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Date : 20220207


Dossier : T-1718-21

Référence : 2022 CF 146

Ottawa (Ontario), le 7 février 2022

En présence de la juge responsable de la gestion de l'instance, Mireille Tabib

ENTRE :

JOCELYNE MURPHY ET

SHERRY RAFAI FAR

demanderesses

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1] Les demanderesses sont des fonctionnaires du gouvernement canadien, assujetties à la Politique sur la vaccination contre la COVID-19 applicable à l’administration publique centrale, y compris à la gendarmerie royale du Canada (ci-après, la « PVO »). Cette politique exige que tous les employés de l’administration publique soient entièrement vaccinés contre la COVID-19 à moins que des mesures d’adaptation ne soient justifiées. Les demanderesses ne sont pas vaccinées et ne bénéficient d’aucune des mesures d’adaptation prévues à la PVO. En conséquence de leur statut vaccinal, elles ont été mises en congé administratif non payé à compter du 15 novembre 2021, et ce, jusqu’à ce qu’elles se conforment à la PVO.

[2] Les demanderesses ont entrepris la présente demande de contrôle judiciaire, visant à faire déclarer la PVO invalide, à les rétablir dans leurs fonctions rétroactivement au 15 novembre 2021 et à leur accorder des dommages en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés de la personne. Par la présente requête, le Procureur général demande la radiation de la demande de contrôle judiciaire au motif qu’elle est prématurée, les demanderesses ayant fait défaut d’épuiser la procédure de grief prévue à la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral, LC 2003, c 22 (la « Loi »).

[3] Pour les motifs qui suivent, la requête est accordée et la demande est radiée.

I. Sommaire des prétentions des parties

[4] Les demanderesses reconnaissent qu’à titre d’employées nommées pour une période indéterminée et régies par la Convention collective du Praticien du droit, elles ont accès au mécanisme de grief individuel prévu par la convention collective et par la Loi. Chacune d’entre elles a d’ailleurs entrepris un grief le 6 décembre 2021, dans lequel elles réclament essentiellement les mêmes réparations que celles recherchées dans la demande, à l’exception d’une déclaration générale d’illégalité de la PVO. Il est aussi admis que le grief n’a pas encore été déterminé.

[5] Le Procureur général plaide qu’en vertu d’une jurisprudence constante, le défaut pour un demandeur d’épuiser les recours administratifs disponibles justifie le rejet d’une demande, à moins de circonstances exceptionnelles.

[6] En réponse, les demanderesses plaident :

  1. Que la jurisprudence sur laquelle s’appuie le Procureur général ne s’applique que lorsqu’il a été démontré, à la satisfaction de la Cour, que le recours administratif en question est disponible, adéquat et efficace, et que le mécanisme de grief n’est, dans les circonstances particulières de la cause, ni disponible, ni adéquat ou efficace ;

  2. Qu’à tout événement, la Cour devrait autoriser la poursuite du contrôle judiciaire en raison de circonstances exceptionnelles, notamment parce que la jurisprudence reconnaît le droit par une personne directement touchée de contester, par contrôle judiciaire et à tout moment, la légalité d’une politique gouvernementale.

[7] Ainsi, la Cour définit comme suit les questions à être déterminé dans la présente requête :

  1. Le mécanisme de grief en l’instance est-il disponible, adéquat et efficace ?

  2. Si le mécanisme de grief est disponible, adéquat et efficace, existe-t-il des circonstances exceptionnelles qui justifieraient de permettre la poursuite du contrôle judiciaire ?

II. Analyse

A. Le mécanisme de grief en l’instance est-il disponible, adéquat et efficace ?

(1) Les requêtes en rejet et le principe de l’épuisement des recours

[8] Même si les parties s’entendent quant aux principes de droit généraux applicables aux requêtes pour rejet pour cause de prématurité, il est utile de rappeler ici ces principes de base.

[9] L’arrêt David Bull Laboratories (Canada) Inc. c Pharmacia Inc. [1995] 1 CF 588 (CA) établit le pouvoir de la Cour de radier un avis de demande sur une requête préliminaire. Le fardeau qui repose sur la partie requérante, en l’instance le Procureur général, est de démontrer que l’avis de demande est « manifestement irrégulier au point de n’avoir aucune chance d’être accueilli ». Il s’agit d’un lourd fardeau, exigeant la démonstration que la demande est affectée d’un vice si fondamental qu’il infirmerait à la base la capacité de la Cour à instruire la demande (Ataur Rahman c Commission des relations de travail dans la fonction publique 2013 CAF 117 au para 8).

