Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20220215


Dossier : T‐899‐21

Référence : 2022 CF 198

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 15 février 2022

En présence de madame la juge Aylen

ENTRE :

GLENOGLE ENERGY INC.

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 5 mai 2021 par un délégué du ministre du Revenu national. Par la décision en question, le délégué du ministre refusait deux choix modifiés ayant été déposés par la demanderesse en vertu du paragraphe 97(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5suppl) [LIR]. La demanderesse affirme que la décision était déraisonnable et ne comporte pas d’analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle.

[2] Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

I. Le contexte

[3] Les parties conviennent, pour l’essentiel, des faits à l’origine de la présente demande.

[4] La demanderesse exploite une entreprise d’exploration et de mise en valeur pétrolières et gazières dans l’Ouest canadien. La demanderesse a été formée le 1er janvier 2015 par une fusion de FJ Resources Ltd. [FJR] et de Glenogle Energy Inc. [l’ancienne société Glenogle]. Avant la fusion, l’ancienne société Glenogle contrôlait FJR et Glenogle Energy Limited Partnership [GELP]. GELP est une société en commandite qui existe en vertu des lois de l’Alberta. La demanderesse est la commanditée de GELP. GELP a été créée le 16 janvier 2012 sous le nom de « FJ Resources LP ». Glenogle est devenue la commanditée de GELP lors de la fusion de FJR et de l’ancienne société Glenogle, après quoi la dénomination de la société est devenue GELP. Avant la fusion, FJR était membre de GELP.

[5] La demanderesse possédait certains biens pétroliers et gaziers appelés « biens Sinclair ». En vertu d’une entente datée du 1er janvier 2015, la demanderesse a transféré les biens Sinclair à GELP en contrepartie de 1 759 845 parts de GELP. La demanderesse et GELP ont choisi conjointement dans un formulaire T2059 (Choix relatif à la disposition de biens par un contribuable en faveur d’une société de personnes canadienne) daté du 27 juillet 2016 d’appliquer le paragraphe 97(2) de la LIR au transfert des biens Sinclair.

[6] La demanderesse possédait également certains biens pétroliers et gaziers appelés « biens Doe Boundary ». En vertu d’une entente datée du 2 janvier 2015, la demanderesse a accepté de transférer les biens de Doe Boundary à GELP en contrepartie de 3 764 224 parts de GELP. La demanderesse et GELP ont choisi conjointement, dans un formulaire T2059 daté du 27 juillet 2016, d’appliquer le paragraphe 97(2) de la LIR au transfert des biens Doe Boundary.

[7] La demanderesse et GELP ont déposé conjointement le choix des biens Sinclair et des biens Doe Boundary avec l’État des revenus d’une société de personnes T5013 de GELP daté du 27 juillet 2016 pour l’exercice se terminant le 31 décembre 2015. Le montant choisi pour chaque opération était de 1,00 $.

[8] Dans une lettre datée du 8 novembre 2016, la demanderesse a demandé au ministre de modifier les choix, notamment en augmentant les montants convenus relativement à chaque opération. Dans le cas des biens Sinclair, la demanderesse a cherché à faire passer le montant de 1,00 $ à 30 906 390,00 $. Dans le cas des biens Doe Boundary, la demanderesse a cherché à faire passer le montant de 1,00 $ à 786 403,00 $. La demanderesse expliquait les modifications demandées de la façon suivante :

[traduction]

Principalement en raison de différences de date et de déclaration entre la production des bordereaux de société de personnes et les feuillets T2 de Glenogle Energy Inc., il a été établi que le montant choisi pour la disposition des biens intangibles en faveur de la société de personnes était erroné. Par conséquent, la société GEI LP devra modifier ces formulaires pour choisir le montant qui reflète correctement la valeur fiscale des réserves de ressources transférées à la société de personnes.

[9] Le 22 mars 2018, l’Agence du revenu du Canada [ARC] a fait parvenir deux lettres à la demanderesse (une pour chaque choix) dans lesquelles chacune précisait que l’ARC exigeait une explication de la modification demandée.

[10] Dans une lettre datée du 16 avril 2018, la demanderesse a fourni à l’ARC une autre copie de sa lettre du 8 novembre 2016 qui accompagnait les demandes de modification au départ.

[11] Le 23 décembre 2019, l’ARC a envoyé une lettre à la demanderesse l’informant que ses demandes de modification faisaient l’objet d’une vérification de l’ARC et lui demandant de vérifier certains renseignements figurant dans une feuille de demande d’information connexe. Au point six de la feuille de demande d’information, on demandait des [traduction] « explications des montants convenus choisis aux fins des biens miniers énumérés dans les formulaires T2059 (30 906 390,00 $ pour le transfert effectué le 1er janvier 2015 et 786 403,00 $ pour le transfert effectué le 2 janvier 2015) ».

