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Date : 20211118


Dossier : IMM-1574-21

Référence : 2021 CF 1268

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 18 novembre 2021

En présence de madame la juge Pallota

ENTRE :

MOHAMMED NAJMALDIN ABDULLAH

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Mohammed Najmaldin Abdullah est un citoyen de l’Irak originaire de la ville d’Erbil, qui est située dans la région iraquienne du Kurdistan sous le contrôle du gouvernement régional du Kurdistan. M. Abdullah soutient que son renvoi du Canada l’exposerait au risque d’être soumis à la torture, à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou de peines cruels et inusités au sens de l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. Il a demandé la tenue d’un examen des risques avant renvoi (l’ERAR) au motif qu’il risquerait d’être arrêté par la police d’Erbil pour avoir déserté son poste de comptable au quartier général de la police d’Erbil et d’être détenu et maltraité par l’Agence kurde de sécurité et du renseignement, l’Asayish, pour être venu en aide à un ami qui avait participé à une manifestation antigouvernementale. M. Abdullah soutient qu’il sera assujetti à des conditions d’emprisonnement pénibles et potentiellement mortelles s’il est arrêté ou détenu. Dans la demande de contrôle judiciaire en l’espèce, M. Abdullah sollicite l’annulation de la décision de l’agent d’immigration principal (l’agent) qui a rejeté l’ERAR.

[2] L’agent a conclu que M. Abdullah n’avait pas établi qu’il était recherché par la police d’Erbil, l’Asayish ou par d’autres autorités iraquiennes. Il a aussi estimé qu’il n’existe aucun motif sérieux de croire qu’on lui infligerait le traitement décrit à l’article 97 de la LIPR. M. Abdullah avance que la décision de l’agent était fondée sur une interprétation foncièrement erronée de faits essentiels. De plus, il affirme que l’agent n’a pas justifié, par un raisonnement transparent et intelligible, ses conclusions selon lesquelles les éléments de preuve produits avaient une faible valeur probante. Au vu de ces erreurs, il affirme que la décision de l’agent est déraisonnable.

[3] Je ne suis pas persuadée que la décision de l’agent était fondée sur une interprétation foncièrement erronée de faits essentiels. Cependant, je conclus que M. Abdullah a établi que l’agent n’a pas justifié ses conclusions selon lesquelles ses éléments de preuve ont une faible valeur probante, ce qui rend la décision déraisonnable. De ce fait, la demande de contrôle judiciaire est accueillie.

II. Norme de contrôle

[4] Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, appliquée conformément aux directives énoncées dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]. La décision raisonnable est une forme de contrôle empreinte de retenue, mais rigoureuse : Vavilov, aux para 12-13, 75 et 85. La cour de révision ne se demande pas quelle décision elle aurait pu rendre, elle ne tente pas de prendre en compte l’éventail des conclusions possibles, elle ne se livre pas à une nouvelle analyse et ne cherche pas à déterminer la solution correcte au problème : Vavilov, au para 83. La cour de révision doit plutôt mettre l’accent sur la décision déjà rendue et évaluer si la décision dans son ensemble est transparente, intelligible et justifiée : Vavilov, aux para 15 et 83. À cet égard, il ne suffit pas que la décision soit justifiable, le décideur doit justifier sa décision par des motifs : Vavilov, au para 86. Une décision raisonnable est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti : Vavilov, au para 85.

III. Analyse

[5] M. Abdullah est arrivé au Canada en juillet 2018 et a demandé l’asile. Il a été sursis à l’étude de sa demande d’asile lorsqu’un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) a rédigé un rapport circonstancié en vertu du paragraphe 44(1) de la LIPR, dans lequel il alléguait que M. Abdullah est interdit de territoire au Canada. L’agent de l’ASFC a déféré l’affaire à la Section de l’immigration (la SI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié pour enquête. La SI a conclu que M. Abdullah était interdit de territoire pour raison de sécurité aux termes de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR, une décision visée par une autre instance de contrôle judiciaire à la Cour.