[10] Le défaut par le demandeur d’avoir épuisé les recours administratifs efficaces qui lui sont ouverts constitue un tel vice fondamental qui justifie le rejet de la demande au stade préliminaire en l’absence de circonstances exceptionnelles : C. B. Powell Limited c Canada (Agence des services frontaliers), 2010 CAF 61, au para 31 :

La doctrine et la jurisprudence en droit administratif utilisent diverses appellations pour désigner ce principe : la doctrine de l’épuisement des recours, la doctrine des autres voies de recours adéquates, la doctrine interdisant le fractionnement ou la division des procédures administratives, le principe interdisant le contrôle judiciaire interlocutoire et l’objection contre le contrôle judiciaire prématuré. Toutes ces formules expriment la même idée : à défaut de circonstances exceptionnelles, les parties ne peuvent s’adresser aux tribunaux tant que le processus administratif suit son cours. Il s’ensuit qu’à défaut de circonstances exceptionnelles, ceux qui sont insatisfaits de quelque aspect du déroulement de la procédure administrative doivent exercer tous les recours efficaces qui leur sont ouverts dans le cadre de cette procédure. Ce n’est que lorsque le processus administratif a atteint son terme ou que le processus administratif n’ouvre aucun recours efficace qu’il est possible de soumettre l’affaire aux tribunaux. En d’autres termes, à défaut de circonstances exceptionnelles, les tribunaux ne peuvent intervenir dans un processus administratif tant que celui‑ci n’a pas été mené à terme ou tant que les recours efficaces qui sont ouverts ne sont pas épuisés.

[11] Cependant, et conformément au principe selon lequel l’existence d’un vice fondamental doit être clair, la Cour ne peut radier un avis de demande pour prématurité si elle n’est pas certaine qu’un recours est possible ailleurs, maintenant ou plus tard, et que ce recours est approprié et efficace (Canada (Revenu national) c. JP Morgan Asset Management (Canada) Inc., 2013 CAF 250, au paragraphe 91).

[12] Une jurisprudence constante, à commencer par l’arrêt de principe Vaughan c Canada, 2005 CSC 11 de la Cour suprême du Canada, a considéré et conclu que le régime de grief individuel prévu à l’article 208 de la Loi, même sans possibilité de recours à l’arbitrage, constitue un recours adéquat et efficace pour déterminer des différends liés aux relations de travail : Gupta c Canada (Procureur général) 2021 FCA 202 ; McCarthy c Canada (Procureur général) 2020 CF 930; Nosistel c Canada (Procureur général) 2018 CF 618 ; Bron c Canada (Procureur général) 2010 ONCA 71 ; et plus récemment, dans le cadre d’une requête en injonction interlocutoire, Wojdan et al v Canada (Attorney General) 2021 FC 1341.

[13] Les demanderesses affirment cependant que cette jurisprudence ne trouve pas application en l’espèce puisque le mécanisme de grief de l’article 208 de la Loi ne leur est pas disponible, en raison des exceptions prévues aux paragraphes 208(4) et 208(6) de la Loi, et qu’il ne serait pas efficace en raison de l’incertitude quant à leur accès à l’arbitrage. À tout le moins, plaident les demanderesses, l’incertitude quant à l’application de ces limites fait en sorte que la disponibilité et l’efficacité du recours n’est pas claire et que la Cour devrait refuser de radier la demande de façon préliminaire.

[14] Les premières étapes de l’analyse consistent à cerner, d’abord, la nature et l’étendue du recours administratif en question, et ensuite, la véritable nature de la présente demande. En effet, ce n’est qu’une fois celle-ci bien comprise qu’il sera possible de déterminer si un grief à son sujet est ouvert, et si ce grief y apporterait une résolution adéquate et efficace.

(2) Le recours prévu par la Loi

[15] La Loi prévoit plusieurs mécanismes de grief pour résoudre les différends qui peuvent survenir dans les relations de travail des fonctionnaires. Certains griefs ne sont ouverts qu’au syndicat duquel l’employé est membre, certains sont ouverts aux salariés à titre individuel, d’autres encore leur sont accessibles à titre individuel, mais à condition d’avoir l’appui du syndicat. Une fois tous les paliers de la procédure de grief épuisés, la Loi prévoit que certains différends peuvent être référés à une procédure d’arbitrage devant un arbitre indépendant.

[16] Les dispositions pertinentes de la Loi se lisent comme suit :

208 (1) Sous réserve des paragraphes (2) à (7), le fonctionnaire a le droit de présenter un grief individuel lorsqu’il s’estime lésé :

208 (1) Subject to subsections (2) to (7), an employee is entitled to present an individual grievance if he or she feels aggrieved

a) par l’interprétation ou l’application à son égard :

(a) by the interpretation or application, in respect of the employee, of

(i) soit de toute disposition d’une loi ou d’un règlement, ou de toute directive ou de tout autre document de l’employeur concernant les conditions d’emploi,

(i) a provision of a statute or regulation, or of a direction or other instrument made or issued by the employer, that deals with terms and conditions of employment, or

(ii) soit de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

(ii) a provision of a collective agreement or an arbitral award; or

b) par suite de tout fait portant atteinte à ses conditions d’emploi.

(b) as a result of any occurrence or matter affecting his or her terms and conditions of employment.

