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Date : 20220325


Dossier : IMM-2802-21

Référence : 2022 CF 387

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 25 mars 2022

En présence de madame la juge St‑Louis

ENTRE :

NASIRA IQBAL

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le 26 mars 2021, la Section de la protection des réfugiés [la SPR] a accueilli la demande présentée par le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile [le ministre] au titre des paragraphes 108(2) et 108 (3) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi]. Le ministre avait fait valoir que Mme Iqbal s’était réclamée de nouveau et volontairement de la protection du pays dont elle a la nationalité, le Pakistan, lorsqu’elle a demandé et obtenu un passeport pakistanais, puis recouru à ce document pour s’y rendre en 2016 et 2018, aux termes de l’alinéa 108(1)a) de la Loi.

[2] La SPR a constaté la perte du statut de réfugié au sens de la Convention de Mme Iqbal et ce constat a été assimilé au rejet de la demande [la décision]. Mme Iqbal demande à la Cour d’annuler la décision.

[3] Pour les motifs qui suivent, je rejetterai la demande de contrôle judiciaire de Mme Iqbal.

II. Le contexte factuel

[4] Mme Nasira Iqbal est citoyenne du Pakistan. En janvier 2013, Mme Iqbal et M. Farooq Ahmad, tous deux de confession ahmadie, se sont mariés au Pakistan. En juin 2013, Mme Iqbal a demandé un visa de visiteur au Canada, qui lui a été délivré en septembre 2013. Mme Iqbal est arrivée seule au Canada le 5 novembre 2013, puis elle a demandé l’asile le 26 novembre 2013, au motif qu’elle craignait d’être persécutée au Pakistan en raison de sa confession ahmadie.

[5] Le 12 mars 2014, la SPR a accueilli la demande de Mme Iqbal et a conclu qu’elle était une réfugiée au sens de la Convention. Le 31 mars 2014, elle a demandé le statut de résidente permanente et a inscrit son mari à titre de personne à charge. Elle a obtenu le statut de résidente permanente le 4 mai 2015, mais il n’y avait aucun avancement au sujet de la demande de son mari.

[6] Mme Iqbal a présenté une demande auprès du consulat du Pakistan à Toronto en vue d’obtenir un nouveau passeport pakistanais, qui lui a été délivré le 15 septembre 2015. Le passeport est valide pour 10 ans et indique qu’elle est de confession ahmadie. Une nouvelle carte d’identité nationale pakistanaise valide pour 10 ans, sur laquelle figurait une adresse permanente au Pakistan, lui a aussi été délivrée le 5 septembre 2015.

[7] Mme Iqbal a séjourné au Pakistan du 10 février 2016 au 4 octobre 2016.

[8] Le 18 octobre 2016, un agent d’immigration du Haut-commissariat du Canada à Islamabad a passé M. Ahmad en entrevue dans le contexte de sa demande de résidence permanente à titre de mari à la charge de Mme Iqbal. C’est à cette occasion que M. Ahmad a indiqué à l’agent d’immigration, entre autres choses, que Mme Iqbal avait visité le Pakistan pour des raisons familiales, qu’elle était au courant de son entrevue relative à sa demande de résidence permanente, et qu’elle avait quitté le Pakistan pour retourner au Canada au début du mois d’octobre 2016, soit avant ladite entrevue, afin de participer à un événement religieux.

[9] Le 3 novembre 2016, la demande de résidence permanente de M. Ahmad à titre de personne à charge de Mme Iqbal a été rejetée. L’agent d’immigration a conclu que M. Ahmad ne satisfaisait pas aux exigences de la Loi et que le mariage visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la Loi, ou qu’il n’était pas authentique. Cette décision a été contestée devant la Cour, mais la demande d’autorisation de contrôle judiciaire a été rejetée.

[10] Le 30 mai 2018, Mme Iqbal a demandé la citoyenneté canadienne. Dans les formulaires de demande qu’elle a remplis à l’appui de sa demande de citoyenneté, Mme Iqbal a confirmé qu’elle était retournée au Pakistan du 10 février 2016 au 4 octobre 2016, soit pendant 237 jours. Elle a indiqué que le but de sa visite était essentiellement de voir son mari.

[11] Entre le 8 septembre 2018 et le 15 février 2019, elle a de nouveau séjourné au Pakistan.

[12] En décembre 2019, Mme Iqbal a entrepris des démarches afin de parrainer son mari et de présenter une demande de résidence permanente au titre de la catégorie du regroupement familial pour celui-ci.