[12] Dans une lettre datée du 25 février 2020, la demanderesse a répondu à la lettre de demande de l’ARC. En ce qui concerne le point six, la demanderesse a mentionné ce qui suit :

[traduction]

Conformément au paragraphe 97(2), une société peut choisir de transférer des biens à la société de personnes d’un montant compris entre la juste valeur marchande et le prix de base rajusté de ces biens. En ce qui concerne le transfert du 1er janvier 2015, les biens pétroliers et gaziers intangibles ont été transférés à Glenogle Energy Limited Partnership pour une somme de 30 906 390,00 $, qui se situe entre la juste valeur marchande de 30 906 390,00 $ et le prix de base rajusté nul. Le 2 janvier 2015, d’autres biens pétroliers et gaziers intangibles ont été choisis pour être transférés à la société en commandite pour une somme de 786 403 $, qui se situe entre la juste valeur marchande de 66 107 990,00 $ et le prix de base rajusté nul.

[13] Dans une lettre datée du 5 mai 2021, le délégué du ministre a fait part de sa décision. Il a déclaré :

[traduction]

Conformément au pouvoir délégué en vertu du paragraphe 220(2.01) de la Loi de l’impôt sur le revenu et aux faits présentés, nous refusons les choix modifiés ci‐dessus ayant été déposés en vertu du paragraphe 97(2) pour les motifs suivants :

L’équipe de vérification a examiné les faits en fonction des facteurs énoncés dans les circulaires d’information IC76‐19RC et IC 07‐01.

La demande de modification des formulaires T2059 est fondée sur une planification fiscale rétroactive.

Aucune preuve à l’appui des choix modifiés n’a été produite pour corriger des erreurs mécaniques.

Notre examen indique que la modification n’est pas juste et équitable contrairement à ce qu’exige le paragraphe 96(5.1).

Les observations du contribuable n’appuyaient pas le caractère juste et équitable de la modification.

Le fait que Glenogle Energy Inc. (GEI) détient une participation directe de 99,3884 % dans la société de personnes Glenogle Energy Limited Partnership et le fait que GEI détient indirectement le reste de la participation dans la société de personnes, par l’intermédiaire de la propriété de 16511558 Alberta Inc., montre que GEI demeure le propriétaire unique des avoirs miniers transférés. La structure de la société de personnes et les choix modifiés contournent la règle concernant les corporations remplaçantes énoncée à l’article 66.7.

Le montant que le contribuable modifie pour se prévaloir des choix modifiés, soit 31 692 761,00 $, est important.

[14] Le 4 juin 2021, la demanderesse a présenté la demande d’examen du refus, par le délégué du ministre, des choix modifiés.

II. Questions préliminaires

A. Objections à l’affidavit de Jamie Blair

[15] Le défendeur s’oppose à certaines parties de l’affidavit de Jamie Blair confirmé le 29 juillet 2021, lequel a été déposé par la demanderesse pour étayer la demande. Le défendeur affirme que la Cour ne devrait pas tenir compte de certaines parties du témoignage de M. Blair (les paragraphes 9, 13, 15 (sauf la première phrase) et 22 et des pièces H et J), car les renseignements et les documents qui y figurent n’ont pas été soumis au délégué du ministre ou ne sont pas pertinents.

[16] Dans l’arrêt Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22, la Cour d’appel fédérale a fourni des directives claires sur la portée de la preuve adéquate dans une demande de contrôle judiciaire :

[...] en principe, le dossier de la preuve qui est soumis à notre Cour lorsqu’elle est saisie d’une demande de contrôle judiciaire se limite au dossier de preuve dont disposait [le tribunal]. En d’autres termes, les éléments de preuve qui n’ont pas été portés à la connaissance [du tribunal] et qui ont trait au fond de l’affaire soumise [au tribunal] ne sont pas admissibles dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire présentée à notre Cour [...]

Le principe général interdisant à notre Cour d’admettre de nouveaux éléments de preuve dans le cadre d’une instance en contrôle judiciaire souffre quelques exceptions reconnues et la liste des exceptions n’est sans doute pas exhaustive. Ces exceptions ne jouent que dans les situations dans lesquelles l’admission, par notre Cour, d’éléments de preuve n’est pas incompatible avec le rôle différent joué par la juridiction de révision et par le tribunal administratif [...] En fait, bon nombre de ces exceptions sont susceptibles de faciliter ou de favoriser la tâche de la juridiction de révision sans porter atteinte à la mission qui est confiée au tribunal administratif. Voici trois de ces exceptions :

a) Parfois, notre Cour admettra en preuve un affidavit qui contient des informations générales qui sont susceptibles d’aider la Cour à comprendre les questions qui se rapportent au contrôle judiciaire [...] On doit s’assurer que l’affidavit ne va pas plus loin en fournissant des éléments de preuve se rapportant au fond de la question déjà tranchée par le tribunal administratif, au risque de s’immiscer dans le rôle que joue le tribunal administratif en tant que juge des faits et juge du fond. [...]

b) Parfois les affidavits sont nécessaires pour porter à l’attention de la juridiction de révision des vices de procédure qu’on ne peut déceler dans le dossier de la preuve du tribunal administratif, permettant ainsi à la juridiction de révision de remplir son rôle d’organe chargé de censurer les manquements à l’équité procédurale [...]

c) Parfois, un affidavit est admis en preuve dans le cadre d’un contrôle judiciaire pour faire ressortir l’absence totale de preuve dont disposait le tribunal administratif lorsqu’il a tiré une conclusion déterminée [...]

