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Date : 20220204


Dossier : T‑1133‑21

Référence : 2022 CF 139

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 4 février 2022

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

MARIA ARYAN

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La demanderesse, Mme Maria Aryan, présente une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision du 17 juin 2021 par laquelle une agente de l’Agence du revenu du Canada [l’ARC] responsable de la conformité des prestations [l’agente] a conclu que la demanderesse n’était pas admissible à la Prestation canadienne de la relance économique [la PCRE].

Contexte

[2] La Loi sur les prestations canadiennes de relance économique, LC 2020, c 12, art 2 [la LPCRE], est entrée en vigueur le 2 octobre 2020 et a établi la PCRE. Cette prestation était offerte afin de fournir un soutien du revenu, pour toute période de deux semaines comprise dans la période commençant le 27 septembre 2020 et se terminant le 23 octobre 2021, aux salariés et aux travailleurs indépendants admissibles qui ont été directement touchés par la pandémie de COVID‑19. L’un des critères d’admissibilité était l’obtention d’un revenu minimal de 5 000 $ provenant de sources désignées au cours de périodes en particulier. Le ministre responsable de la PCRE est le ministre de l’Emploi et du Développement social (LPCRE, art 2, 3 et 4). Cependant, la PCRE est administrée par l’ARC.

[3] La demanderesse a demandé et obtenu la PCRE pour sept périodes de deux semaines entre le 27 septembre 2020 et le 2 janvier 2021. En janvier 2021, elle a tenté de présenter une demande en ligne afin d’obtenir la PCRE pour une huitième période de deux semaines. Cependant, elle a reçu une réponse l’informant qu’il était alors impossible de traiter sa demande, qu’elle avait été sélectionnée afin de faire l’objet d’une validation et que les documents indiqués devaient être fournis pour que la demande puisse être traitée. Cette réponse dressait la liste des documents que doivent fournir les travailleurs indépendants, à savoir des factures pour services rendus, le reçu de paiement pour les services rendus, des documents indiquant les revenus tirés d’un [traduction] « commerce ou d’une entreprise » et tout autre document qui peut confirmer l’obtention d’un revenu d’emploi ou de travail indépendant de 5 000 $.

[4] Le 22 février 2021, la demanderesse a écrit à l’ARC pour l’informer qu’elle avait produit sa déclaration de revenu de 2020 et que celle‑ci indiquait qu’elle avait obtenu le revenu minimal requis en 2020 de son travail indépendant. Dans son affidavit, signé le 11 août 2021 et déposé à l’appui de sa demande de contrôle judiciaire, la demanderesse affirme qu’elle a joint à cette lettre sa déclaration de revenu de 2020 (je souligne cependant que le document joint à sa lettre, à savoir la pièce C de son affidavit, est un avis de cotisation de l’ARC pour 2020, qui précise que sa déclaration de revenu a été produite le 22 février 2021 et que la cotisation a été établie le 4 mars 2021). La demanderesse a demandé un accès en ligne afin de soumettre sa demande de PCRE.

[5] Le 6 avril 2021, la demanderesse a écrit à l’ARC pour l’informer qu’elle avait commencé à exécuter un travail pour son compte en janvier 2020, à savoir la prestation de services à domicile, comme des services de nettoyage, de préparation de repas, de services aux invités et de lavage de vaisselle à un taux horaire comprenant les frais, le pourboire, etc. Elle a affirmé qu’elle avait reçu des paiements en argent comptant. Elle a ajouté qu’en avril 2020, elle s’était inscrite au programme d’assurance‑emploi pour travailleurs autonomes, et qu’en novembre 2020, elle avait ouvert un compte bancaire pour ses activités professionnelles. Elle a joint les documents suivants à sa lettre :

  1. son avis de cotisation de l’ARC pour l’année d’imposition 2020, daté du 4 mars 2021;

  2. un relevé bancaire de la Banque HSBC pour la période s’échelonnant du 7 novembre au 7 décembre 2020;

  3. une copie de la confirmation de son inscription au programme d’assurance‑emploi, dont la date d’entrée en vigueur était le 12 avril 2020.

[6] La demanderesse a également joint à une lettre datée du 23 avril 2021 ses relevés bancaires de la Banque HSBC pour la période s’échelonnant du 7 décembre 2020 au 6 avril 2021.

[7] Le 30 avril 2021, la demanderesse a été informée par l’ARC, à la suite d’une conversation tenue le 23 avril 2021, que cette dernière n’avait pas reçu les documents demandés pour confirmer son admissibilité à la PCRE [la première décision]. L’ARC a conclu que la demanderesse n’était pas admissible à la PCRE, car elle ne répondait pas au critère suivant :

[traduction]

Vous n’avez pas gagné au moins 5 000 $ (avant impôt) en 2019, en 2020 ou au cours des 12 mois précédant la date de votre première demande.

[8] La première décision informait aussi la demanderesse que, si elle était en désaccord avec cette décision, elle pouvait demander une deuxième révision dans les 30 jours suivant la date de la lettre en question. Cette révision serait effectuée par un agent qui n’a pas participé à la prise de la décision relative à la première révision.

