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Date : 20220210


Dossier : IMM-6839-19

Référence : 2022 CF 99

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 10 février 2022

En présence de monsieur le juge Favel

ENTRE :

HAMID AZANI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. La nature de l’affaire

[1] M. Azani [le demandeur] sollicite le contrôle judiciaire d’une décision qu’un agent des visas [l’agent] de l’ambassade du Canada en Pologne, à Varsovie, a rendue le 14 septembre 2019 [la décision contestée]. Aux termes du paragraphe 100(2) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le Règlement], l’agent a rejeté la demande de résidence permanente du demandeur au titre de la « catégorie des travailleurs autonomes ».

[2] La décision est raisonnable. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

II. Le contexte

[3] Le demandeur, citoyen de l’Iran, est artiste et concepteur d’esthétique urbaine pour son propre compte. En septembre 2018, il a présenté une demande de résidence permanente au Canada au titre de la catégorie de l’immigration économique, en tant que travailleur autonome. La profession qu’il envisageait d’exercer au Canada était celle d’artiste urbain indépendant qui fournirait des services d’art public. Bien que le Règlement ne l’exige pas, le demandeur a fourni à l’appui de sa demande un plan d’affaires décrivant son projet de fonder une entreprise de conception et de production [traduction] « d’œuvres d’art publiques et urbaines sur commande » telles que des sculptures, des peintures, des accessoires, des luminaires, des projets en deux et en trois dimensions. En outre, l’entreprise achèterait et vendrait des antiquités iraniennes.

III. La décision contestée

[4] La demande a été rejetée, car l’agent, non convaincu que le demandeur avait l’intention et était en mesure de créer son propre emploi au Canada, a conclu qu’il n’avait pas la qualité de travailleur autonome au sens du paragraphe 88(1) du Règlement. En résumé, le demandeur ne satisfaisait pas aux exigences de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], et du Règlement.

[5] L’agent a consigné les notes suivantes dans le Système mondial de gestion des cas [le SMGC] :

  • [traduction]
    Le demandeur a affirmé qu’il devait améliorer sa connaissance de l’anglais, mais que, dans l’intervalle, il comptait sur les occasions d’affaires qu’il obtiendrait auprès de la diaspora iranienne.

  • Un plan d’affaires a été fourni, mais il ne contient que des renseignements généraux sur l’industrie au Canada.

  • Les renseignements fournis sur les aspects financiers de l’entreprise potentielle du demandeur au Canada et sur les projections financières, en particulier leur source, sont insuffisants.

  • Les renseignements ne suffisent pas non plus à démontrer que le demandeur a effectué une étude appropriée du marché canadien et que le projet d’entreprise envisagé est réalisable. Les renseignements contenus dans le plan d’affaires ne m’en ont pas convaincu; le demandeur a simplement fourni un aperçu des forces et des faiblesses de l’entreprise projetée, et les renseignements ne suffisent pas à me convaincre qu’il a l’intention et est en mesure de créer son propre emploi au Canada.

  • La preuve ne suffit pas à démontrer que le demandeur s’est entretenu avec des personnes au Canada pour évaluer la faisabilité de son projet d’entreprise. Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincu que le demandeur a l’intention et est en mesure de créer son propre emploi au Canada.

  • La preuve du demandeur ne suffit pas à démontrer qu’il a étudié en profondeur le secteur d’activité de l’entreprise projetée dans le marché au Canada et, en particulier, dans la région de destination, ni qu’il a adopté un plan dont il est raisonnable de croire qu’il lui permettrait de créer son propre emploi et de pénétrer le marché de l’esthétique urbaine.

  • Par conséquent, je ne suis pas convaincu que le demandeur a l’intention et est en mesure de créer son propre emploi au Canada. Il ne répond donc pas à la définition de travailleur autonome. La demande est rejetée.

IV. Les questions en litige et la norme de contrôle

[6] Les questions en litige sont les suivantes :

(1) L’agent a-t-il violé les droits à l’équité procédurale du demandeur?

(2) La décision est-elle raisonnable?

[7] Les questions d’équité procédurale sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte (Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24 au para 79; Oleynik c Canada (Procureur général), 2020 CAF 5 au para 39; Ebrahimshani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 89 au para 12 [Ebrahimshani]). La Cour, qui n’est pas astreinte à la déférence à l’égard du décideur, doit se demander « si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances » (Lipskaia c Canada (Procureur général), 2019 CAF 267 au para 14). L’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], de la Cour suprême n’a pas renversé ce précédent en matière d’équité procédurale.

