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Date : 20040219

Dossier : IMM-2121-02

Référence : 2004 CF 251

Ottawa (Ontario), le 19 février 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JAMES RUSSELL                         

ENTRE :

                                                                IMRAN AHMED

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de l'agent d'immigration désigné, Khalid Gebirrebbi (ci-après l'agent), en date du 25 mars 2002 (ci-après la décision), par laquelle l'agent a rejeté la demande de visa d'immigrant présentée par M. Imran Ahmed (ci-après le demandeur).


LE CONTEXTE

[2]                Entre 1998 et ce jour, le demandeur, qui vit en Tanzanie, a présenté trois demandes de visas pour le Canada en tant que demandeur indépendant. Sa première demande, qui avait été présentée en 1998, avait été refusée. Dans sa demande de 1999, il avait affirmé que, depuis juillet 1999, il était homme d'affaires et nouveau directeur commercial d'une entreprise connue sous le nom de Quality Computers. Il avait inclus dans sa demande de 1999 une lettre de Quality Computers où on pouvait lire qu'il avait commencé à travailler en juillet 1999 dans les domaines de la vente et du marketing. La demande que le demandeur avait présentée en 1999 en tant que demandeur indépendant avait été refusée parce que le demandeur avait donné des informations en contradiction avec sa première demande présentée en 1998.

[3]                Dans sa demande actuelle, le demandeur déclare qu'il a travaillé pour Yeah Enterprises à Dar es-Salaam (en Tanzanie), à temps plein à partir d'octobre 2000, en tant qu'analyste des systèmes informatiques/administrateur de systèmes/comptable. Une lettre de Yeah Enterprises affirme qu'il y a travaillé à partir de juin 1998, à temps partiel, pendant qu'il était directeur de Computer World. Il n'a mentionné Quality Computers nulle part dans sa demande actuelle.


[4]                Durant l'entrevue, le demandeur a informé l'agent qu'il avait commencé à exploiter une entreprise appelée Computer World en avril 1998, et qu'il y avait travaillé jusqu'en mai 1999. La lettre de recommandation de Computer World affirme cependant que le travail du demandeur a duré jusqu'en février 2000. Lorsqu'on lui a demandé des explications sur cette contradiction, le demandeur a dit qu'il était demeuré chez Computer World pour aider le propriétaire à liquider les affaires courantes. Lorsque l'agent lui a demandé pourquoi il avait déclaré dans sa demande que Computer World avait fermé en 1999, le demandeur a fait savoir qu'il avait dû y avoir un malentendu.

[5]                Le demandeur a reconnu à l'entrevue devant l'agent qu'il n'avait jamais travaillé chez Quality Computers contrairement à ce qu'il avait prétendu dans sa demande de 1999 et qu'il n'avait jamais reçu de salaire de l'entreprise en question.

[6]                D'après les notes du STIDI, l'agent a expliqué au demandeur ses réserves concernant les contradictions entre son expérience et les lettres de recommandation qu'il avait produites et qu'il envisageait de refuser sa demande pour des raisons de crédibilité. Le demandeur a reconnu qu'il aurait dû s'assurer que les lettres qu'il avait produites disent exactement quelles étaient ses fonctions et qu'il n'aurait pas dû produire une lettre de recommandation d'une entreprise pour laquelle il n'avait jamais travaillé.


[7]                Le demandeur dit qu'il a travaillé en tant qu'administrateur de systèmes de mars 1997 à mars 1998 chez Exim Bureau de Change. Il dit également qu'il a travaillé en tant que comptable pendant la période en question auprès de la même entreprise. La lettre de recommandation délivrée par Exim Bureau de Change révèle que le demandeur y a travaillé en tant qu'aide-comptable de mars 1997 à février 1998. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi il n'y avait aucune mention de ses fonctions d'administrateur de systèmes, le demandeur a répondu que Exim Bureau de Change n'était pas contente qu'il parte et avait en conséquence produit une lettre de recommandation qui ne rendait pas fidèlement compte de ses fonctions.

[8]                La lettre de recommandation que le demandeur a obtenue de Computer World ne mentionne pas du tout que le demandeur a fait de l'élaboration de données ou de la programmation informatique. Ses fonctions chez Computer World ont été décrites dans la lettre de recommandation comme étant le marketing, la résolution de cas, la gestion de bureau et la formation des clients.   