[13] Le 27 juin 2019, un agent d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a passé Mme Iqbal en entrevue dans le contexte de sa demande de citoyenneté. Au cours de cette entrevue, Mme Iqbal a confirmé qu’elle était retournée au Pakistan pour rendre visite à son mari et à sa famille. L’agent de citoyenneté a souligné que Mme Iqbal a refusé de répondre lorsqu’il lui a demandé si elle avait toujours des craintes au sujet de son pays.

[14] Le 20 août 2019, le ministre a présenté deux demandes à la SPR. La première portait sur la perte de l’asile de Mme Iqbal en application du paragraphe 108(2) de la Loi, et la deuxième sur l’annulation de la décision ayant accueilli sa demande d’asile en application de l’article 109 de la Loi.

[15] En réponse aux demandes du ministre, Mme Iqbal a fait valoir les arguments suivants : 1) à l’entrevue de citoyenneté, elle n’était pas en mesure d’expliquer précisément, en anglais, les raisons pour lesquelles elle avait dû se rendre au Pakistan; elle est restée silencieuse, car l’anglais n’est pas sa langue maternelle; 2) elle est retournée au Pakistan afin de remplir une exigence selon laquelle elle devait avoir cohabité avec son mari pendant deux ans; 3) elle a obtenu son passeport dans le but de rendre visite à son mari pour démontrer qu’ils entretenaient une relation conjugale véritable; 4) au Pakistan, elle est restée cachée et n’a vu personne en dehors de son cercle familial; 5) le Canada et le Pakistan l’ont obligée à demander un passeport pakistanais puisqu’elle n’avait pas encore la citoyenneté canadienne; 6) elle devait prouver l’existence de sa relation conjugale et, entre 2014 et 2015, la perte de son statut de réfugiée n’a pas eu d’incidence sur son statut de résidente permanente; 7) elle a reçu de mauvais conseils juridiques; 8) elle n’a pas obtenu la protection du Pakistan.

[16] Dans les observations qu’elle a présentées à la SPR, Mme Iqbal a affirmé que le ministre avait mentionné à juste titre que l’alinéa 108(1)a) de la Loi ne requiert aucune évaluation du risque prospectif.

[17] Le 22 janvier 2021, le ministre a répliqué que la SPR avait entendu l’affaire le 29 janvier 2021 et que les deux parties avaient par la suite déposé des observations finales. Dans ses observations finales, Mme Iqbal a de nouveau confirmé que, [traduction] « lors de l’audience relative à la perte de l’asile, le tribunal n’est pas censé avoir accès à l’évaluation du risque prospectif ».

[18] La demande du ministre en vue de mettre fin à l’asile accordé à Mme Iqbal en application de l’article 108 de la Loi a été accueillie le 26 mars 2021. Mme Iqbal conteste cette décision dans la présente instance.

III. Le droit applicable

[19] L’article 108 de la Loi prévoit ce qui suit :

[20] Le paragraphe 108(1) de la Loi se rapporte aux situations où « une personne s’est de nouveau et volontairement réclamée de la protection du pays dont elle a la nationalité, y compris en se rendant dans ce pays ou en voyageant ailleurs en utilisant le passeport de ce pays » (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Bermudez, 2016 CAF 131 [Bermudez] au para 23).

[21] De façon générale, comme l’a déclarée la Cour d’appel fédérale, la perte de l’asile « est fondée sur la prémisse que l’asile est une mesure temporaire contre la persécution », et « [l]’asile est perdu lorsque les cas énumérés au paragraphe 108(1) de la LIPR se produisent » (Bermudez, au para 22). La Cour d’appel fédérale a déclaré que le libellé de l’article 108 de la Loi est « [clair] et sans ambiguïté », puisque « [l]e champ d’application de l’article 108 est clairement défini et laisse très peu de marge de manœuvre en ce qui a trait aux cas qui le font jouer » (Bermudez, au para 39). Elle a ajouté que le rôle de l’agent « est de décider si, à première vue, un des motifs de perte de l’asile prévus au paragraphe 108(1) de la LIPR existe » (Bermudez, au para 39).