[6] M. Abdullah s’est fait accorder un ERAR avant son renvoi. Vu son interdiction de territoire pour raison de sécurité, l’ERAR était circonscrit à l’évaluation de son risque d’être soumis à la torture, d’être exposé à une menace à sa vie ou de subir des traitements ou peines cruels et inusités au sens de l’article 97 de la LIPR si son renvoi avait lieu. La décision défavorable rendue à l’issue de l’ERAR est l’objet de la présente demande.

A. L’agent a-t-il mal interprété des faits essentiels?

[7] M. Abdullah soutient que la conclusion de l’agent selon laquelle il ne serait pas exposé à un risque au sens de l’article 97 était fondée sur une interprétation foncièrement erronée de faits essentiels, et ce, pour deux motifs : (i) la décision mentionne un seul mandat d’arrestation alors qu’il y en avait deux; (ii) l’agent a mal interprété la preuve sur la situation du pays quant au processus pour lancer un mandat d’arrestation en Irak. Selon M. Abdullah, ces erreurs factuelles ébranlent l’assise même de la conclusion de l’agent selon laquelle il ne serait pas exposé à un risque au sens de l’article 97 en étant détenu ou emprisonné en Irak parce qu’il n’est pas recherché.

[8] M. Abdullah fait valoir que l’agent a confondu des éléments de preuve en faisant référence à un seul mandat d’arrestation tout au long de sa décision alors qu’il est visé à la fois par un mandat d’arrestation de la police d’Erbil pour avoir déserté son poste et par un mandat d’arrestation de l’Asayish pour être venu en aide à des citoyens ayant manifesté contre le gouvernement. M. Abdullah soutient qu’à elle seule, cette erreur rend la décision déraisonnable.

[9] Je ne suis pas convaincue que l’agent a mal interprété les éléments de preuve relatifs aux mandats d’arrestation. De plus, même si l’agent avait commis une erreur en mentionnant un seul mandat d’arrestation, l’erreur est négligeable et ne rend pas la décision déraisonnable. Je conviens avec le défendeur que l’agent a manifestement compris les allégations de M. Abdullah selon lesquelles il est recherché par la police d’Erbil après avoir été accusé d’avoir délaissé son poste et par l’Asayish pour avoir aidé des citoyens qui ont manifesté contre le gouvernement, tout comme celles sur les risques auxquels M. Abdullah serait exposé s’il était arrêté ou détenu à la suite d’une de ces accusations. L’agent a examiné l’ensemble des allégations.

[10] M. Abdullah avance que l’agent a mal interprété la documentation sur la situation du pays qui décrit la procédure pour lancer des mandats d’arrestation en Irak. M. Abdullah soutient que l’agent a erronément conclu que la preuve sur la situation du pays décrit une procédure unique pour le lancement des mandats d’arrestation en Irak, alors qu’un juge délivre d’abord une assignation avant qu’un mandat d’arrestation ne soit lancé. Il soutient donc que l’agent a déraisonnablement conclu que les éléments de preuve produits étaient incompatibles avec la documentation sur la situation du pays parce que celle-ci ne fait pas état de l’assignation. M. Abdullah affirme que la documentation sur la situation du pays expose en fait trois moyens par lesquels un mandat d’arrestation peut être lancé.

[11] À mon avis, l’agent n’a pas conclu que la documentation sur la situation du pays décrit une seule méthode pour lancer un mandat; il a plutôt estimé que le processus décrit dans la documentation sur la situation du pays ne correspond pas aux renseignements contenus dans les lettres rédigées par les amis de M. Abdullah, son frère, son collègue policier et le directeur général de la police régionale (le major-général Tariq Ahmed Ibrahim).

[12] La version traduite de la lettre du major-général est adressée à la direction générale et envoyée à [traduction] « l’ensemble de la direction générale/contentieux juridique ». Elle est accompagnée d’une copie d’un mandat d’arrestation et des papiers de M. Abdullah (ces documents ne sont pas déposés en preuve) et dispose de ce qui suit : [traduction] « Nous vous envoyons une copie du mandat d’arrestation et de la fiche d’absence sans permission (R.P 8/Mohammed Najmadin Abdulla [sic]), si vous apercevez l’individu en question, appréhendez-le et envoyez-le nous. » L’agent a conclu que [traduction] « ce processus diverge des pratiques coutumières décrites dans la preuve documentaire objective ».