[9] Dans une lettre datée du 11 mai 2021, la demanderesse a sollicité une deuxième révision. Elle a affirmé qu’elle avait soumis les documents demandés le 23 avril 2021 et que, selon son avis de cotisation et sa déclaration de revenu de 2020, elle répondait au critère selon lequel elle devait avoir gagné au moins 5 000 $. Elle a de nouveau décrit son emploi et précisé que les documents qu’elle avait soumis indiquaient qu’elle avait gagné un revenu net d’un travail indépendant de 5 350 $ en 2020, qu’elle s’était inscrite au programme d’assurance‑emploi pour travailleurs autonomes en avril, qu’elle avait ouvert un compte bancaire pour son entreprise en novembre 2020 et qu’elle avait fourni des relevés bancaires pour la période s’échelonnant de novembre 2020 à mai 2021. Elle a joint les documents suivants à sa lettre :

  1. une copie de la première décision;

  2. une copie de l’avis de cotisation de l’ARC pour l’année d’imposition 2020, daté du 4 mars 2021, qu’elle avait déjà soumis;

  3. une copie d’une impression d’écran de la cotisation mentionnée plus haut pour l’année d’imposition 2020 provenant du site Web Mon dossier de l’ARC;

  4. une copie de la confirmation de son inscription au programme d’assurance‑emploi, dont la date d’entrée en vigueur était le 12 avril 2020, qu’elle avait déjà soumise;

  5. des copies des relevés bancaires de la Banque HSBC pour la période s’échelonnant du 7 novembre 2020 au 6 avril 2021, et une copie d’un relevé bancaire pour la période s’échelonnant du 7 avril au 6 mai 2021.

[10] Dans une lettre datée du 17 juin 2021, l’agente a indiqué que l’ARC avait refusé la demande qu’avait présentée la demanderesse le 6 avril 2021 en vue d’obtenir une deuxième révision de sa demande de PCRE [la deuxième décision]. La deuxième décision fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

Deuxième décision

[11] La décision est rédigée en ces termes :

[traduction]

L’objectif de la présente lettre est de vous faire part de notre décision concernant votre demande du 6 avril 2021 visant à obtenir une deuxième révision de votre demande de Prestation canadienne de la relance économique (PCRE).

Selon l’évaluation que nous avons effectuée, vous n’êtes pas admissible à la PCRE.

Vous ne répondez pas au critère suivant :

Vous n’avez pas gagné au moins 5 000 $ (avant impôt) en 2019, en 2020 ou au cours des 12 mois précédant la date de votre première demande.

Comme vous ne répondez pas aux critères d’admissibilité à la PCRE, toute demande de PCRE ultérieure sera rejetée, sauf si vous êtes en mesure de prouver que vous répondez aux critères d’admissibilité.

Si vous avez reçu un paiement de PCRE auquel vous n’aviez pas droit, vous devrez le rembourser.

[12] La deuxième décision précisait également que, si la demanderesse était en désaccord avec cette décision, elle pouvait présenter à notre Cour une demande de contrôle judiciaire dans les 30 jours suivant la date de la lettre.

Dispositions législatives applicables

Loi sur les prestations canadiennes de relance économique, LC 2020, c 12, art 2 [la LPCRE ou la Loi]

Définitions

2 Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

COVID‑19 La maladie à coronavirus 2019. (COVID‑19)

[…]

ministre Le ministre de l’Emploi et du Développement social. (Minister)

Sa Majesté Sa Majesté du chef du Canada. (Her Majesty)

[…]

Admissibilité

3 (1) Est admissible à la prestation canadienne de relance économique, à l’égard de toute période de deux semaines comprise dans la période commençant le 27 septembre 2020 et se terminant le 23 octobre 2021, la personne qui remplit les conditions suivantes :

[…]

d) dans le cas d’une demande présentée en vertu de l’article 4 à l’égard d’une période de deux semaines qui débute en 2020, ses revenus provenant des sources ci‑après, pour l’année 2019 ou au cours des douze mois précédant la date à laquelle elle présente sa demande, s’élevaient à au moins cinq mille dollars :

[…]

e) dans le cas d’une demande présentée en vertu de l’article 4, par une personne qui n’est pas visée à l’alinéa e.1), à l’égard d’une période de deux semaines qui débute en 2021, ses revenus provenant des sources mentionnées aux sous‑alinéas d)(i) à (v) pour l’année 2019 ou 2020 ou au cours des douze mois précédant la date à laquelle elle présente sa demande s’élevaient à au moins cinq mille dollars;

[…]

i) elle a fait des recherches pour trouver un emploi ou du travail à exécuter pour son compte au cours de la période de deux semaines;

[…]

Revenu – travail à son compte

(2) Le revenu visé aux alinéas (1)d) à f) de la personne qui exécute un travail pour son compte est son revenu moins les dépenses engagées pour le gagner.

[…]

Demande

4 (1) Toute personne peut, selon les modalités — notamment de forme — fixées par le ministre, demander une prestation canadienne de relance économique à l’égard de toute période de deux semaines comprise dans la période commençant le 27 septembre 2020 et se terminant le 23 octobre 2021.

(2) Aucune demande ne peut être présentée plus de soixante jours après la fin de la période de deux semaines à laquelle la prestation se rapporte.