[22] Dans l’arrêt Bermudez, la Cour d’appel fédérale devait déterminer si un agent d’audience de l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC] a le pouvoir discrétionnaire d’examiner les circonstances ou facteurs qui ne sont pas explicitement énumérés à l’article 108 de la Loi, plus précisément les facteurs d’ordre humanitaire et l’intérêt supérieur de l’enfant, lorsqu’il étudie la question de savoir si une demande de constat de perte de l’asile devrait être présentée à la SPR pour qu’elle puisse décider si l’asile est perdu sur constat des faits mentionnés au paragraphe 108(1) de la Loi, plus particulièrement dans les cas visant un réfugié qui a obtenu le statut de résident permanent au Canada (Bermudez , au para 1). Elle a conclu que « [l]es facteurs d’ordre humanitaire n’ont tout simplement pas été jugés utiles par le législateur fédéral en la matière. Si le législateur avait voulu que les motifs d’ordre humanitaire fussent pris en compte dans le processus de perte de l’asile, il aurait employé des termes exprès. Il ne l’a pas fait. » (Bermudez, au para 40.)

[23] De plus, la Cour fédérale a déjà conclu que « la question de savoir si un demandeur serait exposé à un risque de persécution s’il retournait dans son pays de nationalité n’est pas un facteur pertinent dans une audience relative à la perte de l’asile » (Chokheli c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 800 au para 66). La Cour a rappelé qu’elle « a décidé dans un certain nombre de décisions récentes que la SPR n’est pas tenue de réaliser une analyse prospective des risques quand elle rend une décision relative à la perte de l’asile (Abadi, au paragraphe 20; Balouch c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2015 CF 765, au paragraphe 19 [Balouch]; Norouzi, précitée) » (Jing c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 104 au para 34 [Jing]). La Cour a souligné que « la question de savoir si l’article 108 de la LIPR exige la réalisation d’une évaluation prospective des risques a été certifiée dans les décisions Balouch et Narouzi. Les appels dans ces deux affaires ont au bout du compte été abandonnés » (Jing, au para 34).

IV. La décision contestée

[24] La SPR a pris en compte la preuve et les allégations présentées par le ministre, en particulier son argument selon lequel Mme Iqbal s’est à nouveau réclamée de la protection de son pays de nationalité, le Pakistan, au moment où elle a demandé et obtenu un passeport pakistanais et utilisé ce document pour se rendre au pays en 2016 et 2018.

[25] La SPR a souligné que la décision relative à la question de savoir si la demanderesse s’est réclamée de nouveau et volontairement de la protection du Pakistan, aux termes de l’alinéa 108(1)a) de la Loi, s’appuie sur le Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés [le Guide du HCR]. Elle a déclaré que le cadre d’analyse relatif au fait de se réclamer de nouveau de la protection de son pays de nationalité est fondé sur le paragraphe 119 du Guide du HCR.

[26] La SPR a relevé les facteurs nécessaires à la perte de l’asile : 1) la volonté : le réfugié doit avoir agi volontairement; 2) l’intention : le réfugié doit avoir accompli intentionnellement l’acte par lequel il s’est réclamé à nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité; 3) le succès de l’action : le réfugié doit avoir effectivement obtenu cette protection.

[27] En ce qui concerne le premier facteur, la SPR a examiné si Mme Iqbal avait agi volontairement lorsqu’elle 1) a renouvelé son passeport pakistanais; 2) est retournée au Pakistan en 2016; 3) est retournée au Pakistan en 2018.

[28] Au sujet du renouvellement du passeport, la SPR a souligné qu’elle n’avait reçu aucun témoignage convaincant ni aucune preuve documentaire démontrant que Mme Iqbal avait été forcée ou contrainte d’obtenir un passeport pakistanais. Elle a conclu que Mme Iqbal avait agi volontairement au moment où elle a obtenu le passeport.

[29] La SPR a souligné que Mme Iqbal a déclaré, dans son témoignage, que le but de son voyage de 10 mois au Pakistan en 2016 était de passer du temps avec son mari et de l’aider à obtenir un statut au Canada. La SPR a signalé qu’elle a ajouté avoir participé aux mariages de son frère, de sa sœur et d’un autre proche. Elle a aussi fait remarquer que Mme Iqbal avait affirmé avoir pris des précautions afin de ne pas se montrer en public pendant son séjour, et confirmé avoir présenté son véritable passeport à son entrée au pays et à sa sortie sans que cela ne pose problème.

