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Date : 20220107


Dossier : T90620

Référence : 2022 CF 19

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 7 janvier 2022

En présence de madame la juge Furlanetto

ENTRE :

GALDERMA CANADA INC.

demanderesse

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1] Le défendeur, le procureur général du Canada, présente une requête en radiation de trois affidavits déposés par la demanderesse, Galderma Canada Inc. [Galderma], dans la présente instance. La demande sousjacente est une demande de contrôle judiciaire d’une décision de réexamen du Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés [CEPMB], qui a reçu l’ordre de déterminer si l’invention décrite dans le brevet canadien no 2 478 237 [le brevet 237], invention que la Cour d’appel fédérale [CAF] estime être l’utilisation d’une concentration de 0,3 % d’adapalène pour le traitement des troubles dermatologiques, est liée au médicament Differin de Galderma. La question en suspens que devait trancher le CEPMB consistait à savoir si Galderma était tenue de produire certains renseignements commerciaux et financiers prescrits relativement au Differin pour la période du 1er janvier 2010 au 14 mars 2016.

[2] Les éléments de preuve visés par la requête sont les affidavits de deux experts proposés, l’un en droit des brevets et l’autre en dépôts réglementaires, ainsi que l’affidavit d’une témoin des faits. Pour les motifs qui suivent, j’accueillerai la requête en partie. Je radierai la totalité de l’affidavit de l’expert en brevets de Galderma et une partie de l’affidavit de l’autre expert en réglementation, et j’autoriserai l’affidavit de la témoin des faits de Galderma, qui fournit des renseignements généraux ne prêtant pas à controverse.

I. Contexte

[3] L’historique des procédures relatives à la présente instance est long. L’arrêt connexe de la CAF, répertorié sous la référence 2019 CAF 196, contient un bon résumé.

[4] En bref, Galderma commercialise des produits pharmaceutiques dermatologiques, dont deux contiennent de l’adapalène (l’unique ingrédient médicinal), soit Differin (adapalène à une concentration de 0,1 %) et Differin XP (adapalène à une concentration de 0,3 %). L’adapalène était protégé par cinq brevets obtenus par Galderma. Lorsque Galderma a commencé à vendre le Differin, elle a informé le CEPMB que deux des brevets (brevet canadien no 1 266 646 [le brevet 646] et brevet canadien no 1 342 075 [le brevet 075]) étaient liés au Differin. Lorsqu’elle a commencé à vendre le Differin XP, elle n’a désigné que le brevet 237 comme étant pertinent. En janvier 2016, longtemps après l’expiration des brevets 646 et 075, le CEPMB a été saisi d’une demande visant l’obtention d’une ordonnance obligeant Galderma à fournir des renseignements sur les prix et la commercialisation du Differin au motif que le brevet 237 était lié au Differin en plus d’être lié au Differin XP.

[5] Le 19 décembre 2016, le CEPMB a conclu notamment qu’il avait compétence à l’égard du médicament Differin pour ce qui est du brevet 237, qui était alors expiré. Le CEPMB a conclu que le brevet 237 était lié au Differin et il a ordonné à Galderma de produire des renseignements commerciaux et financiers prescrits pour la période du 1er janvier 2010 au 14 mars 2016 [décision de 2016 du CEPMB].

[6] Le 9 novembre 2017, la Cour fédérale a accueilli le contrôle judiciaire de la décision de 2016 du CEPMB demandé par Galderma [décision de la CF]. Selon la Cour fédérale, le CEPMB a conclu déraisonnablement que, de prime abord, le brevet 237 est lié au Differin puisqu’il est susceptible d’être destiné à ce médicament, sans expliquer « comment le brevet 237, qui vise un médicament composé d’adapalène à 0,3 %, pourrait être destiné à un médicament qui en contient 0,1 % ».

[7] Le 28 juin 2019, la CAF a accueilli un appel de la décision de la CF et a renvoyé l’affaire au CEPMB pour qu’il détermine si l’invention décrite dans le brevet 237 était liée au Differin [arrêt de la CAF]. La CAF a donné des directives au CEPMB pour qu’il procède au réexamen en tenant compte du fait que l’invention décrite dans le brevet 237 est l’utilisation d’une concentration de 0,3 % d’adapalène pour le traitement de troubles dermatologiques. Elle a demandé au CEPMB d’établir, après examen de la monographie de produit du Differin et du Differin XP, du brevet 237 et des témoignages de cliniciens, « quelles similitudes cliniques permettraient de conclure que l’invention décrite dans [le] brevet était destinée [au Differin] ou susceptible d’être utilisée pour ce médicament ».

[8] En juillet 2019, le CEPMB a demandé aux parties de présenter des observations écrites sur l’incidence de l’arrêt de la CAF sur le réexamen de l’affaire par le CEPMB. Les parties ont déposé des observations écrites à l’été 2019. Aucun nouvel élément de preuve n’a été demandé par le CEPMB, et aucune correspondance n’indique que les parties ont demandé l’autorisation de déposer de nouveaux éléments de preuve.

[9] Le 7 mai 2020, le CEPMB a conclu que le brevet 237 était lié au Differin et il a ordonné à Galderma de produire les renseignements commerciaux et financiers prescrits relativement au Differin pour la période du 1er janvier 2010 au 14 mars 2016. Pour rendre sa décision, le CEPMB a tenu compte de tous les éléments de preuve initialement mis à sa disposition par les parties, notamment les témoignages de cliniciens concernant les similitudes et les différences cliniques entre Differin et Differin XP, le témoignage d’une pharmacienne concernant les tendances en matière de prescription, l’efficacité et les effets indésirables liés aux produits, la monographie de produit de Differin et de Differin XP (et l’argument de Galderma relatif aux avis de conformité et aux numéros d’identification de médicament) et le libellé du brevet 237 lui‑même. Galderma demande un contrôle judiciaire de la décision du 7 mai 2020 [décision de réexamen].

