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Date : 20220405


Dossier : IMM-6388-20

Référence : 2022 CF 478

Ottawa (Ontario), le 5 avril 2022

En présence de l’honorable monsieur le juge Pamel

ENTRE :

Zarqa WASEEM

demanderesse

et

Le ministre de la Citoyenneté et

de l’immigration

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Contexte et décisions au fond

[1] La demanderesse, Mme Zarqa Waseem, est une citoyenne du Pakistan demandant le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 19 novembre 2020 par la Section d’appel des réfugiés [SAR] confirmant la décision de la Section de la protection des réfugiés [SPR] rendue le 6 septembre 2019 concluant que Mme Waseem avait une possibilité de refuge intérieur [PRI] à Faisalabad, Lahore et Multan, dans la province du Pendjab au Pakistan. Mme Waseem est mariée depuis 2010 à M. Waseem Ud Din et est mère de trois enfants. Elle est arrivée seule et enceinte au Canada et a accouché de son troisième enfant peu de temps après son arrivée. Au Pakistan, à Karachi, elle a enseigné dans un collège et a été directrice d’école.

[2] En 2004 et en 2008, l’époux de Mme Waseem a été invité à se joindre au parti politique du Mouvement Muttahida Qaumi [MQM], mais il a refusé, car il ne partageait pas les idées de ses membres. En août 2010, des hommes armés ont attaqué M. Ud Din et volé ses effets personnels. Un mois plus tard, les mêmes hommes ont de nouveau attaqué M. Ud Din et menacé de s’en prendre à Mme Waseem en précisant qu’ils savaient qu’elle enseignait au collège et connaissaient le trajet qu’elle empruntait pour s’y rendre. En raison de ces menaces, Mme Waseem a décidé avec son époux d’aller temporairement à Islamabad chez ses parents. Lors de leur retour à Karachi un mois et demi plus tard, les menaces se sont intensifiées et M. Ud Din a commencé à recevoir des appels téléphoniques de la part de membres du MQM l’incitant à se joindre au parti en le menaçant de s’en prendre à lui et à sa famille s’il n’obtempérait pas. Mme Waseem et M. Ud Din n’ont pu obtenir l’aide de la police à Karachi, car le poste de police du secteur soutenait le MQM et ils craignaient que leurs problèmes s’aggravent s’ils y déposaient une plainte. Mme Waseem a également témoigné des conditions de sécurité à Karachi qui se dégradaient; elle et son époux ayant subi des incidents qui témoignent de la violence répandue qui y sévit.

[3] En 2012, alors qu’elle était enceinte de cinq mois de son deuxième enfant, Mme Waseem s’est rendue aux États-Unis pour assister au mariage de sa cousine. Elle affirme ne pas avoir pu demeurer aux États-Unis, car son oncle ne pouvait pas parrainer une demande d’immigration et qu’il serait trop coûteux pour elle d’y accoucher. À son retour à Karachi, Mme Waseem a appris que son époux avait été attaqué et blessé dans la rue par les mêmes hommes qui l’avaient attaqué en 2010. Lors de l’attaque, ils ont encore une fois menacé M. Ud Din de s’en prendre à sa femme et à son enfant. Mme Waseem et M. Ud Din ont tenté de déposer une plainte au poste de police, mais les policiers ont refusé de recevoir une plainte contre des membres du MQM. Mme Waseem a également entendu des gens dans la rue dire qu’ils allaient « kidnapper et jeter de l’acide au visage de la professeure ».

[4] À la suite de ces évènements, ils ont décidé de déménager chez la mère de Mme Waseem à Islamabad, dans la région du Pendjab. Mme Waseem affirme que son mari a été victime de racisme dans cette région à cause de ses origines indiennes et qu’ils ont été la cible de menaces téléphoniques à tel point que M. Ud Din a dû changer son numéro de téléphone. Craignant que les membres du MQM soient en mesure de les retrouver chez la mère de Mme Waseem, ils ont décidé de louer une autre maison à Islamabad. M. Ud Din a tenté d’obtenir un visa pour les États-Unis ainsi qu’un emploi à Dubaï et Mme Waseem a entrepris les démarches pour obtenir un visa canadien, mais en vain. Mme Waseem s’est trouvé un emploi de directrice d’école à Islamabad et ils ont tenté d’ouvrir un commerce ainsi qu’une école à la maison. Entre-temps, ils ont appris que le cousin de M. Ud Din avait été tué dans les rues de Karachi après avoir reçu lui aussi des menaces téléphoniques du MQM. Le 28 juillet 2017, trois hommes ont fait irruption dans leur maison à Islamabad et ont menacé M. Ud Din. Ce dernier s’est réfugié chez la sœur de Mme Waseem.