[30] La SPR a souligné que Mme Iqbal ne s’était pas présentée à l’entrevue d’immigration de son mari à Islamabad puisqu’elle avait quitté le pays seulement deux semaines auparavant. Elle a conclu que l’explication de Mme Iqbal à cet égard n’était ni crédible ni digne de foi. La SPR a fait remarquer la contradiction dans le fait que Mme Iqbal a affirmé qu’elle s’était rendue au Pakistan de façon involontaire dans le but d’aider son mari, mais qu’elle avait quitté le pays au moment où il avait besoin d’elle. La SPR a conclu que cette contradiction minait sa crédibilité. La SPR a pris note de la preuve documentaire du ministre selon laquelle la demande d’immigration de M. Ahmad n’avait commencé à être traitée qu’en mars 2016, c’est-à-dire un mois après l’arrivée de Mme Iqbal au Pakistan. La SPR a jugé qu’il n’était pas crédible que la présence de Mme Iqbal au Pakistan ait été requise dès février 2016.

[31] Au sujet du voyage de Mme Iqbal au Pakistan en 2018, la SPR a pris acte des explications de cette dernière selon lesquelles elle devait être présente dans le pays afin d’aider son mari à obtenir un visa de résident permanent dans le cadre du programme de parrainage des conjoints. La SPR a souligné que, dans les faits, la demande de parrainage avait été déposée après le séjour de Mme Iqbal au Pakistan.

[32] La SPR a conclu que le témoignage de Mme Iqbal n’était pas crédible et qu’elle n’avait pas réfuté la présomption selon laquelle elle avait agi volontairement en retournant au Pakistan en 2018.

[33] Pour ce qui est du deuxième facteur, c’est-à-dire l’intention, la SPR a mentionné le Guide du HCR ainsi que la décision Li c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 459, selon laquelle le fait qu’un demandeur obtienne un passeport auprès de son pays d’origine crée une présomption de fait quant à son intention de se réclamer de nouveau de la protection de ce pays. La SPR a également souligné qu’elle est tenue d’examiner et de soupeser la preuve relative à la question de savoir si Mme Iqbal était au fait des conséquences de son retour au Pakistan.

[34] La SPR a jugé qu’il était raisonnable que Mme Iqbal ne sache pas que le fait d’obtenir un passeport pakistanais et d’y recourir pour voyager dans son pays de nationalité à deux reprises pourrait compromettre son statut d’immigrante au Canada. Elle a toutefois conclu que l’obtention d’un passeport pakistanais constituait une preuve convaincante selon laquelle Mme Iqbal avait eu l’intention de se réclamer de la protection de son pays de nationalité, et qu’elle n’avait pas réfuté la présomption à cet égard.

[35] En ce qui concerne les efforts déployés par Mme Iqbal pour se cacher des agents de persécution lorsqu’elle s’est effectivement réclamée de nouveau de la protection du Pakistan, la SPR a conclu qu’elle n’était pas restée cachée pendant toute la durée de ses séjours en 2016 et 2018 et qu’elle avait, dans une certaine mesure, pris part à la vie publique à ces occasions.

[36] En ce qui concerne le troisième facteur, à savoir le succès de l’action, la SPR a tenu compte du temps que Mme Iqbal a passé au Pakistan, c’est-à-dire environ 400 jours sur une période de trois ans. La SPR a conclu que le fait qu’elle ait visité son pays de nationalité et qu’elle y ait résidé pendant une telle période était incompatible avec le but de ces visites, contrairement à ce qu’elle avait affirmé à l’audience. La SPR a cité la décision Cerna c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1074 [Cerna] pour conclure que Mme Iqbal avait effectivement obtenu la protection du Pakistan lorsqu’elle a acquis un passeport dans le but de retourner au pays.

[37] La SPR a conclu que le fait que Mme Iqbal ait obtenu un passeport pakistanais et y ait recouru pour retourner dans son pays de nationalité de façon permanente à deux reprises établit qu’elle s’est réclamée de nouveau et volontairement de la protection de ce pays au titre de l’alinéa 108(1)a) de la Loi. La SPR a ajouté que la demande visant la perte du statut de réfugiée au sens de la Convention de Mme Iqbal était accueillie en application des paragraphes 108(2) et 108(3) de la Loi, et que sa demande d’asile était rejetée.

[38] La SPR a conclu que, puisqu’elle avait accueilli la demande de constat de perte du statut de la demanderesse que le ministre avait présentée, il n’était pas nécessaire qu’elle se penche également sur la demande du ministre visant à faire annuler le statut de la demanderesse en application de l’article 109 de la Loi.

V. Les questions dont la Cour est saisie

[39] Mme Iqbal soutient que la SPR a commis une erreur 1) dans son analyse de la perte de l’asile attribuable au fait qu’elle s’était de nouveau réclamée de la protection du Pakistan; 2) en faisant abstraction du risque prospectif de persécution.