[10] Le 25 septembre 2020, Galderma a signifié les trois affidavits [collectivement les affidavits] qui font l’objet de la présente requête : l’affidavit d’un expert en droit des brevets, Dino Clarizio, associé chez Goodmans LLP [affidavit de M. Clarizio]; l’affidavit d’un professionnel des affaires réglementaires, Madhur Jadawala, employé de Quality & Compliance Services Inc., une société d’expertsconseils en produits pharmaceutiques établie à Mississauga, en Ontario [affidavit de M. Jadawala]; et l’affidavit d’une témoin des faits, Jacklyn Shipp, gestionnaire des Affaires réglementaires chez Galderma [affidavit de Mme Shipp].

II. Question en litige

[11] La seule question en litige dans la requête consiste à savoir si les affidavits signifiés par Galderma devraient être radiés avant l’audition de la demande de contrôle judiciaire.

III. Analyse

A. Règles de droit

[12] Selon le principe général, dans les procédures de contrôle judiciaire, le dossier de preuve pour la demande se limite aux documents dont disposait le décideur administratif, et tout autre élément de preuve qui n’a pas été porté à la connaissance du décideur, ou qui aurait pu être porté à la connaissance du décideur, et qui a trait au fond de l’affaire, n’est pas admissible (Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 [Access Copyright], au para 19; Bernard c Canada (Agence du revenu), 2015 CAF 263 [Bernard], au para 13; Delios c Canada (Procureur général), 2015 CAF 117 [Delios], au para 42). Selon la logique soustendant le principe général, il faut promouvoir l’efficacité judiciaire et reconnaître les rôles différents des décideurs administratifs et des cours de révision (Bernard, aux para 1516); la Cour doit contrôler la décision du décideur administratif et non tenir un procès de novo fondé sur de nouveaux éléments de preuve.

[13] Il existe quelques exceptions reconnues au principe général. La première exception permet d’admettre les renseignements généraux qui aideront la Cour à comprendre les questions en litige dans le cadre du contrôle judiciaire, pourvu qu’ils ne constituent pas des éléments de preuve, des arguments ou des commentaires additionnels par rapport aux éléments de preuve dont disposait le décideur (Access Copyright, au para 20a; Delios, aux para 4448; Bernard, aux para 2023). Dans l’arrêt Delios, au paragraphe 45, la CAF a conclu que cette exception vise « les observations pures et simples propres à diriger la réflexion du juge réformateur afin qu’il puisse comprendre l’historique et la nature de l’affaire dont le décideur administratif était saisi ».

[14] La deuxième exception permet de soulever des questions de justice naturelle ou d’équité procédurale. L’élément de preuve doit être présenté à la première occasion et ne peut être présenté dans le cadre du contrôle judiciaire s’il aurait pu être présenté devant le décideur (Access Copyright, au para 20b; Bernard, aux para 2527).

[15] La troisième exception permet de présenter des éléments de preuve qui font ressortir l’absence totale de preuve dont disposait le décideur lorsqu’il a tiré une conclusion (Access Copyright, au para 20c; Bernard, au para 24; Keeprite Workers’ Independent Union v Keeprite Products Ltd. (1980), 29 O.R. (2d) 513 (C.A.)).

[16] D’autres exceptions peuvent également s’appliquer, notamment des éléments de preuve qui se rapportent à une erreur de compétence (Alberta Wilderness Association c Canada (Environnement), 2009 CF 710 [AWA], au para 30), pourvu que ces éléments de preuve n’empiètent pas sur le rôle du décideur administratif comme juge des faits et juge du fond (Bernard, au para 28).

[17] La question de savoir si la Cour devrait rendre une décision anticipée sur l’admissibilité d’éléments de preuve relève d’un pouvoir discrétionnaire à exercer en fonction des facteurs suivants :

  1. la décision par anticipation ferait que l’audience serait plus rapide et plus ordonnée;

  2. la question est relativement claire ou évidente;

  3. il s’agit d’une question discrétionnaire sur laquelle des personnes raisonnables peuvent différer d’avis ou d’une question de droit;

  4. une partie subirait un préjudice si la question n’était pas tranchée avant l’audience;

  5. la question est dans l’intérêt de la justice.

(Bernard, au para 11; Access Copyright, au para 12; Armstrong c Canada (Procureur général), 2005 CF 1013, au para 40; Tsleil­Waututh Nation c Canada (Procureur général), 2017 CAF 128, au para 23).

B. Les affidavits

[18] Le procureur général du Canada affirme que les affidavits sont tendancieux, sont opiniâtres, prêtent à controverse et sont préjudiciables pour le défendeur. Galderma affirme dans ses observations écrites que les affidavits ne font rien de plus que de fournir des renseignements généraux additionnels qui aideront la Cour. Elle affirme que les avis d’expert donnés ne portent pas sur le fond de la décision de réexamen, que la preuve peut être traitée en contreinterrogatoire et que toute question concernant l’admissibilité devrait être laissée à la discrétion de la cour de révision.