[…]

(4) Le fonctionnaire ne peut présenter de grief individuel portant sur l’interprétation ou l’application à son égard de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale qu’à condition d’avoir obtenu l’approbation de l’agent négociateur de l’unité de négociation à laquelle s’applique la convention collective ou la décision arbitrale et d’être représenté par cet agent.

(4) An employee may not present an individual grievance relating to the interpretation or application, in respect of the employee, of a provision of a collective agreement or an arbitral award unless the employee has

the approval of and is represented by the bargaining agent for the bargaining unit to which the collective agreement or arbitral award applies.

[…]

(6) Le fonctionnaire ne peut présenter de grief individuel portant sur une mesure prise en vertu d’une instruction, d’une directive ou d’un règlement établis par le gouvernement du Canada, ou au nom de celui-ci, dans l’intérêt de la sécurité du pays ou de tout État allié ou associé au Canada.

[…]

(6) An employee may not present an individual grievance relating to any action taken under any instruction, direction or regulation given or made by or on behalf of the Government of Canada in the interest of the safety or security of Canada or any state allied or associated with Canada.

(7) Pour l’application du paragraphe (6), tout décret du gouverneur en conseil constitue une preuve concluante de ce qui y est énoncé au sujet des instructions, directives ou règlements établis par le gouvernement du Canada, ou au nom de celui-ci, dans l’intérêt de la sécurité du pays ou de tout État allié ou associé au Canada.

(7) For the purposes of subsection (6), an order made by the Governor in Council is conclusive proof of the matters stated in the order in relation to the giving or making of an instruction, a direction or a regulation by or on behalf of the Government of Canada in the interest of the safety or security of Canada or any state allied or associated with Canada.

 

209 (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire qui n’est pas un membre, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

209 (1) An employee who is not a member as defined in subsection 2(1) of the Royal Canadian Mounted Police Act may refer to adjudication an individual grievance that has been presented up to and including the final level in the grievance process and that has not been dealt with to the employee’s satisfaction if the grievance is related to

[…]

[…]

 

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

(b) a disciplinary action resulting in termination, demotion, suspension or financial penalty;

 

 

236 (1) Le droit de recours du fonctionnaire par voie de grief relativement à tout différend lié à ses conditions d’emploi remplace ses droits d’action en justice relativement aux faits — actions ou omissions — à l’origine du différend.

236 (1) The right of an employee to seek redress by way of grievance for any dispute relating to his or her terms or conditions of employment is in lieu of any right of action that the employee may have in relation to any act or omission giving rise to the dispute.

(2) Le paragraphe (1) s’applique que le fonctionnaire se prévale ou non de son droit de présenter un grief et qu’il soit possible ou non de soumettre le grief à l’arbitrage.

(2) Subsection (1) applies whether or not the employee avails himself or herself of the right to present a grievance in any particular case and whether or not the grievance could be referred to adjudication.

(3) La nature du recours des demanderesses

[17] En l’instance, les circonstances, la nature de la décision contestée et les réparations demandées – même si elles ne sont pas toutes disponibles dans le cadre de contrôle judiciaire – révèlent la nature véritable de la demande. Les demanderesses ont été mises en congé administratif sans solde en raison de leur refus de se conformer à la PVO. L’avis de demande cherche à faire déclarer la PVO invalide ab initio et à accorder aux demanderesses les réparations découlant d’une telle déclaration, incluant le rétablissement rétroactif dans leurs droits, (y compris leurs salaires et bénéfices) et des dommages en vertu de la Charte.

[18] Ainsi, l’essence de la demande est la légalité de la PVO, mais dans le contexte de son application aux demanderesses, résultant en leur mise en congé sans solde. La demande porte donc sur l’interprétation et l’application de la PVO à l’égard des demanderesses, par suite de leur mise en congé sans solde.

(4) L’ouverture à la procédure de grief et les arguments des demanderesses

[19] La PVO étant une directive ou un document de l’employeur qui porte atteinte aux conditions d’emploi des demanderesses, il est manifeste que l’objet de la demande tombe dans le cadre du paragraphe 208(1) de la Loi et ouvre droit au grief. Les demanderesses soumettent cependant que deux des paragraphes de l’article 208, soit les paragraphes 208(4) et 208(6), font obstacle à la recevabilité de leur grief. Le paragraphe 208(4) interdit le grief individuel portant sur l’interprétation ou l’application à l’égard du fonctionnaire de toute disposition d’une convention collective, à moins qu’il ne soit approuvé par le syndicat. Les demanderesses affirment que leur grief porte sur la légalité de la PVO par rapport à l’interprétation ou à l’application de certains articles de la convention collective, mais que leur demande d’appui auprès du syndicat a été expressément rejetée, de sorte que le paragraphe 208(4) de la Loi fait obstacle à la recevabilité de leur grief. Quant au paragraphe 208(6), il interdit le recours au grief portant sur une mesure prise par le gouvernement dans l’intérêt de la sécurité du pays. Les demanderesses soumettent que ce paragraphe trouve application, puisque les déclarations du Premier Ministre et de plusieurs autres membres du Gouvernement indiquent que la PVO a été prise « dans l’intérêt du pays ».