[40] Comme je l’ai déjà mentionné, en ce qui concerne le deuxième argument de Mme Iqbal, celle-ci a reconnu, dans ses observations devant la SPR, qu’aucune évaluation du risque prospectif n’est requise au titre de l’alinéa 108(1)a) de la Loi, ce dont elle a convenu avec le ministre. Elle a répété qu’elle reconnaissait ce fait dans ses observations finales devant la SPR.

[41] Par conséquent, cette question n’était clairement pas contestée devant la SPR et ne saurait être soulevée devant la Cour. On ne peut reprocher à la SPR de ne pas avoir abordé une question dont Mme Iqbal avait convenu elle-même, à deux reprises, qu’elle n’était pas en litige. La juge Gagné a conclu ce qui suit dans la décision Khalid c Canada (Conseil National de Recherches), 2013 CF 438, au paragraphe 49 :

Si l’allégation de déclaration inexacte faite par négligence formulée par le demandeur n’a pas été débattue devant le décideur, il est fort possible que la question n’ait pas été en litige; par conséquent, la Cour ne devrait pas l’examiner dans le cadre du contrôle judiciaire.La jurisprudence indique clairement que dans le cadre d’un contrôle judiciaire, une décision ne peut être contestée en invoquant une question qui n’a pas été soulevée devant le tribunal administratif, sauf si la nouvelle question a trait à la compétence, ce qui n’est pas le cas en l’espèce (voir Toussaint c Canada (Conseil canadien des relations du travail), [1993] ACF no 616 (CAF), au paragraphe 5; Bande indienne de Shubenacadie c Canada (Commission des droits de la personne) (Re Macnutt), [1997] ACF no 1481, aux paragraphes 37 à 43; et Nametco HoldingsLtd c Canada (Ministre du revenu national), 2002 CAF 149, au paragraphe 2).

[Non souligné dans l’original.]

[42] La Cour a aussi affirmé que, « [l]orsqu’une question est soulevée pour la première fois dans le cadre d’un contrôle judiciaire, la cour de révision n’est pas tenue de s’en saisir s’il lui paraît inopportun de le faire : en règle générale, il n’est pas justifié d’exercer ce pouvoir discrétionnaire au bénéfice du demandeur lorsque la question en litige aurait pu être soulevée devant le décideur administratif mais qu’elle ne l’a pas été » (Hughes c Canada (Procureur général), 2021 CF 147 au para 75, citant (Canada RNA Biochemical Inc c Canada (Santé), 2020 CF 668 au para 92; voir aussi Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61 aux para 22‑26).

[43] Devant la Cour, Mme Iqbal a fait valoir que la SPR avait commis une erreur au regard de la norme de la décision correcte en n’examinant pas cette question, même si les parties avaient convenu que celle-ci ne s’appliquait pas, au motif que leur position était contraire à la jurisprudence à ce sujet. Comme je l’ai déjà mentionné, ce n’est pas le cas et cet argument ne saurait être retenu.

[44] De plus, comme le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration [le défendeur] l’a souligné devant la Cour, Mme Iqbal ne conteste pas le fait qu’elle s’est réclamée, à plusieurs reprises, de la protection du Pakistan de façon tout à fait volontaire, et que la SPR a raisonnablement tranché le premier volet du critère relatif à la perte de l’asile. Bien qu’il y ait une section intitulée [traduction] « acte volontaire » dans son mémoire supplémentaire, je n’ai pu relever d’argument à ce sujet.

[45] Par conséquent, les arguments qui demeurent en litige dans la présente instance devant la Cour sont ceux de Mme Iqbal selon lesquels la décision de la SPR concernant le deuxième et troisième volet du critère relatif à la perte de l’asile était déraisonnable.

VI. La norme de contrôle

[46] Je conviens avec les parties que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable.

[47] Lorsque la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, le rôle de la cour de révision est d’examiner les motifs qu’a donnés le décideur administratif et de déterminer si la décision est fondée sur « une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle » et est « justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 85). La cour de révision doit tenir compte « du résultat de la décision administrative eu égard au raisonnement sous‑jacent à celle‑ci afin de s’assurer que la décision dans son ensemble est transparente, intelligible et justifiée » (Vavilov, au para 15). La cour de révision doit donc se demander « si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci » (Vavilov, au para 99, citant Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 aux para 47 et 74, et Catalyst Paper Corp c North Cowichan (District), 2012 CSC 2 au para 13).

