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Date : 20220504


Dossier : IMM‑1401‑20

Référence : 2022 CF 653

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 4 mai 2022

En présence de madame la juge Fuhrer

ENTRE :

 

MICHEL MAZZEK

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, Michel Mazzek, est un citoyen de la Syrie qui vit à Dubaï, aux Émirats arabes unis, avec sa conjointe qui est une citoyenne de la Syrie et de l’Arménie. Le demandeur a présenté une demande de résidence permanente au titre de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières ou de celle des personnes de pays d’accueil. Un agent de migration [l’agent] a rejeté la demande au motif que le demandeur dispose d’une solution durable en Arménie [la décision]. Le demandeur sollicite maintenant le contrôle judiciaire de la décision.

[2] Il conteste la décision parce qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale et parce qu’elle est déraisonnable. Je conclus que la décision est à la fois inéquitable sur le plan procédural et déraisonnable, non pas parce que deux agents de migration ont examiné la demande de résidence permanente du demandeur et sont parvenus à des conclusions différentes, comme je l’explique dans les présents motifs, mais en raison de la manière dont a été examinée la question de la solution durable. J’accueille donc la demande de contrôle judiciaire du demandeur.

[3] J’examine également, dans les présents motifs, une question préliminaire sur l’admissibilité de la preuve présentée par les deux parties.

II. Autres éléments contextuels

[4] Un agent de migration [l’agent de migration], autre que l’agent qui a rendu la décision, a interrogé le demandeur et sa conjointe à l’ambassade du Canada à Abu Dhabi, aux Émirats arabes unis. Selon les notes du Système mondial de gestion des cas [SMGC], la conjointe du demandeur a pu obtenir de l’entreprise pour laquelle elle travaillait en Syrie une mutation à un poste aux Émirats arabes unis en 2015; le demandeur l’a rejointe en 2016.

[5] La conjointe du demandeur a expliqué qu’elle avait pu obtenir un passeport arménien grâce à son certificat de baptême, et qu’elle avait besoin de ce passeport pour se rendre aux Émirats arabes unis et travailler. Elle a ajouté qu’elle n’était jamais allée en Arménie et qu’elle ne pouvait pas s’y installer parce que le demandeur ne pouvait y obtenir sa résidence permanente. Ils avaient essayé environ deux ans avant l’entrevue, mais sans succès, parce que [TRADUCTION] « toutes les nouvelles demandes présentées par des Syriens [étaient] en suspens ». De plus, le demandeur n’a pas été en mesure de trouver un emploi depuis le début du conflit en Syrie, en 2012. Il a travaillé à la pige, mais n’a pas trouvé d’emploi stable. Le statut du demandeur aux Émirats arabes unis est lié au statut que sa conjointe a acquis en raison de son poste de vendeuse, un emploi qui dépend de son rendement et du marché pertinent.

[6] À la fin de l’entrevue, l’agent de migration a approuvé la demande de résidence permanente, sous réserve des résultats des examens médicaux et de l’enquête de sécurité en cours. Près d’un an et demi plus tard, l’agent (un autre agent de migration) a envoyé une lettre d’équité procédurale au demandeur dans laquelle il disait se questionner sur la possibilité que ce dernier puisse disposer d’une solution durable en Arménie en raison de la nationalité arménienne de sa femme.

[7] Dans sa réponse à la lettre d’équité procédurale, le demandeur a expliqué que sa conjointe et lui s’étaient mariés en 2015 et qu’on l’avait rappelé pour qu’il serve dans l’armée. Le passeport arménien que sa conjointe avait obtenu en 2012 leur a permis de quitter la Syrie; elle s’est rendue aux Émirats arabes unis la première et, 6 mois plus tard, elle a pu parrainer le demandeur grâce à son statut de résidente temporaire. Toutefois, comme le demandeur ne pouvait pas trouver d’emploi aux Émirats arabes unis, il devait renouveler annuellement son visa de résidence.

[8] Le demandeur a expliqué en outre qu’il avait présenté une demande de passeport en Arménie, mais que sa demande avait été refusée parce que le gouvernement ne délivrait plus de passeport aux Syriens qui ne sont pas d’origine arménienne. Dans les circonstances, si la conjointe du demandeur devait perdre son statut aux Émirats arabes unis, elle pourrait retourner en Arménie, mais le demandeur ne pourrait pas l’accompagner et n’aurait plus de statut aux Émirats arabes unis. Ainsi, lorsqu’ils ont eu l’occasion de présenter une demande au Canada, ils l’ont saisie.