[20] Finalement, les demanderesses soumettent qu’elles ne pourront se voir accorder des dommages en vertu de la Charte que si elles ont accès à la procédure d’arbitrage prévu à l’article 209 de la Loi. Or, pour y avoir accès, il faudra que leur mise en congé sans solde soit considérée comme « une mesure disciplinaire entraînant […] la suspension ou une sanction pécuniaire », tel que prévu au paragraphe 209(1) b). Selon les demanderesses, la conséquence de la non-conformité à la PVO, soit la mise en « congé administratif sans solde » est un concept vague et non-défini qui n’équivaut pas clairement à une mesure disciplinaire, ce qui rend ambiguë l’ouverture éventuelle à l’arbitrage.

[21] La Cour examinera d’abord si l’irrecevabilité possible du grief en vertu des paragraphes 208(4) ou (6) de la Loi est un facteur pertinent pour déterminer de la disponibilité du recours administratif.

[22] En second lieu, la Cour considérera si le défaut possible d’accès à l’arbitrage rendrait la procédure de grief inadéquate ou inefficace dans les circonstances.

[23] Ce n’est qu’une fois ces deux questions déterminées que la Cour se penchera, au besoin, sur le mérite de la position des demanderesses à l’effet que les paragraphes 208(4) et 208(6) de la Loi s’appliqueraient pour faire obstacle à la recevabilité du grief.

(5) La pertinence de l’application possible des paragraphes 208(4) et 208(6)

[24] Le gouvernement a mis sur pied un mécanisme de grief exhaustif visant à résoudre les différends liés aux conditions d’emploi de plus d’un quart de millions de fonctionnaires à son emploi (Vaughan para 1). La jurisprudence reconnaît la nécessité de respecter l’intégrité et l’efficacité de ces recours en refusant d’entendre des contestations relevant des relations de travail tant que ce mécanisme n’est pas épuisé, et encore, seulement dans le cadre limité du contrôle judiciaire (Vaughan, para 2). Ce principe, établi dans Vaughan, a été affirmé et codifié en 2003 par l’introduction de l’article 236 de la Loi. Cet article déclare expressément que (sauf l’exception définie au paragraphe 236(3) qui n’est pas pertinent l’instance), les droits de grief d’un fonctionnaire prévu par la Loi relativement à tout différend lié à ses conditions d’emploi remplacent tous les droits d’action en justice qu’il aurait autrement eus à l’égard de ces circonstances, qu’il se soit ou non prévalu de ses droits et qu’il soit possible ou non de soumettre le grief à l’arbitrage. Selon l’arrêt Bron, cette clause privative expresse prive les tribunaux de leur compétence résiduelle d’entendre les différends liés aux conditions de travail des fonctionnaires régis par la Loi (Bron, aux paras 28 à 33 ; voir aussi : Alliance de la fonction publique du Canada c Canada (Procureur général) 2020 CF 481, para 64 et 65 (AFPC 2020)). Ce n’est que lorsqu’il y a une lacune dans le régime prévu par la loi, ou une circonstance qui n’a pas été prévue par la législation, que la Cour peut exercer sa compétence inhérente (Bron, para 32, Fraternité des préposés à l’entretien des voies – Fédération du réseau Canadien Pacifique c Canadien Pacifique Ltée, [1996] 2 RCS 495, paras 8 et 10).

[25] Le législateur, en élaborant les mécanismes de grief prévus par la Loi, a jugé opportun d’imposer certaines limites ou réserves aux droits prévus à l’article 208. Tout comme les limites imposées aux types de griefs pouvant être référés à l’arbitrage, les réserves imposées par les paragraphes 208(2) à (7) au droit de grief individuel font partie inhérente de la procédure de grief. L’interprétation de ces limites et la détermination à savoir si elles doivent recevoir application dans les circonstances particulières d’un grief sont du ressort exclusif de l’autorité des griefs. Lorsqu’un différend est manifestement lié à ses conditions d’emploi, le fonctionnaire a l’obligation de se tourner vers la procédure de grief pour en déterminer. Il serait insensé et illogique de le soustraire à cette obligation au motif que cette même procédure prévoit délibérément certaines limites qui pourraient rendre le grief irrecevable.

[26] Les demanderesses plaident qu’elles devraient avoir recours directement aux tribunaux parce que la recevabilité de leur grief, tel que libellé ou eut égard aux objectifs visés par la PVO, est potentiellement restreint ou limité en application des paragraphes 208(4) et 208(6) de la Loi. Ce faisant, elles demandent à la Cour de les libérer des restrictions expressément prévues par la Loi et de leur accorder un accès privilégié aux tribunaux pour faire trancher des questions pour lesquelles le législateur a expressément écarté un droit de recours. Dans la mesure où le véritable objet de la présente demande n’est pas susceptible de faire l’objet d’un grief, ce n’est pas en raison d’une lacune dans la Loi ou de circonstances que le législateur n’a pas prévues, mais en raison de l’application même des dispositions expresses de la Loi. Ainsi, à supposer même que le grief des demanderesses serait, en tout ou en partie, rejeté en application des paragraphes 208(4) ou (6) de la Loi, cela ne signifierait pas que le recours au grief est inadéquat ou inefficace, mais que la Loi ne permet tout simplement pas la contestation des questions telles que soulevées dans le grief.

