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Date : 20220414


Dossier : IMM‐2484‐20

Référence : 2022 CF 544

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 14 avril 2022

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

VERONICA ANABELA VIEIRA SEBASTIAO MELO

JOSE FERNANDO DA PONTE MELO

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue le 5 mai 2020 par un agent principal d’immigration qui a refusé la demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire présentée par les demandeurs à partir du Canada [la décision en matière de motifs d’ordre humanitaire]. La demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire reposait sur trois motifs, à savoir l’établissement au Canada des demandeurs, l’intérêt supérieur de leurs deux enfants et l’absence de soutien familial et de perspectives d’emploi au Portugal, leur pays de nationalité.

[2] La demande sera accueillie. Le processus qui a mené à la décision en matière de motifs d’ordre humanitaire était inéquitable sur le plan de la procédure parce que l’agent s’est fondé sur des éléments de preuve extrinsèques qui n’ont pas été présentés aux demandeurs. De plus, la décision en matière de motifs d’ordre humanitaire est déraisonnable, surtout en ce qui concerne l’analyse de l’intérêt supérieur des enfants directement touchés, lequel constitue un aspect fondamental d’une décision en matière de motifs d’ordre humanitaire, comme le précise le paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi].

Contexte

[3] Les demandeurs, l’épouse Veronica et l’époux Jose, sont citoyens du Portugal. Ils sont entrés au Canada avec un visa de visiteur le 23 octobre 2005, deux mois après leur mariage. Ils avaient alors respectivement 17 ans et 19 ans. Les demandeurs vivent au Canada, sans statut, depuis ce temps.

[4] Les demandeurs ont deux filles, nées toutes les deux au Canada. La fille aînée, Sarah, est née en 2007, et la fille cadette, Caroline, est née en 2017.

[5] Les demandeurs ont demandé la résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire à partir du Canada en 2015. La demande a été rejetée. Le 5 avril 2018, les demandeurs ont présenté une seconde demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Cette dernière a été rejetée le 5 mai 2020, et c’est cette décision qui fait l’objet du contrôle.

La décision en matière de motifs d’ordre humanitaire

[6] L’agent affirme qu’il n’était pas convaincu que les motifs d’ordre humanitaire présentés dans la demande [traduction] « justifiaient une exemption au titre du paragraphe 25(1) de la Loi ».

L’établissement

[7] L’agent a évalué l’établissement des demandeurs au Canada. L’agent a relevé plusieurs indicateurs positifs de l’établissement, y compris les bons dossiers civils des demandeurs, l’emploi continu, les lettres d’appui d’amis et de collègues, le bénévolat, la participation au sein de leur église et les nombreux membres de leur famille élargie qui résident au Canada et qui sont tous des citoyens canadiens ou des résidents permanents du Canada.

[8] Toutefois, l’agent a souligné que les demandeurs étaient restés au Canada pendant plus de 10 ans avant de tenter de régulariser leur statut. L’agent a reconnu que les demandeurs ont peut‐être été mal informés au sujet du processus d’immigration, mais il a conclu que [traduction] « les membres de leur famille auraient probablement été suffisamment informés, après avoir eux‐mêmes traversé le processus d’immigration, pour informer ou conseiller les demandeurs ». L’agent a également tenu compte de l’observation des demandeurs selon laquelle ils ont tardé à présenter leur première demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire parce qu’ils économisaient de l’argent pour avoir un avocat. L’agent a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve montrant que les demandeurs n’étaient pas en mesure de quitter le Canada ou que la durée prolongée de leur séjour échappait à leur volonté.

[9] L’agent a reconnu que les demandeurs avaient démontré qu’ils s’étaient intégrés à la société canadienne, mais il a conclu que [traduction] « leur degré d’établissement est tel que celui auquel on s’attendrait d’une personne dans leur situation ». Bien que l’agent ait accordé [traduction] « un certain poids favorable » à l’établissement des demandeurs, l’agent a fait remarquer que le poids attribué à leurs antécédents professionnels [traduction] « est atténué par le fait qu’ils n’ont pas obtenu l’autorisation de travail requise ». Dans l’ensemble, leur établissement a reçu « peu de poids ».

L’intérêt supérieur des enfants

[10] L’agent a examiné la question de l’intérêt supérieur des enfants des demandeurs. L’agent a pris acte de l’observation des demandeurs selon laquelle leurs filles ne parlent pas portugais et que cela aurait une incidence sur l’éducation de la fille aînée. Cependant, l’agent a mentionné qu’une recherche sur Google pour [traduction] « école de langue anglaise pour enfants au Portugal » a révélé une page web d’InterNations [le document d’InterNations] qui soulignait que des écoles internationales sont accessibles pour les enfants qui ne parlent pas portugais. L’agent a donc conclu que la fille aînée [traduction] « pourrait accéder à l’éducation dans la langue de son choix à condition que ses parents soient en mesure de payer les frais de scolarité ».

[11] L’agent a signalé que les deux filles étaient citoyennes canadiennes et qu’elles pourraient revenir au Canada à l’âge adulte. L’agent a reconnu que les filles avaient établi des relations étroites avec des membres de la famille et des amis au Canada, mais il a conclu qu’elles seraient toujours en mesure de maintenir ces relations à distance. L’agent a reconnu que la séparation physique [traduction] « peut causer un certain inconfort psychologique et émotionnel » et il a accordé un [traduction] « certain poids » à ce facteur.

[12] L’agent a reconnu que les enfants devraient s’adapter à un nouvel environnement et à une nouvelle langue. Toutefois, l’agent a souligné qu’elles auraient l’amour et le soutien de leurs parents et qu’il pourrait être plus facile pour la fille cadette d’apprendre le portugais en raison de son jeune âge. L’agent a également mentionné que la fille aînée obtenait de bons résultats à l’école et que [traduction] « son intelligence naturelle peut l’aider à apprendre une nouvelle langue ».

[13] L’agent a pris acte des observations des demandeurs selon lesquelles leurs filles n’auraient pas la même qualité de vie au Portugal. Toutefois, l’agent a fait remarquer que l’article 25 de la Loi n’avait pas pour objet de compenser la différence en termes de niveau de vie entre le Canada et les autres pays, et il a donc accordé [traduction] « peu de poids » à ces facteurs.

[14] En ce qui concerne l’intérêt supérieur des enfants, l’agent a déclaré :

[traduction]
Je suis réceptif, attentif et sensible, et je reconnais qu’il s’agit d’un facteur important qui devrait recevoir un poids important dans l’évaluation d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Cela dit, je suis conscient qu’il ne s’agit pas nécessairement d’un facteur déterminant. Après avoir évalué attentivement tous les éléments de preuve présentés par les demandeurs, j’accorde un certain poids à ce facteur.