[13] M. Abdullah n’a pas démontré que l’agent a commis une erreur dans son interprétation de la documentation sur la situation du pays qui décrit la procédure pour lancer des mandats d’arrestation en Irak. Il était loisible à l’agent de conclure, dans son examen de la preuve, que la teneur des lettres était incompatible avec le processus coutumier exposé dans la preuve documentaire objective. Cette conclusion était un facteur pertinent pour décider si M. Abdullah s’était acquitté de son fardeau d’établir un risque au sens de l’article 97.

B. L’agent a-t-il omis de justifier sa conclusion selon laquelle la preuve a une faible valeur probante?

[14] La principale pomme de discorde entre les parties consiste à savoir si la conclusion de l’agent repose sur le défaut de M. Abdullah de fournir assez d’éléments de preuve pour établir un risque au sens de l’article 97, comme le soutient le défendeur, ou sur des réserves sur la crédibilité — c’est-à-dire sur l’authenticité et la fiabilité de la preuve pour établir si elle est digne de foi — comme le soutient le demandeur. Cette question est liée à la conclusion de l’agent selon laquelle la teneur des lettres est incompatible avec la preuve sur la situation du pays. Les parties sont en désaccord quant à savoir si la conclusion équivaut à une attaque voilée sur la crédibilité des lettres ou si elle constitue plutôt un motif pour accorder une faible valeur probante aux lettres, qui pourraient établir un risque d’arrestation pour un crime dont la peine serait l’emprisonnement ou la détention et qui, de ce fait, entraînerait un traitement pénible et potentiellement mortel.

[15] M. Abdullah plaide que l’agent a évité de tirer une conclusion relative à la crédibilité tout en accordant moins de poids à la preuve pour des motifs qui, dans les faits, étaient liés à la crédibilité. Il soutient que l’agent n’a pas justifié, par un raisonnement transparent et intelligible, la conclusion énoncée dans l’extrait suivant selon laquelle les lettres de ses amis, de son collègue, de son frère et du major-général [traduction] « n’avaient qu’une faible valeur probante » :

[traduction]

Compte tenu du fait qu’on ne m’a présenté aucun élément de preuve objectif, comme un avis d’assignation ou un mandat d’arrestation, et compte tenu du fait que le processus décrit dans les lettres ne correspond pas au processus décrit dans la preuve documentaire, je conclus que les lettres des amis du demandeur, de ses collègues, de son frère et du major‑général Tariq n’ont pas une valeur probante suffisante pour établir que le demandeur est recherché par la police d’Erbil, l’Asayish ou par toute autre autorité. Dans l’ensemble, je ne suis pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur est recherché par la police d’Erbil, l’Asayish ou par quiconque en Irak, ou qu’il a été ou sera accusé d’un quelconque crime en Irak.

[16] Selon M. Abdullah, la déclaration de l’agent selon laquelle il n’y avait [traduction] « aucun élément de preuve objectif, comme un avis d’assignation ou un mandat d’arrestation », et la déclaration ultérieure voulant que la preuve ne comprenait pas un avis d’assignation ou un mandat d’arrestation pour [traduction] « corroborer les allégations formulées dans les lettres », appuient sa thèse selon laquelle l’agent a tiré une conclusion déguisée quant à la crédibilité. En outre, M. Abdullah fait valoir que l’agent aurait dû tenir compte séparément de la lettre du major‑général parce qu’elle n’est pas à ranger dans la même catégorie que les autres lettres. Ses observations traitent à part de cette lettre.