[27] En appliquant le test voulant que la Cour puisse exercer sa compétence inhérente ou sa discrétion résiduelle dans les cas où il n’existe pas de recours administratif adéquat ou efficace, il ne faut pas confondre la capacité pour le recours de résoudre le différend de façon adéquate et, s’il y a un droit, d’offrir un redressement efficace, et une garantie pour le fonctionnaire d’obtenir la résolution ou la réparation qu’il recherche. Le différend peut être résolu de façon adéquate par la détermination qu’il n’est pas sujet à contestation et que la réparation recherchée ne peut en conséquence être accordée.

[28] Les demanderesses n’ont attiré l’attention de la Cour que sur une seule décision dans laquelle la Cour a refusé de rejeter au stade préliminaire un contrôle judiciaire en matière de relations de travail régies par la Loi, au motif d’un doute quant à l’ouverture au grief : Alliance de la fonction publique du Canada c Canada (Procureur général) 2019 CF 892 (AFPC 2019). Il faut cependant noter que ce recours avait été entrepris par le syndicat, et non par un employé à qui le droit au grief individuel était clairement ouvert. La demande concernait l’interprétation d’un protocole d’entente intervenu entre le syndicat et le gouvernement pour régler de multiples griefs. Le protocole d’entente n’était ni une convention collective ni une décision arbitrale, et les mécanismes prévus aux articles 215 et 220 de la Loi pour qu’un syndicat puisse loger un grief n’étaient pas clairement applicables. La Cour a donc pris en considération qu’aucune des dispositions de la Loi ne prévoyait de recours clair et obligatoire traitant de cette situation précise. Le présent cas est entièrement différent. Ici, les demanderesses sont des fonctionnaires à qui le droit de loger un grief individuel est clairement ouvert en application du paragraphe 208(1), et qui plus est, obligatoire en vertu de l’article 236. Il n’y a pas ici d’incertitude quant à l’ouverture à la procédure de grief, seulement quant à sa recevabilité eu égard aux exceptions prévues.

[29] En conclusion, la véritable nature de la demande concerne l’application d’une directive de l’employeur concernant les conditions d’emploi, par suite de l’application de cette directive aux demanderesses de façon à porter atteinte à leurs conditions d’emploi. La Cour est satisfaite que, dès lors que le Procureur général a établi que les demanderesses sont des fonctionnaires ayant accès aux mécanismes de grief prévu au paragraphe 208(1), il a rempli son fardeau d’établir l’existence d’un recours adéquat et efficace pour résoudre la demande, nonobstant la possibilité ou même la certitude que ce grief serait rejeté en application d’une des exceptions prévues au paragraphe 208(2) à (7).

(6) L’accès à la procédure d’arbitrage

[30] Pour ce qui est de la prétention des demanderesses à l’effet que les remèdes prévus par le mécanisme de grief ne sont pas efficaces, puisqu’en l’absence d’accès à l’arbitrage elles ne pourront obtenir de dommages en vertu de la Charte, cette prétention est aussi mal fondée. La jurisprudence est uniforme à l’effet que le recours administratif n’a pas à offrir toutes les réparations disponibles dans un processus judiciaire pour être efficace. Il suffit qu’il puisse apporter une solution au problème (Vaughan, paras 35-36 ; Weber c Ontario Hydro [1995] 2 RCS 929). Il n’est pas contesté que le décideur des griefs aurait compétence pour évaluer les arguments de nature constitutionnelle soumis par les demanderesses ou pour octroyer une réparation équivalente à la réintégration rétroactive. Le fait qu’il ne puisse rendre une déclaration générale d’invalidité ou accorder des dommages en vertu de la Charte ne rend pas le grief inefficace. Il est aussi à noter que même la Cour fédérale n’a pas le pouvoir d’octroyer des dommages en vertu de l’article 24 de la Charte dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire (18.1(3) de la Loi sur les Cours fédérales, RCS 1985 c F-7, Collin c Lussier, [1985] 1 F.C. 124).

(7) Analyse de la position des demanderesses quant à l’application des paragraphes 208(4) et (6)

[31] Dans la mesure où la Cour faisait erreur, et que la possibilité qu’un grief puisse être exclu en application des paragraphes 208(4) ou (6) doit être prise en considération pour déterminer si le mécanisme de grief est disponible, la Cour note que le fardeau de démontrer que le recours n’est clairement pas disponible incombe aux demanderesses.