[Non souligné dans l’original.]

Les conditions dans le pays

[15] L’agent a examiné les observations des demandeurs selon lesquelles ils seraient incapables de transférer leurs compétences acquises au Canada au Portugal et que, en raison du faible taux d’emploi au Portugal, ils ne seraient pas en mesure de subvenir à leurs besoins s’ils retournaient dans ce pays. L’agent a souligné qu’il y avait peu d’éléments de preuve démontrant que leurs compétences ne seraient pas transférables. En ce qui concerne le taux d’emploi, l’agent a effectué une recherche dans Google sur le [traduction] « taux d’emploi au Portugal » et le [traduction] « taux d’emploi au Canada » et a trouvé des pages Web de Trading Economics [les documents de Trading Economics] énonçant que, en janvier 2020, le taux d’emploi au Portugal était de 55,3 %. comparativement à 61,8 % pour le Canada. L’agent a conclu que le taux d’emploi du Portugal n’était pas significativement plus bas que celui du Canada, et il a donc accordé [traduction] « peu de poids » à ces observations.

[16] L’agent a examiné les observations selon lesquelles les demandeurs seraient ostracisés au Portugal en raison de leur religion. Au Canada, ils sont membres de l’Assemblée de Dieu internationale. Dans leur demande, ils ont souligné que la religion de Veronica était inacceptable pour le parent de Jose et que, par conséquent, ils n’ont plus de contacts avec eux. Toutefois, l’agent, en s’appuyant sur un rapport du département d’État des États‐Unis, a conclu que le Portugal permet la liberté de religion et offre une protection contre la discrimination, et a donc accordé [traduction] « peu de poids » à ce facteur.

[17] L’agent a conclu qu’il n’y avait aucune preuve établissant que les demandeurs seraient incapables de s’établir de nouveau au Portugal. L’agent a souligné que les demandeurs retourneraient dans un pays où ils sont nés et ont grandi et que la mère de Veronica pourrait être en mesure de leur fournir un certain soutien à leur retour. L’agent a également conclu que les demandeurs étaient débrouillards, soulignant qu’ils avaient tous deux été en mesure de trouver un emploi dans le mois suivant leur arrivée au Canada, malgré leur manque de connaissance de la langue et de la culture canadiennes. L’agent a conclu que les connaissances et les compétences acquises par les demandeurs dans le cadre d’un emploi au Canada seraient transférables au Portugal. L’agent a également souligné que les demandeurs étaient proches de leur famille au Canada et qu’il y avait peu d’éléments de preuve démontrant que leur famille ne leur offrirait pas de soutien à court terme à leur retour.

Les questions à trancher

[18] La présente demande soulève les questions à trancher suivantes :

1) La question de savoir si l’agent a porté atteinte au droit à l’équité procédurale des demandeurs en ne leur donnant pas la possibilité de répondre aux éléments de preuve extrinsèques;

2) La question de savoir si l’agent a appliqué la mauvaise approche pour évaluer la preuve des demandeurs;

3) La question de savoir si l’agent a omis d’être réceptif, attentif et sensible à l’intérêt supérieur des enfants touchés;

  • 4) La question de savoir si l’évaluation du degré d’établissement des demandeurs faite par l’agent est raisonnable.

ANALYSE

[19] Les demandeurs soutiennent, et j’en conviens, que la norme de contrôle applicable au fond de la décision en matière de motifs d’ordre humanitaire est celle de la décision raisonnable, tandis que pour les questions d’équité procédurale, la question est de savoir si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances. Par conséquent, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable en ce qui concerne toutes les questions à trancher, sauf la première. Le juge Pentney, au paragraphe 19 de la décision Kambasaya v Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2022 FC 31, a judicieusement décrit la norme à utiliser pour analyser les questions d’équité procédurale :

[traduction]
Les questions d’équité procédurale exigent une approche qui ressemble à la norme de contrôle de la décision correcte et qui demande « si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances » (Chemin de fer Canadien Pacifique c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, au para 54 [Canadien Pacifique]; Heiltsuk Horizon Maritime Services Ltd v Atlantic Towing Limited, 2021 FCA 26 au para 107). Comme il est mentionné au paragraphe 56 de l’arrêt Canadien Pacifique, « la question fondamentale demeure celle de savoir si le demandeur connaissait la preuve à réfuter et s’il a eu possibilité complète et équitable d’y répondre », et au paragraphe 54, « [u]ne cour de révision [...] demande, en mettant nettement l’accent sur la nature des droits substantiels concernés et les conséquences pour la personne, si un processus juste et équitable a été suivi ».

(1) L’utilisation d’éléments de preuve extrinsèques sans donner la possibilité de répondre

[20] Les demandeurs font référence au fait que l’agent s’est fondé sur les documents d’InterNations et de Trading Economics, qui sont des éléments de preuve extrinsèques. Ils soutiennent que leur droit à l’équité procédurale a été violé par le défaut de l’agent de divulguer ces documents et de leur donner la possibilité d’y répondre.

[21] Les demandeurs font valoir que, lorsque les éléments de preuve ne sont pas divulgués, la « question est de savoir si des faits concrets, essentiels ou potentiellement cruciaux pour la décision ont été utilisés à l’appui d’une décision, sans que la partie visée ait eu la possibilité de répondre à ces faits ou de les commenter » (Yang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 20 au para 17). Les demandeurs font référence à plusieurs décisions où la Cour a conclu que les documents obtenus par une recherche indépendante sur Internet par un agent doivent être divulgués lorsque ces documents ne sont pas des « documents courants », comme ceux qui se trouvent dans un cartable national de documentation (voir Zamora c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1414 [Zamora]; Mazrekaj c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 953 [Mazrekaj]).

[22] Les demandeurs soutiennent, en citant le juge O’Reilly, au paragraphe 12 de la décision Kablawi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 283, que :

L’accès public aux renseignements n’est qu’un des facteurs pertinents à examiner pour déterminer si un décideur a traité équitablement un demandeur. Il faut également déterminer si le demandeur était au courant de ces renseignements ou s’il pouvait raisonnablement s’attendre à ce que le décideur s’en serve.

[23] Les demandeurs font valoir en outre que la règle générale veut que lorsque les documents contiennent des renseignements « inédits et importants », ils doivent être divulgués, et que c’est généralement le cas pour les documents trouvés sur Internet (voir Lopez Arteaga c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 778).