[17] Les paragraphes 9 et 13 de l’affidavit de M. Blair expliquent pourquoi le montant de 1,00 $ pour les biens Sinclair et Doe Boundary a été inscrit dans les choix initiaux. La demanderesse affirme qu’il s’agit de renseignements généraux adéquats concernant les choix initiaux. Je rejette cette affirmation. Cette preuve porte directement sur le fond de la demande et sur la question de savoir si la demanderesse avait démontré adéquatement au délégué du ministre qu’il était juste et équitable de permettre les modifications aux montants choisis pour les opérations. En demandant au délégué du ministre d’exercer son pouvoir discrétionnaire, la demanderesse devait expliquer pourquoi le montant choisi devait être modifié et, notamment, pourquoi le montant initial avait été choisi. Cette explication n’a jamais été fournie au délégué du ministre. Il n’est pas loisible à la demanderesse de la fournir maintenant au moyen de l’affidavit de M. Blair. Par conséquent, la Cour n’examinera pas les paragraphes 9 et 13 de l’affidavit de M. Blair.

[18] En ce qui concerne la partie contestée du paragraphe 15 de l’affidavit de M. Blair, la demanderesse affirme qu’elle reflète simplement ce qui était déjà énoncé dans la lettre de la demanderesse datée du 8 novembre 2016. Je ne suis pas de cet avis. À l’instar des paragraphes 9 et 13, le paragraphe 15 traite de l’explication de la demanderesse quant à la demande de modification des montants choisis pour les opérations, ce qui a trait au fond de la demande. Une partie du paragraphe 15 est une reformulation de ce qui a été soumis au délégué du ministre dans la lettre du 8 novembre 2016 de la demanderesse. Cependant, le paragraphe va plus loin. Il fournit des détails supplémentaires non inclus dans la lettre. La Cour ne tiendra pas compte de ces détails supplémentaires.

[19] Le paragraphe 22 de l’affidavit de M. Blair résume la décision du délégué du ministre. Le défendeur cherche à radier ce paragraphe au motif qu’il n’est pas pertinent, car la décision est éloquente. Je conviens que tel est le cas. Cependant, cette utilisation des ressources de la Cour pour chercher à radier des parties aussi peu importantes des affidavits est inefficace. Pour trancher la présente demande, la Cour se fondera sur le texte de la décision et non sur le résumé de M. Blair.

[20] En ce qui concerne les pièces H et J, le défendeur affirme que les parties des pièces qui contiennent de la correspondance envoyée par la demanderesse au Conseil du Trésor et au ministère des Finances de l’Alberta sont inappropriées, car cette correspondance n’a pas été soumise au tribunal. La demanderesse convient que la Cour n’a pas à tenir compte de cette correspondance.

B. Le rapport du vérificateur fait‐il partie des motifs de décision?

[21] Les parties ne s’entendent pas sur la signification du « rapport sur les choix modifiés en vertu du paragraphe 96(5.1) » [rapport du vérificateur], qui a été dressé par un vérificateur de l’ARC pour déterminer si les choix modifiés de la demanderesse devraient être autorisés et s’ils font partie du dossier certifié du tribunal. Le rapport du vérificateur conclut en recommandant le refus des choix modifiés pour les motifs suivants de la recommandation :

Le contribuable n’a pas expliqué pourquoi il serait juste et équitable pour le ministre d’accepter les choix qui font l’objet de la demande de modification.

L’examen de la vérification confirme que la demande visait une planification fiscale rétroactive, contournant ainsi l’article 66.7 de la LIR.

Rien ne prouve que les choix modifiés soient justes et équitables.

La demande du contribuable de modifier les choix ne s’inscrit dans aucun des facteurs qui pourraient être pris en compte en vertu des dispositions d’allègement pour les contribuables énoncées dans le document IC07‐01.

Le contribuable a déjà utilisé les dispositions d’allègement pour les contribuables (DAC) en se fondant sur la planification fiscale rétroactive.

Les faits contextuels démontrent que plusieurs motifs incitaient la GEI à créer davantage de pertes autres qu’en capital.

Le montant que le contribuable tente de modifier pour profiter des choix modifiés, soit 31 692 791,00 $, est important.

[22] Le rapport du vérificateur a été signé par le vérificateur ainsi que par le gestionnaire de cas/chef d’équipe, Bryan Byrhe, qui est le délégué du ministre ayant pris la décision en cause.

[23] La demanderesse affirme que le rapport du vérificateur constitue les motifs au soutien de la décision.

[24] Le défendeur affirme que la lettre de décision du 5 mai 2021 énonce les motifs de la décision. Il fait remarquer que ce ne sont pas toutes les recommandations (puces) du rapport du vérificateur qui reflètent la lettre de décision. Il ajoute que l’on ne peut donc présumer que le délégué du ministre a adopté la recommandation du vérificateur pour les raisons données par ce dernier.