[19] Dans ses observations orales, Galderma a soulevé d’autres arguments, affirmant que les affidavits d’experts permettaient de pallier l’absence de preuve appuyant la conclusion à laquelle le CEPMB est arrivé, que le réexamen par le CEPMB comportait un vice de procédure et que la preuve d’expert appuyait une contestation par Galderma de la compétence du CEPMB. Les documents écrits de Galderma ne traitaient essentiellement d’aucun de ces arguments, et il a été reconnu que l’avis de demande ne traite actuellement pas de l’argument de l’équité procédurale.

[20] Comme il est exposé ciaprès, à mon avis, indépendamment de ces arguments, l’affidavit de M. Clarizio et l’affidavit de M. Jadawala contiennent tous les deux des témoignages d’opinion inadmissibles qui doivent être radiés.

(1) Affidavit de M. Clarizio

[21] Dans son affidavit, M. Clarizio donne son avis sur les questions suivantes au paragraphe 3 :

[TRADUCTION]

a. Les inventions décrites dans le brevet canadien no 1 266 646 (le brevet 646) et dans le brevet canadien no 1 312 075 (le brevet 075) sont‑elles liées au médicament Differin, une composition pharmaceutique constituée de 0,1 % d’adapalène en poids? Autrement dit, est‑ce que les inventions visées par les brevets 646 et 075 sont destinées à Differin ou à la préparation ou à la production de Differin, ou susceptibles d’être utilisées à de telles fins?

b. À quel moment les brevets 646 et 075 ontils expiré et, le cas échéant, le Differin estil effectivement devenu « hors brevet » (il n’est plus protégé par un brevet au Canada), les concurrents pouvant alors fabriquer, utiliser ou vendre une composition pharmaceutique contenant 0,1 % d’adapalène en poids au Canada? Quand cela estil arrivé?

c. À quoi est liée l’invention du brevet canadien no 2 478 237 (le brevet 237)? Cette invention est‑elle restreinte ou limitée à une composition pharmaceutique d’adapalène en particulier? L’invention décrite et revendiquée dans le brevet 237 est‑elle destinée à Differin ou susceptible d’être utilisée pour sa préparation ou sa production?

d. La portée des droits conférés par le brevet 237 s’étend‑elle aux compositions pharmaceutiques constituées de 0,1 % d’adapalène en poids (p. ex. le Differin)?

[22] Aux paragraphes 4c et 4d, il conclut ceci :

[TRADUCTION]

c. [...] L’invention décrite et revendiquée dans le brevet 237 se limite à un produit à base d’adapalène à 0,3 % et exclut expressément un produit à base d’adapalène à 0,1 %. L’invention visée par le brevet 237 n’est donc pas liée à Differin (adapalène à 0,1 %), et n’est pas destinée à une composition d’adapalène autre qu’une composition contenant 0,3 % d’adapalène ou susceptible d’être utilisée pour sa préparation ou sa production.

d. L’invention et les droits prévus par le brevet 237 ne s’étendent pas, directement ou indirectement, aux compositions pharmaceutiques constituées d’adapalène à 0,1 % en poids, telles que Differin.

[23] Le procureur général du Canada affirme que les deux premières questions ne sont pas pertinentes. Il affirme en outre que les avis sur le brevet 237 portent sur le fond de l’instance et font état de la conclusion selon laquelle le CEPMB a rendu une décision erronée à la suite du réexamen. Il affirme que le CEPMB n’a pas été saisi des avis en question et que le fait d’autoriser les éléments de preuve aurait pour effet de transformer le contrôle judiciaire en procès de novo, ce qui serait contraire à la règle.

[24] Galderma soutient que l’affidavit de M. Clarizio donne un résumé des brevets qui est pertinent à l’instance. Elle affirme que le témoignage d’opinion sur la portée du brevet 237 et sur la question de savoir si le Differin n’est plus protégé par un brevet respecte la décision de réexamen.

[25] À mon avis, l’affidavit de M. Clarizio va à l’encontre des principes généraux applicables à l’admissibilité des éléments de preuve dans un contrôle judiciaire, et il ne satisfait pas aux critères des exceptions admissibles.

[26] Premièrement, il se prononce sur le brevet 646 et le brevet 075 (paragraphes 3a, 3b, 4a, 4b et paragraphes connexes 1527), qui ne sont pas pertinents aux questions dont la Cour est saisie au sujet de la décision de réexamen. Comme il est mentionné dans l’arrêt de la CAF, le brevet 646 a expiré le 13 mars 2007, et le brevet 075 a expiré le 29 décembre 2009. Galderma a fourni au CEPMB les renseignements prescrits concernant le Differin jusqu’à l’expiration des brevets 646 et 075. La seule question en litige dans le cadre du réexamen concerne le brevet 237. L’analyse des brevets 646 et 075 n’est pas pertinente pour ce qui est du réexamen, qui ne concerne que le brevet 237.

[27] Deuxièmement, M. Clarizio énonce des faits et des opinions sur des questions déjà tranchées par la CAF, y compris la nature de l’invention décrite dans le brevet 237 (par exemple aux paragraphes 30 et 34 à 36 de l’affidavit). Le témoignage de M. Clarizio selon lequel le brevet 237 est un brevet de sélection visant des compositions pharmaceutiques contenues dans les gammes de composition plus larges d’adapalène divulguées et revendiquées dans les brevets 646 et 075 (paragraphe 35) cherche à étoffer les conclusions sur l’invention déjà rendues par la CAF. De tels éléments de preuve sont incompatibles avec le rôle du CEPMB, qui est décrit dans la décision de la CAF :

[37] Il est important de rappeler que le Conseil est un tribunal administratif dont le mandat est de réglementer le prix des médicaments brevetés. Ce mandat ne l’oblige pas à déterminer les droits des titulaires de brevets et des autres personnes, ni à déterminer la validité des brevets qu’il examine. Pour s’acquitter de son mandat, il doit comprendre suffisamment l’invention décrite dans le brevet pour être en mesure de déterminer de façon raisonnable si l’invention est liée à un médicament. Ce qui constitue une compréhension suffisante dépendra des circonstances propres à chaque affaire, mais, quoi qu’il en soit, elle ne comprendra pas une interprétation de l’invention que le texte du brevet ne peut raisonnablement étayer.

