. Les témoins ont avisé la Cour que, selon cet examen préliminaire, environ [un tiers des] sources humaines du Service entraient dans la catégorie « risques élevés », et que ces risques étaient connus dans les hautes sphères du Service.

[62] Le procureur général reconnaît qu’au cours de l’instance en formation plénière, la Cour n’a pas été avisée des éléments de la note de janvier 2017 qui portaient précisément sur les […] sources en cause dans le dossier [Cas C] (par leur nom de source) ni |||||||||||||||||||||||||||||||||||| dans le dossier [Cas D]. Le procureur général souligne en outre avoir reconnu, au cours de l’instance en question, que les actes de ces sources étaient probablement illégaux.

[63] S’agissant de la raison pour laquelle la note de janvier 2017 n’a pas été communiquée à la Cour, le procureur général explique l’approche qu’il a adoptée quant à la communication des différentes pièces, soulignant que de nombreux documents avaient été présentés. Il ajoute que ce n’est qu’après que le juge Gleeson eut rendu sa décision et que moi-même eus émis mon ordonnance du 16 juin 2020 visant à demander des observations sur l’application en l’espèce des principes et du cadre établis par le juge Gleeson, qu’il a réalisé que la note de janvier 2017 contenait des informations pertinentes qui n’avaient pas été communiquées à la Cour, mais qui auraient dû l’être. Cette découverte l’a amené à présenter, en plus de la note elle-même, un affidavit exposant le contexte de sa préparation.

[64] Selon les amici, l’omission, par le procureur général, de communiquer la note de janvier 2017 avant la conclusion de l’instance en formation plénière constituait un manquement à l’obligation de franchise, ce que ce dernier conteste. Il répète qu’il a communiqué les mêmes informations par l’entremise de témoignages, respectant ainsi l’obligation, et que rien ne permet à la Cour de conclure que lui-même ou le Service ont omis à dessein de communiquer la note de janvier 2017.

IV. Observations des amici

A. Mandats de 2017 et de 2018

[65] Selon les amici, la possibilité que les mandats aient pu être décernés en l’absence des informations obtenues illégalement n’atténue pas la gravité du manquement à l’obligation de franchise. Ils soutiennent qu’il y a lieu d’établir une distinction entre, d’une part, la gravité des actes illégaux (qualifiés de relativement bénins) et, d’autre part, la gravité de l’omission de les communiquer.

[66] Les amici évoquent le paragraphe 195 de la décision du juge Gleeson (2020 CF 616), où il établit trois facteurs et des considérations connexes permettant à la Cour de déterminer s’il y a lieu d’utiliser des informations découlant d’actes illégaux en appui à une demande de mandats : la gravité de l’acte illégal, la possibilité que l’acte soit isolé ou s’inscrive dans un ensemble de comportements, ainsi que l’intérêt de la collectivité.

[67] Les amici soutiennent qu’en l’espèce, les actes illégaux étaient relativement bénins, et que l’aide apportée par les sources n’aurait pas été suffisante pour permettre à [la cible] de mener une quelconque activité terroriste ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

[68] Toutefois, les amici remettent en question la bonne foi du Service dans ses activités, puisque celui-ci était au courant des préoccupations relatives à l’invocation de l’immunité de l’État. Ils soulignent que janvier 2017 a été une période clé : le ministère de la Justice a rédigé un avis énonçant que l’immunité de l’État ne pouvait pas être invoquée, ce qui a entraîné un examen précipité des opérations fondées sur des sources humaines ainsi que des discussions entre le ministère de Justice et le Service. Selon les amici, à compter de janvier 2017, le Service [traduction] « savait parfaitement » qu’il ne pouvait pas compter sur l’immunité de l’État et qu’il était illégal de verser des paiements à des personnes qui menaient des activités terroristes.

[69] Les amici reconnaissent que certains des actes en cause sont antérieurs à janvier 2017, bien qu’une source ait remis |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| à [la cible] en |||||||||||||||||||| 2018.

[70] S’agissant de la possibilité que les activités illégales soient isolées ou s’inscrivent dans un ensemble de comportements, les amici soulignent que la note de janvier 2017, qui n’a été communiquée qu’en septembre 2020, révèle que 35 % des activités de sources humaines du Service présentaient des risques élevés (c.-à-d. qu’elles mettaient probablement en cause une ou plusieurs infractions de terrorisme). Les amici soutiennent que cela fait état d’un ensemble de comportements qui se sont poursuivis avec l’aval du Service.