VII. Observations des parties et analyse

A. La SPR a-t-elle commis une erreur dans son analyse de la perte de l’asile attribuable au fait que la demanderesse se soit réclamée à nouveau de la protection de son pays?

1) Intention

a) Les observations de la demanderesse

[48] Mme Iqbal affirme que le Guide du HCR énonce le critère conjonctif à trois volets adopté par la Cour dans la décision Yuan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 923 au para 27 [Yuan] et permettant d’établir si le demandeur a perdu l’asile parce qu’il s’est réclamé à nouveau de la protection de son pays de nationalité. Selon ce critère, le réfugié doit : 1) agir volontairement; 2) accomplir intentionnellement l’acte par lequel il se réclame de nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité; 3) obtenir effectivement cette protection.

[49] Mme Iqbal admet que le fait d’avoir obtenu un passeport auprès de son pays de nationalité engendre la présomption selon laquelle elle s’est réclamée de nouveau de la protection de ce pays. Elle souligne toutefois que cette présomption peut être réfutée. Elle soutient que la SPR ne lui a pas donné l’occasion de démontrer qu’elle n’avait pas l’intention de se réclamer de la protection du Pakistan.

[50] Mme Iqbal soutient que la SPR était tenue d’examiner si sa compréhension subjective des avantages liés à son statut de résidente permanente au Canada réfutait la présomption selon laquelle elle avait l’intention de se réclamer à nouveau de la protection du Pakistan. Elle ajoute qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada [IRCC] ainsi que l’ASFC lui ont intentionnellement caché le fait qu’elle compromettait son avenir et celui de son mari au Canada.

[51] Mme Iqbal soutient que la conclusion de la SPR selon laquelle il n’est pas crédible qu’elle se soit rendue au Pakistan à des fins d’immigration étant donné que la demande de son mari n’était pas encore en traitement est inexacte puisqu’elle a présenté leurs demandes de résidence permanente en mars 2014.

[52] En ce qui concerne le fait qu’elle n’était pas présente à l’entrevue de son mari à Islamabad, Mme Iqbal soutient que la SPR a mal expliqué et interprété la preuve, puisqu’elle n’a jamais affirmé qu’elle était tenue d’assister à l’entrevue, et qu’elle n’a pas quitté le Pakistan prématurément. L’explication qu’elle a fournie pour justifier son absence, c’est-à-dire qu’elle devait rencontrer le chef spirituel de la communauté globale ahmadie ainsi que successeur du Messie dont la venue est promise, était raisonnable et n’aurait pas dû engendrer une conclusion défavorable en matière de crédibilité.

[53] En ce qui concerne la conclusion de la SPR selon laquelle son retour au Pakistan en 2018 ne semblait pas lié à une question d’immigration, Mme Iqbal fait valoir que la demande de son mari avait été rejetée parce que leur mariage n’était pas jugé authentique, et qu’elle a donc couru le risque de retourner au Pakistan afin de recueillir d’autres éléments de preuve avant de déposer une demande de parrainage en 2019. Mme Iqbal invoque le paragraphe 15 de la décision Mohammadi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1028, pour faire valoir que son témoignage indiquait clairement qu’elle n’avait pas l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de l’État pakistanais.

[54] Mme Iqbal soutient aussi que la conclusion de la SPR selon laquelle elle n’est pas restée cachée lors de son séjour au Pakistan n’était pas conforme aux normes puisqu’il n’était pas apparent qu’elle était une réfugiée.

[55] Enfin, Mme Iqbal soutient que la présomption a été réfutée dans les décisions Yuan et Din c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 425 [Din], et qu’elle n’avait pas l’intention de se réclamer de la protection du Pakistan.

b) Les observations du défendeur

[56] En réponse, le défendeur convient que le fait qu’un demandeur obtienne un passeport auprès de son pays de nationalité soulève une présomption réfutable selon laquelle il s’est réclamé de nouveau de la protection de cet État.

[57] Le défendeur ajoute que Mme Iqbal avance un argument intrinsèquement contradictoire au paragraphe 26 de son mémoire lorsqu’elle mentionne [traduction] « les conditions objectivement horribles endurées par les musulmans ahmadis » au Pakistan. Il soutient qu’il serait très surprenant qu’elle soit retournée volontairement au Pakistan à deux reprises si les conditions étaient telles qu’elle l’a affirmé, et il se demande comment l’ASFC ou IRCC auraient pu l’avertir des conséquences possibles du fait de se réclamer à nouveau de la protection de son pays étant donné qu’elle l’avait déjà fait au moment où ils ont pris connaissance de son retour au Pakistan.