[38] [...] le Conseil a le droit de prendre le libellé du brevet au pied de la lettre. Il n’est ni en mesure d’interpréter ce libellé pour arriver à l’interprétation « correcte » du brevet, ni censé le faire. Ainsi, le Conseil n’est pas tenu d’interpréter le brevet pour trouver des limitations ou des ajouts implicites aux termes utilisés par le titulaire du brevet.

[28] De plus, M. Clarizio se prononce sur la véritable question de droit dont le CEPMB était saisi – à savoir si l’invention décrite dans le brevet 237 est liée au Differin (questions 3c et 3d, avis 4c, 4d et paragraphes connexes 31, 3340 et 42), en donnant un avis contraire à la conclusion du CEPMB.

[29] Un affidavit qui exprime un avis sur les faits dont le décideur est saisi peut être radié dans son intégralité lorsqu’il a pour objet de contester les conclusions du tribunal. La même chose vaut pour le témoignage d’opinion d’un expert. Comme l’affirme la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Société Canadian Tire Ltée c Canadian Bicycle Manufacturers Association, 2006 CAF 56 [Canadian Tire] :

[7] Pour les raisons exposées ciaprès, il n’y a absolument aucun doute dans mon esprit que l’affidavit doit être radié au complet.

[8] D’abord, il est clair que l’affidavit de M. Dovey constitue un témoignage d’opinion, dont le but est de démontrer à la Cour que les conclusions du TCCE dans son rapport, et notamment celle que l’augmentation du nombre de bicyclettes et de cadres de bicyclettes peints et finis importés au Canada est une cause principale du préjudice grave causé aux producteurs nationaux, ne sont pas compatibles avec les données et la preuve financières contenues dans le rapport du TCCE.

[9] Récemment, dans la décision Ly c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1184, en date du 10 octobre 2003, une affaire portant sur une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, le juge von Finkenstein a traité, correctement à mon avis, de la nature des affidavits qui pouvaient être déposés à l’appui d’une demande de contrôle judiciaire. Au paragraphe 10 de ses motifs, le juge a formulé son opinion de la manière suivante :

À l’exception des requêtes, les affidavits se limitent aux faits dont le déclarant a une connaissance personnelle : paragraphe 81(1) des Règles de la Cour fédérale (1998). L’affidavit ne doit pas contenir d’arguments et le déclarant ne doit pas interpréter la preuve qui a déjà été examinée par un tribunal ou tirer des conclusions juridiques (Deigan c. Canada (P.G.) (1996), 206 N.R. 195 (C.A.F.); [...]

[10] Dans l’arrêt Deigan c. Canada, précité, auquel le juge von Finkenstein fait référence à l’appui de son opinion, la Cour a convenu que le juge saisi de la requête avait eu raison de radier certains paragraphes de l’affidavit contesté au motif qu’ils étaient tendancieux, opiniâtres et prêtaient à controverse.

[11] Même si je conviens avec l’avocat de la demanderesse que certains paragraphes de l’affidavit de M. Dovey énoncent des faits et non des opinions, ils ne peuvent pas être dissociés des paragraphes qui contiennent effectivement l’opinion de M. Dovey. De plus, certains des paragraphes, notamment les paragraphes 1 à 4 qui exposent les titres et qualités de M. Dovey ainsi que son expérience, ne sont en euxmêmes d’aucune utilité pour la Cour. En fait, le véritable but de l’affidavit n’est pas de soumettre des faits à l’attention de la Cour, mais d’exposer des faits qui sont déjà au dossier de manière à faire valoir que les conclusions du TCCE ne sont pas fondées. C’est ce qui ressort très clairement du paragraphe 8 de l’affidavit de M. Dovey, que je reproduis à nouveau :

[TRADUCTION]

8. Dans le contexte décrit plus haut, on m’a demandé d’analyser les questions suivantes d’un point de vue financier et comptable et d’y répondre :

Les conclusions et les recommandations auxquelles est parvenu le Tribunal au sujet des bicyclettes à la suite de l’enquête de sauvegarde globale sontelles compatibles avec la preuve et les données financières contenues dans le rapport du Tribunal?

[12] En d’autres mots, l’affidavit a pour but de fournir à la Cour une appréciation de la preuve qui diffère de celle faite par le TCCE. Une telle preuve n’est pas recevable, à mon avis, dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire.

[13] Une autre raison de radier l’affidavit de M. Dovey est qu’il constitue un élément de preuve dont n’était pas saisi le TCCE lorsqu’il a produit son rapport. Permettre le dépôt de l’affidavit aurait pour effet de transformer la demande dont la Cour est saisie en demande de novo. Si je concluais que l’affidavit est recevable, je devrais alors accorder aux défendeurs, s’ils le désirent, l’autorisation de déposer leurs propres affidavits d’« expert » en réponse à celui de M. Dovey. Les parties entreprendraient très certainement l’enquête préalable et déposeraient une transcription de la preuve obtenue à l’enquête. En bout de ligne, la Cour serait appelée à trancher les questions soulevées par la demande de contrôle judiciaire en fonction d’une preuve que le TCCE n’a jamais examinée.