[9] L’agent a conclu que le demandeur avait une possibilité raisonnable de solution durable en Arménie, s’il prenait les moyens pour satisfaire aux conditions requises, telles que, mais sans s’y limiter, l’obligation de résidence d’un an prévue à l’article 13 de la loi sur la citoyenneté de la République d’Arménie [la loi sur la citoyenneté arménienne]. Selon l’agent, cette disposition prévoit qu’une personne peut obtenir la citoyenneté arménienne si elle est mariée – et que le mariage est enregistré – depuis au moins deux ans avec un citoyen arménien et qu’au cours de ces deux années, elle a résidé légalement sur le territoire arménien pendant au moins 365 jours. L’agent a souligné que, depuis qu’il est marié, le demandeur a résidé en Allemagne (d’avril 2015 à janvier 2016), puis aux Émirats arabes unis, où il vit présentement.

[10] L’agent a conclu que le demandeur ne satisfaisait donc pas aux exigences du paragraphe 11(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR] et du sous‑alinéa 139(1)d)(ii) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [RIPR]. (Voir l’annexe « A » ci‑dessous pour les dispositions applicables.) L’agent a également rejeté la demande subséquente de réexamen du demandeur.

III. Norme de contrôle

[11] Les manquements à l’équité procédurale dans le contexte administratif sont soumis à un « exercice de révision […] [TRADUCTION] “particulièrement bien reflété dans la norme de la décision correcte”, même si, à proprement parler, aucune norme de contrôle n’est appliquée » : Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54. L’obligation d’équité procédurale est tributaire du contexte, souple et variable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] au para 77. En somme, la cour de révision doit surtout se demander si le processus était juste et équitable.

[12] Sinon, pour qu’une décision soit à l’abri d’une intervention judiciaire, elle doit posséder les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité : Vavilov, au para 99. Une décision peut être déraisonnable « lorsque les motifs sont entachés d’erreurs manifestes sur le plan rationnel — comme lorsque le décideur a suivi un raisonnement tautologique ou a recouru à de faux dilemmes, à des généralisations non fondées ou à une prémisse absurde » ou qu’il s’est mépris sur la preuve qui lui a été soumise ou qu’il n’a pas tenu valablement compte des questions clés ou des arguments principaux formulés par les parties ou ne s’y est pas attaqué de façon significative : Vavilov, aux para 104, 125-127. Il incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable : Vavilov, au para 100.

IV. Analyse

(1) Question préliminaire sur l’admissibilité de la preuve

[13] J’estime que les éléments de preuve produits par chacune des parties suscitent des questions d’admissibilité. Pour les motifs qui suivent, je conclus que l’affidavit de Marlene Altman produit par le demandeur est admissible en partie seulement, tandis que l’affidavit d’Irena Krakowska produit par le défendeur est entièrement inadmissible.

[14] Les deux parties ont tenté d’invoquer devant la Cour de nouveaux éléments de preuve à propos de la loi sur la citoyenneté arménienne. Il n’est pas contesté que l’agent n’a pas joint à la décision une copie de la loi sur la citoyenneté arménienne sur laquelle il s’est fondé. Les nouveaux éléments de preuve présentés par le demandeur comprennent l’affidavit de Marlene Altman, une assistante juridique, auquel sont jointes deux pièces. La déposante précise que la pièce « A » est une copie de la loi sur la citoyenneté arménienne qui se trouve dans le cartable national de documentation de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada [CISR], daté du 31 mars 2020. L’article 13 de la loi sur la citoyenneté arménienne, qui figure dans cette pièce, correspond à la disposition que l’agent a citée dans la décision, mais qu’il n’a pas jointe à celle‑ci. Je suis d’accord avec le demandeur que cette pièce est admissible à titre de renseignement général : Association des universités et des collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 [Access Copyright] au para 20a); Bernard c Canada (Agence du revenu), 2015 CAF 263 aux para 20‑21; Shahbazian c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 680 [Shahbazian] au para 15.