[25] Dans l’arrêt Alexion Pharmaceuticals Inc c Canada (Procureur général), 2021 CAF 157, la Cour d’appel fédérale s’est penchée sur ce qu’une cour de révision devrait examiner pour évaluer le « caractère adéquat » des motifs prononcés par un décideur, à la suite de l’arrêt faisant autorité de la Cour suprême du Canada concernant l’examen approfondi des décisions administratives, Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65. Voici ce qu’elle a dit :

[15] Les motifs explicites constituent seulement l’un des éléments que la cour de révision peut examiner. Le fait que le décideur administratif ne mentionne pas explicitement quelque chose dans ses motifs ne constitue pas nécessairement un manque « de justification, d’intelligibilité ou de transparence » : arrêt Vavilov, par. 94 et 122. Il faut examiner les motifs écrits par le décideur administratif en les lisant « de façon globale et contextuelle » et « eu égard au dossier et en tenant dûment compte du régime administratif dans lequel ils sont donnés » : arrêt Vavilov, par. 97 et 103.

[16] Par conséquent, le silence dans les motifs explicites sur un point précis ne constitue pas nécessairement une « lacune fondamentale » justifiant une intervention de la cour de révision. Les motifs du décideur administratif, lus séparément ou au regard du dossier de façon globale et sensible, peuvent conduire légitimement la cour de révision à conclure que le décideur administratif a tiré une conclusion implicite. Le dossier de la preuve, les observations présentées, les points compris par le décideur administratif compte tenu des précédents auxquels il renvoie ou qu’il doit connaître, la nature de la question que le décideur administratif doit trancher et les autres affaires connues du décideur administratif peuvent également alimenter le fondement permettant à la cour de révision de conclure que le décideur administratif a tiré des conclusions implicites : arrêt Vavilov, par. 94 et 123; voir, par exemple, Bell Canada c. British Columbia Broadband Association, 2020 CAF 140.

[17] Lorsqu’une cour de révision examine les motifs d’un décideur administratif, elle a le droit de « relier les points sur la page quand les lignes, et la direction qu’elles prennent, peuvent être facilement discernées » : décision Komolafe c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 431, 16 Imm. L.R. (4th) 267, par. 11; arrêt Vavilov, par. 97.

[18] Imaginons, par exemple, le cas d’un décideur administratif qui doit analyser plusieurs éléments avant de trancher une question. Il a conscience de ces éléments (dont certains, implicites, sont issus d’observations ou de précédents auxquels il renvoie), mais il en traite seulement deux de manière détaillée. Les circonstances peuvent permettre à la cour de révision de conclure que le décideur administratif connaissait tous les éléments et qu’il les a examinés, mais que, par souci de concision, il ne les a pas tous mentionnés de manière explicite. Même lorsque des éléments de l’analyse sont exclus et que, tout bien considéré, les omissions sont minimes ou sans conséquence, la décision n’est pas « [compromise] [...] dans son ensemble » et doit être maintenue : arrêt Vavilov, par. 122.

[26] Je suis convaincue que la lettre du 5 mai 2021 contient les motifs de décision du délégué du ministre. Toutefois, les motifs font expressément référence à l’examen fait par l’équipe de vérification des demandes de modification, dont les résultats sont énoncés dans le rapport du vérificateur. Dans de telles circonstances, je suis convaincue que le rapport du vérificateur doit être pris en compte pour évaluer les motifs de décision du délégué du ministre. Cela est également conforme à l’exigence selon laquelle il faut lire dans son ensemble et dans son contexte la lettre du 5 mai 2021 pour évaluer le caractère adéquat, la logique, la cohérence et la rationalité de la décision, à la lumière du dossier certifié du tribunal, qui comprend le rapport du vérificateur.

III. La question en litige et la norme de contrôle

[27] La seule question qui subsiste est de savoir si la décision du délégué du ministre de refuser les modifications était raisonnable.

[28] Lorsqu’un tribunal examine le bien‐fondé d’une décision administrative, la norme de la décision raisonnable est la norme présomptive de contrôle. Aucune exception à cette présomption n’a été soulevée ni ne s’applique [voir l’arrêt Vavilov, précité, aux paragraphes 23 et 25].

[29] Dans l’arrêt Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67, le juge Rowe a expliqué les critères d’une décision raisonnable et de l’examen par un tribunal selon la norme de la décision raisonnable. Il a déclaré :

[31] La décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov, par. 85). Par conséquent, lorsqu’elle procède au contrôle d’une décision selon la norme de la décision raisonnable, « une cour de révision doit d’abord examiner les motifs donnés avec “une attention respectueuse”, et chercher à comprendre le fil du raisonnement suivi par le décideur pour en arriver à [l]a conclusion » (Vavilov, par. 84, citant Dunsmuir, par. 48). Les motifs devraient être interprétés de façon globale et contextuelle afin de comprendre « le fondement sur lequel repose la décision » (Vavilov, par. 97, citant Newfoundland Nurses).