[30] Le témoignage d’opinion d’un expert peut être admissible uniquement s’il est pertinent et nécessaire pour aider le juge des faits et s’il n’est assujetti à aucune règle d’exclusion (AWA, au para 33). La condition de nécessité doit cependant être appliquée de façon stricte lorsqu’un expert prétend donner une opinion sur la question fondamentale. La décision AWA donne les explications suivantes au sujet de la preuve d’expert présentée par M. Boyce dans cette affaire :

[34] Je n’estime pas que l’opinion d’expert de M. Boyce relative aux questions dont est saisie la Cour, dont l’« habitat essentiel », est nécessaire en ce sens que, sans elle, la Cour ne pourrait pas apprécier le caractère technique de ces questions, selon la définition de « nécessité » donnée dans l’arrêt Mohan. En outre, dans cet arrêt, la Cour suprême décrète qu’il y a lieu d’interpréter strictement la condition de nécessité lorsqu’un expert exprime une opinion sur la « question fondamentale ». L’affidavit de Boyce contient notamment une preuve d’opinion sur cette question, aux paragraphes 10, 18, 24 et 27. Les déclarations faites dans ces paragraphes vont bien audelà d’une description de la preuve présentée au décideur, ou des renseignements de base utiles; leur inadmissibilité en l’espèce est évidente. Le reste de l’affidavit de Boyce contient des renseignements factuels qui, on peut le soutenir, constituent des renseignements de base utiles sur les travaux de cycle supérieur supervisés par M. Boyce, travaux sur lesquels s’est appuyé le défendeur pour rédiger le Programme de rétablissement du Tétras des armoises. Cependant, à mon avis, ces renseignements factuels et la preuve d’opinion inutile sont interdépendants à un point tel qu’il est pratiquement impossible de prélever les renseignements, et leur admission porterait préjudice au défendeur. Comme c’était le cas dans Société Canadian Tire Ltée c. Canadian Bicycle Manufacturers Association, 2006 CAF 56, il convient de radier l’affidavit en litige dans son intégralité. Par conséquent, j’accueille la requête du défendeur concernant l’affidavit de Boyce et radie la totalité de cet affidavit.

[31] Je ne suis pas d’accord avec Galderma pour dire que le témoignage de M. Clarizio est pertinent ou nécessaire pour aider la Cour dans la demande. Il ne s’agit pas de la même situation que celle dans l’affaire Laboratoires Abbott Limitée c Canada (Procureur général), 2008 CF 700, aux paragraphes 15 et 16, dans laquelle l’interprétation du brevet était une question dont la Cour était saisie et l’aide d’un expert était requise.

[32] En l’espèce, les brevets 646 et 075 ne sont pas en litige, et la CAF a déjà déterminé la nature de l’invention décrite dans le brevet 237. Une autre interprétation de l’invention décrite dans le brevet 237 n’est pas nécessaire. La question bien précise dont le CEPMB était saisi est énoncée aux paragraphes 73 à 75 de l’arrêt de la CAF :

[73] Dans des causes comme celleci, où la question est de savoir si une invention est liée à un médicament en particulier, quelles similitudes cliniques permettraient de conclure que l’invention décrite dans un brevet était destinée à ce médicament ou susceptible d’être utilisée pour ce médicament? Le Conseil n’a pas répondu à ces questions, peutêtre parce qu’il était d’avis que le brevet 237 ne portait pas exclusivement sur l’adapalène à 0,3 %. Il devrait pouvoir y répondre.

[74] Ces questions portent sur des considérations de politique générale « dont on présume que le législateur a voulu confier la prise en compte au décideur administratif » : McLean, aux paragraphes 32 et 33 (souligné dans l’original). Étant donné que c’est le Conseil qui doit décider si le brevet 237 est lié au Differin, l’affaire doit lui être renvoyée afin qu’il puisse compléter son enquête à la lumière d’une compréhension convenable de l’invention décrite dans le brevet 237.

[...]

[75] Pour ces motifs, j’accueillerais l’appel avec dépens à notre Cour et à la Cour fédérale. J’annulerais le jugement de la Cour fédérale et la décision du Conseil et je renverrais l’affaire au Conseil pour qu’il se prononce à nouveau en tenant compte du fait que l’invention décrite dans le brevet 237 est l’utilisation d’une concentration de 0,3 % d’adapalène pour le traitement de troubles dermatologiques.

[33] Galderma soutient que le témoignage de M. Clarizio est nécessaire parce que le CEPMB s’est appuyé sur des éléments de preuve insuffisants pour conclure que le brevet 237 était destiné au Differin ou susceptible d’être utilisé pour ce médicament. Elle affirme que le CEPMB a utilisé une approche axée sur les résultats (Alexion Pharmaceuticals Inc. c Canada (Procureur général), 2021 CAF 157) et que les données cliniques et la monographie de produit sur lesquelles le CEPMB s’est appuyé n’étaient pas probantes et ne pouvaient permettre au CEPMB de trancher la question dont il était saisi.