[15] Mme Altman précise que la pièce « B » est une copie de la loi arménienne sur les étrangers qu’elle a trouvée en ligne – laquelle a été publiée le 25 décembre 2006 et mise à jour en 2019 – à l’adresse URL : https://www.refworld.org/docid/3ae6b4ec2c.html. Il s’agit là d’un nouvel élément de preuve que le demandeur a présenté sans donner de contexte, pas plus qu’il n’a avancé d’argument à l’appui de son admissibilité. Compte tenu de la mise en garde de la Cour d’appel fédérale, selon laquelle il faut faire preuve de prudence avant d’admettre de nouveaux éléments de preuve à titre de renseignements généraux, je ne suis pas convaincue que cette pièce est nécessaire et je conclus donc qu’elle est inadmissible, tout comme le sont les paragraphes de l’affidavit de la déposante qui s’y rapportent : Bernard, précité, au para 22; R c Khan, 1990 CanLII 77 (CSC), [1990] 2 RCS 531.

[16] Les nouveaux éléments de preuve présentés par le défendeur comprennent l’affidavit d’Irena Krakowska, une parajuriste, auquel sont également jointes deux pièces. La déposante précise que l’annexe « A » est une copie de l’article 13 de la loi de la République d’Arménie sur la citoyenneté qu’elle a tirée du site Web de l’Assemblée nationale de la République d’Arménie le 5 août 2020. Elle dit de l’annexe « B » qu’il s’agit d’un extrait du site Web du ministère des Affaires étrangères de la République d’Arménie qui présente les conditions et procédures d’obtention de la citoyenneté arménienne qu’elle a tirées de ce site à la même date.

[17] En réponse à l’objection soulevée par le demandeur quant à l’admissibilité de ces éléments de preuve, le défendeur soutient que la pièce « A » jointe à l’affidavit de Mme Krakowska correspond à la version mise à jour de la loi sur la citoyenneté arménienne qui se trouve dans le cartable national de documentation de la CISR pour l’Arménie et qui tient compte de la modification de 2019 qui a éliminé l’obligation de résidence. Le défendeur soutient en outre qu’il s’agit d’une information provenant d’une « source ouverte » semblable à celle mentionnée au paragraphe 15 de la décision Shahbazian. Je suis d’accord avec le demandeur que cette description ne s’applique pas à la pièce « A » de l’affidavit de Mme Krakowska, mais qu’elle s’applique plutôt, à mon avis, à la pièce « A » de l’affidavit de Mme Altman. L’agent n’a pas renvoyé à la loi sur la citoyenneté arménienne en général, mais plutôt à des dispositions très précises qui, comme je le mentionne ci‑dessus, correspondent à cette dernière pièce.

[18] En définitive, j’estime que l’affidavit de MmeKrakowska vise à introduire des éléments tirés d’un site Web bien après la date de la décision (13 février 2020) dont l’agent ne disposait tout simplement pas et, partant, qu’aucune exception n’est justifiée en l’espèce, selon les arrêts Access Copyright et Bernard.

(a) L’équité procédurale

[19] J’estime que, dans les circonstances, l’agent a manqué à l’équité procédurale en ne donnant pas au demandeur une véritable possibilité de répondre à la lettre d’équité procédurale.

[20] Même si je conviens avec le défendeur qu’il incombait au demandeur de démontrer qu’il n’y avait pas de solution durable dans son cas, je ne suis pas d’accord pour dire que l’entrevue et la lettre d’équité procédurale suffisaient pour informer le demandeur de la préoccupation de l’agent en l’espèce. Je conclus que l’affaire Shahbazian, sur laquelle le défendeur s’appuie à cet égard, se distingue de la présente affaire.

[21] Dans la décision Shahbazian, la Cour a souligné que l’agent avait expressément mentionné au cours de l’entrevue que le demandeur principal semblait avoir accès à une solution durable en Arménie. Bien que, dans la présente affaire, les notes du SMGC contiennent certaines des questions, dans un style abrégé, que l’agent de migration a posées au cours de l’entrevue, on ne sait rien des questions qu’il a posées ou de ce qu’il a dit au demandeur au sujet du passeport arménien de sa conjointe et des tentatives que cette dernière a faites afin qu’il puisse obtenir un statut en Arménie.