[9]                Le demandeur a également prétendu qu'il avait travaillé à temps partiel pour Yeah Enterprises de Dar es-Salaam en Tanzanie. Le demandeur dit que son travail dans l'entreprise en question consistait en l'administration de systèmes et en des tâches de comptabilité y compris l'entrée des données sur les ventes en utilisant excel, en la rédaction de rapports, la préparation d'inventaires en utilisant du matériel de comptabilité et en l'administration de réseau en utilisant NT4. Le demandeur dit qu'il a commencé à travailler à temps plein chez Yeah Enterprises en octobre 2000 et qu'il a présenté une lettre de recommandation pour la période en question. D'après la lettre en question, ses tâches consistaient à saisir des données comptables traitées manuellement. Lors de l'entrevue, le demandeur a décrit l'activité en question comme étant l'entrée de données dans le système informatique, l'exploitation du système informatique et la résolution des problèmes.

LA DÉCISION EN CONTRÔLE JUDICIAIRE

[10]            Le 16 novembre 2000, le Haut Commissariat du Canada (HCC) à Nairobi a reçu la plus récente demande du demandeur. Elle a été présentée dans la catégorie parents aidés et comprenait trois lettres de recommandation.

[11]            Le 1er mars 2001, le premier agent de réexamen a versé les données suivantes dans le système de traitement informatisé des données d'immigration (STIDI) :

[TRADUCTION] Il semble que les tâches accomplies par le DP [demandeur principal] sont celles d'un spécialiste des ventes techniques selon la CNP [...] La lettre de l'employeur actuel affirme que le DP est administrateur de systèmes/ comptable. La lettre de l'employeur précédent affirme que le DP travaillait dans les domaines de la vente et du marketing.                                      

[...]

Résumé : le DP semble posséder des connaissances sur les systèmes informatiques et de l'expérience comme spécialiste des ventes et du marketing. Il importe de demander des précisions sur la description des tâches pour les comparer à celles de la CNP.

[12]            Le 2 mars 2001, un deuxième agent qui semble avoir agi à titre d'agent des visas désigné, Mutheu Kisuvani, a noté que le premier agent avait donné les directives suivantes :


[TRADUCTION] S.V.P. demander la description des tâches - si cela correspond, je recommanderai probablement de sauter l'entrevue vu que le sujet apparaît comme un bon candidat.

[13]            Après avoir constaté qu'il y avait eu trois refus de visas canadiens de visiteur (VCV), le deuxième agent a écrit le même jour :

[TRADUCTION]

- Le sujet a essuyé trois refus de VCV [...]

[...]

- Les dates ne sont pas précises - entre avril et mai 1998 jusqu'à aujourd'hui, par exemple, on se demande s'il avait deux emplois.

[...]

- Que s'est-il passé avec son emploi chez Quality Computers Ltd. en 1999? Ce n'est pas mentionné dans sa demande actuelle.

- J'ai découvert un autre refus de VCV pour le demandeur [...] Le sujet a été refusé pour renseignements en contradiction avec les anciennes demandes. Le sujet avait signalé qu'il était comptable chez Yeah Enterprises [...]

- Une lettre de l'employeur actuel (Yeah Enterprises) précise que le sujet travaille pour l'entreprise depuis deux ans (seulement à temps partiel pour la comptabilité [...]). Pendant cette période, il a aussi été directeur de Computer World.

- Tout ceci n'est pas clair [...]

[...]

Dans sa demande de VCV de 1999, il avait produit une lettre d'un tout autre employeur, Quality Computers Ltd. (datée de juin 1999) selon laquelle il allait commencer à travailler dans les domaines de la vente et du marketing en juillet 1999.

- Le DP n'est pas entièrement crédible à propos de son emploi.

- Il n'est pas du tout évident qu'il a eu un travail à temps plein.

- Je recommande une entrevue.


[14]       Il n'y a aucune mention dans les notes du STIDI que quelqu'un du HCC a pris contact avec les employeurs au cours de l'année écoulée entre les commentaires de l'agent et l'entrevue du demandeur.                     

[15]       Le 12 mars 2002, le demandeur s'est présenté à son entrevue. Deux jours après l'entrevue, l'agent a noté dans le STIDI ce qu'il a affirmé être ses notes d'entrevue :

[TRADUCTION]

En avril 98, avec trois autres associés en affaires, il a lancé sa propre entreprise appelée Computer World Tanzania Limited [...] Le DP a travaillé dans ce cadre jusqu'en mai 99 et la société a été par la suite dissoute. Les associés n'avaient pas entretenu de bonnes relations personnelles.

[...]