[…]

Attestation

5 (1) Sous réserve des paragraphes (2) à (5), la personne atteste, dans sa demande, qu’elle remplit chacune des conditions d’admissibilité visées aux alinéas 3(1)a) à n).

Exception — alinéas 3(1)d) et e)

(2) Une personne n’est pas tenue d’attester de ses revenus visés aux alinéas 3(1)d) et e) si elle a déjà reçu une prestation au titre de la présente loi et qu’elle atteste de ce fait.

[…]

Obligation de fournir des renseignements

6 Le demandeur fournit au ministre tout renseignement que ce dernier peut exiger relativement à la demande.

Versement de la prestation

7 Le ministre verse la prestation canadienne de relance économique à la personne qui présente une demande en vertu de l’article 4 et qui y est admissible.

Question préliminaire

[13] À titre préliminaire, les observations écrites du défendeur indiquent que le ministre du Revenu national a été désigné à tort en tant que défendeur dans la présente demande de contrôle judiciaire. L’avocat du défendeur soutient qu’en raison du fait que le ministre du Revenu national n’est pas directement touché par la décision, qui a été prise par l’ARC au nom du ministre de l’Emploi et du Développement social, la partie défenderesse appropriée est le procureur général du Canada, conformément à l’article 303 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106.

[14] À l’audition de la présente affaire, la demanderesse a fait savoir qu’elle était d’accord avec le défendeur à cet égard, et je le suis aussi. Par conséquent, je vais ordonner de modifier l’intitulé et de désigner comme défendeur le procureur général du Canada au lieu du ministre du Revenu national (Hasselsjo v Canada (Attorney General), 2021 CanLII 89551 (CF), au para 2).

Questions en litige et norme de contrôle

[15] Bien que la demanderesse présente différentes observations à l’appui de sa prétention selon laquelle la deuxième décision n’était pas raisonnable, équitable, intelligible et justifiée, et ne tenait pas compte des répercussions difficiles qu’elle entraînait sur ses moyens de subsistance, après avoir examiné ses observations dans leur ensemble, j’estime que la seule question qu’il convient de trancher en l’espèce consiste à savoir si la deuxième décision était raisonnable.

[16] Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable au bien‑fondé de la décision est celle de la décision raisonnable, et je suis d’accord avec elles (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 23 [Vavilov].

Analyse

[17] Essentiellement, dans ses observations, la demanderesse fait valoir qu’il était déraisonnable que l’agente fasse abstraction des documents qu’elle a soumis pour prouver qu’elle avait gagné un revenu net d’un travail indépendant de 5 350 $, et qu’elle n’accepte pas ces documents, à savoir son avis de cotisation de 2020 délivré par l’ARC et la copie d’une impression d’écran de la cotisation pour l’année d’imposition 2020 provenant du site Web Mon dossier de l’ARC. Elle soutient que, selon ces documents, elle a établi qu’elle répondait au critère selon lequel elle devait avoir gagné au moins 5 000 $, et pouvait par conséquent demander et obtenir la PCRE. Selon la demanderesse, le refus d’accepter sa cotisation d’impôt sur le revenu comme preuve de revenu suffisante et la décision de demander plutôt des éléments de preuve supplémentaires indiquant qu’elle avait gagné et reçu le revenu est contraire à l’objet de la LPCRE, qui vise à appuyer la relance économique en réponse à la pandémie de COVID‑19.

[18] Le défendeur a déposé l’affidavit que Mme Christine Perun, l’agente responsable de la conformité des prestations de l’ARC qui a rendu la deuxième décision, a signé le 10 septembre 2021 [l’affidavit de l’agente]. La demanderesse a déposé un contre‑interrogatoire écrit s’appuyant sur l’affidavit de l’agente, et a reçu les réponses écrites de l’agente, qui ont été rédigées sous serment le 1er octobre 2021.

[19] L’affidavit de l’agente décrit le processus général que suivent les agents de l’ARC lorsqu’ils valident une demande de PCRE. Plus précisément :

[TRADUCTION]

  1. sur présentation d’une demande, le demandeur reçoit un message l’informant que sa demande fait l’objet d’un examen et comprenant un numéro de téléphone sans frais auquel il peut téléphoner;

  2. le demandeur téléphone à l’ARC et demande à parler à un agent de validation de la Prestation canadienne d’urgence;

  3. l’agent passe en revue les exigences d’admissibilité à la PCRE avec le demandeur et tente de déterminer s’il répond aux critères. Un document intitulé [traduction] « Confirmation de l’admissibilité à la PCU, à la PCRE, à la PCMRE ou à la PCREPA » [les lignes directrices sur la PCRE] est joint en tant que pièce A à l’affidavit de l’agente. Selon l’agente, ce document aide les agents de l’ARC à déterminer si un demandeur est admissible à la PCRE;

  4. au besoin, l’agent peut demander au demandeur de fournir des documents ou des renseignements supplémentaires avant de déterminer s’il est admissible à la PCRE;

  5. s’il est conclu que le demandeur n’a pas droit à la PCRE, l’agent l’en informe au moyen d’une lettre, qui précise au demandeur qu’il a le droit de faire réviser la décision par un autre agent de l’ARC – la deuxième révision;

