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Date : 20220324


Dossier : IMM-7876-19

Référence : 2022 CF 403

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 24 mars 2022

En présence de monsieur le juge McHaffie

ENTRE :

RAFAEL CHOWDHURY

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS SUPPLÉMENTAIRES CONCERNANT LA QUESTION CERTIFIÉE

[1] Le 7 mars 2022, j’ai accueilli la demande de contrôle judiciaire du demandeur : Chowdhury c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 311 [Chowdhury (2022)]. Comme il est indiqué dans cette décision, j’ai accordé aux parties la rare occasion de présenter des observations à l’égard d’une question certifiée après avoir reçu ma décision. Dans ses observations, le ministre a proposé une question à certifier en vertu de l’alinéa 74d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés , LC 2001, c 27 [la LIPR]. M. Chowdhury n’a proposé aucune question et a soutenu que celle du ministre ne satisfaisait pas aux exigences de certification.

[2] Voici les raisons pour lesquelles je refuse de certifier la question proposée par le ministre, qui est la suivante :

[traduction]

Était-il raisonnable pour l’agent de conclure qu’il existait des motifs raisonnables de croire que le Parti national du Bangladesh (PNB) « avait l’intention de tuer ou de blesser grièvement un civil » et, par conséquent, qu’il se livrait au terrorisme au sens de l’alinéa 34(1)c) de la LIPR et que les dirigeants du PNB avaient causé et dirigé des actes qui, de façon prévisible, ont fréquemment entraîné la mort ou des blessures graves? Dans l’affirmative, existait-t-il des motifs raisonnables de croire qu’une personne qui était membre du PNB au moment où ces actes ont été causés et dirigés est interdite de territoire aux termes de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR?

[3] Les parties conviennent que la Cour d’appel fédérale a clairement énoncé les critères auxquels une question doit satisfaire pour être certifiée comme étant une question grave de portée générale en vertu de l’alinéa 74d) de la LIPR : Lunyamila c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CAF 22 au para 46, citant Lewis c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CAF 130 au para 36. Le juge Laskin de la Cour d’appel a énoncé les critères dans les termes suivants :

La question doit être déterminante quant à l’issue de l’appel, transcender les intérêts des parties au litige et porter sur des questions ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale. Cela signifie que la question doit avoir été examinée par la Cour fédérale et elle doit découler de l’affaire elle-même, et non simplement de la façon dont la Cour fédérale a statué sur la demande. Un point qui n’a pas à être tranché ne peut soulever une question dûment certifiée [...]. Il en est de même pour une question qui est de la nature d’un renvoi ou dont la réponse dépend des faits qui sont uniques à l’affaire [...].

[Renvois omis; arrêt Lunyamila au para 46.]

[4] Le ministre soutient que la question qu’il propose découle de l’affaire et qu’elle serait déterminante quant à l’issue de l’appel, puisqu’elle porte sur ce qu’il décrit comme étant deux aspects déterminants de ma décision : (i) la conclusion selon laquelle la décision de l’agent était déraisonnable, parce qu’il a inféré une intention de tuer ou d’infliger des blessures graves, de façon prévisible et fréquemment, et (ii) la conclusion selon laquelle l’agent s’est fondé essentiellement sur des événements qui se sont produits après que M. Chowdhury eut quitté le PNB. Le ministre soutient en outre que la question transcende les intérêts des parties, puisqu’elle se rapporte à des questions plus larges concernant l’exigence relative à l’intention de commettre un acte terroriste qui ont été soulevées dans un certain nombre de cas impliquant le PNB jusqu’ici et qui pourraient surgir dans des cas impliquant des dirigeants du PNB, mais aussi d’autres groupes dont il est allégué qu’ils se livrent au terrorisme.

[5] Après avoir examiné la question proposée dans le contexte de la décision de l’agent et de la mienne, je conclus qu’il ne s’agit pas d’une question de grande importance ou de portée générale qui aurait permis de trancher l’affaire ou qui permettrait de trancher un appel. La deuxième partie de la question proposée vise à déterminer s’il était raisonnable pour l’agent de conclure qu’il existait [TRADUCTION] « des motifs raisonnables de croire qu’une personne qui était membre du PNB au moment où ces actes ont été causés et dirigés est interdite de territoire aux termes de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR » [non souligné dans l’original]. Cependant, comme le fait remarquer M. Chowdhury, j’ai conclu, dans mes motifs, que la décision de l’agent était déraisonnable, en partie parce qu’il [TRADUCTION] « n’a pas, dans son analyse, fait de distinction entre les renseignements et les éléments de preuve concernant le PNB et, d’une part, les appels aux hartals lancés jusqu’à 2012 inclusivement, et de l’autre, ceux lancés à partir de 2013 » :Chowdhury (2022), aux para 26, 29. Par conséquent, la question du ministre, qui porte sur les motifs raisonnables de croire qu’une personne qui était membre du PNB « au moment » où les actes ont été causés et dirigés, ne porte pas sur la décision de l’agent en ce qui concerne M. Chowdhury, ni sur les motifs de la Cour pour conclure que la décision était déraisonnable.

[6] Je souligne à cet égard que ma conclusion sur cette question faisait suite à la décision Chowdhury c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 189 [Chowdhury (2017)], dans laquelle le juge Southcott avait conclu qu’une décision était déraisonnable parce qu’elle ne tenait pas compte des questions relatives au lien temporel soulevées dans El Werfalli c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CF 612 : Chowdhury (2022) aux para 24-29. Comme je l’ai mentionné dans ma décision, le ministre n’a pas soutenu que la décision El Werfalli était erronée : Chowdhury (2022), au para 20. Je conclus qu’en l’espèce, le défaut de l’agent de tenir compte des questions soulevées dans la décision El Werfalli ou d’établir une distinction entre les événements survenus pendant que M. Chowdhury était membre du PNB ou après son départ de l’organisation, n’est pas une question d’importance générale qui transcende les intérêts des parties. L’omission n’est pas non plus abordée dans la question du ministre, qui porte sur une conclusion que l’agent n’a pas clairement tirée.

[7] Je reconnais que la question relative à l’inférence d’une intention spécifique fondée sur la prévisibilité, soulevée dans la première partie de la question du ministre, semble avoir été traitée différemment dans d’autres décisions de la Cour : voir l’analyse dans la décision Chowdhury (2022), aux para 30-31. Cette différence ne suffit pas à justifier la certification d’une question, bien qu’elle laisse toutefois entendre que celle-ci est pertinente dans plus d’une décision. Quoi qu’il en soit, je ne peux cependant conclure que cette question serait déterminante quant à l’issue d’un appel à la lumière des conclusions ci-dessus.

[8] Par conséquent, je ne suis pas convaincu que la question posée par le ministre satisfait aux exigences de certification énoncées à l’alinéa 74d) de la LIPR, puisqu’il ne s’agit pas d’une question grave de portée générale.


JUGEMENT SUPPLÉMENTAIRE DANS IMM-7876-19

LA COUR ORDONNE :

  1. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Nicholas McHaffie »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mélanie Vézina


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-7876-19

 

INTITULÉ :

RAFAEL CHOWDHURY C CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION

 

OBSERVATIONS EXAMINÉES À OTTAWA (ONTARIO)

JUGEMENT ET MOTIFS SUPPLÉMENTAIRES CONCERNANT LA QUESTION CERTIFIÉE :

Le juge MCHAFFIE

DATE DES MOTIFS SUPPLÉMENTAIRES :

LE 24 MARS 2022

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Alp Debreli

 

POUR LE DEMANDEUR

 

David Cranton

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Alp Debreli

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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