J'ai demandé au DP s'il avait travaillé en tant que spécialiste des ventes pour Quality Computers en 1999 comme il l'avait affirmé dans sa demande de visa de visiteur du 13 juillet 1999. Le DP a affirmé qu'il n'avait jamais travaillé chez Quality Computers et qu'il n'y avait jamais reçu de salaire. La lettre au dossier n'était qu'une offre et il n'avait jamais commencé l'emploi. Cependant, le DP a effectivement dit dans sa demande de VCV qu'il était un spécialiste des ventes. Le DP affirme que, vu que son partenariat n'avait pas pris fin chez Computer World, il ne pouvait s'engager pour le nouvel emploi. Il avait seulement travaillé à temps partiel sans rémunération chez Quality Computers et l'emploi avait duré jusqu'à six ou sept mois.

Les notes relatives à la demande de VCV de 1999 affirment également que Computer World avait fermé pour cause de conflit entre partenaires. Lorsqu'on l'a interrogé sur les contradictions en question, le DP a affirmé qu'il devait avoir été mal compris parce que Computer World n'avait pas fermé et qu'une personne l'exploitait encore.

J'ai expliqué au DP mes réserves en ce qui concerne les contradictions entre son expérience et les lettres de recommandation [qui ne contenaient pas toutes les tâches qu'il prétend avoir accomplies]. Je lui ai expliqué que j'envisageais de refuser sa demande en raison de mes réserves sur sa crédibilité. Le DP a affirmé qu'il se rend effectivement compte à présent qu'il aurait dû s'assurer que les lettres de recommandation produites précisent la nature de ses fonctions. Il a également déclaré qu'il n'aurait pas dû présenter une lettre de recommandation de Quality Computers en 1999 pour sa demande de VCV alors qu'en fait il n'avait pas travaillé pour cette entreprise [...] J'ai dit au DP que j'avais toujours des réserves concernant sa crédibilité. Je suis porté à refuser mais j'examinerai à nouveau le dossier avant de prendre ma décision.


[16]       Le jour même où les notes en question ont été versées dans le STIDI, l'agent a refusé la demande du demandeur :

[TRADUCTION]

Bien que j'aie de sérieux doutes sur la crédibilité du demandeur, j'ai également décidé d'apprécier ses compétences pour les trois emplois qu'il a postulés [...]

[...] Vu l'entrevue, le DP n'a pas l'expérience nécessaire pour les trois emplois en question. Comme il a 0 comme point d'appréciation pour les trois emplois, j'ai refusé sa demande [...]

[17]       Le demandeur prétend que les notes de l'agent montrent que ce dernier n'a jamais informé le demandeur que ce dernier manquait d'expérience dans les emplois pour lesquels il avait été apprécié. En outre, il n'a précisé aucun emploi pour lequel le demandeur avait de l'expérience et il n'a jamais pris contact avec les employeurs du demandeur pour vérifier s'ils confirmeraient l'expérience du demandeur.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[18]       Le demandeur soulève les questions suivantes :

[TRADUCTION]                   

a.              l'agent n'avait pas compétence pour refuser la demande du demandeur;

b.              l'agent a violé les principes d'équité procédurale en rejetant la demande pour des motifs qui ont été dissimulés au demandeur;

c.              les conclusions de l'agent selon lesquelles le demandeur n'avait aucune expérience dans aucun emploi sont arbitraires;

d.              l'agent n'a pas rempli l'obligation incombant à tout agent d'apprécier le demandeur dans un emploi pour lequel il estime que le demandeur a de l'expérience;


e.              l'agent a refusé le demandeur non pas parce qu'il ne satisfaisait pas aux critères de sélection, mais parce que l'agent a cru que le demandeur n'avait pas dit la vérité lorsqu'il avait demandé un visa de visiteur trois années plus tôt;

f.               le ministre devrait être responsable des actes de ses agents.

ANALYSE

Quelle norme de contrôle est applicable à la décision du tribunal?

[19]       La Cour a décidé que la décision d'un agent des visas est une décision qui relève par nature de l'exercice du pouvoir discrétionnaire. Même si je concluais que j'aurais pu tirer une conclusion différente de celle de l'agent, je ne peux intervenir à moins que l'agent n'ait agi d'une manière manifestement déraisonnable.

[20]       Dans la décision Al-Rifai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration ), [2002] A.C.F. no 1703 (1re inst.), le juge Beaudry a dit ce qui suit :

29 Je fais miens les principes dégagés dans les arrêts Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, To c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 696 (C.A.F.) (QL) et Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CSC 1, dans lesquels il a été statué que la norme de contrôle applicable aux décisions discrétionnaires des agents des visas est celle de la décision manifestement déraisonnable.