[58] Le défendeur résume le raisonnement de la SPR de la façon suivante : 1) une [traduction] « présomption de fait » relative à l’intention du demandeur de se réclamer à nouveau de la protection de son pays est soulevée lorsqu’une demande de passeport est présentée; 2) la SPR a admis que Mme Iqbal n’était peut-être pas au courant de la procédure de constat de perte d’asile et elle a donc examiné l’intention de celle-ci lorsqu’elle a obtenu et utilisé un passeport pakistanais; 3) Mme Iqbal s’est présentée comme une citoyenne ahmadie du Pakistan auprès de fonctionnaires pakistanais lorsqu’elle a utilisé son passeport; 4) Mme Iqbal a soutenu qu’elle s’était [traduction] « cachée » au Pakistan, mais elle s’est rendue à trois mariages imposants, où elle a été photographiée, au cours de ses longs séjours au pays.

c) Analyse

[59] Les parties conviennent qu’« [u]n réfugié qui demande et obtient un passeport du pays dont il a la nationalité est présumé avoir eu l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de ce pays » (Jing, au para 17, citant Abadi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 29 au para 16 [Abadi]).

[60] La Cour a conclu que « [l]a présomption que le réfugié se réclame à nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité est particulièrement forte dans le cas où il utilise son passeport national pour se rendre dans ce pays » (Abadi, au para 16). La présomption s’applique clairement en l’espèce, et elle est forte, puisque Mme Iqbal a utilisé son passeport pakistanais, qui la décrit comme étant de confession ahmadie, à deux reprises pour voyager au Pakistan. En outre, « [c]’est seulement “dans certaines circonstances exceptionnelles” que le fait pour le réfugié de se rendre dans le pays de sa nationalité sous le couvert d’un passeport délivré par ce même pays n’entraînera pas la perte de son statut de réfugié » (Abadi, au para 18; voir aussi Jing, au para 17). Mme Iqbal ne m’a pas convaincue que la SPR a fait abstraction de circonstances exceptionnelles en l’espèce, ou qu’elle a mal examiné ces circonstances.

[61] En particulier, je souligne que 1) rien n’indique qu’IRCC et l’ASFC étaient tenus d’informer Mme Iqbal qu’elle compromettait son avenir et celui de son mari au Canada; 2) la conclusion de la SPR concernant le but de son voyage est raisonnable à la lumière du dossier; 3) il était raisonnable pour la SPR de conclure que l’explication de Mme Iqbal relative à son absence à l’entrevue de son mari était déraisonnable, ainsi que de tirer une conclusion défavorable en matière de crédibilité compte tenu du fait qu’elle s’était supposément rendue au Pakistan pour recueillir et créer d’autres éléments de preuve garantissant le statut de son mari; 4) en ce qui concerne le fait qu’elle ne se soit pas cachée au Pakistan, Mme Iqbal n’a cité aucune jurisprudence pour faire valoir qu’à titre de [traduction] « réfugiée pour des motifs non apparents, elle n’avait pas besoin de rester cachée pendant toute la durée de son séjour ». La SPR a examiné la décision Yuan et a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que Mme Iqbal n’est pas restée cachée au Pakistan, mais qu’elle a participé à la vie publique dans une certaine mesure lors de ses visites au pays. La SPR pouvait raisonnablement soupeser la preuve et conclure comme elle l’a fait.

[62] Les arguments de Mme Iqbal expriment essentiellement un désaccord avec les conclusions de la SPR. Je conclus que la décision de la SPR relative aux intentions de Mme Iqbal est transparente, intelligible et justifiée à la lumière du dossier dont elle disposait.

2) Protection réelle

a) Les observations de la demanderesse

[63] Mme Iqbal soutient qu’en tant que fervente musulmane ahmadie, elle craint l’État pakistanais et ne peut obtenir aucune forme de protection — diplomatique ou autre — de la part de celui-ci. Elle allègue que la SPR a confondu la question de l’intention avec celle de la protection réelle. Elle conteste également la logique de la SPR selon laquelle le simple fait de demander un passeport, de l’obtenir et de l’utiliser pour se rendre dans son pays d’origine démontre son intention et équivaut à obtenir une protection réelle, et soutient qu’il s’agit d’un argument tautologique qui ne saurait être retenu. Elle cite le Guide du HCR pour faire valoir que rien n’indique que le fait d’obtenir un passeport et de l’utiliser pour voyager équivaut à une protection diplomatique.