[32] La cour de révision devrait se demander si la décision dans son ensemble est raisonnable : « ce qui est raisonnable dans un cas donné dépend toujours des contraintes juridiques et factuelles propres au contexte de la décision particulière sous examen » (Vavilov, par. 90). Elle doit se demander « si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‐ci » (Vavilov, par. 99, citant Dunsmuir, par. 47 et 74, et Catalyst Paper Corp. c. North Cowichan (District), 2012 CSC 2, [2012] 1 R.C.S. 5, par. 13).

[33] Lors d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, « [i]l incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable » (Vavilov, par. 100). La partie qui conteste la décision doit convaincre la cour de justice que « la lacune ou la déficience [invoquée] [...] est suffisamment capitale ou importante pour rendre [la décision] déraisonnable » (Vavilov, par. 100).

IV. Analyse

[30] Le paragraphe 97(2) de la LIR permet aux parties à un transfert à une société de personnes de reporter les conséquences fiscales de ce transfert en choisissant conjointement, aux fins de l’impôt sur le revenu, qu’un actif transféré ait été vendu pour un montant autre que la contrepartie effective échangée. Le montant choisi par les parties, qui est établi par actif plutôt que dans l’ensemble, est le « montant convenu » et la LIR contient des règles sur ce montant. Les contribuables font ce choix en soumettant un formulaire T2059 (Choix relatif à la disposition de biens) à l’ARC [voir R & S Industries Inc c Canada (Revenu national), 2016 CF 275 au paragraphe 4].

[31] Le paragraphe 96(5.1) de la LIR confère au ministre le pouvoir discrétionnaire de permettre la modification d’un choix fait en vertu du paragraphe 97(2) lorsque, de l’avis du ministre, les circonstances de l’affaire sont telles qu’il serait « juste et équitable » de permettre la modification.

[32] La demanderesse affirme que la décision du délégué du ministre selon laquelle les circonstances de l’affaire sont telles qu’il ne serait pas « juste et équitable » de permettre de modifier les choix est déraisonnable, car : a) le délégué du ministre a commis une erreur en concluant que la demande de modification constitue une planification fiscale rétroactive; b) la conclusion selon laquelle la demanderesse tentait de se prévaloir de l’article 66.7 de la LIR est illogique et non rationnelle; c) la conclusion selon laquelle la demanderesse tentait d’éviter indûment l’impôt était fondée sur des spéculations et est erronée; d) la décision n’appuie pas la conclusion selon laquelle la demanderesse n’a pas expliqué au ministre pourquoi les modifications étaient justes et équitables; e) la décision n’explique pas pourquoi un montant « important » fait en sorte que les circonstances ne sont pas justes et équitables; f) la circulaire d’information 07‐01 ne s’applique pas; g) la jurisprudence à laquelle il est renvoyé dans le rapport de l’évaluateur peut être écartée; h) l’ordonnance rendue en vertu de la LACC qui est mentionnée dans le rapport de l’évaluateur ne fait pas dûment partie des demandes de modification.

[33] Le défendeur affirme que la décision du délégué du ministre est raisonnable, car la demanderesse n’a fourni au ministre aucune observation quant aux raisons pour lesquelles il serait juste et équitable de permettre des modifications. Toutefois, malgré l’absence d’explications de la demanderesse, le défendeur affirme que le ministre a entrepris un long examen des documents et des renseignements fournis par la demanderesse, ce qui l’a amené à conclure qu’il ne serait pas juste et équitable d’autoriser les modifications. Le défendeur soutient que l’examen effectué par le ministre reposait sur un examen opportun des facteurs pertinents et que la décision qui en a résulté était raisonnable.

[34] La LIR n’établit aucun critère permettant au ministre de déterminer s’il est « juste et équitable » d’autoriser un choix modifié. Le délégué du ministre note dans sa décision que le vérificateur a examiné les circonstances de la demande de modification en fonction des facteurs énoncés dans deux circulaires d’information de l’ARC, à savoir IC 76‐19R3 et IC 07‐01.

[35] La circulaire d’information 76‐19R3 est intitulée « Transfert de biens à une société en vertu de l’article 85 ». Bien que la circulaire d’information traite d’une modification d’un choix en vertu d’une disposition législative différente de la LIR, le libellé prescrit par la loi, « juste et équitable », est identique. Voici les parties clés de la circulaire IC 76‐19R3 :

Choix tardifs ou modifiés

15. En vertu du paragraphe 85(7), vous avez jusqu’à trois ans après la date limite de production mentionnée au numéro 12 pour faire un choix. Le paragraphe 85(7.1) stipule que vous pouvez produire un choix plus de trois ans après la date limite initiale ou modifier un choix n’importe quand si le ministre est d’avis que, compte tenu des circonstances, il est juste et équitable d’accepter le choix tardif ou modifié. Le ministre délègue le pouvoir d’accepter ces choix tardifs ou modifiés aux directeurs des bureaux des services fiscaux. Vous ou votre représentant devez envoyer votre choix tardif ou modifié, prévu au paragraphe 85(7.1), au bureau des services fiscaux qui dessert le cédant, avec une demande écrite au ministre d’accepter le choix. La demande doit préciser pourquoi, selon vous, il serait juste et équitable que le ministre accepte le choix. Si vous ne donnez pas de raisons, le Ministère ne traitera pas le choix. De plus, au moment de faire le choix, vous devez payer le montant estimatif de la pénalité applicable (voir le numéro 21).