[8] Le bien-fondé de la décision contestée est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable, car aucune des exceptions énumérées dans l’arrêt Vavilov ne se présente en l’espèce (Vavilov, aux para 16-17). Un contrôle selon la norme de la décision raisonnable exige que la Cour se demande si la décision possède les caractéristiques d’une telle décision, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision « est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle-ci » (Vavilov, au para 99). Si les motifs du décideur permettent à la cour de révision de comprendre pourquoi elle a été rendue et de décider si elle appartient aux issues acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit, la décision est raisonnable (Vavilov, aux para 85-86). Lorsque la cour de révision effectue un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, elle doit tenir dûment compte à la fois du résultat de la décision et du raisonnement à l’origine de ce résultat (Vavilov, au para 87).

V. Les positions des parties

A. L’agent a-t-il violé les droits à l’équité procédurale du demandeur?

(1) La position du demandeur

[9] Lorsqu’un agent doute du caractère suffisant d’une demande et de la preuve à l’appui de celle-ci, l’équité exige de l’agent qu’il informe le demandeur de ses doutes et qu’il lui donne l’occasion d’y répondre. Le guide opérationnel « OP 8 Entrepreneurs et travailleurs autonomes » [le guide OP 8] n’oblige pas les demandeurs à soumettre un plan d’affaires officiel. Le demandeur pouvait légitimement s’attendre à ce que ses documents, qui comprenaient son plan d’affaires, soient suffisants. Par conséquent, il « n’était pas équitable […] que l’agent ne lui signale pas les inquiétudes que suscitait son plan d’affaires » (Mohitian c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1393 aux para 18-23 [Mohitian]).

(2) La position du défendeur

[10] Le demandeur ne s’est pas acquitté de son obligation de démontrer qu’il avait l’intention et la capacité de réussir son établissement économique au Canada. Le plan d’affaires a suscité des doutes chez l’agent parce qu’il avait un caractère général et qu’il ne démontrait pas que le demandeur avait l’intention et la capacité de réussir son établissement économique au Canada. L’agent n’est pas tenu d’aviser le demandeur que sa preuve est insuffisante.

[11] Le guide OP 8 n’est plus pertinent sur le plan opérationnel. Il a été remplacé par les instructions sur l’exécution des programmes [les IEP] relatives à la catégorie des travailleurs autonomes, qui sont en vigueur depuis le 2 août 2016. Le fait que le demandeur se soit appuyé sur le guide OP 8, qui est caduc, ne donne pas lieu à une attente légitime qui renforcerait l’obligation d’équité procédurale due au demandeur (Jumalieva c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 385 aux para 19-21).

[12] Une distinction doit être établie entre l’affaire Mohitian et l’espèce, car les faits ne sont pas les mêmes, et la première a été tranchée à la lumière du guide OP 8, auquel les agents ne se réfèrent plus. Le défendeur fait remarquer que, dans les décisions Gur c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1275 [Gur] (aux para 13-15), et Rezaei c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CF 444 [Rezaei] (aux para 15-17), une distinction est également établie avec l’affaire Mohitian sur la base de ses faits.

B. La décision est-elle raisonnable?

(1) La position du demandeur

[13] Comme les motifs de l’agent ne traitent pas des renseignements figurant dans le plan d’affaires, ils ne sont ni intelligibles ni transparents. L’agent n’explique pas pourquoi le plan d’affaires est insuffisant ou inadéquat, ce qui donne à penser qu’il a appliqué des critères arbitraires.

(2) La position du défendeur

[14] L’agent a bien expliqué pourquoi les renseignements figurant dans le plan d’affaires étaient insuffisants. Le défendeur soutient que la cour de révision peut [traduction] « relier les points » dans les motifs de l’agent, compte tenu de la preuve dont il disposait. Dans l’affaire Ebrahimshani, qui est tout à fait analogue, la Cour a pris en compte le plan d’affaires du demandeur qui « ne contenait pas suffisamment d’information ».