[64] Mme Iqbal soutient que la SPR s’est entêtée à faire abstraction de la preuve sur la situation au pays. Elle décrit diverses réalités ayant cours au Pakistan, mentionnant notamment la loi sur le blasphème, le fait que la pratique de la religion ahmadie est passible d’une peine d’emprisonnement en vertu du code criminel pakistanais, ainsi que le nombre d’attaques violentes perpétrées contre des ahmadis. Mme Iqbal soutient que la preuve est suffisante pour réfuter la présomption selon laquelle elle s’est réclamée de nouveau de la protection de son pays.

b) Les observations du défendeur

[65] Le défendeur répond que l’analyse de la SPR quant au fait que Mme Iqbal se soit effectivement réclamée de nouveau de la protection du Pakistan était raisonnable. Il souligne que la SPR a fait remarquer les points suivants : 1) la présomption selon laquelle Mme Iqbal s’était réclamée de nouveau de la protection du pays s’appliquait; 2) elle a passé 400 jours au Pakistan sur une période de trois ans, soit beaucoup plus que nécessaire au regard de l’objectif déclaré de ses visites; 3) en entrant et sortant du pays à maintes reprises munie d’un passeport qui indiquait sa confession ahmadie, Mme Iqbal [traduction] « s’est placée sous la protection diplomatique du gouvernement du Pakistan et a effectivement obtenu la protection diplomatique » (décision, au para 62).

[66] Le défendeur soutient que la décision Din se distingue de l’espèce, puisque le demandeur dans cette affaire n’était pas désigné à titre de musulman ahmadi sur son passeport. En l’espèce, le défendeur soutient que le passeport de Mme Iqbal indique clairement sa confession ahmadie.

c) Analyse

[67] En ce qui concerne la présomption relative au fait de se réclamer de nouveau de la protection du pays de nationalité dans les cas où le ministre est en mesure de démontrer que le demandeur a obtenu ou renouvelé un passeport de ce pays, la Cour a déclaré qu’il « y a par ailleurs présomption qu’il a obtenu la protection effective de ce pays lorsque le Ministre établit que le réfugié a utilisé ce passeport pour voyager » [non souligné dans l’original] (Seid c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1167 au para 14 [Seid]). Au paragraphe 13 de la décision Cerna, la Cour a conclu que, « [s]i le réfugié se procure le passeport pour retourner dans son pays d’origine […] alors il a aussi effectivement obtenu la protection de cet État. Dans ces circonstances, à moins que le réfugié n’ait réfuté la présomption d’intention, il ne reste qu’à déterminer s’il s’est procuré volontairement son passeport » [non souligné dans l’original]. La présomption d’intention n’a pas été réfutée. La décision à cet égard est raisonnable.

[68] Je conviens avec le défendeur que la SPR a raisonnablement fait remarquer 1) que la présomption selon laquelle Mme Iqbal s’était réclamée à nouveau de la protection du pays s’appliquait; 2) qu’elle a passé 400 jours au Pakistan sur une période de trois ans, soit beaucoup plus que nécessaire au regard de l’objectif déclaré de ses visites; 3) qu’en entrant et sortant du pays à maintes reprises munie d’un passeport qui indiquait sa confession ahmadie, Mme Iqbal [traduction] « s’est placée sous la protection diplomatique du gouvernement du Pakistan et a effectivement obtenu la protection diplomatique » (décision, au para 62).

[69] Je comprends que la décision de la SPR a une incidence considérable sur la vie de Mme Iqbal. Toutefois, cette dernière n’a pas établi que la décision de la SPR est déraisonnable compte tenu du dossier dont elle disposait, du libellé des dispositions applicables et de la jurisprudence de la Cour.

VIII. Conclusion

[70] La demande de contrôle judiciaire sera rejetée.


JUGEMENT dans le dossier IMM-2802-21

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Martine St-Louis »

Juge

Traduction certifiée conforme

Jean-François Malo


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2802-21

INTITULÉ :

NASIRA IQBAL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec) par vidéoconférence

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 17 mars 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ST-LOUIS

DATE DES MOTIFS :

le 25 mars 2022

COMPARUTIONS :

Celeste Shankland

POUR LA DEMANDERESSE

Christopher Ezrin

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Landed Law

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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