[32] En effet, dans la décision APFC 2020, la Juge Kane, qui était saisie du mérite du contrôle judiciaire suivant la décision AFPC 2019, a conclu que les doutes quant à l’existence du recours administratif en faveur du syndicat ne suffisaient pas à écarter le principe de l’épuisement des recours (para 76). Elle a entre autres noté que la détermination de la portée des dispositions ouvrant droit au grief par le syndicat ou par les fonctionnaires devait d’abord se faire selon le régime prévu par la Loi (para 83). Dans son analyse, la Juge Kane a considéré l’évolution de la jurisprudence pour conclure qu’« [a]vant de décider d’exercer ou non son pouvoir discrétionnaire d’instruire la présente demande, la Cour doit d’abord être convaincue que le recours à la procédure de règlement des griefs n’est pas possible et que cette procédure n’offrirait aucune réparation ».

[33] Ainsi, et comme le suggère aussi l’arrêt Lebrasseur c Canada 2007 FCA 330, au para 19, lorsqu’il est établi qu’une personne est éligible à se prévaloir d’un régime de présentation de griefs établi par une loi, il appartient au demandeur, et non au défendeur qui cherche à faire rejeter la demande pour prématurité, d’établir que le recours n’est clairement pas disponible. Cette conclusion s’impose, puisque de conclure autrement et d’ouvrir le recours aux tribunaux dès lors qu’une question se pose quant à la recevabilité d’un grief aurait pour effet de passer outre au régime exhaustif voulu par le législateur. Ce serait de demander à la Cour de préjuger de la recevabilité du grief et d’usurper le rôle du décideur de grief quant à l’interprétation et à l’application des dispositions régissant les mécanismes de grief.

[34] Les demanderesses n’ont pas rencontré leur fardeau de démontrer que leurs griefs sont clairement exclus par les paras 208(4) ou (6) de la Loi. Qui plus est, et sans préjuger de l’issue du grief, les arguments que font valoir les demanderesses quant à l’irrecevabilité possible de leur grief en raison des paragraphes 208 (4) ou (6) sont d’un mérite douteux.

[35] Le paragraphe 208(4) interdit le grief individuel portant sur l’interprétation ou l’application à l’égard d’un fonctionnaire de toute disposition d’une convention collective, à moins d’avoir l’appui du syndicat. Les demanderesses prétendent que, parce qu’elles ont soulevé, dans leurs griefs, des questions portant sur la validité de la PVO en lien avec certaines dispositions de leur convention collective, le recours au grief individuel leur est soit indisponible ou indûment restreint. Or, les motifs de contestation soulevés dans l’avis de demande tombent dans trois catégories distinctes : la contravention à la Charte ; la contravention à la convention collective ; et l’illégalité en raison d’autres motifs de droit administratif, tels un défaut de compétence, un manquement aux principes de justice naturelle, ou une décision arbitraire, déraisonnable, abusive, entachée de fraude ou d’illégalité.

[36] Manifestement, le mécanisme de grief individuel permettrait aux demanderesses de faire valoir leurs arguments relatifs à la Charte et aux motifs de droit administratif. Il n’est pas clair sur quoi se fondent les demanderesses pour dire que l’accès au grief individuel serait entièrement bloqué parce que l’un des trois chefs de contestation possibles tombe sous le coup du paragraphe 208(4). Les demanderesses n’ont ni plaidé, ni démontré, que leurs arguments portant sur la convention collective sont si intimement liés aux autres chefs de contestation que ces derniers ne peuvent être soulevés ou tranchés sans référence à la convention collective. Deux des trois dispositions de la convention collective soulevées par les demanderesses sont des clauses clarificatrices, établissant que l’employeur retient tous les droits et autorités qui ne sont pas précisément modifiés ou restreints par la convention collective (art. 5.01), et que rien dans la convention collective ne peut être interprété comme diminuant ou restreignant les droits constitutionnels (art. 6.01). La troisième est une clause générale garantissant que les juristes ne feront pas l’objet de discrimination, de harcèlement ou de mesures disciplinaires en raison des caractéristiques individuelles énumérées (art. 36.01). Les demanderesses n’ont pas identifié quel droit garanti par cette clause, et qui n’est pas autrement garanti par la Charte, serait enfreint par la PVO. Ainsi, la référence par les demanderesses à une quelconque contravention à la convention collective semble être, au mieux, d’un intérêt marginal, et au pire, l’un de ces plaidoyers habiles visant à faire paraître la question en litige comme relevant de la convention collective alors qu’il n’est rien.