[71] S’agissant du manquement à l’obligation de franchise, les amici admettent que l’avocat du procureur général et les déposantes n’étaient pas au courant des activités illégales des sources. Ils soulignent toutefois qu’à titre d’institution, le Service en avait connaissance, et évoquent de nouveau la note de janvier 2017, préparée [brièvement] avant la première demande de mandats visant [la cible].

[72] Les amici soutiennent qu’en certaines circonstances, les défaillances organisationnelles et la non-communication – même en l’absence de mauvaise foi – dans le contexte d’une demande de mandats peuvent, et devraient, avoir des répercussions sur les mandats et les informations qu’ils permettent de recueillir.

[73] Cependant, dans les circonstances, il serait difficile de composer une ordonnance réparatoire adaptée. Les amici soutiennent qu’aucune mesure corrective n’est nécessaire, malgré la gravité et l’importance de la non-communication.

B. Observations consécutives à l’ordonnance de janvier 2021 – deux autres questions

[74] De l’avis des amici, le procureur général a donné une réponse insatisfaisante au sujet de la non-communication de la note de janvier 2017, dans la mesure où l’instance en formation plénière portait sur l’obligation de franchise et sur le degré de connaissance, au Service, de l’impossibilité d’invoquer l’immunité de l’État pour justifier des activités illégales. Les amici soulignent que la note de janvier 2017, en raison de son contenu détaillé et du moment où elle a été rédigée, se distingue des autres documents communiqués à la Cour.

[75] Les amici ajoutent qu’en apparence, la non-communication de la note de janvier 2017 pourrait avoir été le fait d’une décision; en effet, des témoins en ont livré une partie du contenu, même si son existence n’a pas été révélée. Autrement dit, la non-communication pourrait ne pas être aussi involontaire que le soutient, en l’espèce, le procureur général.

[76] Les amici sont d’avis que, même involontaire, l’omission de communiquer la note de janvier 2017 constitue, pour le procureur général, une conduite inexcusable dans le contexte de l’instance en formation plénière et de l’espèce, car elle vient aggraver les préoccupations relatives à l’obligation de franchise.

[77] Les amici soutiennent que la note de janvier 2017 aurait dû être communiquée au début de 2019 en même temps que plusieurs autres documents, et que cette omission constitue un autre manquement à l’obligation de franchise.

[78] Les amici reconnaissent toutefois que les informations ont été portées à l’attention de la Cour d’autres manières. Ils soulignent en outre que la Cour a abordé le processus permettant de déterminer l’incidence, sur les mandats, d’informations obtenues illégalement, et a traité, plus généralement, de l’obligation de franchise.

V. Les mandats de 2017 et de 2018 auraient pu être décernés

[79] Dans leurs décisions respectives, les juges Gleeson et Brown ont tous deux souligné l’importance de l’obligation de franchise, tout comme la Cour d’appel fédérale dans 2021 CAF 92, aux paragraphes 120 à 133. Je n’ai rien à ajouter à cet égard.

[80] Je souligne que le Service et le procureur général ont accepté la recommandation du juge Gleeson que soit effectué un examen externe exhaustif « afin de relever l’ensemble des lacunes et des défaillances systémiques, culturelles et liées à la gouvernance qui ont eu pour conséquences que le Service canadien du renseignement de sécurité a mené des activités opérationnelles dont il a reconnu l’illégalité et a manqué à son obligation de franchise ». Après avoir publié le mandat de cet examen le 4 novembre 2020, l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement l’a amorcé. Il portera sur les problèmes organisationnels qui, selon le procureur général, ont contribué à l’omission de communiquer des informations pertinentes au juge Mosley et à moi-même dans le cadre des demandes de mandats en cause.

[81] En l’espèce, il s’agit de déterminer si, sans les informations utilisées en appui aux demandes de mandats décernés en 2017 et en 2018 qui découlaient d’activités illégales, le dossier demeure suffisamment étoffé pour me convaincre que [la cible] représentait une menace grave pour la sécurité et que, partant, les mandats auraient pu être décernés.