[24] Les demandeurs font également référence aux Instructions et lignes directrices opérationnelles en ligne d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, qui mentionnent ce qui suit sous la rubrique « Le droit du demandeur de se faire entendre » :

Le « droit de se faire entendre » exige que le demandeur soit informé des faits importants qui sont susceptibles d’avoir une incidence sur l’issue de la demande. Par exemple, si un décideur s’appuie sur des éléments de preuve extrinsèques (p. ex. preuves provenant de sources autres que le demandeur), il doit donner au demandeur la possibilité de répondre à ces éléments de preuve.

[25] Bien que les demandeurs reconnaissent que cette directive n’est pas contraignante, ils soutiennent qu’il ne faut pas s’en écarter sans motifs importants et convaincants.

[26] Les demandeurs font valoir que les documents d’InterNations et de Trading Economics, bien qu’ils soient accessibles au public, sont nouveaux et importants, et qu’ils n’auraient pas pu raisonnablement s’attendre à ce que l’agent se fonde sur ces documents. Par conséquent, les demandeurs soutiennent qu’ils se sont vus refuser une possibilité significative de répondre.

[27] Le défendeur soutient que l’agent n’a pas violé le droit à l’équité procédurale des demandeurs. Le défendeur fait valoir que le document d’InterNations a été cité en réponse directe à l’observation des demandeurs selon laquelle leur fille devrait apprendre le portugais pour participer au programme scolaire, tandis que les documents de Trading Economics ont été cités en réponse aux observations des demandeurs concernant le taux d’emploi prétendument bas du Portugal. Le défendeur soutient que, puisque ces questions ont été soulevées par les demandeurs, l’agent avait le droit de les examiner.

[28] Le défendeur se fonde sur deux décisions. Dans la décision Joseph c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 904 [Joseph], il a été conclu qu’un agent n’avait pas manqué à l’équité procédurale en s’appuyant sur une recherche indépendante qui a mené l’agent à citer un rapport de l’UNESCO. Dans la décision Bradshaw c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2018 CF 632 [Bradshaw], la juge Kane a conclu qu’un agent n’avait pas commis d’erreur en se fondant sur des documents provenant du site Web du gouvernement de la Jamaïque. Ce faisant, elle a examiné la jurisprudence sur les éléments de preuve extrinsèques et a conclu qu’il y avait deux écoles de pensée : Dans certains cas, les documents provenant de sources crédibles, fiables et bien connues étaient considérés comme n’étant pas extrinsèques. Dans d’autres cas, le critère appliqué était plus contextuel et tenait compte de la question de savoir si les renseignements contenus dans le document cité auraient été connus du demandeur, y compris s’ils auraient pu être trouvés ailleurs.

[29] Bien que le défendeur s’appuie sur la décision Bradshaw, qui examine deux approches concernant les éléments de preuve extrinsèques, le défendeur ne présente aucune observation quant à l’approche à adopter. Le défendeur soutient plutôt simplement que l’agent s’est appuyé sur les documents en réponse directe aux observations des demandeurs. Cela n’est pas là le critère de l’une ou l’autre des approches abordées dans la décision Bradshaw. Ce n’est pas parce qu’une partie a soulevé un point précis qu’un décideur a le droit de se fonder sur tout renseignement qu’il trouve pour réfuter ce point. Cette approche permettrait de mener des recherches indépendantes pratiquement sans entrave sans demander l’avis du demandeur, pourvu que ces recherches aient un lien minime avec les observations.

[30] Je conviens avec les demandeurs que la question principale est de savoir s’ils auraient pu raisonnablement s’attendre aux renseignements contenus dans les documents. Ce qui est pertinent à cet égard, c’est la nature des renseignements, leur source et les observations auxquelles ils répondent.

[31] C’est une proposition fondamentale que si un agent ne sollicite pas d’observations d’une partie concernant des renseignements obtenus à la suite de recherches indépendantes, ces renseignements doivent être fiables. Comme la jurisprudence le montre, c’est habituellement le cas pour les « documents courants », comme ceux qui figurent dans les cartables nationaux de documentation ou qui proviennent d’autres sources faisant autorité, y compris les sites Web gouvernementaux, les Nations Unies, et les organisations non gouvernementales bien établies comme Human Rights Watch et Amnesty International (voir Zamora au para 18; Mazrekaj au para 12). La fiabilité de ces documents est généralement incontestable, ils sont accessibles au public et il est généralement entendu que les agents peuvent se fonder sur ces documents.

[32] Toutefois, même si le document sur lequel s’appuie l’agent n’est pas un « document courant », les renseignements qu’il contient peuvent tout de même être fiables s’ils proviennent d’une source faisant autorité. C’est parce que, comme la jurisprudence le démontre, ce qui est important, ce n’est pas le document lui‐même, mais les renseignements qu’il contient. Par exemple, un site Internet qui reproduit des statistiques officielles du gouvernement n’est pas nécessairement extrinsèque à l’égard de ces statistiques. Bien qu’il puisse être préférable pour un agent de se fier aux sources officielles réelles de ces renseignements (p. ex., Statistique Canada pour les données sur l’emploi au Canada), il est compréhensible que, parfois, il soit possible de se fier à d’autres sources, par exemple, dans le but de citer une seule source de renseignements globaux ou pour éviter de se fier à des documents qui ne sont pas en anglais ou en français.

[33] Les observations présentées par un demandeur sont également pertinentes. Comme l’a souligné le juge de Montigny au paragraphe 28 de la décision De Vazquez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 530, « la nature “extrinsèque” d’une preuve — et l’obligation de la divulguer d’avance à un demandeur — n’est pas établie en fonction du document en soi, mais plutôt de la question de savoir si l’information que renferme le document devrait être connue par le demandeur, compte tenu de la nature des observations présentées ».

[34] Compte tenu de ces considérations, les documents de Trading Economics ne sont pas extrinsèques. Ces documents présentent des données économiques concernant le Canada et le Portugal. Les sources indiquées pour ces données sont [traduction] « Statistique Canada » et [traduction] « Statistique Portugal ». Comme il a été mentionné précédemment, bien qu’il puisse être préférable d’utiliser les sources réelles de ces statistiques, il y a diverses raisons de ne pas le faire et les données demeurent fiables. De plus, les demandeurs auraient pu raisonnablement s’attendre à recevoir ces renseignements à la lumière de leurs observations. Bien que les demandeurs ne connaissent pas nécessairement le site Web particulier sur lequel l’agent s’est fondé, étant donné qu’ils se sont fondés sur le taux d’emploi du Portugal dans le cadre de leurs observations, il est raisonnable de conclure que les demandeurs connaissaient ce renseignement. Étant donné que les demandeurs n’ont pas fourni cette statistique à l’agent, il aurait également été raisonnable de s’attendre à ce que l’agent effectue une recherche sur le taux d’emploi au Portugal et sur la façon dont il se compare à celui du Canada.