[5] Détenant un visa américain, Mme Waseem a quitté le Pakistan pour les États-Unis le 31 janvier 2017, alors qu’elle était enceinte de son troisième enfant et en laissant derrière elle son époux et ses deux enfants. Mme Waseem a été logée par ses employeurs aux États-Unis, dont l’un l’a découragée de demander l’asile aux États-Unis en raison des politiques du gouvernement américain. Ce dernier l’a aidée à faire une demande pour un visa canadien, mais sa demande a été refusée en mars 2017. À 38 semaines de grossesse, Mme Waseem n’avait pas accès à des soins de santé et ne pouvait rentrer au Pakistan par avion. Elle a donc décidé de se rendre à pied à la frontière canadienne le 24 mai 2017 où elle a demandé l’asile. Mme Waseem affirme que, depuis son départ du Pakistan, les menaces envers son mari ont persisté.

[6] La SPR a conclu que Mme Waseem n’avait pas présenté suffisamment de preuves crédibles pour soutenir ses allégations qui fondent sa demande de protection, c’est-à-dire, que son époux était victime de menaces de la part de membres du MQM. La SPR n’a pas considéré la question de la PRI.

[7] La SPR a refusé d’accepter la lettre de M. Ud Din comme témoignage puisqu’elle n’a pas eu l’occasion de l’interroger sur ses allégations. Elle a aussi noté que Mme Waseem n’avait produit aucune preuve faisant état de sa santé mentale, n’ayant déposé qu’une lettre de sa travailleuse sociale et de son infirmière clinicienne du Québec. La SPR a constaté que M. Ud Din vivait toujours au Pakistan avec leurs deux autres enfants, qu’il n’y a aucune preuve au dossier démontrant qu’il avait tenté de se sauver du pays et que les lettres de recommandation mentionnaient de façon très générale, voire pas du tout, leurs problèmes à Karachi. De plus, la SPR a conclu que Mme Waseem avait adopté un comportement incompatible avec une personne craignant pour sa vie, puisqu’elle s’est rendue aux États-Unis à deux reprises sans demander protection et s’est réclamée de la protection du Pakistan après son premier voyage aux États‐Unis. Bien que la SPR ait reconnu l’existence de violence généralisée au Pakistan, la preuve au dossier ne permettait pas de démontrer une crainte subjective de la part de Mme Waseem.

[8] Pour la SAR, la question déterminante était celle de la possibilité d’une PRI à Faisalabad, Lahore et Multan, dans la province du Pendjab. Mme Waseem a eu l’occasion de fournir des observations supplémentaires et de la nouvelle preuve documentaire provenant du Cartable national de documentation [CND]. Mme Waseem a demandé de déposer cette nouvelle preuve en vertu du paragraphe 110(4) de la LIPR. Toutefois, puisque ces documents faisaient partie du CND, aucune demande n’était nécessaire. Par conséquent, la SAR n’ayant admis aucune nouvelle preuve, elle n’avait pas compétence pour tenir une audience.

[9] La SAR a procédé à l’analyse des deux volets nécessaires pour établir l’existence d’une PRI (Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 CF 706 [Rasaratnam]). Pour le premier volet du test, la SAR n’était pas convaincue, selon la prépondérance des probabilités, qu’il existe une possibilité sérieuse que Mme Waseem soit persécutée dans les villes de Faisalabad, Lahore ou Multan puisque, selon la preuve objective se trouvant dans le CND, le MQM est un parti politique actif à Karachi, Hyderabad et Nawabshah qui n’utilise ni la force ni des méthodes de harcèlement pour recruter des membres. De plus, la SAR a conclu que Mme Waseem n’avait pas démontré qu’elle et son époux étaient activement recherchés par des membres du MQM.