[22] Je fais remarquer, cependant, que la conjointe du demandeur a utilisé l’expression « solution durable » en expliquant qu’elle n’était jamais allée en Arménie, que son mari ne pouvait y obtenir un statut (parce qu’ils avaient essayé 2 ans auparavant et que toutes les nouvelles demandes présentées par les Syriens étaient en suspens), et que leur statut aux Émirats arabes unis était temporaire. Cette situation diffère de celle de l’affaire Shahbazian où le demandeur principal avait dit lors de l’entrevue qu’il n’avait pas envisagé la possibilité d’une solution durable en Arménie. Malgré tout, le contexte dans lequel l’agent de migration a soulevé ici la question de la « solution durable » n’est pas clair – faisait-il référence à l’Arménie, aux Émirats arabes unis, ou aux deux?

[23] De plus, l’agent de migration a conclu l’entrevue en disant au demandeur et à sa conjointe :[TRADUCTION] « J’accepte la demande, sous réserve des résultats des examens médicaux et de l’enquête de sécurité qui sont en cours. Les clients doivent se soumettre à un examen médical et faire l’objet d’une vérification des antécédents avant qu’une décision puisse être prise. » Même si, comme le défendeur le fait valoir, une décision n’avait pas été prise, j’estime que, compte tenu des commentaires faits au demandeur à la fin de l’entrevue, il incombait à l’agent d’indiquer plus précisément dans la lettre d’équité procédurale, en faisant référence à l’entrevue, en quoi la question de la « solution durable » demeurait une source de préoccupation : Kaur c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 809 au para 42.

[24] Compte tenu de ce qui s’est dit à ce sujet au cours de l’entrevue, en particulier que les nouvelles demandes présentées par les Syriens étaient toutes suspendues, et de la conclusion tirée par l’agent de migration, j’estime que, dans les circonstances, il était insuffisant de la part de ce dernier, c’est‑à‑dire qu’il était inéquitable sur le plan procédural, de se contenter de citer, dans la lettre d’équité procédurale, le paragraphe 11(1) de la LIPR et l’alinéa 139(1)d)(ii) du RIPR, de mentionner les nationalités syrienne et arménienne de la conjointe et d’écrire : [traduction] « Je crois que vous disposez d’une solution durable en Arménie. »

(b) Le caractère raisonnable

[25] Je conclus que la décision est également déraisonnable pour au moins deux motifs : premièrement, l’agent s’est inexplicablement fondé sur une ancienne version de la loi sur la citoyenneté arménienne et, deuxièmement, l’agent n’a pas tenu compte de l’information importante que le demandeur et sa conjointe ont transmise au cours de l’entrevue, à savoir que les demandes présentées par les Syriens étaient en suspens.

[26] En ce qui concerne le premier motif, le défendeur fait valoir subsidiairement, quant à l’admission de l’affidavit de Mme Krakowska, que, puisque la base de données de la CISR contient maintenant les mêmes renseignements que cet affidavit, il n’est plus nécessaire d’en faire mention. C’est peut‑être le cas, mais, à mon avis, cela n’aide aucunement le défendeur.

[27] Même si l’on accepte que la version modifiée de la loi sur la citoyenneté arménienne (celle de 2019 dans laquelle l’obligation de résidence a été supprimée) était dans le cartable national de documentation soumis à l’agent, ce dernier a néanmoins inexplicablement renvoyé à une version antérieure de cette loi, ce que les parties ne contestent pas. Je conclus qu’il s’agit d’une erreur susceptible de contrôle.

[28] Je ne suis pas d’accord avec le défendeur qui fait valoir que la version de la loi sur la citoyenneté arménienne qui a été appliquée importe peu, car le résultat serait le même, et que, par conséquent, l’intervention de la Cour n’est pas justifiée : Mobil Oil Canada Ltd. c Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, 1994 CanLII 114 (CSC), [1994] 1 RCS 202 [Mobil Oil]. La Cour suprême cite en effet la décision Mobil Oil à l’appui de la proposition selon laquelle, « [l]e refus de renvoyer l’affaire au décideur peut s’avérer indiqué lorsqu’il devient évident aux yeux de la cour, lors de son contrôle judiciaire, qu’un résultat donné est inévitable, si bien que le renvoi de l’affaire ne servirait à rien » : Vavilov, au para 142. Néanmoins, la Cour suprême reconnaît (encore au paragraphe 142 de l’arrêt Vavilov) que les facteurs qui peuvent influer sur l’exercice par la cour de son pouvoir discrétionnaire de renvoyer l’affaire peuvent également influer sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de casser une décision lacunaire. En outre, « le contrôle judiciaire porte à la fois sur le résultat et sur le processus » [En italiques dans l’original] : Vavilov, au para 87.