16. En règle générale, nous accepterons un choix modifié visé au paragraphe 85(7.1) s’il a pour but de modifier la somme convenue et si, sans cette modification, il y aurait des attributs fiscaux non prévus pour les contribuables concernés. Nous permettrons de telles modifications si elles visent à corriger une erreur, une omission ou un oubli commis lors du choix initial. Toutefois, nous ne les permettrons pas si, de l’avis du Ministère, elles visent principalement à :

a. tirer parti, de façon rétroactive, d’avantages fiscaux non envisagés lors de la production du choix initial, comme des crédits d’impôt ou des pertes. Lorsqu’une partie des modifications visera à tirer parti rétroactivement d’avantages fiscaux et une autre, à corriger des erreurs, nous vous informerons que nous n’accepterons un choix modifié que pour la correction des erreurs;

b. tirer avantage de modifications législatives adoptées après la production du choix initial, par exemple, en augmentant la somme convenue dans un choix fait en avril 1985, de manière à créer un gain en capital pouvant être annulé par une déduction pour gains en capital en vertu de l’article 110.6;

c. éviter l’impôt par des moyens abusifs ou à l’éluder;

d. modifier la somme convenue pour une année frappée de prescription.

[Caractères gras ajoutés.]

[36] La circulaire d’information 07‐01, intitulée « Dispositions d’allègement pour les contribuables », donne un aperçu des facteurs pris en compte par l’ARC concernant l’acceptation de choix modifiés en vertu du paragraphe 220(3.2) de la LIR. L’article 56 de la circulaire d’information est formulé en ces termes :

Une demande peut être acceptée dans les situations suivantes :

a. lorsqu’une situation a entraîné des conséquences fiscales non voulues par le contribuable et qu’il y a de l’information probante qui montre que le contribuable a pris des mesures raisonnables pour se conformer à la Loi. Il peut s’agir, entre autres, du cas lorsque le contribuable a, de bonne foi, obtenu pour un bien une évaluation qui, après examen par l’ARC, s’est révélée inexacte;

b. lorsque la demande est attribuable à une situation qui était indépendante de la volonté du contribuable. Les situations exceptionnelles peuvent comprendre les catastrophes naturelles ou causées par l’homme, telle qu’une inondation ou un incendie; les troubles publics ou l’interruption de services, tels qu’une grève des postes; la maladie grave ou un accident grave; les troubles émotifs sévères ou une souffrance morale grave, tels qu’un décès dans la famille immédiate;

c. lorsqu’il est évident que le contribuable a agi en se fondant sur des renseignements inexacts fournis par l’ARC. Il peut s’agir, entre autres, du cas de réponses écrites inexactes reçues suite à des demandes et des erreurs contenues dans les publications de l’ARC;

d. lorsque la demande est attribuable à une situation qui découle d’une erreur mécanique. Il peut s’agir, entre autres, du cas lorsque la valeur comptable nette a été utilisée alors qu’il est évident que le contribuable voulait utiliser la fraction non amortie du coût en capital ou en utilisant un coût erroné;

e. lorsque la comptabilisation subséquente des opérations a été faite par toutes les parties comme si le choix avait été exercé ou avait été exercé d’une façon particulière;

f. lorsque le contribuable peut démontrer qu’il ne connaissait pas la disposition concernant le choix, malgré les efforts raisonnables qu’il avait déployés pour se conformer à la Loi, et qu’il a pris sans tarder des mesures correctives.

[37] L’article 57 de la circulaire d’information traite du refus d’un choix modifié et est rédigé ainsi :

Une demande sera refusée dans les cas suivants :

a. Il est raisonnable de conclure que le contribuable a présenté la demande dans un but de planification fiscale rétroactive. Il peut s’agir, entre autres, de vouloir profiter de modifications législatives qui sont entrées en vigueur après l’expiration du délai d’exercice du choix.

b. Il n’y a aucune documentation existante.

c. Il est raisonnable de conclure que le contribuable a dû faire une demande, parce qu’il ou elle a fait preuve de négligence ou d’imprudence en ce qui concerne l’observation de la Loi.

[38] Le vérificateur a tenu compte de tous les facteurs énoncés dans les deux circulaires d’information qui favorisaient l’acceptation et le rejet des demandes de modification.

[39] La demanderesse ne conteste pas le recours du délégué du ministre à la circulaire IC 76‐19R3. Elle affirme cependant que le recours du délégué du ministre à la circulaire IC 07‐01 était illogique, car le paragraphe 220(3.2) de la LIR n’oblige pas le ministre à déterminer si les circonstances sont justes et équitables pour accepter un choix modifié en vertu de cette disposition législative. En outre, le délégué du ministre n’a pas expliqué pourquoi il s’est fondé sur cette circulaire d’information dans les circonstances.