[17] À cet égard, M. Abdullah affirme que l’agent a commis une erreur en concluant que la lettre du major-général avait une faible valeur probante pour les raisons suivantes : (i) l’agent semble rejeter cet élément de preuve potentiellement probant, qui provient d’un [traduction] « adversaire », parce qu’il n’est pas objectif ou corroboré (Tabatadze c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 24 au para 6; Avril c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1512; Magonza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 14 [Magonza]); (ii) l’agent a conclu que la lettre était incompatible avec la documentation objective sur le pays parce qu’elle ne mentionnait pas l’assignation; elle ne faisait que référence à un mandat d’arrestation et demandait qu’il soit exécuté; (iii) l’agent a accordé une faible valeur probante à la lettre sans chercher à apprécier sa crédibilité; il n’a pas remis en cause son authenticité et a commis une erreur en lui accordant peu de poids sur le fondement de ce qui était, en fait, des motifs de crédibilité (Osikoya c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 720 aux para 50‑51 [Osikoya]; Nti c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 595 aux para 19-23 [Nti]; Liu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 576 au para 91; Magonza, aux para 30-31; Abdillahi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 422 au para 26 [Abdillahi]).

[18] Quant aux lettres rédigées par ses amis, son collègue et son frère, M. Abdullah soutient que l’agent n’a pas expliqué rationnellement pourquoi il ne leur a accordé qu’une faible valeur probante. M. Abdullah remet en cause la conclusion de l’agent voulant que les lettres sont vagues et présentent des lacunes sur des points importants. Il soutient que les lettres ne justifient pas ces critiques, qu’elles ne sont [traduction] « manifestement pas vagues » et qu’elles exposent ce que leurs auteurs savaient des mandats d’arrestation, y compris la manière dont ils ont eu vent de ceux-ci ainsi que des accusations sous-jacentes.

[19] Le défendeur fait valoir que l’agent n’a pas remis en question la crédibilité de la preuve ou la crédibilité de M. Abdullah, mais a plutôt jugé qu’il n’avait pas produit assez d’éléments de preuve pour établir un risque au sens de l’article 97. Il n’est pas toujours nécessaire d’examiner la crédibilité de la preuve ou celle de sa source avant d’examiner la valeur probante de la preuve. De plus, il était loisible à l’agent d’examiner la preuve et de ne pas la juger convaincante, sans tenir compte de la question de la crédibilité : Herman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 629 au para 17; Ferguson c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1067 aux para 26-27 [Ferguson]; Nnabuike Ozomma c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1167 aux para 54-56; Ibrahim c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 837. Le défendeur avance que l’agent a apprécié d’une manière raisonnable la preuve selon les principes jurisprudentiels et qu’il est possible de reprendre l’analyse rationnelle qui lui a permis d’aboutir à ses conclusions.

[20] Fait essentiel, le défendeur affirme que l’agent a conclu que la preuve n’était pas suffisante pour établir que M. Abdullah serait accusé d’un crime. Ce dernier a déposé une copie de l’Internal Security Forces Penal Code (2008) (le code pénal des forces de sécurité intérieure (2008)) et des articles de presse de 2014 qui se rattachent aux membres des forces de sécurité intérieure (les FSI). L’agent a conclu que les infractions prévues au code pénal ne s’appliquaient pas à M. Abdullah parce que ce code ne visait que les officiers, les hommes de troupes des FSI et les étudiants en formation avec les FSI, et que rien ne démontrait que M. Abdullah était membre des FSI.

[21] Je conviens avec M. Abdullah que l’agent n’a pas justifié, par un raisonnement transparent et intelligible, sa conclusion selon laquelle la lettre du major-général ainsi que celles des amis, du collègue et du frère de M. Abdullah [traduction] « n’ont pas une valeur probante suffisante pour établir que le demandeur est recherché par la police d’Erbil, l’Asayish ou par toute autre autorité ». L’agent n’a pas expliqué pourquoi les éléments de preuve ont une faible valeur probante, même s’ils sont jugés dignes de foi, et il ressort des motifs qu’il a évité de tirer une conclusion quant à la crédibilité tout en accordant peu de poids à ces éléments de preuve pour des motifs qui, dans les faits, étaient liés à la crédibilité.