[10] En ce qui concerne le deuxième volet du test Rasaratnam, Mme Waseem a soutenu qu’il n’était pas raisonnable pour elle de s’établir à Faisalabad, Lahore ou Multan en raison de son profil en tant que femme éduquée qui enseigne à des filles au collège. Elle ajoute que la police ne voudrait et ne pourrait pas la protéger, et qu’elle ne serait pas en mesure de déménager dans une des localités proposées comme PRI à cause du système d’enregistrement des locataires. La SAR a conclu qu’il n’y avait pas de preuve documentaire objective démontrant que les enseignantes étaient visées par des groupes violents dans les localités proposées comme PRI. Selon la SAR, la preuve documentaire indique que ce sont surtout les femmes provenant d’un milieu socioéconomique inférieur qui sont réticentes à solliciter la protection de la police et que Lahore dispose de postes de police pour les femmes destinées à les protéger contre la violence. De plus, Mme Waseem n’a pas démontré l’existence d’obstacles causés par le système d’enregistrement des locataires. La SAR a également considéré la lettre de la travailleuse sociale et de l’infirmière clinicienne de Mme Waseem, mais a conclu que, puisque ses symptômes d’anxiété et de détresse sont causés par le fait qu’elle est séparée de son époux et de ses enfants, un retour au Pakistan permettrait de calmer ses inquiétudes. Enfin, la SAR a pris en compte les Directives numéro 4 du président : Revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe [Directives numéro 4] et a conclu que Mme Waseem ne serait pas aux prises avec des difficultés excessives pour atteindre la PRI et y établir sa résidence.

II. Question en litige et norme de contrôle

[11] La présente demande de contrôle judiciaire soulève une seule question : est-ce que la décision de la SAR est raisonnable?

[12] La norme de contrôle applicable à la révision de la décision de la SAR est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 16-17 [Vavilov]). Le rôle de la Cour est donc de déterminer si la décision dans son ensemble est raisonnable, c’est-à-dire, si la décision est fondée sur « une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle » et si la décision dans son ensemble « est transparente, intelligible et justifiée » (Vavilov aux para 15 et 85).

III. La décision de la Section d’appel des réfugiés est raisonnable

[13] Il convient de rappeler que le test pour établir l’existence d’une PRI comprend deux volets. La SAR doit être convaincue, selon la prépondérance des probabilités : (1) qu’il n’y a pas de risque sérieux de persécution pour les demandeurs dans la partie du pays où, selon elle, il existe une PRI; et (2) qu’il n’est pas déraisonnable, compte tenu de l’ensemble des circonstances, y compris la situation personnelle du demandeur, que le demandeur s’y réfugie (Rasaratnam aux pp 709 à 711). Afin de déterminer ce qui constituerait une PRI déraisonnable, il ne faut rien de moins que l’existence de conditions qui mettraient en péril la vie et la sécurité du demandeur (Ranganathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2000 CanLII 16789 (CAF) au para 15). C’est un critère souple qui tient compte de la situation particulière du demandeur et du pays en cause, ainsi qu’un critère objectif dont le fardeau de preuve incombe au demandeur (Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 589 à la p 597).

[14] Selon le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, la décision de la SAR est raisonnable puisque Mme Waseem n’a tout simplement pas fourni de preuve réelle et concrète réfutant l’existence d’une PRI viable à Faisalabad, Lahore ou Multan.

[15] Mme Waseem ne conteste pas les conclusions de la SAR quant au premier volet du test. Elle soutient plutôt que la SAR n’a pas dûment pris en compte la question de la violence envers les femmes au Pakistan dans son analyse du deuxième volet du test. Selon Mme Waseem, la persécution dont elle fait l’objet en raison de son profil d’enseignante pour jeunes filles est un élément essentiel à considérer pour déterminer s’il n’est pas déraisonnable qu’elle se réfugie dans l’une des PRI envisagées. Mme Waseem soutient que la SAR n’a pas tenu compte de l’information suivante qui figure dans la preuve documentaire objective se trouvant dans le CND, notamment : près de 3000 actes de violence commis contre des femmes et filles ont été recensés au Pakistan en 2019; les attaques des talibans et d’autres groupes militants sont souvent perpétrés à l’encontre d’enseignants, d’école et d’étudiants, plus particulièrement des écoles pour filles; plusieurs ONG ont fait l’objet de persécutions, particulièrement dans la province du Pendjab; les femmes victimes de violence qui déposent des plaintes constatent qu’elles ne sont pas prises au sérieux par la police et plusieurs actes de violence ont été recensés à l’égard des femmes, et ce, en dépit de l’adoption, en février 2017, d’une loi visant à les protéger (Amnesty International Belgique, « Rapport annuel 2017 : Pakistan » (22 février 2017), pièce X du dossier de la demanderesse; Human Rights Watch, « World Report 2019. Pakistan : Events of 2018 » (janvier 2019), CND du 31 janvier 2019, onglet 2.4; Amnesty International « Rapport 2017/2018 : La situation des droits humains dans le monde. Pakistan » (22 février 2018), CND du 31 janvier 2019, onglet 2.3; Human Rights Watch, “World Report 2017. Pakistan: Events of 2016 (janvier 2017) », pièce Z du dossier de la demanderesse).