[34] Cet argument va toutefois à l’encontre de la décision de la CAF et de l’argument que Galderma a fait valoir devant le CEPMB dans ses observations écrites concernant la décision de réexamen. En fait, les observations écrites que Galderma a présentées au CEPMB ne mentionnaient nulle part que les éléments de preuve dont disposait le CEPMB ne permettaient pas à ce dernier de trancher la question renvoyée par la CAF ni que la monographie du produit ne devrait pas être utilisée. Au contraire, Galderma a reconnu que la CAF avait ordonné au CEPMB de tenir compte de la monographie du produit, du brevet 237 et des éléments de preuve des cliniciens présentés par les parties. Elle a également fait référence à ces sources dans ses arguments. De même, le CEPMB a fait référence à chacune de ces sources de données probantes dans sa décision de réexamen.

[35] La CAF a énoncé une question très étroite à trancher par le CEPMB, fondée sur une caractérisation faite par la CAF de l’invention décrite dans le brevet 237. Aucune des parties n’a mentionné au CEPMB qu’il était nécessaire de présenter d’autres éléments de preuve au sujet de cette question étroite. Rien ne justifie d’élargir la preuve maintenant simplement parce que la demanderesse n’est pas d’accord avec la décision rendue. La Cour n’a pas besoin de l’avis d’un expert sur le brevet 237 pour pouvoir évaluer le caractère raisonnable de la décision rendue.

[36] Je suis d’accord avec le procureur général du Canada; l’affidavit de M. Clarizio contient une preuve d’opinion explicite sur la question fondamentale. Les avis donnés ne sont pas nécessaires et vont bien audelà d’une description de la preuve présentée au décideur ou de renseignements généraux utiles. Le fait d’admettre une telle preuve d’expert maintenant aurait pour effet d’autoriser un procès de novo. Or, tel n’est pas le but d’un contrôle judiciaire.

[37] De plus, l’affirmation de Galderma selon laquelle le témoignage de M. Clarizio sera utile à son argument relatif à la compétence n’est pas convaincante. Laissant de côté l’argument du procureur général du Canada, qui demande si l’argument relatif à la compétence peut être soulevé dans le cadre de la demande compte tenu des paragraphes 12, 13, 28 et 29 de la décision de la CAF et s’il peut être soulevé dans le cadre de la présente requête (Rouleau­Halpin c Bell Solutions Techniques Inc, 2021 CF 177, aux para 3334), Galderma demande si le CEPMB a compétence pour procéder à l’examen de médicaments qui ne sont plus protégés par un brevet parce que les brevets pertinents ont expiré. La décision de la CAF établit déjà la date d’expiration des brevets 646, 075 et 237. Le témoignage de M. Clarizio n’est pas requis pour que les faits en question soient exposés.

[38] Il est clair que l’affidavit de M. Clarizio cherche à démontrer à la Cour que la conclusion tirée par le CEPMB est inexacte et va à l’encontre du brevet 237. Les observations formulées par la Cour dans l’arrêt Canadian Tire s’appliquent.

[39] L’affidavit de M. Clarizio est un témoignage d’opinion inapproprié et il doit être radié dans son intégralité. Comme l’a conclu la CAF dans l’affaire Canadian Tire, dans laquelle les éléments de preuve sont si clairement inadmissibles, comme en l’espèce, c’est maintenant qu’il faut radier l’affidavit afin d’éviter d’autres étapes inutiles et de permettre l’audition efficace et ordonnée de la demande sur le fond.

(2) Affidavit de M. Jadawala

[40] L’affidavit a trait aux deux mandats suivants. Premièrement, M. Jadawala a été invité à [traduction] « fournir des renseignements sur le cadre et le processus de réglementation établis par Santé Canada pour l’octroi d’une autorisation de mise en marché pour les nouvelles drogues, sur le dépôt de suppléments à une présentation de drogue nouvelle, et sur la forme, le contenu et l’approbation des monographies de produit ». Deuxièmement, il a été invité à examiner la monographie de produit du Differin et du Differin XP et à préciser [traduction] « si le Differin et le Differin XP sont des produits pharmaceutiques différents ».

[41] Dans l’exercice de ces mandats, M. Jadawala conclut ceci :

[TRADUCTION]

  1. « Differin et Differin XP sont deux produits pharmaceutiques distincts et séparés » (paragraphes 5a et 30 à 36);

  2. des monographies de produit communes pour les deux produits pharmaceutiques sont requises pour déposer des suppléments à une présentation de drogue nouvelle, dont la forme et le contenu sont conformes aux lignes directrices de Santé Canada (paragraphes 5b et 18 à 29);

  3. selon Santé Canada, chaque médicament figurant dans une monographie de produit commune est considéré comme un médicament distinct ayant son propre DIN (paragraphes 5c et 27);

  4. les monographies de produit communes sont courantes et ne permettent pas de conclure que Differin et Differin XP sont le même médicament/produit pharmaceutique (paragraphes 5d, 27 à 29 et 37).

[42] Le procureur général du Canada affirme que M. Jadawala, dans son affidavit, donne son avis sur la question fondamentale en déclarant que le Differin et le Differin XP ne sont pas le même médicament ou produit pharmaceutique. Il affirme que le fait d’établir si le Differin et le Differin XP sont le même médicament est exactement la question que la CAF a ordonné au CEPMB d’examiner et représente la conclusion à partir de laquelle le CEPMB a conclu que le brevet 237 était lié au Differin.

[43] Galderma affirme que l’affidavit de M. Jadawala contient des conseils utiles sur l’objet et le contenu des monographies de produit. Elle ne conteste pas le fait que M. Jadawala donne un avis selon lequel le Differin est un produit pharmaceutique différent du Differin XP, mais elle affirme que l’avis ne porte pas sur le fond de l’affaire. Je ne souscris pas à cet argument.