VI. Analyse

A. L’agent a-t-il violé les droits à l’équité procédurale du demandeur?

[15] L’obligation d’équité procédurale qui s’impose dans l’examen une demande de visa de résident permanent se trouve à l’extrémité inférieure du spectre (Ebrahimshani, au para 28; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khan, 2001 CAF 345 aux para 31-32; Lv c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 935 aux para 22-23) en raison des facteurs suivants :

  1. Il n’existe pas de droit reconnu par la loi à la résidence permanente;

  2. Il incombe au demandeur du visa d’établir son admissibilité;

  3. Les conséquences de la décision sur le demandeur sont en général moins graves que celles de la suppression d’un avantage;

  4. Il est d’intérêt public de limiter les dépenses administratives.

[16] Je conviens qu’une distinction entre l’affaire Mohitian et l’espèce doit être établie. Premièrement, dans la présente affaire, le guide OP 8 était caduc au moment où le demandeur a déposé sa demande, et l’agent n’en a pas tenu compte. Deuxièmement, les faits de l’espèce et ceux de l’affaire Mohitian sont différents. Dans l’affaire Mohitian, les notes figurant dans le SMGC et la lettre de décision étaient contradictoires sur un point important (Mohitian, au para 16; Gur, au para 13). En outre, la demande de visa était en suspens depuis plus de sept ans lorsque l’agent a envoyé au demandeur une « liste de vérification » énumérant les formulaires et les renseignements à soumettre. Un plan d’affaires n’en faisait pas partie (Mohitian, aux para 2 et 18). L’agent des visas a ensuite jugé que le plan d’affaires du demandeur était irréaliste, et la Cour a conclu que l’agent aurait dû fournir au demandeur une autre occasion d’étayer sa demande (Mohitian, au para 23).

[17] Dans la décision Gur, la Cour a conclu que la décision Mohitian s’appuyait essentiellement sur le long délai et sur une contradiction entre les notes figurant dans le SMGC et la lettre de décision (Gur, au para 13). Au paragraphe 16 de la décision Gur, la Cour a cité la règle générale initialement formulée au paragraphe 24 de la décision Hamza c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 264 [Hamza], selon laquelle :

[…] un agent des visas est ni tenu d’aviser un demandeur ou une demanderesse des lacunes relevées dans sa demande, ni dans les documents fournis à l’appui de la demande. En outre, un agent des visas n’est pas tenu de demander des précisions ou des documents supplémentaires, ou de donner l’occasion au demandeur ou à la demanderesse de dissiper ses préoccupations, lorsque les documents présentés à l’appui d’une demande sont obscurs, incomplets ou insuffisants pour permettre de convaincre l’agent que le demandeur ou la demanderesse se conforme à toutes les exigences qui découlent du Règlement […]

[18] Cependant, dans la décision Hamza, il est également souligné qu’un demandeur devrait avoir la chance de répondre aux préoccupations de l’agent « lorsqu’il s’agit de préoccupations liées à la crédibilité, à la véracité ou à l’authenticité des documents présentés par le demandeur et non de préoccupations liées au caractère suffisant de la preuve qui a été présentée » (Hamza, au para 25). En l’espèce, contrairement à ce qu’a fait valoir le demandeur, aucun problème de crédibilité n’a été soulevé.

[19] Dans l’affaire Rezaei, qui est semblable à l’espèce, l’agent a conclu que le plan d’affaires « ne fournissait que des renseignements généraux et des données statistiques sur l’industrie au Canada, et fournissait peu d’information sur le lien entre ces renseignements généraux et le travail autonome proposé par le demandeur » (Rezaei, au para 6). En établissant une distinction avec l’affaire Mohitian, la Cour a conclu qu’une occasion supplémentaire de présenter des observations ne doit être fournie que « lorsque l’agent des visas peut fonder [la] conclusion [possiblement défavorable] sur des renseignements dont le demandeur n’a pas connaissance ou lorsque la préoccupation de l’agent concerne la crédibilité du demandeur ou l’authenticité des documents qu’il a présentés à l’appui de sa demande » (Rezaei, au para 12). Ce n’est pas non plus le cas en l’espèce.

[20] En l’espèce, les réserves de l’agent au sujet du plan d’affaires et d’autres documents découlaient directement des exigences de la LIPR et du Règlement en ce qui concerne la catégorie des travailleurs autonomes. En somme, le demandeur a fourni des renseignements insuffisants pour répondre aux questions de savoir si l’entreprise projetée satisfaisait aux exigences prévues par la loi et s’il avait démontré qu’il avait l’intention et était en mesure de créer son propre emploi. Je juge que ces réserves portent non pas sur la crédibilité du demandeur, mais plutôt sur le caractère suffisant des documents à l’appui de la demande.