[16] Il ressort des motifs de la SAR que celle-ci a évalué la preuve objective se trouvant au CND et a reconnu l’existence de la violence contre les enseignantes dans certaines régions du Pakistan, mais que rien n’indiquait la présence de cette menace dans les PRI envisagées :

[traduction]

[20] À l’audience, l’Appelante a témoigné qu’à titre d’enseignante pour jeunes filles, elle était en mesure d’influencer leurs idées quant à la politique et, qu’à un certain moment, elle avait été la cible de menaces alors qu’elle enseignait dans un collège à Karachi. Selon elle, une seule autre collègue avait également reçu des menaces parmi la quarantaine ou la cinquantaine d’enseignantes du collège. La pièce 5.11 du CND est un rapport émis par l’organisme international Crisis Group portant sur les femmes, la violence et les conflits au Pakistan. Suivant ce rapport, la violence perpétrée par des militants a réduit l’accès à l’éducation, et l’intimidation, les menaces et les attaques contre les enseignantes se produisent couramment dans les zones de conflit, dont les zones tribales, sous administration fédérale ainsi que dans le Khyber Pakhtunkhwa et ses zones tribales sous administration provinciale. Le document n’indique pas qu’une situation semblable sévit à Faisalabad, Lahore ou Multan. Je suis d’avis que l’Appelante n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle serait visée à titre d’enseignante dans les PRI suggérées.

[17] Mme Waseem n’a pas réussi à me convaincre que la conclusion de la SAR est déraisonnable; aucun des passages provenant du CND sur lesquels elle s’appuie ne démontre que les enseignantes sont particulièrement visées par des groupes violents dans les PRI. Au cours de l’audience, Mme Waseem m’a fait parcourir un certain nombre de sections du CND qui donnent des exemples d’attaques contre les femmes et de l’impunité avec laquelle la police et les forces paramilitaires agissent lorsqu’elles commettent des violations des droits de l’homme à leur encontre. Il ne fait aucun doute que les femmes sont généralement confrontées à de plus grands risques au Pakistan, mais les preuves de crimes contre les femmes comprennent généralement des éléments qui ne correspondent pas au profil de Mme Waseem ou aux PRI proposées. Les preuves concernent des crimes d’honneur – et rien ne permet de croire que Mme Waseem court le risque d’être victime d’un tel crime parce qu’elle appartient à une classe socio-économique supérieure – ou des attaques contre des enseignants et des écoles dans des régions du Pakistan qui n’incluent pas les PRI proposées. En fin de compte, rien ne permet de penser que la SAR n’a pas pris en compte des éléments de preuve qui contredisaient directement l’une de ses conclusions. En fait, la SAR a expressément abordé la question du risque inhérent au fait d’être une enseignante de jeunes filles au Pakistan. Elle a conclu que les incidents de groupes militants qui compromettent l’accès à l’éducation par des actes d’intimidation, des menaces et des attaques contre les enseignantes et les étudiantes semblent être généralement limités aux zones de conflit qui incluent les zones tribales. Aussi, rien n’indique qu’il existe un risque similaire dans l’une ou l’autre des PRI proposées. Je ne suis pas persuadé qu'une telle décision était déraisonnable.

[18] Mme Waseem soutient également que la SAR n’a pas appliqué adéquatement les Directives numéro 4 puisqu’elle ne pourrait se rendre dans les PRI proposées en toute sécurité et s’y établir sans être aux prises avec des difficultés excessives. Selon elle, la preuve au dossier démontre que le gouvernement pakistanais est incapable d’assurer une protection adéquate contre la persécution fondée sur le sexe.