[29] Je suis d’accord avec le demandeur pour dire que, dans les circonstances, il est difficile de tenir le résultat d’un nouvel examen pour acquis puisque l’agent n’a pas examiné la preuve relative à la suspension des demandes présentées par les Syriens et qu’il est impossible de savoir comment un autre décideur aurait évalué cette preuve à la lumière de la loi sur la citoyenneté arménienne applicable.

[30] En ce qui concerne le deuxième motif, je ferai remarquer que le défendeur soutient qu’il n’y a pas de preuve documentaire (comme dans le cartable national de documentation) à l’appui de l’affirmation selon laquelle les demandes présentées par les Syriens étaient en suspens, mais que ni la crédibilité du demandeur ni celle de sa conjointe ne sont remises en question. Bien que la présomption de véracité des allégations faites par un demandeur soit réfutable (selon l’arrêt Maldonado c Le ministre de l’Emploi et de l’Immigration, 1979 CarswellNat 168 au para 5, [1980] 2 CF 302 (CAF)), à mon avis, rien dans le dossier certifié du tribunal ne permet de la réfuter en l’espèce, et le défendeur n’a pas non plus présenté de preuve en ce sens.

[31] En fin de compte, j’estime qu’il était déraisonnable pour l’agent de ne pas tenir compte de cette preuve essentielle.

V. Conclusion

[32] Pour les motifs qui précèdent, je conclus que la décision est inéquitable sur le plan procédural et déraisonnable. J’accueille donc la demande de contrôle judiciaire du demandeur. La décision est annulée et l’affaire est renvoyée pour nouvel examen par un autre agent ou décideur.

[33] Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé de question grave de portée générale à certifier. Comme l’affirment les parties, la présente affaire repose sur des faits qui lui sont propres, et j’estime que celle‑ci ne soulève aucune question à certifier dans les circonstances.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑1401‑20

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire du demandeur est accueillie.

  2. La décision du 13 février 2019 est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent de migration ou décideur pour un nouvel examen.

  3. Il n’y a aucune question à certifier.

« Janet M. Fuhrer »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claudia De Angelis


Annexe « A » : Dispositions pertinentes

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

Formalités et sélection

Requirements and Selection

Formalités

Requirements

Visa et documents

Application before entering Canada

11 (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

11 (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227

Immigration and Refugee Protection Regulations, SOR/2002-227

Réfugiés au sens de la Convention outre-frontières, personnes protégées à titre humanitaire outre-frontières et résidents temporaires protégés

Convention Refugees Abroad, Humanitarian-protected Persons Abroad and Protected Temporary Residents

Dispositions générales

General

Exigences générales

General requirements

139 (1) Un visa de résident permanent est délivré à l’étranger qui a besoin de protection et aux membres de sa famille qui l’accompagnent si, à l’issue d’un contrôle, les éléments suivants sont établis :

139 (1) A permanent resident visa shall be issued to a foreign national in need of refugee protection, and their accompanying family members, if following an examination it is established that

d) aucune possibilité raisonnable de solution durable n’est, à son égard, réalisable dans un délai raisonnable dans un pays autre que le Canada, à savoir :

(d) the foreign national is a person in respect of whom there is no reasonable prospect, within a reasonable period, of a durable solution in a country other than Canada, namely

(ii) soit la réinstallation ou une offre de réinstallation dans un autre pays;

(ii) resettlement or an offer of resettlement in another country


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1401-20

 

INTITULÉ :

MICHEL MAZZEK c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 26 avril 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE FUHRER

 

DATE DES MOTIFS :

Le 4 mai 2022

 

COMPARUTIONS :

Samuel Plett

 

Pour le demandeur

 

Christopher Ezrin

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Samuel Plett

Desloges Law Group Professional Corporation

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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