30 Pour ce qui est des moyens de fond invoqués par le demandeur, il est important de signaler que la capacité de la Cour d'intervenir dans les décisions des agents des visas est très limitée, comme la Cour l'a rappelé à plusieurs reprises. Dans le jugement Skoruk c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 1220, le juge Nadon (maintenant juge à la Cour d'appel) souligne que la norme de contrôle applicable aux décisions administratives comportant l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire prévu par la loi est celui qui a été posé dans l'arrêt Maple Lodge Farms Ltd., précité. Si le pouvoir discrétionnaire est exercé de bonne foi et en conformité avec les principes de justice naturelle, le tribunal n'interviendra pas. Cette norme s'applique aux décisions des agents des visas.


[21]       Dans la décision de la Section de première instance de la Cour fédérale Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 351, le juge Linden (membre de droit) a confirmé la norme de contrôle en question :

6 Suivant la jurisprudence de notre Cour, la norme de contrôle applicable à ce type de décision administrative correspond au critère énoncé dans l'arrêt Maple Lodge Farms c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, selon lequel les cours ne devraient pas intervenir _ [l]orsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi _(voir : Skoruk c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 1220; Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 330; Al-Rifai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 1236; Jang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CAF 312).                                                                       

[22]       Je conclus que la norme de contrôle applicable au contrôle judiciaire de la décision de l'agent en l'espèce est celle de la décision manifestement déraisonnable.

Sur le fond

[23]       Malgré les diverses questions soulevées dans les documents du demandeur, ce dernier n'a déposé aucun affidavit à l'appui de ses allégations. En conséquence, lors de l'audition de la présente affaire le 4 février 2004, l'avocate du demandeur s'est limitée aux questions qui, a-t-elle prétendu, sont manifestes au vu du dossier.


[24]       En résumé, l'avocate du demandeur a plaidé que les éléments suivants ressortent du dossier :

1.          La conclusion de l'agent dans la lettre de refus envoyée au demandeur en date du 25 mars 2002 selon laquelle [TRADUCTION] _ vous ne répondez pas aux conditions voulues parce que vous avez moins que l'année d'expérience à temps plein requise dans l'emploi que vous envisagez _ signifie que l'agent a reconnu que le demandeur avait effectivement une certaine expérience dans l'emploi envisagé;                                                                      

2.          Rien dans le dossier ne montre que l'agent a soulevé au moins une fois devant le demandeur la question de l'insuffisance de son expérience;

3.          Le demandeur n'a pas été informé avant l'entrevue qu'il aurait à répondre à des interrogations particulières de l'agent, telles que le manque d'expérience pertinente, ses réserves concernant la crédibilité et les lettres de recommandation qu'il avait présentées.

4.          Les termes [TRADUCTION] _ Vu l'entrevue, le DP n'a pas l'expérience nécessaire pour les trois emplois en question _ signifient qu'en appréciant le facteur expérience, l'agent n'a pas tenu compte des lettres de recommandation et le demandeur aurait dû être informé que les lettres ne seraient pas prises en considération et on aurait dû lui donner l'occasion de répondre à la question de l'expérience;


5.          Si l'agent avait des problèmes avec les lettres de recommandation et les contradictions entre les lettres et les renseignements fournis par le demandeur durant l'entrevue, l'agent aurait dû téléphoner aux employeurs. Le fait que l'agent n'ait pas agi ainsi montre qu'il n'a pas tenu compte des lettres de recommandation lorsqu'il a apprécié le facteur expérience et qu'il s'est entièrement fondé sur l'entrevue;

6.          Les notes du STIDI révèlent que le demandeur avait l'expérience pertinente. L'agent ne conclut pas que l'expérience du demandeur est inférieure à une année et les notes du STIDI révèlent qu'il avait une expérience pertinente de plus d'un an;

7.          Rien dans les notes du STIDI ne montre que l'agent n'a pas cru que le demandeur avait une expérience pertinente et suffisante;

8.          Le vrai motif de la décision de l'agent était les contradictions relatives à l'expérience chez Quality Computers, dans une demande présentée trois ans plus tôt. Les contradictions en question n'étaient pas pertinentes pour les questions examinées par l'agent et, en effet, il a tiré une conclusion défavorable en 2002 à cause de quelque chose qui avait eu lieu en 1999. Il n'y avait pas de conclusion que le demandeur n'avait pas dit la vérité en 2002;

9.          Les 5 points d'appréciation accordés au demandeur pour le facteur personnalité appuient la conclusion que l'agent doit avoir compris que le demandeur avait de l'expérience pour les emplois appréciés.