[82] Comme l’a souligné le juge Gleeson dans 2020 CF 616, au paragraphe 195, il est préférable que le juge désigné qui a décerné les mandats procède à l’examen a posteriori et détermine s’ils auraient pu être décernés si les informations obtenues illégalement n’avaient pas figuré dans la demande. En l’espèce, il reviendrait au juge Mosley de se prononcer sur les questions pertinentes eu égard aux mandats de 2017. Toutefois, puisque j’ai participé à l’instance en formation plénière et parce que j’ai décerné les mandats de 2018 en partie sur la foi d’informations recueillies en vertu des mandats de 2017, je vais statuer sur l’incidence de la communication tardive d’activités illégales sur les mandats de 2017 et de 2018. Le procureur général ne s’oppose pas à cette démarche, dont le juge Mosley est au courant et qu’il approuve.

[83] Les amici conviennent avec le procureur général que les mandats auraient pu être décernés en 2017 et en 2018, bien qu’ils aient soulevé des préoccupations quant au manquement à l’obligation de franchise, compte tenu, surtout, que le Service se souciait particulièrement en janvier 2017 – voire auparavant – de la possibilité d’invoquer l’immunité de l’État et, advenant que cette possibilité ne s’offre pas, de l’incidence de cet état de fait sur les opérations fondées sur des sources humaines.

[84] Je conviens qu’il y avait lieu de décerner les mandats sur la foi des informations au dossier, sans qu’il soit nécessaire de s’appuyer sur les informations découlant d’activités illégales.

[85] Dans la demande de mandats faite en 2017, la déposante a fait état des déclarations de [la cible]|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Aucune de ces informations ne découlait des activités devenues illégales après le point de bascule ||||||||||||||||||||||||, lorsque [la cible]  |  ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Même si [la cible] n’avait sans doute que peu de moyens – voire aucun – ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, l’incident marquait un changement dans son comportement.

[86] Comme il en a été question plus haut, les informations figurant dans le dernier affidavit de la déposante de 2018, présenté en l’espèce, donnent davantage de détails que ce dont je disposais, de mémoire, au moment de la demande de mandats en 2018, notamment en ce qui concerne ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Toutefois, ces informations concordent avec la preuve qui m’avait été présentée en 2018. À mon avis, même si l’on écarte les informations recueillies |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, il reste suffisamment d’éléments pour me permettre de conclure que j’aurais pu décerner les mandats. À titre d’exemple, [autres informations dans la demande] ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, vont dans le sens d’une menace pour la sécurité du Canada. J’aurais pu décerner les mandats sur la foi de ces informations.

[87] Puisque les mandats auraient pu être décernés, je conviens avec le procureur général et les amici qu’il n’y a pas lieu de prendre de mesure corrective dans les circonstances.

[88] En revanche, je suis aussi d’accord avec les amici : en d’autres circonstances, la Cour pourrait prendre une mesure corrective relativement à la non-communication d’informations essentielles.

[89] S’agissant de ma question sur l’interruption de l’enquête du Service en raison du changement dans l’évaluation de la menace que représentait [la cible], les informations additionnelles qu’a fournies le procureur général concordent avec celles de la déposante, mais sans plus de détails. J’admets que, saisie d’une demande de mandats par le Service, je dois fonder ma décision sur les informations disponibles à ce moment, et que le recul ne saurait justifier de revenir sur une décision cruciale. Comme le soulignent les amici, les activités des sources n’ont pas permis à [la cible] de donner suite à l’une de ses idées. Toutefois, cet exemple met en relief la nécessité, pour la Cour, d’examiner attentivement les demandes de pouvoirs prévus par les mandats en fonction des évaluations des menaces que font peser des personnes qui, heureusement, semblent ne pas disposer des moyens nécessaires pour les concrétiser.

[90] S’agissant de l’omission de communiquer à la Cour la note de janvier 2017 dans le cadre de l’instance en formation plénière, je reconnais que le contenu de la note avait été communiqué en partie par différents témoins. La Cour a été avisée de l’examen et de ses conclusions, notamment que le tiers des opérations fondées sur des sources humaines présentaient des risques élevés. Cela ne lui a pas été dissimulé. Je fais simplement remarquer qu’il est pour le moins étrange que les témoins qui, autrement, ont livré des informations utiles et répondu avec franchise aux questions de la Cour, n’ont même pas mentionné l’existence d’un document qui traitait noir sur blanc des questions mêmes qu’étudiait la Cour dans le cadre de l’instance en formation plénière. Je souligne que la Cour n’a pas été avisée que les sources en cause en l’espèce ([Cas C])) avaient été mentionnées dans l’examen qui a donné lieu à la note de janvier 2017. En outre, fait troublant, aucune des personnes qui connaissaient les résultats de l’examen et l’existence de la note de janvier 2017 n’a fait le lien entre celle-ci et la demande de mandats présentée en février 2017 contre [la cible], fondée sur des informations fournies par […] sources mentionnées dans la note en question.