[35] Cependant, à mon avis, le document d’InterNations aurait dû être divulgué. Le document lui‐même n’est pas un « document courant » et il ne cite aucune source officielle. Selon le contenu du document lui‐même, il semble qu’il soit tiré du site Web d’un organisme privé qui aide les personnes à déménager à l’étranger.

[36] Les renseignements sur les écoles internationales, bien qu’ils répondent aux observations des demandeurs, vont au‐delà de renseignements que les demandeurs auraient raisonnablement connus à la lumière de leurs observations. L’examen du document d’InterNations soulève plusieurs points auxquels il est aisément possible de supposer que les demandeurs pourraient vouloir répondre. Plus important encore, voici ce que le document d’InterNations mentionne :

[traduction]
Si vous envisagez d’inscrire vos enfants à une école internationale, soyez prêt à payer des frais de scolarité élevés. Les frais mensuels sont généralement d’environ 800 EUR (880 USD). Le minimum que vous auriez à payer dans une école internationale au Portugal est de 400 EUR (440 USD), mais les prix peuvent atteindre 1 800 EUR (2 000 USD) par mois. Les prix ont tendance à augmenter avec les années de scolarité, même au sein de la même école.

Pour la plupart de ces écoles, vous payez des frais non remboursables pour la présentation d’une demande, entre 30 et 70 EUR (33 à 77 USD). En outre, vous devez payer des frais d’inscription annuels de 200 à 500 EUR (220 à 550 USD). En plus des livres et autres fournitures scolaires, certaines écoles exigent l’utilisation d’un uniforme, alors prenez également en considération ces coûts supplémentaires.

[37] À la lumière de ces renseignements, et en supposant une année scolaire de 10 mois, le document d’InterNations suggère que le coût de l’éducation en anglais pour un seul enfant serait d’environ 8 000 euros. Il était injuste de la part de l’agent de se fonder sur la disponibilité d’une éducation privée en anglais au Portugal sans donner aux demandeurs la possibilité de répondre aux renseignements concernant le coût de cette option et leur capacité de payer.

[38] Je reconnais que la conclusion de l’agent est que [traduction] « Sarah pourrait accéder à l’éducation dans la langue de son choix à condition que ses parents soient en mesure de payer les frais de scolarité. » [non souligné dans l’original] En conséquence directe de cette conclusion, l’agent accorde un [traduction] « certain poids » à l’éducation continue de Sarah. Toutefois, quel poids l’agent lui aurait‐il accordé si les demandeurs avaient été en mesure de répondre que leur capacité financière en faisait simplement une possibilité théorique et non réelle?

[39] Comme il est expliqué ci‐après, le défaut de prendre en considération cette dépense était également, à mon avis, déraisonnable, et le fait de demander des observations sur ce point aurait permis à l’agent d’examiner adéquatement si l’école anglaise était une option viable.

(2) L’approche adoptée pour évaluer les éléments de preuve

[40] Les demandeurs soutiennent que l’agent n’a pas correctement appliqué l’approche de la décision Chirwa, à laquelle la Cour suprême du Canada a souscrit dans l’arrêt Kanthasamy c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CSC 61 [Kanthasamy], qui appelle à l’empathie et à la compassion de la part des agents qui rendent des décisions en matière de motifs d’ordre humanitaire.

[41] Les demandeurs soutiennent que l’agent a indûment mis l’accent sur le fait que les demandeurs demeuraient au Canada sans autorisation depuis plus de 14 ans et que, ce faisant, il a minimisé les facteurs favorables comme l’établissement. Les demandeurs soulignent des décisions où la Cour a conclu que l’article 25 de la Loi vise les personnes sans statut et qu’un agent ne devrait pas « simplement invoquer la non‐conformité comme obstacle à l’octroi d’une dispense pour motifs d’ordre humanitaire » (Garcia Balarezo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2020 CF 841, au para 47; voir aussi Benyk c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 950, au para 14; Sivalingam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2017 CF 1185, au para 9).

[42] Les demandeurs font valoir qu’ils ont expliqué qu’ils avaient tardé à présenter leur demande parce qu’ils économisaient pour se faire représenter par un avocat, mais l’agent n’a pas précisé pourquoi cette explication était insuffisante, ce qui démontre un manque d’empathie et de compassion. Les demandeurs soutiennent en outre que la conclusion de l’agent selon laquelle ils auraient pu se fier aux membres de leur famille pour les informer au sujet du processus d’immigration est hypothétique, n’est pas étayée par la preuve et ne tient toujours pas compte de l’incapacité des demandeurs à se payer un avocat.

[43] Le défendeur soutient que le fait de demeurer au Canada sans statut est un facteur pertinent dans l’examen de l’établissement (citant Melgoza c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 649; Gonzales c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2019 CF 519; Joseph, précité; Aguilar Sarmiento c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2017 CF 481). Le défendeur fait remarquer que l’agent a accordé un certain poids favorable à l’établissement des demandeurs, mais le défendeur soutient que cela a été raisonnablement soupesé par rapport à leur violation des lois canadiennes en matière d’immigration.

[44] Le traitement fait par l’agent de la situation des demandeurs est raisonnable et conforme à la loi. En fait, les demandeurs contestent le fait que l’agent se soit fondé sur le fait qu’ils n’ont pas tenté de régulariser leur statut au Canada pendant 10 ans. Bien qu’il soit vrai que le non‐respect des lois en matière d’immigration ne peut être considéré comme un obstacle à la prise de mesures spéciales pour des motifs d’ordre humanitaire, il est tout aussi vrai, comme le démontrent les décisions sur lesquelles s’appuie le défendeur, que le non‐respect demeure un facteur pertinent. L’agent n’a pas traité le manquement aux lois canadiennes en matière d’immigration comme un obstacle à la prise de mesures spéciales pour des motifs d’ordre humanitaire, en ce sens que rien ne pouvait l’emporter sur le manquement. La non‐conformité a été évaluée comme un facteur défavorable parmi plusieurs facteurs pertinents à l’analyse. L’agent a évalué l’établissement des demandeurs par rapport à leur non‐conformité.

[45] Le rôle d’un tribunal dans un contrôle judiciaire n’est pas d’apprécier et d’évaluer à nouveau la preuve (voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 125, citant Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c Canada (Procureur général), 2018 CSC 31 au para 55). À mon avis, les observations des demandeurs sur ce point constituent une demande de nouvelle évaluation de la preuve et ne justifient pas l’intervention de la Cour.