[40] Je suis convaincue que l’examen par le vérificateur des facteurs énoncés dans les deux circulaires d’information et l’examen par le délégué du ministre des deux circulaires d’information étaient raisonnables. Comme la LIR ne fournit aucune directive au ministre quant aux facteurs à appliquer dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 96(5.1), je suis convaincue que le recours du délégué du ministre à une circulaire d’information portant sur une disposition analogue de la LIR (IC 76‐19R3) et sur l’allègement fiscal général (IC 07‐01) était approprié. Quoi qu’il en soit, je note que la préoccupation principale de la demanderesse à l’égard de la décision en cause est la conclusion du délégué du ministre selon laquelle la demanderesse s’était engagée dans une planification fiscale rétroactive, ce qui est un facteur présent dans les deux circulaires d’information.

[41] La demanderesse affirme que la décision du délégué du ministre selon laquelle la demanderesse n’avait fourni aucune explication quant à la raison pour laquelle il serait juste et équitable d’accorder les demandes de modification était déraisonnable, puisque la demanderesse avait en fait fourni une explication. J’aimerais d’abord souligner que dans ses motifs, le délégué du ministre a conclu que « les observations du contribuable n’appuyaient pas la modification comme étant juste et équitable ». Le délégué du ministre n’a pas conclu qu’aucune explication n’avait été fournie par la demanderesse – il s’agissait plutôt d’une conclusion du vérificateur. Toutefois, en fin de compte, il s’agit là d’une distinction sans différence, car je suis convaincue que l’« explication » de la demanderesse était tellement dépourvue de détails qu’elle ne constituait pas du tout une explication.

[42] La seule explication fournie par la demanderesse concernant la demande de modification était que [traduction] « principalement en raison de différences de date et de déclaration entre la production des bordereaux de société de personnes et les feuillets T2 de Glenogle Energy Inc., il a été établi que le montant choisi pour la disposition des biens intangibles en faveur de la société de personnes était erroné. » La demanderesse n’a pas expliqué la nature de l’« erreur » alléguée, comment et pourquoi les montants initiaux du choix ont été sélectionnés, comment l’« erreur » a été découverte et pourquoi le montant choisi doit maintenant être modifié. La demanderesse cherche à ce que le ministre exerce son pouvoir discrétionnaire d’accueillir les demandes de modification. Cependant, elle n’a pas expliqué de façon significative pourquoi il serait juste et équitable pour le ministre de le faire. Dans de telles circonstances, je conclus qu’il aurait été raisonnable, sur cette seule base, que le ministre ait rejeté les demandes de modification, sans même tenir compte des divers autres facteurs décrits dans les circulaires d’information. Je note que cela aurait également été conforme à l’article 15 du bulletin IC 76‐19R3 et à l’approche générale de l’octroi d’une mesure discrétionnaire – c’est‐à‐dire que la partie qui demande une telle mesure doit démontrer la justification de celle‐ci.

[43] Je vais maintenant examiner l’argument principal de la demanderesse selon lequel le délégué du ministre a commis une erreur en concluant que la demande de modification constitue une planification fiscale rétroactive. Dans l’examen de cette question, il importe de garder à l’esprit que celle‐ci concerne l’expertise du délégué du ministre dans l’application des dispositions de la LIR aux faits en cause. À ce titre, il y a lieu de faire preuve de déférence à l’égard du délégué du ministre. La Cour n’interviendra que si l’évaluation de cette question effectuée par le délégué du ministre manque de justification, de transparence et d’intelligibilité et ne fait pas partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et des principes juridiques applicables.

[44] La demanderesse concède que le terme « planification fiscale rétroactive » n’est pas défini dans la LIR. La demanderesse a fourni à la Cour quelques décisions dans lesquelles les tribunaux canadiens ont commenté le concept de planification fiscale rétroactive. Cependant, il ressort d’un examen de ces décisions qu’il n’existe pas de définition claire.

[45] Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Fairmont Hotels Inc, 2016 CSC 56, au paragraphe 72, la Cour suprême du Canada a commenté la rectification et a déclaré ce qui suit :

[...] les parties ne devraient pas pouvoir recourir sans restriction à la rectification pour procéder à une planification fiscale rétroactive. Les tribunaux ne permettront pas aux parties de revenir sur leurs décisions simplement parce qu’elles les regrettent après coup. Le fait de permettre aux parties de réécrire des documents et de réorganiser leurs affaires simplement parce qu’elles préfèrent généralement et globalement payer moins d’impôt n’est pas compatible avec les principes d’equity qui régissent la rectification.

[46] La demanderesse affirme que le Manuel de la vérification de l’impôt sur le revenu de l’ARC aide à définir la planification fiscale rétroactive en disposant à la section 12.1.4 :

La planification fiscale rétroactive découle d’un événement qui survient après que la planification initiale ait eu lieu en fonction des faits disponibles à cette époque. De nouveaux renseignements peuvent faire en sorte qu’un contribuable décrive les événements différemment. Le contribuable a le droit de s’organiser de manière à réduire son impôt à payer; toutefois, l’intention du contribuable d’apporter des modifications à des transactions déjà déclarées auparavant est importante, car les modifications rétroactives peuvent se traduire par une application impropre ou abusive des lois.