[37] Le paragraphe 208(6) de la Loi exclut aussi le recours au grief individuel portant sur une mesure prise par le gouvernement du Canada « dans l’intérêt de la sécurité du pays ou de tout État allié ou associé au Canada ». L’argument des demanderesses à l’effet que leur grief pourrait être rejeté en application de ce paragraphe n’est pas fondé sur une déclaration concluante dans la PVO, mais sur des déclarations du Premier Ministre et d’autres membres du gouvernement à l’effet que la PVO vise à préserver « la santé » ou « la sécurité » des fonctionnaires, de leurs familles, de leurs voisins, des communautés dans lesquelles ils vivent, ou même plus largement, « des Canadiens ». L’argument des demanderesses semble confondre le concept de santé et de sécurité des citoyens et celui de la sécurité du pays. L’expression « sécurité du pays » a été considérée par la Cour suprême dans l’affaire Suresh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2002 CSC 1, aux paras 84 à 86. Bien que le contexte dans lequel l’expression était utilisée est bien différent des relations de travail, la Cour suprême a distingué les questions de sécurité du pays et celles de sécurité du public. Les premiers référents à la sécurité du Canada en tant qu’État, et donc, à la sécurité de sa constitution, de ses institutions, de son gouvernement, de son territoire, de son indépendance ou de la paix avec les autres pays, alors que les secondes réfèrent à la sécurité des personnes. Ce sont, selon la Cour suprême, des concepts qui peuvent se chevaucher, mais qui sont tout de même distincts.

[38] Les demanderesses trouvent appui à leurs prétentions dans la décision au troisième palier d’un grief institué par un autre fonctionnaire. Le décideur dans ce grief soulève effectivement un article de la convention collective qui semble reproduire fidèlement le texte du paragraphe 208(6) de la Loi, en enchaînant que les objectifs visés par le gouvernement par la PVO étaient de « préserver la santé et la sécurité des fonctionnaires et des collectivités où ils vivent et travaillent ». Contrairement à ce que prétendent les demanderesses, il n’est pas du tout clair que le décideur conclut que la disposition de la convention collective s’applique pour faire échec au grief dans ce cas. En effet, la décision ne fait que noter l’article pertinent de la convention collective et les objectifs de la PVO, sans pourtant tirer de conclusion, et en poursuivant : « Cela étant dit, j’ai examiné attentivement les informations présentées dans votre présentation de grief. […] ». Le décideur finit par conclure : « Conséquemment, à la lumière de l’information que vous m’avez transmise, votre grief et les mesures correctives demandées sont rejetés au troisième palier. »

[39] La Cour est donc satisfaite, même en considérant les arguments soulevés par les demanderesses quant à l’application possible des paragraphes 208(4) ou (6) de la Loi, que le mécanisme de grief prévu à la Loi n’est pas clairement exclu. En l’absence de circonstances exceptionnelles, la demande est vouée à l’échec, les demanderesses étant tenues de se prévaloir de la procédure de grief avant de pouvoir s’adresser à la Cour fédérale en contrôle judiciaire.

B. Existe-t-il des circonstances exceptionnelles qui justifieraient de permettre la poursuite du contrôle judiciaire ?

[40] Les demanderesses ont soulevé plusieurs facteurs qui, selon elles, constituent des circonstances exceptionnelles qui justifieraient de permettre la poursuite du contrôle judiciaire, notamment : l’importance de la question de droit à trancher; le peu d’expertise particulière des décideurs de grief en matière de droits garantis par la Charte; l’intérêt de faire déterminer rapidement une question qui affecte un grand nombre d’employés des secteurs publics et privés au Canada; la longueur des procédures de grief à multiples paliers, y compris un possible recours pour contester le refus du syndicat de déposer un grief de principe ou d’appuyer le grief individuel; le préjudice financier et moral subi par les demanderesses en attendant l’issue du recours, et le fait que de se conformer à la PVO en se faisant vacciner est un geste irréversible.

[41] Tel que mentionné au paragraphe 33 de l’arrêt CB Powell, « très peu de circonstances peuvent être qualifiées d’« exceptionnelles ». […] Les meilleurs exemples de circonstances exceptionnelles se trouvent dans les très rares décisions récentes dans lesquelles les tribunaux ont accordé un bref de prohibition ou une injonction contre des décideurs administratifs avant le début de la procédure ou au cours de celle-ci. Les préoccupations soulevées au sujet de l’équité procédurale ou de l’existence d’un parti pris, de l’existence d’une question juridique ou constitutionnelle importante ou du fait que toutes les parties ont accepté un recours anticipé ou tribunaux ne constituent pas des circonstances exceptionnelles permettant aux parties de contourner le processus administratif […] ».

[42] Les demanderesses prétendent que le paragraphe 42 de l’arrêt Strickland c. Canada (Procureur général), 2015 2 RCS 713 vient nuancer les critères énoncés dans CB Powell, au point de permettre à la Cour de considérer « la commodité de l’autre recours, la nature de l’erreur alléguée, la nature de l’autre tribunal qui pourrait statuer sur la question et sa faculté d’accorder une réparation, l’existence d’un recours adéquat et efficace devant le tribunal déjà saisi du litige, la célérité, l’expertise relative de l’autre décideur, l’utilisation économique des ressources judiciaires et les coûts ». Les demanderesses font une lecture erronée de ce paragraphe : les facteurs mentionnés par la Cour suprême dans cet extrait sont des facteurs que la Cour doit considérer afin de décider s’il existe un autre recours approprié, et non pour décider s’il existe des circonstances exceptionnelles permettant d’écarter cet autre recours. C’est aussi à tort que les demanderesses invoquent le concept de la prépondérance des inconvénients comme faisant partie du cadre d’analyse applicable à l’existence de circonstances exceptionnelles. Aucune jurisprudence n’appuie cet argument, qui va clairement à l’encontre des enseignements de CB Powell.