(3) L’intérêt supérieur des enfants touchés

[46] Avant de passer à la question de l’intérêt supérieur des enfants, je tiens à souligner avec fermeté que le fait de demeurer au Canada sans statut est un facteur pertinent seulement lors de la prise en compte de l’établissement. Cela n’est absolument pas pertinent à l’examen de l’intérêt supérieur des enfants. En l’espèce, l’agent n’a pas commis cette erreur; cependant, certaines observations de l’avocat du défendeur m’ont semblé laisser entendre que l’intérêt supérieur des enfants devrait être évalué en tenant compte de la conduite illégale de leurs parents. Comme je l’ai dit à l’avocat, les enfants ne doivent pas être punis pour les fautes de leurs parents.

[47] Un agent doit effectuer une évaluation indépendante de chacun des facteurs pertinents (établissement, conditions dans le pays, intérêt supérieur des enfants) puis les soupeser collectivement pour décider s’il y a des circonstances « de nature à inciter tout homme raisonnable [sic] d’une société civilisée à soulager les malheurs d’une autre personne » (Chirwa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1970), 4 AIA 338, cité dans Kanthasamy, au para 13). Contrairement à ce qu’affirme le défendeur, il est fort possible que l’un de ces facteurs suffise à lui seul pour justifier la prise de mesures spéciales pour des motifs d’ordre humanitaire.

[48] Plus précisément, les répercussions sur les enfants qui sont renvoyés du Canada avec leurs parents peuvent être si importantes que la prise de mesures spéciale soit justifiée, même si leurs parents ont prolongé illégalement leur séjour au Canada de plus d’une décennie, et même dans le cas où ils sont arrivés sans enfants, mais ont donné naissance à deux enfants canadiens pendant leur séjour illégal au Canada.

[49] Le point de vue des tribunaux canadiens sur la façon d’évaluer l’intérêt supérieur d’un enfant et l’importance de le faire n’a pas beaucoup changé au cours des deux décennies qui se sont écoulées depuis que la Cour suprême du Canada a rendu son jugement dans l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 [Baker]. En disant cela, je n’ai pas l’intention de laisser entendre qu’il ne s’agit pas d’un facteur de première importance dans une analyse des motifs d’ordre humanitaire. Au paragraphe 40 de l’arrêt Kanthasamy, la juge Abella de la Cour suprême du Canada a reconnu l’importance de ce facteur : « Lorsque, comme en l’espèce, la loi exige expressément la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant “directement touché”, cet intérêt représente une considération singulièrement importante dans l’analyse. » [Non souligné dans l’original.]

[50] Comme l’a fait remarquer la Cour suprême du Canada aux paragraphes 38 et 39 de l’arrêt Kanthasamy, l’arrêt Baker a précédé l’exigence législative de la Loi de tenir compte de l’intérêt supérieur de tout enfant touché par la décision, exigence qui s’est retrouvée pour la première fois dans l’article 25.1 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, qui est entrée en vigueur le 28 juin 2002 :

[38] Même avant que le principe ne figure expressément au par. 25(1), la Cour y voyait un volet « important » de l’appréciation des motifs d’ordre humanitaire, notamment dans l’arrêt Baker :

. . . l’attention et la sensibilité à l’importance des droits des enfants, de leur intérêt supérieur et de l’épreuve qui pourrait leur être infligée par une décision défavorable sont essentielles pour qu’une décision d’ordre humanitaire soit raisonnable. . . .

. . . pour que l’exercice du pouvoir discrétionnaire respecte la norme du caractère raisonnable, le décideur devrait considérer l’intérêt supérieur des enfants comme un facteur important, lui accorder un poids considérable, et être réceptif, attentif et sensible à cet intérêt. Cela ne veut pas dire que l’intérêt supérieur des enfants l’emportera toujours sur d’autres considérations, ni qu’il n’y aura pas d’autres raisons de rejeter une demande d’ordre humanitaire même en tenant compte de l’intérêt des enfants. Toutefois, quand l’intérêt des enfants est minimisé, d’une manière incompatible avec la tradition humanitaire du Canada et les directives du ministre, la décision est déraisonnable. [par. 74‐75]

[39] Par conséquent, la décision rendue en application du par. 25(1) sera jugée déraisonnable lorsque l’intérêt supérieur de l’enfant qu’elle touche n’est pas suffisamment pris en compte (Baker, par. 75). L’agent ne peut donc pas se contenter de mentionner qu’il prend cet intérêt en compte (Hawthorne, par. 32). L’intérêt supérieur de l’enfant doit être « bien identifié et défini », puis examiné « avec beaucoup d’attention » eu égard à l’ensemble de la preuve (Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 4 CF 358 (C.A.), par. 12 et 31; Kolosovs c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 165, par. 9‐12 (CanLII)).

[Non souligné dans l’original.]

[51] Dans la décision Kolosovs c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 165, le juge Campbell a décrit, aux paragraphes 9 à 12, ce que signifie être réceptif, attentif et sensible à l’intérêt supérieur des enfants. La Cour suprême du Canada y a fait précisément référence au paragraphe 39 de l’arrêt Kanthasamy.

[52] Pour être réceptif à l’intérêt supérieur de l’enfant, l’agent doit, dans ses motifs, « montrer qu’il est au courant de l’intérêt supérieur de l’enfant en indiquant les manières dont cet intérêt entre en jeu » (Kolosovs, au para 9). Pour être attentif à l’intérêt supérieur de l’enfant, l’agent doit, dans ses motifs, « montrer qu’il comprend bien le point de vue de chacun des participants dans un ensemble donné de circonstances, y compris le point de vue de l’enfant s’il est raisonnablement possible de le connaître » (Kolosovs, au para 11). Pour être sensible à l’intérêt supérieur de l’enfant, l’agent doit, dans ses motifs, « exposer clairement les épreuves qui résulteront pour l’enfant d’une décision défavorable, puis dire ensuite si, compte tenu également des autres facteurs, les épreuves en question justifient une dispense pour motifs d’ordre humanitaire » (Kolosovs, au para 12).

[53] Aucune analyse appropriée de l’intérêt supérieur d’un enfant ne peut être entreprise à moins que le décideur n’ait « bien identifié et défini » ces intérêts (voir Legault c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 125 [Legault] au para 12). De plus, à moins que l’agent n’ait bien identifié et défini ces intérêts, il est impossible pour une cour de révision d’évaluer le caractère raisonnable de la décision de l’agent quant à l’intérêt supérieur de l’enfant ou l’analyse globale de la question de savoir s’il y a des circonstances justifiant une décision favorable pour des motifs d’ordre humanitaire.