[21] Le demandeur dans l’affaire Ebrahimshani a avancé le même argument que le demandeur en l’espèce, à savoir que la remise en question d’un chiffre équivalait à la remise en question de sa crédibilité (Ebrahimshani, aux para 24-25). La juge Strickland a rejeté cet argument et a directement traité de ce point aux paragraphes 32 et 33 :

[32] En ce qui concerne l’argument du demandeur selon lequel mettre en doute la source de la preuve du demandeur équivalait à remettre en question sa crédibilité, créant ainsi l’obligation de donner au demandeur la possibilité de répondre à cette préoccupation, je ne suis pas d’accord. L’agent des visas a fait référence à la source des renseignements du demandeur dans le contexte de la conclusion selon laquelle les observations du demandeur contenaient [traduction] « des renseignements de haut niveau et de source ouverte ». Rien dans les motifs de l’agent des visas n’indique que ce dernier était d’avis que les renseignements de source ouverte sont peu fiables ou non crédibles. L’examen de l’ensemble des motifs démontre clairement que l’agent a formulé des commentaires sur la suffisance des renseignements fournis par le demandeur dans le but de démontrer qu’il avait la capacité et l’intention de devenir un travailleur autonome au Canada, et que les renseignements généraux de source ouverte étaient insuffisants pour appuyer le plan d’affaires du demandeur. La préoccupation de l’agent des visas n’était pas liée à la crédibilité des sources, qui comprenaient les sites Web du ministère de la Justice et de Statistique Canada, et l’agent n’était pas tenu de donner au demandeur l’occasion de répondre à ses préoccupations quant à la suffisance de la preuve qu’il a fournie.

[33] De plus, les préoccupations de l’agent des visas concernaient la portée générale du plan d’affaires. Comme le montre l’analyse ci-après, il s’agissait notamment du fondement nébuleux des données financières fournies et d’un manque d’information et de recherches sur le marché se rapportant au lieu où le demandeur avait l’intention d’établir son entreprise. À mon avis, il aurait été raisonnable de s’attendre à ce que l’absence de ces renseignements et le fait de s’appuyer sur des renseignements généraux provenant de sources ouvertes soient considérés comme insuffisants pour établir que le demandeur avait la capacité et l’intention d’être un travailleur autonome au Canada.

[22] Les circonstances de la présente affaire n’obligeaient pas l’agent à fournir au demandeur l’occasion de répondre à sa conclusion potentielle selon laquelle la preuve était insuffisante. Cela est conforme à la jurisprudence et au faible degré d’équité procédurale requis dans l’examen d’une demande de visa. Il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale.

B. La décision est-elle raisonnable?

[23] La décision est raisonnable. L’agent a examiné la preuve du demandeur concernant son intention et sa capacité de créer son propre emploi au Canada aux fins de l’application du Règlement. Il a conclu que le plan d’affaires manquait de renseignements à propos de l’étude de marché du demandeur, de ses projections financières et de la faisabilité de son projet d’entreprise à Toronto. Je ne traiterai pas de l’intégralité des observations détaillées des parties, mais je soulignerai certains aspects de la décision contestée afin d’en apprécier le caractère raisonnable.

[24] Je conviens avec le défendeur que l’affaire Ebrahimshani est analogue à l’espèce et que, par conséquent, elle est instructive.

[25] La Cour doit interpréter les motifs de l’agent « de façon globale et contextuelle » (Vavilov, au para 97). C’est-à-dire qu’il lui est permis d’aller au-delà des motifs de l’agent et d’examiner le contenu du plan d’affaires pour « relier les points sur la page » (Vavilov, au para 97).

[26] La Cour souligne que le plan d’affaires comporte un grand nombre de généralisations. Affirmer simplement que [traduction] « l’entreprise aura du succès », comme l’a fait le demandeur, ne suffit pas à établir qu’il a l’intention et est en mesure de créer son propre emploi au Canada. Une telle affirmation doit être étayée par la preuve pour être fiable et probante relativement à cette question importante. Il était raisonnable que l’agent s’attende à ce que les chiffres et les projections soient étayés par des sources de données primaires et pertinentes, et non par des conjectures ou des renseignements non pertinents.

[27] Le demandeur n’a pas fourni de statistiques sur Toronto, excepté sa population. Son analyse du marché reposait plutôt sur des statistiques concernant l’ensemble de l’Ontario ou du Canada. En ce qui concerne l’Ontario, le demandeur a pris en compte le nombre de municipalités, le nombre de petites et moyennes entreprises dans le secteur des expositions, des arts et de l’environnement, l’urbanisation et la perte de zone urbaine.