[44] Pour en arriver à sa décision, le CEPMB a examiné tous les éléments de preuve déposés par les parties, y compris la monographie de produit commune pour le Differin et le Differin XP, et il a conclu, au paragraphe 60, que : le « Differin et [le] Differin XP sont les mêmes médicaments. » Il a par conséquent conclu que Galderma devrait donc produire les renseignements commerciaux et financiers prescrits. L’avis de M. Jadawala formulé aux points « a » et « d » énoncés précédemment, à savoir que le Differin et le Differin XP ne sont pas les mêmes produits pharmaceutiques, et que les monographies de produit communes pour des produits pharmaceutiques différents ne permettent pas de conclure que le Differin et le Differin XP sont le même médicament, est contraire à une partie de la justification de la conclusion du CEPMB selon laquelle le Differin et le Differin XP sont le même médicament.

[45] De même, à mon avis, les avis supplémentaires formulés par M. Jadawala au sujet de la similitude et de l’utilisation de monographies de produit communes touchent aussi le fond de la décision.

[46] Au paragraphe 35 de la décision de réexamen, le CEPMB formule des observations sur l’argument présenté par Galderma, à savoir « que le fait que Differin et Differin XP partagent la même monographie de produit est peu important, parce que les monographies de produit communes sont une caractéristique relativement courante des médicaments commercialisés au Canada par le même fabricant. » Le CEPMB affirme qu’il n’accepte pas cet argument parce qu’aucune preuve n a été présentée à l appui et qu’il minimise l’importance d’une monographie de produit. Comme l’a exposé le CEPMB :

Une monographie de produit est un document officiel contenant les renseignements exigés par le Règlement sur les médicaments brevetés, et qui doit être présenté au Conseil. Il s’agit d’un document factuel et scientifique qui, dépourvu de matériel promotionnel, décrit les caractéristiques essentielles du médicament, y compris les propriétés, les revendications, les indications, les posologies appropriées, le mode d’administration et les effets secondaires, et qui contient toute autre information qui pourrait être nécessaire pour une utilisation optimale, sûre et efficace du médicament. Bien qu’il ne soit pas déterminant, le fait que l’intimée ait choisi d’inclure Differin et Differin XP dans la même monographie de produit appuie la position du personnel du Conseil selon laquelle Differin et Differin XP ne sont que des concentrations ou des formes posologiques différentes du même médicament.

[Non souligné dans l’original; notes de bas de page omises.]

[47] Les avis supplémentaires formulés par M. Jadawala aux paragraphes 5b et 5c et aux paragraphes connexes cherchent à réfuter la conclusion du CEPMB en comblant la lacune relevée par le CEPMB en matière de preuve et en s’appuyant sur des éléments de preuve dont le Conseil n’avait pas été saisi. Cela revient à demander un procès de novo en fonction d’un dossier de preuve supplémentaire.

[48] De plus, Galderma n’a pas établi que le témoignage d’opinion de M. Jadawala est nécessaire (R c Mohan, [1994] 2 RCS 9). À mon avis, il est clair que la Cour est pleinement en mesure d’examiner le caractère raisonnable de l’évaluation faite par le CEPMB des renseignements contenus dans la monographie de produit du Differin et du Differin XP sans l’aide de M. Jadawala. En fait, elle a déjà formulé des observations sur la monographie du produit au paragraphe 71 de la décision de la CAF.

[49] Les paragraphes 28 et 29 de l’avis de demande contiennent les allégations suivantes :

[TRADUCTION]

28. Le Conseil s’est appuyé de manière déraisonnable sur l’existence d’une monographie de produit commune et sur son contenu pour conclure que Differin 0,1 et Differin XP sont le même médicament.

29. Le Conseil s’est appuyé de manière déraisonnable sur la formulation exigée par Santé Canada qui doit figurer dans la monographie de produit, notamment l’utilisation du mot « médicament » au singulier, pour conclure que Differin 0,1 et Differin XP sont le même médicament.

[50] Je remarque que l’affidavit de M. Jadawala contient certains renseignements factuels non litigieux concernant les exigences réglementaires applicables aux monographies de produit. Ces renseignements généraux peuvent être utiles à la Cour et lui permettre d’évaluer les paragraphes 28 et 29 de la l’avis de demande. Ces renseignements doivent toutefois être séparés des avis formulés et des nouveaux éléments de preuve qui ont trait au fond de la décision ou qui cherchent à étendre le dossier de preuve à d’autres domaines de réglementation. L’affidavit de M. Jadawala doit se limiter aux renseignements factuels figurant aux paragraphes 3, 25 et 26 et aux brefs renseignements généraux sur M. Jadawala présentés aux paragraphes 8 à 11. Les éléments de preuve figurant dans le reste de l’affidavit constituent un témoignage d’opinion ou une preuve de faits qui sont inappropriés et qui seront radiés maintenant.

(3) Affidavit de Mme Shipp

[51] L’affidavit de Mme Shipp fait état des pièces produites par les parties et des documents concernant la décision de 2016 du CEPMB, la décision de la CF, la décision de la CAF et la décision de réexamen. Il contient également des renseignements généraux additionnels sur les divers brevets de Galderma relatifs à l’adapalène et sur les procédures antérieures devant le CEPMB concernant d’autres produits de Galderma, le TactuPump et le TactuPump Forte.

[52] Le procureur général du Canada affirme que l’affidavit de Mme Shipp contient des ouï‑dire, des avis et des arguments inadmissibles et qu’il n’est pas pertinent pour la demande. Il affirme que l’affidavit ne présente aucun renseignement dont la Cour ne dispose déjà au moyen du dossier certifié du tribunal du CEPMB.