[47] Compte tenu de ce qui précède, la demanderesse affirme que si une demande de modification ne comporte pas un « changement de relation juridique » dans le but d’obtenir un meilleur résultat fiscal, cette demande de modification ne peut constituer une planification fiscale rétroactive. La demanderesse affirme qu’en l’espèce, les demandes de modification ne reflètent pas des relations juridiques différentes de celles qui avaient été déclarées au départ. La demanderesse affirme que la justification donnée par le vérificateur pour conclure qu’il existe une planification fiscale rétroactive est spéculative et n’est pas clairement expliquée, car le vérificateur ne recense pas les critères d’une demande de planification fiscale rétroactive et n’explique pas pourquoi les demandes de modification constituaient une planification fiscale rétroactive dans le contexte de la jurisprudence.

[48] Je rejette les affirmations de la demanderesse. Nulle part dans la jurisprudence ou les documents cités par la demanderesse, le concept de planification fiscale rétroactive ne met l’accent sur un « changement de relation juridique » comme le propose la demanderesse. Les documents invoqués par la demanderesse exhortent plutôt à tenir compte de « l’intention du contribuable d’apporter des modifications à des transactions déjà déclarées auparavant ». En l’espèce, la demanderesse n’a pas expliqué de façon significative pourquoi elle cherche à modifier les montants déjà sélectionnés (soit un changement aux transactions déjà déclarées auparavant). En l’absence combinée d’une définition claire de la planification fiscale rétroactive et d’une telle explication, il devient difficile d’accepter l’affirmation de la demanderesse selon laquelle la décision du délégué du ministre est déraisonnable. Au contraire, un examen du rapport du vérificateur révèle une analyse détaillée des opérations et des répercussions fiscales des choix modifiés proposés (qui modifieraient la disponibilité des pertes pour les années d’imposition futures).

[49] De plus, je conclus que la demanderesse n’a pas démontré que le délégué du ministre s’est fondé sur un principe juridique erroné ou n’a pas tenu compte des éléments de preuve fournis par la demanderesse.

[50] Dans les circonstances, je ne suis pas convaincue que la demanderesse a démontré que la décision du délégué du ministre selon laquelle les demandes de modification équivalent à une planification fiscale rétroactive manque de justification, de transparence et d’intelligibilité et ne fait pas partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et des principes juridiques applicables. Il semblerait plutôt que la demanderesse soit simplement en désaccord avec la conclusion. Or, il ne s’agit pas d’un fondement sur lequel la Cour s’appuiera pour infirmer la décision.

[51] En ce qui concerne les affirmations de la demanderesse selon lesquelles la conclusion que celle‐ci tentait d’éviter indûment l’impôt était fondée sur des spéculations et était erronée, que la jurisprudence mentionnée dans le rapport du vérificateur est différente et que l’ordonnance de la LACC mentionnée dans le rapport du vérificateur ne fait pas partie des demandes de modification, je note qu’aucun de ces motifs ne figure dans la lettre de décision du délégué du ministre.

[52] En outre, je ne suis pas convaincue que faute d’explication de la pertinence du montant de la modification, la décision devient déraisonnable.

[53] De plus, bien que la demanderesse allègue que la conclusion selon laquelle elle tentait de se prévaloir de l’article 66.7 de la LIR est illogique et non rationnelle, la demanderesse a déployé peu d’efforts dans ses observations (paragraphe 61 de son mémoire des faits et du droit) pour expliquer cette allégation. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que la demanderesse ait démontré une erreur du délégué du ministre dans sa conclusion selon laquelle les demandes de modification constituaient une tentative de contourner la règle concernant les corporations remplaçantes de l’article 66.7 de la LIR.

V. Conclusion

[54] Je conclus que la décision du délégué du ministre était justifiée, transparente et intelligible, et qu’elle s’inscrivait bien dans les issues possibles et acceptables. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[55] Le défendeur réclame les dépens de la demande. Je ne vois aucune raison de déroger au principe général selon lequel, en tant que partie ayant gain de cause, le défendeur devrait recouvrer les dépens de la demande. En ce qui concerne le montant des dépens, les parties conviennent que les dépens devraient être fixés à 2 000 $.

JUGEMENT dans le dossier T‐899‐21

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. La demanderesse doit payer au défendeur les dépens pour la présente demande, de 2 000 $, y compris les débours et les taxes.

« Mandy Aylen »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‐899‐21

 

INTITULÉ :

GLENOGLE ENERGY INC. c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 8 février 2022

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LA JUGE AYLEN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 15 février 2022

 

COMPARUTIONS :

Daniel Morrison

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Alexander Millman

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

KPMG Law LLP

Calgary (Alberta)

Le Procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

 

POUR LA DEMANDERESSE

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.