  6. si le demandeur demande une deuxième révision, l’affaire est renvoyée à un autre agent de l’ARC qui n’a pas déjà participé au traitement du dossier. L’agent responsable de la révision examine les renseignements à sa disposition, y compris les nouvelles observations et les nouveaux documents fournis par le demandeur. Au besoin, l’agent responsable de la révision communique avec le demandeur pour lui demander de fournir d’autres documents à l’appui;

  7. lorsque cette révision est terminée, l’agent tire une conclusion indépendante sur la question de savoir si le demandeur a droit à la PCRE. S’il est conclu que le demandeur n’a pas droit à la PCRE, un rapport décrivant en détail les motifs du refus est préparé et le demandeur est avisé de la décision de l’agent responsable de la révision au moyen d’une lettre. Cette lettre informe également le demandeur qu’il a le droit de présenter à la Cour fédérale une demande de contrôle judiciaire dans les 30 jours suivant la date de l’avis relatif à l’admissibilité.

[20] L’affidavit de l’agente indique aussi que l’agent de l’ARC initialement saisi de la demande et les autres agents de l’ARC participant à la validation d’une demande de PCRE consignent leurs conclusions, leurs notes et leurs échanges avec le demandeur dans le bloc‑notes d’observations relatives aux cotisations spéciales de l’ARC [le bloc‑notes des cotisations spéciales].

[21] L’agente affirme que, dans la présente affaire, les entrées pertinentes du bloc‑notes des cotisations spéciales, y compris les entrées qu’elle a elle‑même effectuées, sont reproduites dans la section [traduction] « Observations de la base de données sur les cotisations spéciales » du rapport sur la deuxième révision, analyse de cas pour la PCRE [le rapport sur la deuxième révision], qu’elle a préparé après qu’il a été conclu que la demanderesse n’avait pas droit à la PCRE. Une copie du rapport sur la deuxième révision est jointe en tant que pièce à son affidavit, et se trouve aussi dans le dossier certifié du tribunal.

[22] Je souligne que, tout comme les notes du Système mondial de gestion des cas utilisé par les agents d’immigration, le rapport sur la deuxième révision fait partie des motifs de l’agente (Sedoh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1431, au para 36; Ezou c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 251, au para 17; McClintock’s Ski School & Pro Shop Inc c Canada (Procureur général), 2021 CF 471, au para 26; Vavilov, aux para 94‑98).

[23] Le rapport sur la deuxième révision précise que, pendant un appel téléphonique qui a eu lieu le 26 mars 2021, le premier agent de l’ARC a conseillé à la demanderesse de fournir d’autres documents, car les renseignements qu’elle avait fournis ne constituaient pas une preuve de revenu suffisante. Au cours d’un appel téléphonique qui a eu lieu le 4 avril 2021, la demanderesse (par l’entremise de son époux) s’est fait demander si elle avait des reçus ou des factures pour les services qu’elle avait fournis, et l’agent s’est fait répondre qu’il n’y en avait pas, car la demanderesse avait reçu des paiements en argent comptant pour tous ses services. Quant à la question de savoir comment la demanderesse faisait connaître ses services, l’agent s’est fait répondre que c’était par le bouche‑à‑oreille. Quant à la question de savoir s’il était possible de fournir des relevés bancaires pour prouver la perte de revenu alléguée, l’agent s’est fait répondre qu’il était possible de les fournir, mais que la demanderesse et son époux avaient un compte conjoint et que la majorité du revenu de la demanderesse avait été déposée dans son compte personnel uniquement à partir de novembre 2020, lors de l’ouverture de ce compte personnel.

[24] Le premier agent de l’ARC mentionne, le 28 avril 2021, qu’il a examiné les relevés bancaires fournis par la demanderesse pour les mois de janvier, de février, de mars et d’avril 2021. Cependant, il a été impossible d’établir le revenu que la demanderesse avait gagné en 2019, en 2020 ou au cours des 12 derniers mois. La demanderesse a déclaré qu’elle avait reçu des paiements en argent comptant pour tous ses services et qu’elle faisait connaître ses services par le bouche‑à‑oreille, grâce à des membres de sa famille et à des amis. Le premier agent a conclu que les services à domicile fournis par la demanderesse semblaient constituer un revenu intermittent, et non un travail pour son compte. Le premier agent a conclu que les documents de la demanderesse étaient insuffisants et ne prouvaient pas le respect du critère selon lequel elle devait avoir gagné au moins 5 000 $.

[25] Quant à la deuxième révision, l’agente mentionne que la cotisation d’impôt sur le revenu de 2020 et les relevés bancaires de décembre 2020 à avril 2021 ont été examinés, mais qu’elle a conclu que la demanderesse n’avait pas droit à la PCRE, car elle n’avait pas prouvé qu’elle avait gagné un revenu d’au moins 5 000 $ avant la première période de prestations. Les relevés bancaires fournis par la demanderesse montraient seulement quelques transferts vers le compte bancaire ou à partir de celui‑ci, et rien ne pouvait confirmer de qui provenait cet argent ni prouver que l’argent avait été gagné avant le mois de mars 2020. La demanderesse n’a fourni aucune facture pour les services, faisait connaître ses services par le bouche‑à‑oreille et a affirmé qu’elle avait reçu des paiements uniquement en argent comptant. Les notes relatives à la deuxième révision précisent que, pour que la demanderesse ait droit à la PCRE, l’ARC aurait besoin de relevés bancaires et de factures concordant avec les montants (qui seraient un revenu gagné), ainsi que d’éléments de preuve indiquant que la demanderesse continuait de chercher du travail. Une ventilation des dépenses de l’entreprise serait aussi nécessaire. L’agente a conclu que la demanderesse n’avait pas droit à la PCRE, car la demanderesse avait affirmé qu’elle n’était pas en mesure de fournir les documents nécessaires pour confirmer son revenu.