[54] Dans la décision Williams c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 166 [Williams], le juge Russell, au paragraphe 63, a donné des conseils aux agents dans leur tâche d’évaluer l’intérêt supérieur de l’enfant :

Lorsqu’il analyse l’intérêt supérieur d’un enfant, l’agent doit d’abord déterminer en quoi consiste l’intérêt supérieur de l’enfant, en deuxième lieu, jusqu’à quel point l’intérêt de l’enfant est compromis par une décision éventuelle par rapport à une autre et, enfin, à la lumière de l’analyse susmentionnée, le poids que ce facteur joue lorsqu’il s’agit de trouver un équilibre entre les facteurs positifs et les facteurs négatifs dont il a été tenu compte lors de l’examen de la demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire.

[Souligné dans l’original.]

[55] Dans la décision Webb c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1060, le juge Mosley, citant la décision Hawthorne c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 475 [Hawthorne] au para 7, a accepté l’observation du ministre selon laquelle l’approche adoptée dans la décision Williams n’est pas requise par les décisions faisant autorité : Lorsque notre Cour a statué dans l’arrêt Legault, au paragraphe 12, que l’intérêt supérieur de l’enfant devait être « bien identifié et défini », elle ne tentait pas d’imposer une formule magique à laquelle devaient recourir les agents d’immigration dans l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire. Néanmoins, le juge Mosley a souligné ce qui suit : « À mon avis, la formule de William peut être utile pour les agents chargés d’apprécier l’intérêt supérieur de l’enfant, mais les décisions faisant autorité de la Cour suprême et de la Cour d’appel fédérale ne l’ont pas rendue obligatoire »

[56] Je suis du même avis que le juge Mosley. Les agents feraient bien de suivre les conseils donnés dans l’arrêt Williams, parce que le message transmis par toutes les instances judiciaires au Canada consiste d’abord à identifier l’intérêt supérieur de l’enfant avant de procéder à l’évaluation du poids à lui accorder (p. ex., Legault, au para 12; Kanthasamy, au para 39). Ce qui ressort clairement de la jurisprudence, c’est qu’un agent n’a pas à appliquer rigoureusement l’approche Williams « à condition que l’agent identifie et définisse l’intérêt supérieur et lui donne un poids considérable » (Patousia c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2017 CF 876 [Patousia] au para 55).

[57] Il est également clair, à mon avis, qu’après avoir identifié cet intérêt supérieur, un agent doit procéder à une analyse comparative : Quelles sont les répercussions sur cet intérêt si les enfants restent au Canada et quelles sont‐elles s’ils ne restent pas au Canada?

[58] Dans l’arrêt Hawthorne, aux paragraphes 5 et 6, le juge Décary de la Cour d’appel fédérale explique qu’il existe une présomption selon laquelle le fait de demeurer au Canada est dans l’intérêt supérieur économique et social de l’enfant, mais qu’une analyse comparative doit être effectuée :

[5] L’agente n’examine pas l’intérêt supérieur de l’enfant dans l’abstrait. Elle peut être réputée savoir que la vie au Canada peut offrir à un enfant un éventail de possibilités et que, règle générale, un enfant qui vit au Canada avec son parent se trouve dans une meilleure position qu’un enfant vivant au Canada sans son parent. À mon sens, l’examen de l’agente repose sur la prémisse – qu’elle n’a pas à exposer dans ses motifs – qu’elle constatera en bout de ligne, en l’absence de circonstances exceptionnelles, que le facteur de « l’intérêt supérieur de l’enfant » penchera en faveur du non‐renvoi du parent. Outre cette prémisse que je qualifierais d’implicite, il faut se rappeler que l’agente est saisie d’un dossier particulier dans lequel un parent, un enfant ou les deux, comme en l’occurrence, allèguent des raisons précises quant à savoir pourquoi le non‐renvoi du parent est dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Il va de soi que l’agente doit examiner attentivement ces raisons précises.

[6] Il est quelque peu superficiel de simplement exiger de l’agente qu’elle décide si l’intérêt supérieur de l’enfant milite en faveur du non‐renvoi – c’est un fait qu’on arrivera à une telle conclusion, sauf dans de rares cas inhabituels. En pratique, l’agente est chargée de décider, selon les circonstances de chaque affaire, du degré vraisemblable de difficultés auquel le renvoi d’un parent exposera l’enfant et de pondérer ce degré de difficultés par rapport aux autres facteurs, y compris les considérations d’intérêt public, qui militent en faveur ou à l’encontre du renvoi du parent.

[Non souligné dans l’original.]

[59] Il est évident que la situation et les caractéristiques de chaque enfant sont uniques. Par conséquent, la situation unique de l’enfant touché dictera son intérêt qui doit être identifié et évalué. Dans l’arrêt Kanthasamy, au paragraphe 34, la Cour suprême du Canada relève plusieurs éléments susceptibles d’être pris en compte, en parlant notamment « des droits, des besoins et des intérêts supérieurs des enfants, du maintien des liens entre les membres d’une famille et du fait d’éviter de renvoyer des gens à des endroits où ils n’ont plus d’attaches » (citant Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36 au para 41). La Cour suprême souligne également, au paragraphe 35, que l’évaluation doit « tenir compte de l’âge de l’enfant, de ses capacités, de ses besoins et de son degré de maturité » (citant AC c Manitoba (Directeur des services à l’enfance et à la famille), 2009 CSC 30).

[60] Les Lignes directrices du ministre sur les facteurs à prendre en considération lors de l’évaluation de l’intérêt supérieur d’un enfant vont dans le même sens :

En général, les facteurs liés au bien‐être émotionnel, social, culturel et physique de l’enfant doivent être pris en considération lorsqu’ils sont soulevés. Voici quelques exemples de facteurs qui peuvent être soulevés par le demandeur :

  • l’âge de l’enfant;

  • le degré de dépendance entre l’enfant et le demandeur CH;

  • le degré d’établissement de l’enfant au Canada;

  • les liens de l’enfant avec le pays à l’égard duquel la demande CH est examinée;

  • les conditions qui règnent dans ce pays et l’incidence possible sur l’enfant;

  • les problèmes de santé ou les besoins particuliers de l’enfant;

  • les conséquences sur l’éducation de l’enfant;

  • les questions relatives au sexe de l’enfant.

Les faits entourant une décision prise en vertu du L25(1) peuvent parfois justifier qu’on se demande si la décision placera l’enfant directement touché dans une situation de risque. La question du risque peut survenir que l’enfant soit un citoyen canadien ou un étranger.

[61] Étant donné que chaque enfant est unique, les questions particulières qui concernent son intérêt supérieur devront généralement être présentées par le ou les demandeurs qui présentent une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Certaines situations peuvent ne pas exiger de tels renseignements directs, par exemple, lorsque le pays vers lequel le demandeur est renvoyé est en pleine guerre ou en proie à des troubles civils.