[22] Bien que je ne sois pas d’avis que l’agent a mal interprété la preuve sur la situation du pays relative aux mandats d’arrestation (pour les motifs exposés dans la section précédente), il n’est pas clair comment cette conclusion se rattache à la valeur probante des lettres, hormis pour leur incidence sur leur crédibilité. Le défendeur soutient que l’agent a conclu que M. Abdullah n’était pas recherché pour « un crime » et donc qu’il pouvait raisonnablement accorder une faible valeur probante aux lettres puisqu’elles ne donnaient pas de détail sur les accusations sous‑jacentes. L’interprétation nuancée qu’a donné le défendeur à la décision de l’agent — à savoir que l’agent n’était pas persuadé que M. Abdullah serait accusé des crimes qui mèneraient à son arrestation ou à sa détention, et donc qui l’exposeraient à des conditions de prison pénibles et potentiellement mortelles — ne se reflète pas dans les motifs. À cet égard, je conviens avec M. Abdullah que l’agent ne semble pas préoccupé par la nature des accusations portées contre lui. Si la conclusion de l’agent est fondée sur davantage que sa simple incrédulité quant au fait que M. Abdullah soit recherché et soit accusé d’un crime, ce raisonnement n’est pas expliqué et ne ressort pas autrement du dossier.

[23] Selon mon interprétation de la décision, l’agent a tiré deux conclusions distinctes : il n’était pas persuadé que M. Abdullah était recherché par la police d’Erbil ou par l’Asayish et, en outre, il n’était pas persuadé que M. Abdullah avait été ou serait accusé d’un crime. L’agent n’a pas déclaré que sa conclusion sur le fait de ne pas être recherché signifiait « ne pas être recherché pour un crime » ni n’a expliqué comment ces deux conclusions sont reliées. Si les déclarations dans les lettres sont jugées véridiques, il ne m’apparaît pas clairement pourquoi elles ne seraient pas probantes du fait que M. Abdullah est recherché et/ou serait mis en accusation pour un crime. À mon avis, il ressort des motifs que l’agent ne croyait pas les renseignements contenus dans les lettres parce qu’ils n’étaient pas étayés par un mandat d’arrestation ni par un avis d’assignation tangible comme élément corroborant (Abdillahi, au para 26). D’après les motifs, je ne suis pas d’avis que l’agent a conclu que les lettres ne permettaient pas d’établir que les accusations portées par la police d’Erbil et l’Asayish équivalent à des crimes qui mèneraient à l’arrestation ou à la détention de M. Abdullah.

[24] Lorsqu’une grande valeur probante pourrait être accordée à un document parce que sa teneur est étroitement reliée à un risque allégué, sa valeur probante ne peut être dissociée d’une appréciation de sa crédibilité : Nti, aux para 19-22; Magonza, aux para 30-31; Osikoya, aux para 48-51. En l’espèce, il ne ressort pas des motifs que l’appréciation des lettres faite par l’agent pourrait être dissociée de leur crédibilité.

[25] Le contrôle judiciaire englobe à la fois le résultat et le raisonnement suivi. Un résultat par ailleurs raisonnable ne saurait être tenu pour valide s’il repose sur un fondement erroné : Vavilov, aux para 82-87. L’appréciation des lettres par l’agent, qui l’a mené à conclure qu’elles ont une faible valeur probante, n’est pas transparente, intelligible et justifiée.

IV. Conclusion

[26] M. Abdullah a établi que la décision de l’agent est déraisonnable. Par conséquent, la décision est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour réexamen.

[27] Aucune partie ne propose de question à certifier. Je conclus qu’il n’y a pas de question de portée générale à certifier.


JUGEMENT dans le dossier IMM-1574-21

LA COUR STATUE :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. La décision de l’agent est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour réexamen.

  3. Il n’y a aucune question à certifier.

« Christine M. Pallotta »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1574-21

 

INTITULÉ :

MOHAMMED NAJMALDIN ABDULLAH c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 31 AOÛT 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE PALLOTTA

 

DATE DES MOTIFS :

LE 18 NOVEMBRE 2021

 

COMPARUTIONS :

Robin D. Bajer

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Brett J. Nash

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Robin D. Bajer Law Office

Avocat

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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