[26] À mon avis, le dossier démontre que l’agente a tenu compte de tous les documents fournis par la demanderesse, ainsi que des explications de celle‑ci quant aux raisons pour lesquelles ces documents ne démontrent pas son revenu pendant la période pertinente. En outre, dans le contre‑interrogatoire écrit de l’agente, la demanderesse a demandé pourquoi l’agente [traduction] « n’avait pas tenu compte des lettres et des explications de Maria Aryan lorsqu’elle avait effectué la révision ». L’agente a répondu que la révision s’appuyait sur des documents et que les lettres avaient été prises en compte, mais qu’ils ne fournissaient pas les renseignements nécessaires pour soutenir l’allégation de la demanderesse concernant le revenu qu’elle a déclaré avoir gagné.

[27] Ainsi, contrairement aux observations de la demanderesse, je ne suis pas convaincue que l’agente qui a effectué la deuxième révision a fait abstraction de tout renseignement fourni par la demanderesse. Rien ne tourne non plus autour du fait que les notes de la deuxième révision indiquent que cette révision a commencé le 9 juin 2021 et qu’une lettre de décision a été envoyée le 10 juin 2021, tandis qu’en réponse au contre‑interrogatoire écrit, l’agente a répondu [traduction] « cinq jours » à la question de savoir combien de temps elle avait consacré en tout à la révision de l’affaire et à la prise de sa décision. Ce qui est pertinent est la question de savoir si l’agente a tenu compte de tous les documents fournis à l’appui de la demande, et je suis convaincue que c’est le cas, au vu du dossier.

[28] De même, la demanderesse s’oppose à la déclaration de l’agente selon laquelle les relevés bancaires fournis ne prouvaient pas que le revenu avait été gagné [traduction] « avant mars 2020 ». Si je comprends bien son observation, elle affirme que, dans sa situation, la période pendant laquelle elle doit avoir gagné le revenu minimal de 5 000 $ correspond à la période de 12 mois précédant la présentation de sa première demande de PCRE (en vertu de l’art 3(1)d) de la LPCRE), à l’égard de la période de deux semaines qui a débuté le 27 septembre 2020. À mon avis, l’agente aurait pu définir la période pertinente de façon plus précise, mais là encore, cela importe peu. Selon la conclusion pertinente de l’agente, les relevés bancaires fournis, qui présentent en détail les dépôts en argent et par virement électronique entre novembre 2020 et mai 2021, ne prouvent pas l’origine des montants déposés ni les dates auxquelles ces revenus ont été gagnés. Il en est ainsi peu importe si la période pendant laquelle le revenu doit avoir été gagné correspond à la période de 12 mois [traduction] « avant mars 2020 » ou avant le 27 septembre 2020.

[29] En outre, j’estime qu’il est impossible de retenir l’argument principal de la demanderesse selon lequel l’agente était tenue d’accepter sa cotisation d’impôt sur le revenu de 2020 comme preuve de revenu.

[30] Premièrement, l’article 6 de la LPCRE prévoit explicitement que le demandeur doit fournir au ministre de l’Emploi et du Développement social tout renseignement que ce dernier peut exiger relativement à la demande.

[31] Deuxièmement, les lignes directrices sur la PCRE traitent de la preuve requise pour établir que le demandeur a gagné le revenu minimal de 5 000 $ pour avoir droit à la PCRE. Ces lignes directrices précisent que, pour avoir droit aux prestations, le demandeur doit avoir gagné au moins 5 000 $ en 2019 ou au cours des 12 mois précédant la date de sa demande. Les agents doivent s’appuyer sur [traduction] « leur jugement, leur expérience et leur expertise » pour déterminer si une preuve est requise. Si le demandeur n’est pas en mesure de fournir les documents demandés, l’agent doit travailler avec le demandeur pour déterminer quels autres documents acceptables il peut avoir à sa disposition.

[32] Les lignes directrices sur la PCRE indiquent que le revenu gagné doit être un revenu d’emploi ou de travail indépendant. Il est possible d’établir ceci en consultant la déclaration de revenu de 2019, plus précisément les revenus d’un travail indépendant figurant aux lignes 13499 et 14299 (revenu brut) et aux lignes 13500 à 14300 (revenu net). Si le demandeur n’a pas gagné au moins 5 000 $ en 2019, l’agent doit lui demander, d’une part, s’il a travaillé et gagné un revenu entre le 1er janvier 2020 et la date de la demande de prestations et, d’autre part, la source du revenu et le montant gagné. Le document précise ceci : [traduction] « Si vous déterminez que des documents sont requis, indiquez au demandeur les documents qu’il doit fournir pour prouver qu’il a gagné au moins 5 000 $ au cours des 12 derniers mois. »

[33] En ce qui concerne le revenu de travail indépendant, le document indique ce qui suit :

[traduction]

Revenu de travail indépendant

Les propriétaires de petites entreprises peuvent recevoir un revenu de leur entreprise de différentes façons, notamment sous la forme d’un salaire, de revenu d’entreprise ou de dividendes.