[62] En l’espèce, les demandeurs soutiennent que la décision de l’agent n’examine à aucun moment la question de savoir si l’intérêt supérieur des enfants réside dans le fait de demeurer au Canada. Les demandeurs soutiennent que, plutôt que d’examiner la question de savoir ce qui est dans l’intérêt supérieur des enfants, l’agent a considéré le déménagement comme une conclusion établie d’avance, et qu’il a ensuite mal effectué l’analyse des difficultés. Les demandeurs s’appuient sur la décision Osun c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2020 CF 295 [Osun], où le juge Diner a conclu, aux paragraphes 23 et 24, que les difficultés ne peuvent être confondues avec l’intérêt supérieur de l’enfant et que « [u]ne analyse des difficultés entremêlée à une analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant (et qu’il est impossible de distinguer) ne remplit pas l’exigence de transparence, parce que la Cour ne peut évaluer le poids respectif attribué à ces facteurs » (voir aussi la décision Patousia).

[63] Les demandeurs soutiennent également qu’il était déraisonnable pour l’agent de se fonder sur le fait que leur fille aînée réussit à l’école pour appuyer l’affirmation selon laquelle elle serait en mesure de s’adapter et d’apprendre le portugais. Les demandeurs soutiennent qu’il s’agit d’une hypothèse et que l’agent utilise de façon inappropriée un facteur favorable contre les demandeurs (citant Singh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2019 CF 1633).

[64] En réponse, le défendeur fait valoir que les demandeurs n’ont démontré aucune erreur dans l’analyse de l’intérêt supérieur des enfants. Le défendeur soutient que l’intérêt supérieur des enfants a reçu un certain poids, mais que ce facteur n’est pas déterminant (citant Huang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2019 CF 265 au para 24).

[65] J’estime que l’analyse et la réflexion de l’agent concernant l’intérêt supérieur des enfants des demandeurs sont erronées et insuffisantes. Il est révélateur que l’agent n’énonce qu’une seule fois ce qui est dans leur intérêt supérieur, c’est‐à‐dire au moment où l’agent écrit : [traduction] « J’estime en outre qu’il serait dans l’intérêt supérieur des enfants d’avoir accès aux deux parents. » Franchement, cela n’est guère plus qu’une affirmation générale, car les cas où l’intérêt supérieur d’un enfant ne résidera pas dans le fait d’être avec ses parents sont exceptionnellement rares.

[66] Peu d’observations ont été présentées dans la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire concernant Caroline, car elle n’avait que huit mois lorsque la demande a été présentée. Au moment où la décision a été prise, elle avait presque trois ans. L’examen des observations présentées par les demandeurs révèle les éléments suivants au sujet de leurs enfants, éléments qui, au minimum, nécessitaient l’attention de l’agent :

  • Sarah ne parle pas portugais, et [traduction] « il lui faudrait au moins un an ou deux pour apprendre la langue avant de pouvoir commencer à apprendre un programme d’enseignement réel ».
  • En raison de ce décalage, Sarah aurait quelques années de retard par rapport aux enfants de son âge.
  • Les enfants bénéficient de la présence d’une famille élargie au Canada liée à leur mère Veronica (7 frères et sœurs, 15 nièces et neveux, 4 tantes et un certain nombre de cousins). Elles n’ont pas de famille ni d’amis au Portugal, à part la mère de Veronica.
  • Sarah subirait une perte particulière en raison de sa séparation de sa tante Marlene, qui s’occupe d’elle depuis sa naissance, et de ses nombreux cousins avec qui elle a été élevée [traduction] « comme s’ils étaient frères et sœurs ».

[67] L’agent ne cherche à identifier l’intérêt supérieur des enfants nulle part dans la décision. Au lieu de cela, l’agent signale simplement les difficultés potentielles causées par le déménagement et diverses circonstances qui serviraient à atténuer ces difficultés. Toute considération de l’intérêt supérieur des enfants est liée à cette analyse des difficultés et se distingue de celle‐ci. Comme dans l’affaire Osun, cela entraîne un manque de transparence dans la décision.

[68] L’approche adoptée par l’agent dans la présente affaire est très semblable à celle adoptée dans l’affaire Osun. Dans l’affaire Osun, l’agent a simplement fait remarquer que l’intérêt des enfants « serait [traduction] “mieux servi au Canada” » sans donner de précisions, puis il a expliqué pourquoi la perturbation que causerait le renvoi serait minime (voir Osun, au para 20). Le juge Diner a conclu que cette approche « ressemble fort à une analyse des difficultés » et que « [c]ette manière de procéder substitue erronément des conclusions sur les difficultés à une évaluation de l’intérêt supérieur des enfants, aux fins d’établir la ligne de conduite la mieux adaptée à la situation » (Osun, au para 21). Le juge Diner a conclu que « la constatation de l’absence de difficultés ne peut se substituer validement à une analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant » (Osun, au para 21).

[69] Même si j’acceptais l’approche de l’agent, j’aurais des préoccupations au sujet de la façon dont il l’a appliquée. En réponse à la préoccupation des demandeurs selon laquelle leurs enfants ne parlent pas portugais et auraient donc de la difficulté à l’école, l’agent a suggéré qu’une des enfants, ou les deux, pourrait fréquenter une école internationale privée. Comme il a été mentionné précédemment, la preuve citée par l’agent à ce sujet a établi que les frais de scolarité d’une telle école seraient d’environ 800 euros par mois. En supposant une année scolaire de 10 mois, cela représenterait un coût total de 8 000 euros par an, par enfant.

[70] L’agent n’a pas examiné la question de savoir si les demandeurs seraient en mesure de payer ces frais de scolarité. Selon la preuve dont disposait l’agent, Jose gagne 41 000 $ par année. Il n’y avait aucune preuve du revenu de Veronica, mais son emploi est mentionné comme « gérante de restaurant », ce qui laisse entendre que son salaire n’est pas beaucoup plus élevé. Dans leurs observations, les demandeurs ont expliqué qu’ils avaient tardé à présenter leur demande de résidence permanente parce qu’ils n’avaient pas les moyens de se payer un avocat. Dans l’ensemble, cette preuve n’est pas le signe d’une famille qui est en mesure de payer des frais de scolarité annuels de 8 000 euros pour Sarah.

[71] De plus, l’agent ne tient même pas compte des conséquences pour Sarah si elle doit d’abord apprendre le portugais avant de fréquenter l’école. La perte d’un à deux ans à l’école et le fait d’être placée dans un niveau scolaire inférieur à celui des enfants de son âge ne sont pas une mince affaire.