[19] Pourtant, dans ses motifs, la SAR a noté que les Directives numéro 4 l’obligent à tenir compte de la capacité de la femme, en raison de son sexe, de se rendre dans les PRI en toute sécurité et d’y demeurer sans difficulté excessive (décision de la SAR au para 18). Ensuite, elle a constaté que la preuve objective ne permettait pas de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que Mme Waseem ne serait pas en mesure d’obtenir la protection de la police dans les localités proposées comme PRI :

[traduction]

[21] Quant à l’assertion de l’Appelante selon laquelle elle ne pourrait compter sur la protection de la police dans les localités proposées comme PRI, la preuve objective révèle que, si les femmes qui sont victimes d’actes criminels peuvent hésiter à s’approcher d’un poste de police par crainte d’être harcelées, il s’agit surtout de femmes appartenant à une classe socioéconomique inférieure. L’Appelante ne correspond pas à cette description, vu son éducation et sa profession. La preuve objective révèle également que certaines villes, dont Lahore, disposent de postes de police ayant comme objectif de protéger les femmes contre la violence commise par les policiers et d’inspirer la confiance et la libre communication. Aussi, la preuve sur la situation du pays révèle que la situation qui règne à Lahore, tout particulièrement, est meilleure qu’à bien d’autres endroits au Pakistan. Le niveau de violence générale et sectaire y est moins élevé qu’ailleurs. Par conséquent, il est peu probable que l’Appelante ait à recourir à la protection de la police si elle décide de s’établir à Lahore. Quoi qu’il en soit, j’estime que l’Appelante n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle n’obtiendrait pas la protection de la police dans les localités proposées comme PRI.

[20] Mme Waseem ne fonde sur aucun élément de preuve précis son affirmation voulant que « la preuve au dossier apparaisse claire et convaincante » que la police est incapable d’assurer une protection adéquate contre la persécution fondée sur le sexe dans les localités proposées comme PRI. Elle n’est pas arrivée à réfuter la conclusion de la SAR voulant que la preuve objective indique que certaines villes, dont Lahore, disposent de postes de police pour les femmes destinées à les protéger de la violence.

[21] Enfin, Mme Waseem est d’avis que la SAR n’a pas analysé adéquatement la preuve psychologique qu’elle a soumise dans son analyse du deuxième volet du test puisqu’elle voit « difficilement comment [son anxiété] pourrait subitement disparaître, compte tenu de toutes les circonstances, advenant un retour au Pakistan ».

[22] La SAR a effectivement conclu que les symptômes d’anxiété de Mme Waseem étaient attribuables au fait qu’elle n’était pas toujours en mesure de communiquer avec son époux et ses deux autres enfants qui se trouvent toujours au Pakistan. Je suis d’avis qu’il était tout à fait raisonnable pour la SAR d’en arriver à cette conclusion compte tenu du contenu de la lettre soumise par la travailleuse sociale et l’infirmière clinicienne de Mme Waseem :

À plusieurs reprises, Monsieur a dû changer d’endroits et de coordonnées afin d’assurer sa protection et celle de ses enfants, laissant ainsi Mme Waseem dans une incertitude et une inquiétude difficile à supporter. Mme se demande si sa famille est toujours en vie jusqu’à ce qu’elle reçoive une communication de leur part, parfois le signe de vie prend plusieurs jours, voire semaines, la tenant ainsi dans un état de détresse. [...]

Malgré l’intégration modèle de Mme Waseem, nous avons observé chez Mme des symptômes d’anxiété, de tristesse et de désarroi accentués dans l’attente de la régularisation de son statut. Mme nomme qu’elle vit de l’insomnie et une appréhension soutenue pour la sécurité de sa famille. À chaque rencontre, Mme pleure lorsqu’elle nous raconte ce qui lui ait [sic] rapporté de la situation des membres de sa famille présents au Pakistan.

[23] Compte tenu de ce qui précède, je ne vois aucune erreur dans la décision de la SAR qui justifierait l’intervention de la Cour. Je rejetterais donc la demande de contrôle judiciaire.

[24] Enfin, l’alinéa 5(2)b) des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22, et le paragraphe 4(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, prévoient que le défendeur approprié dans les circonstances est le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration. Puisque la demanderesse a nommé à titre de défendeur le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, le défendeur figurant à l’intitulé est modifié et remplacé par le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.

 


JUGEMENT au dossier IMM-6388-20

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Le défendeur figurant à l’intitulé est modifié et remplacé par le ministre de la Citoyenneté et de l’immigration.

  3. Aucune question n’est certifiée.

« Peter G. Pamel »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-6388-20

 

INTITULÉ :

ZARQA WASEEM c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AFFAIRE ENTENDUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 21 mars 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PAMEL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 5 avril 2022

 

COMPARUTIONS :

Me Samuel McAuliffe

Pour la demanderesse

Me Sonia Bédard

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Samuel McAuliffe

Montréal (Québec)

 

Pour la demanderesse

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

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