[28] Le plan d’affaires comporte également des tableaux et des graphiques accompagnés de peu d’explications ou de contexte. La rubrique « Plan financier » du plan d’affaires est également générale. Il est écrit dans le plan d’affaires même que [traduction] « ce plan financier est approximatif », et il est difficile de savoir si le demandeur a basé ses projections sur des études de marché ou sur des normes objectives. Le demandeur n’a pas présenté d’élément de preuve à l’appui de ses projections concernant le nombre probable de ventes ou la valeur moyenne des ventes.

[29] Le défendeur soutient que les projections financières du demandeur sont particulièrement suspectes, puisqu’il a estimé qu’il dépasserait largement le bénéfice net de son entreprise établie en Iran. Par conséquent, peu de poids devrait être attribué aux arguments du demandeur à l’appui des projections financières. Le demandeur fait valoir dans le cadre du contrôle judiciaire que la hausse des profits résultera de la différence entre les devises, de la taille supérieure du marché de Toronto (bien qu’il ne fournisse pas de statistiques comparatives sur le marché de l’art à Téhéran) et de différences entre les cultures et les marchés (qu’il ne précise pas). Le défendeur souligne que le demandeur n’a pas présenté ces observations à l’agent et qu’elles ne sont pas liées aux conclusions de ce dernier selon lesquelles les renseignements et les sources à l’appui des projections financières étaient insuffisants. L’agent n’était pas tenu de combler les lacunes logiques afin d’accepter la preuve du demandeur. Sans ces observations contextuelles, l’agent, jugeant les projections financières trop générales, les a raisonnablement écartées.

[30] L’agent a conclu que les compétences linguistiques actuelles du demandeur ne lui permettraient pas de travailler avec des clients anglophones. Dans son plan d’affaires, le demandeur avait affirmé ce qui suit :

[traduction]
J’ai une connaissance moyenne de l’anglais. C’est-à-dire que je dois développer mes compétences en anglais pour communiquer plus efficacement dans cette langue. L’effet sur ma réussite en tant que concepteur graphique indépendant pourrait être considérable. Par conséquent, j’essaie d’atteindre un niveau supérieur de compétence en anglais.

En raison de mon origine iranienne, je parle couramment le persan. Ce pourrait être un avantage pour moi, car je prévois de m’installer à Toronto, une ville qui compte plus de 86 000 Irano-Canadiens. Il sera donc plus facile pour moi de faire des affaires avec des entreprises et des particuliers iraniens.

[31] Le demandeur admet que sa connaissance limitée de l’anglais sera une difficulté pour lui et qu’il lui sera indispensable de développer ses compétences linguistiques, mais il ne prend pas ce facteur en compte dans ses projections ou dans sa stratégie de marketing. Je juge que l’agent a raisonnablement conclu que le nombre de clients du demandeur serait inférieur en raison de ses compétences limitées en anglais.

[32] Le défendeur soutient que le plan d’affaires du demandeur ne contenait pas de renseignements financiers suffisamment étayés et qu’il ne démontrait ni qu’une étude appropriée du marché canadien avait été effectuée, ni que le projet d’entreprise était réalisable.

[33] Je suis d’accord. Il incombait au demandeur de présenter une preuve suffisante à l’appui de sa demande. Sa preuve, qui était insuffisante à première vue, n’établissait pas qu’il était en mesure de créer son propre emploi au Canada.

[34] Tout ce qui précède démontre que l’agent était fondé à tirer sa conclusion générale selon laquelle le demandeur ne satisfaisait pas aux exigences de la LIPR ou du Règlement. Dans les circonstances, la conclusion de l’agent selon laquelle le demandeur n’avait pas établi qu’il était un « travailleur autonome » au sens du Règlement est raisonnable. Dans le cadre d’un contrôle judiciaire, il n’appartient pas à la Cour de soupeser de nouveau la preuve qui a été présentée à l’agent.

VII. Conclusion

[35] L’agent n’était pas tenu d’accorder au demandeur une occasion supplémentaire de présenter des éléments de preuve ou des observations à l’appui de sa demande. Il n’y a donc pas de manquement à l’équité procédurale.

[36] La décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable. Elle est intelligible, transparente et justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes.

[37] La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT dans le dossier IMM-6839-19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

  2. Il n’y a aucune question de portée générale à certifier;

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Paul Favel »

Juge

Traduction certifiée conforme

N. Belhumeur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-6839-19

INTITULÉ :

HAMID AZANI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 31 AOÛT 2021

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE FAVEL

DATE DES MOTIFS :

LE 10 FÉVRIER 2022

COMPARUTIONS :

Mitch Perlmutter

POUR LE DEMANDEUR

 

Kareena Wilding

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Desloges Law Group Professional Corporation

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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