[72] Cette lacune dans la décision démontre encore une fois l’importance de fournir tous les documents pertinents aux demandeurs. Si l’agent avait divulgué le document d’InterNations, les demandeurs auraient pu être en mesure de fournir des observations quant à leur capacité ou leur incapacité de payer l’éducation en anglais. L’agent aurait alors pu examiner ces observations et analyser adéquatement cet aspect de la décision. Le fait de donner la possibilité de répondre permet non seulement d’assurer la justice naturelle aux demandeurs; cela permet aussi un meilleur raisonnement de la part des décideurs.

[73] En plus des réserves que je viens d’exposer, il n’y a pas d’analyse du préjudice probable pour les enfants d’être séparées d’une très grande famille élargie au Canada et d’être renvoyées dans un pays où elles n’ont pratiquement pas de membres de leur famille (puisque les parents de Jose n’ont plus de contact avec lui) ou d’amis.

[74] Les demandeurs ont également soulevé la question d’une baisse importante du niveau de vie qu’ils auraient au Portugal et, par conséquent, d’un niveau de vie inférieur pour leurs enfants. Encore une fois, cette question n’est pas abordée.

[75] Enfin, je suis très perplexe de constater que, bien que l’agent reconnaisse que l’intérêt supérieur des enfants [traduction] « devrait recevoir un poids important », l’agent conclut que ce facteur n’a reçu qu’un [traduction] « certain poids ».

(4) L’évaluation de l’établissement des demandeurs

[76] Les demandeurs soutiennent que l’agent a commis une erreur en s’attendant à ce qu’ils démontrent un seuil d’établissement plus élevé et en utilisant des facteurs d’établissement favorables contre eux.

[77] Les demandeurs font remarquer que l’agent a mentionné que leur degré d’établissement correspondait à ce qui serait attendu compte tenu de leur temps passé au Canada. Les demandeurs font valoir qu’il était déraisonnable pour l’agent d’écarter leur établissement parce qu’il se situait à un degré généralement attendu, et que l’agent n’a pas expliqué pourquoi leur établissement était insuffisant ou quel degré aurait été accepté.

[78] Les demandeurs soutiennent également que l’agent a utilisé des facteurs d’établissement favorables contre eux en déclarant que leur capacité à s’intégrer au Canada et les compétences qu’ils avaient acquises les aideraient à leur retour au Portugal. Les demandeurs citent un certain nombre de décisions, en particulier la décision Lopez Gallo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2019 CF 857, où un tel raisonnement a été jugé déraisonnable.

[79] En ce qui concerne l’observation des demandeurs selon laquelle l’agent a appliqué un seuil plus élevé à l’égard de leur établissement, le défendeur fait référence à plusieurs décisions dans lesquelles des motifs formulés de la même façon ont été confirmés par la Cour (Bagatnan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2021 CF 1188 aux para 27 et 30; Ketjinganda c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2021 CF 1072 aux para 23 et 25). Le défendeur n’a présenté aucune observation concernant l’utilisation de facteurs d’établissement favorables comme motifs de refuser la prise de mesures spéciales pour des motifs d’ordre humanitaire.

[80] Je suis d’accord avec les demandeurs pour dire qu’il est déraisonnable d’écarter l’établissement d’un demandeur parce qu’il n’est qu’au niveau normalement attendu. Même s’il est à un niveau typique d’autres personnes, 15 ans d’établissement devraient tout de même jouer en faveur d’un demandeur. Ce qui est important, c’est le degré d’établissement et non le temps nécessaire pour l’atteindre.

[81] Toutefois, en l’espèce, les demandeurs avaient obtenu leur établissement au Canada sans autorisation. Comme il a été mentionné précédemment, l’agent avait le droit de prendre en compte ce facteur en défaveur des demandeurs. À la lumière de ces circonstances, il est raisonnable d’exiger un degré d’établissement supérieur à la normale pour l’emporter sur le poids négatif des circonstances dans lesquelles il a été obtenu.

[82] Par contre, je souscris aux observations des demandeurs concernant l’utilisation par l’agent de facteurs favorables pour refuser la prise de mesures spéciales pour des motifs d’ordre humanitaire.

[83] Dans la décision en matière de motifs d’ordre humanitaire, l’agent conclut que les demandeurs sont débrouillards, qu’ils ont été en mesure d’obtenir rapidement un emploi au Canada malgré une connaissance limitée de la langue et de la culture, et qu’ils ont acquis des connaissances et des compétences dans le cadre de leur emploi. Par conséquent, l’agent conclut que cela les aidera sur le marché du travail portugais. L’agent conclut également que plusieurs des membres de la famille des demandeurs sont au Canada et leur apportent leur soutien, et il prétend que ces membres de la famille seraient en mesure de fournir un soutien financier à court terme si les demandeurs devaient déménager au Portugal.

[84] Comme il est mentionné dans les décisions sur lesquelles les demandeurs se sont fondés, il est déraisonnable pour un agent de prendre des facteurs qui seraient généralement considérés comme des facteurs favorables dans une analyse des motifs d’ordre humanitaire et de les appliquer comme des motifs de refuser la prise de mesures spéciales. Dans la décision Lauture c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 336, le juge Rennie, maintenant juge à la Cour d’appel fédérale, a souligné au paragraphe 26 que si ce raisonnement était permis, « plus le demandeur réussit, est entreprenant et fait preuve de civisme tandis qu’il est au Canada, moins il a de chances que sa demande fondée sur l’article 25 soit accueillie ». Je souscris à la description que le juge Barnes a faite de ce raisonnement au paragraphe 8 de la décision Aguirre Renteria c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2019 CF 134, comme un « raisonnement sans issue ». Le raisonnement concernant la famille des demandeurs est particulièrement déroutant, car le fait qu’ils aient une grande famille et bénéficient de son soutien au Canada est utilisé pour justifier leur séparation de cette famille.

Conclusion

[85] Pour ces motifs, la demande est accueillie. Les parties n’ont pas proposé de questions à certifier et le dossier en l’espèce n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM‐2484‐20

LA COUR STATUE que la demande est accueillie, la décision de rejeter la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire des demandeurs est annulée, leur demande est renvoyée à un autre agent pour réexamen, conformément aux présents motifs, et aucune question n’est certifiée.

vide

« Russel W. Zinn »

vide

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‐2484‐20

INTITULÉ :

VIEIRA SEBASTIAO MELO ET AL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 février 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 14 avril 2022

COMPARUTIONS :

Cemone Morlese

POUR LES DEMANDEURS

Asha Gafar

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mamann, Sandaluk & Kingwell LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Ministère de la Justice Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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