[91] Cela dit, j’accepte les observations du procureur général. Selon lui, les déposantes et les avocats n’avaient pas connaissance de la note de janvier 2017 aux moments opportuns. En outre, l’omission de reconnaître et de communiquer ladite note dans le contexte de l’instance en formation plénière a échappé à l’attention générale en raison de la recherche et de la présentation de nombreux autres documents, ce qui pourrait être un exemple des problèmes organisationnels ayant trait à la communication d’informations à ceux qui ont besoin de la connaître; j’admets aussi que cette question est actuellement à l’étude. Le procureur général reconnaît que la note de janvier 2017 aurait dû être communiquée. Puisqu’on ne peut pas récrire l’histoire, cette déclaration suffit.

[92] En conclusion, les observations des amici et du procureur général, tout comme les autres affidavits présentés par ce dernier, ont été très utiles pour donner réponses à mes questions.

[93] Je statue que les mandats décernés en 2017 et en 2018 dans l’affaire susmentionnée auraient pu l’être sur la foi des informations qui ne découlaient pas des activités illégales, ce qu’ont reconnu par la suite le Service et le procureur général. Partant, il n’y a pas lieu de détruire ni d’isoler les informations recueillies en vertu des mandats décernés en 2017 et en 2018.

LA COUR ORDONNE que :

  1. Les mandats en cause décernés en 2017 et en 2018 auraient pu l’être sur la foi des informations présentées à la Cour qui ne découlaient pas des activités illégales ultérieurement portées à son attention;

  2. Les informations recueillies en vertu des mandats décernés en 2017 et en 2018 peuvent être conservées.

« Catherine M. Kane »

Juge



COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

||||||||||||||||||||||

INTITULÉ :

DANS L’AFFAIRE d’une demande de mandats présentée par |||||||||||||||||||||||||||||||||| en vertu des articles 12 et 21 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, LRC (1985), c C-23

ET DANS L’AFFAIRE VISANT le TERRORISME ISLAMISTE, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

DATE DES AUDIENCES :

(À HUIS CLOS ET EX PARTE)

|||| FÉVRIER 2018; 21 ET 25 JANVIER 2019; 21 FÉVRIER 2019; 1er ET 2, 12, 29 ET 30 AVRIL 2019; 13 ET 29 MAI 2019; 27 JUIN 2019; 30 JUILLET 2019; 28 AOÛT 2019

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA JUGE KANE

DATE :

7 JUIN 2021

OBSERVATIONS ÉCRITES DATÉES DU 4 ET DU 22 SEPTEMBRE 2020, DU 14 OCTOBRE 2020, DU 10 ET DU 24 FÉVRIER 2021 AINSI QUE DU 2 MARS 2021 EXAMINÉES À OTTAWA (ONTARIO), RELATIVEMENT AU DOSSIER ||||||||||||||||||.

COMPARUTIONS LORS DE L’INSTANCE EN FORMATION PLÉNIÈRE

M. Robert Frater

M. Owen Rees

Mme Gabrielle White

Mme Helene Robertson

Mme Jennifer Poirier

Mme Stéphanie Dion

M. Arlo Litman

M. Timothy Fairgrieve

POUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

M. Gordon Cameron

M. Matthew Gourlay

AMICUS CURIAE

AMICUS CURIAE

M. Brian Gover

M. Stephen Aylward

M. Donald Bayne

REPRÉSENTANTS DE LA DÉPOSANTE

À TITRE RESTREINT
AU COURS DES AUDIENCES

COMPARUTIONS DANS LE DOSSIER ||||||||||||||||||

M. Robert Frater, c.r.

M. Arlo Litman

 

POUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

M. Gordon Cameron

M. Matthew Gourlay

AMICUS CURIAE

AMICUS CURIAE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Blake, Cassels and Graydon

Ottawa (Ontario)

AMICI CURIAE

Henein Hutchison

Toronto (Ontario)

 

 

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