[25]       En conclusion, le demandeur dit que le dossier montre qu'aucune appréciation adéquate n'a été faite. Le dossier révèle que l'agent n'a pas pu tirer une conclusion significative sur l'expérience du demandeur. Si l'agent croyait que le demandeur ne disait pas la vérité, il aurait dû invoquer le paragraphe 9(3) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, et en informer le demandeur plutôt que de procéder à l'appréciation en se fondant sur des renseignements qu'il ne croyait pas. Ayant commencé l'appréciation, l'agent avait l'obligation d'établir précisément quelle était l'expérience du demandeur et d'apprécier le demandeur en se fondant sur l'expérience en question.

[26]       Bien évidemment, il est possible de contester les diverses conclusions que le demandeur invite la Cour à tirer du dossier. Par exemple, rien dans les termes [TRADUCTION] _ vous avez moins que l'année d'expérience à temps plein requise dans l'emploi que vous envisagez _ne nécessite une conclusion de la Cour selon laquelle l'agent a reconnu que le demandeur avait au moins quelque expérience pertinente. Dans le même ordre d'idées, rien dans les termes _ Vu l'entrevue [...] _ n'amène la conclusion que les lettres de recommandation n'ont pas été prises en compte.


[27]       Après examen du dossier, je dois conclure que le demandeur n'a pas présenté à la Cour la preuve nécessaire pouvant appuyer les conclusions qu'il recherche. Il aurait pourtant été bien plus simple pour le demandeur de présenter un affidavit à la Cour qui porte sur la crédibilité et les autres questions pour lesquelles l'agent avait des réserves. Mais le demandeur a choisi de ne pas présenter un tel affidavit et demande tout simplement à la Cour de se fonder sur l'ingéniosité de l'interprétation de son avocate pour voir les questions selon son point de vue.

[28]       Je dois convenir avec le défendeur qu'il n'y a aucune conclusion claire dans le dossier que le demandeur avait une expérience pertinente pouvant être appréciée. Les réserves concernant sa crédibilité ont été soulevées lors de l'entrevue et il a eu amplement l'occasion d'y répondre. Il ne l'a pas fait. Rien ne montre que l'agent n'a pas tenu compte des lettres de recommandation et les lettres en question n'appuient pas la prétention du demandeur qu'il avait l'expérience nécessaire.

[29]       Le demandeur avait le fardeau de convaincre l'agent qu'il possédait les compétences voulues pour l'obtention d'un visa. Il ne l'a pas fait et il prétend à présent qu'il aurait dû être informé des réserves de l'agent sur sa crédibilité et que l'agent aurait dû contacter les employeurs pour résoudre les problèmes que ses renseignements contradictoires soulevaient. Selon moi, la jurisprudence pertinente n'impose pas de telles obligations à l'agent.

[30]       Le dossier révèle que l'agent a apprécié le demandeur pour les emplois pertinents et qu'il a conclu que, pour le facteur expérience, le demandeur n'avait pas établi qu'il avait une expérience pertinente sur laquelle il pouvait se fonder.


[31]       Quant à la prétention selon laquelle l'agent n'aurait pas dû essayer de faire une appréciation s'il ne disposait pas de renseignements fiables, c'est une autre façon d'affirmer que

l'agent avait l'obligation de s'informer pour obtenir les renseignements dont il avait besoin pour l'appréciation. Le demandeur a eu amplement l'occasion de prouver qu'il répondait aux conditions voulues. Il n'a pu prouver qu'il méritait quelque point d'appréciation pour l'expérience. Les motifs de la décision, selon moi, n'étaient pas un manque de crédibilité; c'était l'omission du demandeur de fournir les renseignements nécessaires pour obtenir des points d'appréciation pour le facteur apprécié.

[32]       Il n'y a aucune erreur susceptible de contrôle judiciaire et la Cour décide de ne pas intervenir.

[33]       Les avocats doivent signifier et déposer toute observation relative à la certification d'une question grave de portée générale dans les sept jours suivant la réception des présents motifs d'ordonnance. Chaque partie disposera d'une autre période de trois jours pour signifier et déposer toute réponse aux observations de la partie adverse. Par la suite, une ordonnance sera rendue.                                                                                                                       

_ James Russell _

Juge

Traduction certifiée conforme

Jean Maurice Djossou, LL.D.                                                                      


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-2121-02

INTITULÉ :                                                   IMRAN AHMED

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 4 FÉVRIER 2004                           

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE RUSSELL

DATE DES MOTIFS :                                   LE 19 FÉVRIER 2004             

COMPARUTIONS

Mary Lam                                                         POUR LE DEMANDEUR                             

Mary Matthews                                                 POUR LE DÉFENDEUR        

           

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mary Lam                                                           POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                               POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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