Si le propriétaire d’une petite entreprise exploite une entreprise personnelle, il facture ses services à ses clients à son propre nom. S’il exploite une entreprise enregistrée, il facture ses services à ses clients au nom de son entreprise. Si l’entreprise a un nom différent de celui du propriétaire, il faut un compte bancaire distinct pour l’entreprise.

Facteurs à prendre en compte pour les propriétaires de petites entreprises :

Ont‑ils des cartes d’affaires pour faire connaître leur entreprise?

Font‑ils de la publicité (p. ex. kijiji, Marketplace, Craigslist, leur propre site Web)?

Cherchent‑ils activement des possibilités d’emploi?

Ont‑ils un numéro d’entreprise enregistré?

Exécutent‑ils régulièrement des travaux, et ces travaux sont‑ils effectués pour des personnes non liées?

Reçoivent‑ils toujours leurs paiements en argent comptant ou ont‑ils des preuves qu’ils effectuent le suivi des heures de travail et des paiements?

Exemple 1 :

Le demandeur veut inclure des services de « promenade de chiens » comme revenu. Il devrait être en mesure de fournir à ses clients des factures (en temps réel) indiquant la date à laquelle les services ont été rendus, le nom du client (le type d’animal ou le nombre d’animaux), le coût du service et le mode de paiement.

Exemple 2 :

La demanderesse veut soumettre des reçus confirmant qu’elle a fourni des services de garde d’enfants. Les reçus ou les factures devraient préciser le nom du parent, le nom des enfants et l’adresse de la personne à laquelle elle a fourni des services. Les coordonnées de la demanderesse (y compris son numéro d’assurance sociale) devraient être inscrites sur le reçu afin que le client puisse déduire des frais de garde d’enfants.

[…]

Preuve acceptable :

facture des services rendus, pour les travailleurs autonomes ou les sous‑traitants. Par exemple, une facture pour la prestation de services de peinture ou de nettoyage, etc. La facture doit comprendre la date à laquelle les services ont été fournis, le nom du client et le nom du demandeur ou de l’entreprise;

documents confirmant la réception du paiement pour les services fournis (p. ex. relevé de compte ou facture de vente indiquant un paiement et le solde dû);

documents indiquant les revenus tirés d’un « commerce ou d’une entreprise » à titre d’entreprise individuelle, d’entrepreneur indépendant ou d’une certaine forme de partenariat;

contrats;

une liste des dépenses justifiant les gains nets;

une preuve de publicité;

tout autre document qui confirme l’obtention d’un revenu de travail indépendant de 5 000 $.

[34] Par conséquent, il était loisible au premier agent de l’ARC de demander à la demanderesse de fournir des documents supplémentaires afin de prouver qu’elle avait gagné un revenu minimal de 5 000 $ au cours de la période pertinente, ce qui constitue un critère d’admissibilité à la PCRE. En outre, il ressort du dossier que les demandes formulées à la demanderesse en vue d’obtenir des documents à l’appui concordaient avec les demandes proposées dans les lignes directrices sur la PCRE et le [traduction] « script » des réponses aux questions fréquemment posées, qui se trouve dans le dossier certifié du tribunal.

[35] Aucun élément de preuve n’appuie l’argument de la demanderesse selon lequel l’agente était tenue d’accepter sa cotisation d’impôt sur le revenu de 2020 comme seule et unique preuve faisant foi de son revenu. Bien que les cotisations d’impôt sur le revenu soient des documents permettant de fournir à l’ARC des renseignements sur le revenu en ce qui concerne l’admissibilité à la PCRE, ils ne « prouvent » pas que la demanderesse a réellement gagné le revenu indiqué dans sa déclaration de revenu ni que son revenu provenait d’une source admissible avant le 27 septembre 2020, en application des sous‑alinéas 3(1)d)(i) à 3(1)d)(v) de la LPCRE.

[36] Dans ses réponses au contre‑interrogatoire écrit, l’agente affirme qu’elle a tenu compte du revenu indiqué dans la cotisation d’impôt sur le revenu de 2020 de la demanderesse, mais elle précise que l’ARC exige des documents étayant le revenu indiqué dans la déclaration de revenu de la demanderesse. En outre, dans leur formation, les agents apprennent qu’ils ne doivent pas accepter la déclaration de revenu du contribuable comme seule et unique preuve de revenu. L’agente a donné l’explication suivante : [traduction] « La déclaration de revenu est un document résultant d’une autoévaluation, et en tant que responsables de la révision, nous devons nous assurer que le contribuable a bel et bien gagné et reçu le revenu déclaré, comme le ferait un vérificateur. »