[53] Le procureur général du Canada conteste particulièrement les paragraphes 24, 26 et 31 de l’affidavit, qui, selon lui, constituent un argument juridique déguisé en preuve. Les paragraphes 24, 26 et 31 énoncent ce qui suit :

[traduction]

24. L’avocat m’a informée que, le 23 février 2016, le personnel du CEPMB a délivré contre Galderma Canada un avis de demande dans lequel il prétend que Galderma Canada a omis de produire des renseignements concernant les médicaments Differin, Differin XP, TactuPump et TauctuPump [sic] Forte. Le personnel du Conseil a prétendu que le CEPMB avait compétence à l’égard des médicaments en raison du brevet 451 et du brevet 237.

[...]

26. Dans ses arguments écrits préalables à l’audience, le personnel du Conseil a soulevé pour la première fois le fait que le brevet 321 était lié au Differin et au Differin XP.

[...]

31. Le 11 juillet 2019, le CEPMB a ordonné aux parties de présenter des observations écrites sur l’incidence de la décision de la CAF sur le réexamen de l’affaire. Les observations devaient être signifiées et déposées au plus tard le 31 juillet 2019, et les observations en réplique, le cas échéant, devaient être signifiées et déposées au plus tard le 9 août 2019. Galderma Canada et le personnel du Conseil ont déposé des observations écrites et des observations écrites en réplique au CEPMB le 31 juillet 2019 et le 9 août 2019, respectivement. La directive du CEPMB ne permettait pas, et ne prévoyait pas, la possibilité que les parties déposent d’autres éléments de preuve relativement aux questions à réexaminer.

[54] Galderma affirme que l’affidavit de Mme Shipp contient des renseignements généraux non préjudiciables qui aideront la Cour. Galderma affirme que les paragraphes 24, 26 et 31 ont trait à des faits non controversés qui figurent déjà au dossier.

[55] Bien que je sois d’accord avec le procureur général du Canada sur le fait que les paragraphes 310 et 1723 ont trait à des brevets qui n’étaient pas en litige dans la décision de réexamen, j’estime que ces paragraphes, de même que les paragraphes 1116, 25, 2730 et 3233 et les documents connexes, contiennent des renseignements généraux non préjudiciables et non litigieux sur l’historique de l’instance. Ces documents pourraient être utiles au juge qui présidera l’audience lorsqu’il examinera les allégations faites dans l’avis de demande selon lesquelles le CEPMB [traduction] « a omis d’examiner l’ensemble du dossier et n’en a en réalité pas tenu compte » (avis de demande, paragraphe 4).

[56] De même, j’estime que le paragraphe 24 n’est pas inadmissible. Bien que je convienne que ce paragraphe contient des ouï‑dire, ces renseignements sont fiables et nécessaires, car l’avis de demande initial mentionné dans le paragraphe ne portait pas de date lorsqu’il a été signifié. J’estime que les autres renseignements contenus dans le paragraphe, bien qu’il ne s’agisse pas d’une citation directe du document luimême, ne sont pas préjudiciables.

[57] Les renseignements contenus dans le paragraphe 26 sont tirés de la décision de 2016 du CEPMB. De même, les renseignements contenus dans les trois premières phrases du paragraphe 31 sont tirés d’une directive du 11 juillet 2019 du CEPMB [la directive]. Bien que je sois d’accord avec le procureur général du Canada sur le fait que la dernière phrase du paragraphe 31 pourrait être considérée comme un argument, j’estime que cette phrase n’est pas préjudiciable, car la directive se passe d’explications.

[58] À mon avis, l’affidavit de Mme Shipp devrait être maintenu.

IV. Conclusion

[59] Pour les motifs exposés précédemment, la requête sera accueillie en partie. L’affidavit de M. Clarizio sera radié dans son intégralité, et les paragraphes 1, 2, 47, 1224, 2737 de l’affidavit de M. Jadawala seront radiés. La requête sera rejetée pour ce qui est de l’affidavit de Mme Shipp.

[60] Comme les parties en ont convenu, les dépens de la requête suivront l’issue de la cause, et un calendrier sera fixé pour la signification de tout élément de preuve présenté en réponse.


ORDONNANCE DANS LE DOSSIER T90620

LA COUR ORDONNE :

  1. La requête en radiation des affidavits est accueillie en partie :

    1. l’affidavit de Dino P. Clarizio, fait sous serment le 25 septembre 2020, est radié dans son intégralité;

    2. les paragraphes 1, 2, 47, 1224 et 2737 de l’affidavit de Madhur Jadawala, fait sous serment le 24 septembre 2020, sont radiés;

    3. la requête est rejetée en ce qui concerne l’affidavit de Jaclyn Shipp, fait sous serment le 23 septembre 2020.

  2. Le défendeur dispose de 45 jours à compter de la date de la présente ordonnance pour signifier des éléments de preuve présentés en réponse.

  3. Les dépens de la requête suivront l’issue de la cause.

« Angela Furlanetto »

Juge

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T90620

 

INTITULÉ :

GALDERMA CANADA INC. c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 2 NOVEMBRE 2021

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA JUGE FURLANETTO

 

DATE DES MOTIFS :

LE 7 JANVIER 2022

 

COMPARUTIONS :

Malcolm Ruby

Charlotte McDonald

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Victor Paolone

Abigail Brown

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling WLF (Canada) S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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