[43] Selon la jurisprudence, de tous les facteurs soulevés par les demanderesses, seuls ceux reliés à l’urgence et à l’existence d’un préjudice irréparable seraient susceptibles de rencontrer le critère élevé permettant de qualifier des circonstances d’exceptionnelles. Jamais les autres facteurs soulevés pas les demanderesses n’ont été cités comme justifiant l’intervention prématurée de la Cour.

[44] Les faits soumis par les demanderesses pour établir l’existence d’une urgence ou de préjudice irréparable ne sont pas distinct de ceux qui ont été soulevés, sans succès, au soutient de demandes d’injonction interlocutoire dans Wojdan, (ci-haut) et Lavergne-Poitras c Canada (Procureur général), 2021 CF 1232. Dans ces deux cas, des travailleurs soumis à des politiques de vaccination obligatoire plaidaient le caractère irréparable de la vaccination. Dans les deux cas, la Cour a noté que les politiques en jeu, tout comme la PVO d’ailleurs, ne forcent pas les employés à se faire vacciner, mais simplement à choisir entre la vaccination et la perte de leurs salaires et bénéfices, voir même de leur emploi dans le cas de Lavergne-Poitras. Dans les deux cas, la Cour a conclu que la perte de salaire ou d’un emploi ne constitue pas un préjudice irréparable, puisque les pertes subies sont susceptibles d’être compensées par l’octroi de dommages-intérêts. Quant aux affirmations des demanderesses à l’effet que la situation qu’elles vivent leur cause stress, anxiété et angoisse, il ne s’agit, comme en a conclu la Cour dans l’affaire Lavergne-Poitras, que d’affirmations générales, d’hypothèses et de spéculations qui ne suffisent pas à établir que leur santé mentale subirait un préjudice suffisamment grave pour être qualifié d’irréparable (Lavergne-Poitras, para 87).

[45] La Cour est donc satisfaite que les demanderesses n’ont pas établi l’existence de circonstances exceptionnelles qui justifierait de passer outre à leur obligation de suivre le processus de grief qui leur est ouvert.

[46] Finalement, les demanderesses soumettent que de contester la légalité d’une politique gouvernementale crée une exception à la règle de l’épuisement des recours. Cet argument est dénué de mérite.

[47] Les demanderesses citent hors contexte un extrait des décisions Moresby Explorers Ltd c Canada (Procureur général), 2007 CAF 273, para 24 et Browne c Canada (Procureur général), 2021 CF 389, à l’effet qu’« une politique illégale peut être contestée en tout temps », pour tenter de leur faire dire ce qu’elles ne disent manifestement pas. La question qui se posait dans ces cas, et à laquelle la Cour répondait par cette phrase, était de savoir si une personne pouvant être affectée par une politique se devait d’attendre que la politique lui soit appliquée avant de pouvoir la contester. La conclusion complète de la Cour dans Moresby Explorers est à l’effet que : « une politique illégale peut être contestée en tout temps ; le demandeur n'a pas à attendre que la politique ait été appliquée à son cas particulier ». Il est d’ailleurs intéressant de noter que dans l’affaire Browne, la Cour, après avoir conclu qu’il n’y avait pas véritablement de « politique » à être attaquée, a ajouté que même s’il y avait eu une politique à contester, la demande de contrôle judiciaire était prématurée parce que les demandeurs étaient tenus d’épuiser les mécanismes de grief qui leur étaient ouverts (Browne, paras 62 et 77).

[48] En raison de ce qui précède, la Cour est convaincue que la demande n’a aucune chance d’être accueillie, parce que les demanderesses sont tenues de se prévaloir du mécanisme de grief prévu par la Loi, et qu’il n’existe aucune circonstance exceptionnelle permettant à la Cour de déroger au principe de l’épuisement des recours en acceptant d’entendre la demande.

 


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

  1. La requête est accueillie et la demande de contrôle judiciaire est radiée.

« Mireille Tabib »

Juge responsable de la gestion de l’instance

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

T-1718-21

INTITULÉ :

JOCELYNE MURPHY ET, SHERRY RAFAI FAR c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 janvier 2022

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE :

TABIB P.

DATE DES MOTIFS :

LE 7 fÉvrier 2022

COMPARUTIONS :

Jocelyne Murphy

Sherry Rafai Far

pour les demanderesses

(POUR LEUR PROPRE COMPTE)

Pierre Marc Champagne

Gregory Tzemanakis

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jocelyne Murphy

Sherry Rafai Far

Ottawa, (Ontario)

pour les demanderesses

(POUR LEUR PROPRE COMPTE)

Procureur Général du Canada

Ottawa, (Ontario)

pour le défendeur

 

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