[37] À la question de savoir pourquoi l’agente a demandé une preuve de revenu à la demanderesse, l’agente a répondu qu’elle devait obtenir une preuve de revenu documentaire pour terminer la révision. L’agente s’est aussi fait demander si elle avait tenu compte, dans sa révision, du revenu et des déductions du revenu pour les années d’imposition 2017 à 2020, selon ce qui est inscrit dans le système informatique de l’ARC, puis sur quels motifs elle s’était appuyée pour tirer sa conclusion. L’agente a répondu qu’après avoir examiné les déclarations de revenus de la demanderesse pour ces années d’imposition (selon les documents du dossier certifié du tribunal, la demanderesse a déclaré un revenu d’emploi minime en 2017, en 2018 et en 2019 (31 $, 1 $ et 273 $, respectivement)), compte tenu du fait que la demanderesse ne pouvait pas fournir les documents appropriés (c.‑à‑d. des relevés bancaires accompagnés des factures ou des reçus correspondants) pour justifier son revenu de 2020, elle ne pouvait pas confirmer que la demanderesse avait réellement reçu cet argent en 2020. L’agente a répété que la décision ne s’appuyait pas uniquement sur la déclaration de revenu produite par la demanderesse. L’ARC avait besoin de documents justifiant le revenu déclaré pour respecter le processus de révision d’une demande de PCRE, dans lequel les documents occupent une place prépondérante.

[38] Je mentionne ici, au passage, que le rapport sur la deuxième révision traite explicitement du revenu que la demanderesse a déclaré en 2019 et en 2020. Pour l’année d’imposition 2019, le rapport renvoie à la ligne 12100 (intérêts et autres revenus de placements), à laquelle figure un montant de 273 $. Pour l’année d’imposition 2020, le rapport renvoie à la ligne 13000 (autres revenus, à savoir des prestations versées par l’État), à laquelle figure un montant de 20 000 $, ainsi qu’à la ligne 13499 (revenus nets d’un travail indépendant), à laquelle figure un montant de 5 350 $. Ainsi, l’agente a tenu compte du revenu d’emploi de la demanderesse indiqué dans sa déclaration de revenu de 2020, conformément aux exigences énoncées dans les lignes directrices sur la PCRE relativement à l’année d’imposition 2019.

[39] La demanderesse soutient que les lignes directrices sur la PCRE n’exigent pas que l’agent effectue la vérification du revenu et de la déclaration de revenu du demandeur. C’est exact, mais l’agente n’a pas prétendu effectuer une vérification de l’impôt sur le revenu. Son rôle était de valider la demande de PCRE de la demanderesse au nom du ministre de l’Emploi et du Développement social, et non d’effectuer une vérification de l’impôt sur le revenu au nom du ministre du Revenu national. L’agente a simplement mentionné que la déclaration de revenu produite annuellement est une forme d’autoévaluation, qui peut faire l’objet d’une vérification. Ainsi, le contribuable déclare lui‑même le revenu gagné, et la déclaration de revenu qu’il produit est assujettie à un examen de l’ARC visant à confirmer les revenus autodéclarés.

[40] Par conséquent, contrairement à l’avis exprimé par la demanderesse, l’agente n’a pas prétendu effectuer une vérification de l’impôt sur le revenu de la demanderesse pour l’année d’imposition 2020, et la cotisation de l’impôt sur le revenu de 2020 de celle‑ci ne constitue ni la [traduction] « meilleure preuve concluante », ni une confirmation de l’ARC du fait qu’elle a gagné et reçu le revenu qu’elle a autodéclaré en 2020. La demanderesse fait aussi valoir qu’en raison du fait que sa déclaration de 2020 n’a pas fait l’objet d’une vérification, son revenu autodéclaré est implicitement prouvé et doit être accepté comme tel par l’agente. Là encore, je ne suis pas d’accord.

[41] À mon avis, l’agente avait le droit de demander des documents justifiant le revenu d’entreprise de 5 350 $ déclaré par la demanderesse pour déterminer si celle‑ci avait droit à la PCRE. Lorsqu’elle a comparu devant moi, la demanderesse a indiqué qu’aucun membre du personnel de l’ARC ne l’avait informée des documents requis. Je tiens d’abord à souligner que la demanderesse n’a pas affirmé dans sa demande de contrôle judiciaire qu’elle avait été privée d’équité procédurale. Quoi qu’il en soit, le dossier établit que le premier agent a informé la demanderesse des types de documents à l’appui pouvant être fournis. La demanderesse avait alors répondu qu’elle n’avait aucun autre document que ceux déjà soumis.

[42] Enfin, la demanderesse soutient que l’ARC a tenu compte de son revenu de 2020, indiqué dans sa déclaration de revenu de 2020, pour réduire son allocation canadienne pour enfants, qu’elle en a fait abstraction pour réviser sa demande de PCRE. C’est possible, mais cela n’est pas pertinent en ce qui concerne la décision de l’agente. En outre, bien que la demanderesse ait joint à son affidavit un document qu’elle dit être une impression d’écran de la page de l’allocation canadienne pour enfants provenant de son dossier de l’ARC, ce document ne se trouve pas dans le dossier certifié du tribunal et, dans son affidavit, l’agente précise qu’elle n’a pas examiné ce document pour prendre sa décision, car il n’a pas été mis à sa disposition pendant la révision. Je souligne que, généralement, les documents dont ne disposait pas le décideur ne sont pas admissibles lors du contrôle judiciaire (Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22, au para 19). J’ajoute que, même si ces documents n’étaient pas accessibles lorsque l’agente a effectué la révision, comme la demanderesse l’a affirmé lorsqu’elle a comparu devant moi, cela n’est pas non plus pertinent en ce qui concerne la décision de l’agente sur l’admissibilité à la PCRE.

[43] En conclusion, je suis convaincue que l’agente a raisonnablement demandé des documents supplémentaires à la demanderesse, conformément aux directives énoncées dans les lignes directrices sur la PCRE, et que la demanderesse était tenue de fournir ces documents en application de l’article 6 de la LPCRE. La demanderesse n’a pas fourni les documents requis (factures, reçus, etc.) ni aucun autre document prouvant qu’elle répondait aux critères d’admissibilité à la PCRE. Elle s’est appuyée uniquement sur sa cotisation d’impôt sur le revenu de 2020, qui a été produite à partir des revenus d’un travail indépendant qu’elle a elle‑même déclarés, sur des relevés bancaires pour la période s’échelonnant de novembre 2020 au 6 mai 2021, qui, selon l’agente, n’indiquaient pas clairement les paiements pour des services et ne confirmaient pas la source du revenu déclaré en 2020 – conclusion que la demanderesse ne conteste pas –, ainsi que sur son inscription au programme d’assurance‑emploi. La demanderesse n’a fourni aucun document qui aurait permis de connaître les noms des clients auxquels elle a fourni des services, de préciser les dates auxquelles ces services ont été fournis et de décrire ces services, de préciser le taux horaire qu’elle a facturé pour ses services, de donner des renseignements sur la tenue de documents se rapportant à la prestation de ces services, le montant des paiements pour ces services et les modes de paiement, ou tout autre document démontrant qu’elle a réellement offert les services en question et a été rémunérée en contrepartie. Je ne souscris pas non plus à l’argument que la demanderesse a présenté devant moi, à savoir qu’il est déraisonnable de s’attendre à ce qu’elle ait conçu et appliqué une méthode de tenue de documents permettant de justifier le revenu qu’elle a gagné, car elle est une travailleuse autonome qui n’a pas constitué son entreprise en personne morale.

[44] Le dossier établit également que l’agente a tenu compte des documents fournis par la demanderesse, mais qu’elle a conclu qu’ils n’étaient pas suffisants pour prouver que la demanderesse avait réellement gagné et reçu un revenu d’entreprise de 5 350 $ en 2020, comme elle l’a déclaré. En outre, l’agente a tenu compte des explications de la demanderesse quant au manque de documents à l’appui. Ainsi, l’agente a conclu que la demanderesse n’avait pas établi qu’elle avait droit à la PCRE.

[45] Comme la demanderesse est la partie qui conteste la décision, il lui incombe de démontrer que la deuxième décision est déraisonnable. À cet égard, la Cour doit être convaincue « qu’elle souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence » (Vavilov, au para 100). D’après les motifs, la preuve et le dossier dont je suis saisie, je ne suis pas convaincue que la demanderesse s’est acquittée du fardeau qui lui incombe.

[46] J’estime, compte tenu des circonstances, que la décision de l’agente est raisonnable. La demande de contrôle judiciaire est par conséquent rejetée.

Dépens

[47] Le défendeur a demandé des dépens dans le cas où la demande est rejetée, et il a demandé l’autorisation de soumettre un projet de mémoire de dépens et des observations connexes à l’appui. J’estime que l’affaire n’était pas complexe et qu’il serait préférable que les parties arrivent à s’entendre sur un paiement forfaitaire et qu’elles informent la Cour de leur entente afin qu’il soit possible d’adjuger des dépens conformément à celle‑ci. Si les parties n’arrivent pas à s’entendre dans les dix jours suivant la décision, le défendeur soumettra un projet de mémoire de dépens et de brèves observations connexes à l’appui (comptant au plus deux pages). Dans les dix jours suivant la présentation du mémoire de dépens du défendeur, la demanderesse pourra fournir une brève réponse écrite (comptant au plus deux pages).

 


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T‑1133‑21

LA COUR STATUE :

  1. L’intitulé est modifié et le procureur général du Canada est désigné comme défendeur au lieu du ministre du Revenu national.

  2. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  3. Si les parties n’arrivent pas à s’entendre sur un paiement forfaitaire pour les dépens, dans les dix jours suivant la présente décision, le défendeur soumettra un projet de mémoire de dépens et de brèves observations connexes à l’appui (comptant au plus deux pages). Dans les dix jours suivant la présentation du mémoire de dépens du défendeur, la demanderesse pourra fournir une brève réponse écrite (comptant au plus deux pages).

« Cecily Y. Strickland »

Juge

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1133‑21

 

INTITULÉ :

MARIA ARYAN c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE AU MOYEN DE ZOOM

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 JANVIER 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DES MOTIFS :

LE 4 FÉVRIER 2022

 

COMPARUTIONS :

Maria Aryan

 

POUR LA DEMANDERESSE

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Laurent Bartleman

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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