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Date : 20220513

Dossier : IMM-3039-21

Référence : 2022 CF 696

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 13 mai 2022

En présence de monsieur le juge Andrew D. Little

ENTRE :

GALINA POLINOVSKAIA

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Dans la présente demande de contrôle judiciaire, la demanderesse cherche à faire annuler la décision du 27 avril 2021 par laquelle un agent principal d’immigration a rejeté sa demande de résidence permanente au Canada fondée sur des considérations d’ordre humanitaire et présentée au titre du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR).

[2] La demanderesse est citoyenne de la Russie et avait 81 ans à la date de sa demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. Elle est divorcée de son mari et n’a aucune famille en Russie. Elle est entrée au Canada en 2016 à titre de visiteuse. Depuis, après en avoir fait la demande, elle a obtenu une fiche de visiteur afin de prolonger son séjour.

[3] Vlada, la fille de la demanderesse, est citoyenne canadienne. Elle vit à Montréal.

[4] La mère et sa fille sont proches. Vlada est venue au Canada en tant qu’étudiante au milieu des années 2000. Depuis, elle est retournée en Russie chaque année pour rendre visite à sa mère. En 2008, elle a déposé une demande afin de parrainer la demanderesse pour qu’elle vienne au Canada, mais elle l’a retirée après avoir reçu un diagnostic de maladie grave.

[5] Vlada souffre d’une maladie auto-immune pour laquelle il n’existe aucun traitement connu. Cette maladie s’attaque au foie. Lorsque la maladie évolue vers une insuffisance hépatique, la seule option est la greffe. Vlada était sur une liste d’attente pour recevoir le foie d’un donneur compatible au moment où la demanderesse a déposé sa demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire.

[6] En plus d’une preuve à l’appui quant à la maladie de sa fille, la demanderesse a déposé des éléments de preuve au sujet des difficultés auxquelles elle serait confrontée dans le petit village où elle vivait en Russie avant de visiter le Canada, de son âge, de la criminalité et d’autres conditions. Elle a aussi présenté des éléments de preuve et des lettres de soutien de la part de membres de sa communauté religieuse à Montréal.

[7] Dans les motifs qu’il a invoqués pour rejeter la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, l’agent a examiné l’établissement de la demanderesse au Canada, la situation défavorable en Russie et les difficultés qu’elle y rencontrerait, ainsi que des considérations médicales.

I. Les principes juridiques applicables

[8] La norme de contrôle applicable à la décision de l’agent est celle de la décision raisonnable : Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, [2015] 3 RCS 909 au para 44. La norme de la décision raisonnable est énoncée dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]. Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable constitue un examen déférent et rigoureux de la question de savoir si la décision administrative est transparente, intelligible et justifiée : Vavilov, aux para 12-13 et 15. La cour de révision examine d’abord les motifs du décideur, qui sont interprétés de façon globale et contextuelle à la lumière du dossier dont le décideur était saisi : Vavilov, aux para 84, 91-96, 97 et 103; Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67 aux para 28-33.

[9] L’examen de la Cour doit porter à la fois sur le raisonnement suivi et l’issue de la décision : Vavilov, aux para 83 et 86. Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle, et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti : Vavilov, en particulier aux para 85, 99, 101, 105-106 et 194; Entertainment Software Association c Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, 2020 CAF 100, aux para 24‑36.

[10] Le paragraphe 25(1) de la LIPR confère au ministre le pouvoir discrétionnaire d’exempter les ressortissants étrangers des exigences habituelles de la loi et de leur accorder le statut de résident permanent au Canada s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire justifient une telle dispense. Le pouvoir discrétionnaire à cet égard, prévu au paragraphe 25(1), se veut une exception souple et sensible à l’application habituelle de la LIPR, et vise à en mitiger la sévérité dans les cas appropriés : Kanthasamy, au para 19.

[11] Les considérations d’ordre humanitaire s’entendent « des faits établis par la preuve, de nature à inciter tout[e] [personne] raisonnable […] d’une société civilisée à soulager les malheurs d’une autre personne — dans la mesure où ses malheurs “justifient l’octroi d’un redressement spécial” aux fins des dispositions de la [LIPR] » : Chirwa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1970], DCAI no 1 à la p 350, tel que cité dans l’arrêt Kanthasamy, aux para 13 et 21.

[12] Le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 25(1) doit être exercé de façon raisonnable. L’agent appelé à se prononcer sur l’existence de considérations d’ordre humanitaire doit véritablement examiner tous les faits et facteurs pertinents portés à sa connaissance et les pondérer : Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 aux para 74‑75; Kanthasamy, aux para 25 et 33.

[13] C’est le demandeur qui a le fardeau d’établir que la dispense pour considérations d’ordre humanitaire est justifiée : Kisana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 189, [2010] 1 RCF 360 aux para 35, 45 et 61. C’est à ses risques et péril qu’il omet de soumettre des éléments de preuve ou de produire des renseignements pertinents à l’appui d’une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire : Owusu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 38, [2004] 2 RCF 635 aux para 5 et 8.


II. Analyse

[14] La demanderesse a présenté plusieurs arguments à l’appui de sa thèse selon laquelle la décision de l’agent était déraisonnable.

[15] Premièrement, la demanderesse a fait valoir que l’agent n’a pas appliqué la norme énoncée dans la décision Chirwa aux faits. À l’audience, elle a soutenu que la Cour, à titre de représentante du membre de la société mentionné dans la décision Chirwa, devrait examiner les faits et trancher la question de savoir s’ils provoqueraient chez une personne raisonnable le désir de la soulager de ses malheurs. Selon cet argument, la situation impérieuse de la demanderesse devrait permettre à la Cour de conclure que la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire aurait dû être accueillie, que la décision de l’agent devrait être annulée et que l’affaire devrait être renvoyée pour faire l’objet d’une nouvelle décision.

[16] Cette observation est erronée en droit, puisqu’il s’agit d’un moyen pour la demanderesse de demande à la Cour d’appliquer la décision Chirwa à sa situation. Agir ainsi reviendrait à effectuer un contrôle selon la norme de la décision correcte. En d’autres termes, le demandeur qui sollicite le contrôle judiciaire d’une décision fondée sur des considérations d’ordre humanitaire ne peut se présenter devant la Cour pour débattre à nouveau de la décision sur le fond. C’est à l’agent ayant rendu la décision qu’il incombe d’en évaluer le bien‑fondé. Lorsqu’elle est saisie d’un contrôle judiciaire, le rôle de la cour de révision est de s’assurer que la décision a été rendue de façon légale, c’est‑à‑dire au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti, ainsi que d’une manière intelligible, transparente et justifiée. La Cour peut seulement intervenir si elle conclut que la décision était déraisonnable à la lumière des principes récemment énoncés dans l’arrêt Vavilov et des affaires appliquant ces principes.

[17] J’examinerai maintenant les autres observations de la demanderesse. Elle s’est largement fondée sur la décision Majkowski c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 582. Dans cette affaire, le décideur a rejeté la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire présentée par un homme de 90 ans qui habitait auparavant aux États‑Unis. En raison de son âge, ce dernier jugeait qu’il était de plus en plus difficile de vivre seul et de prendre soin de lui‑même sans soutien extérieur. Il avait de la difficulté à subvenir à ses besoins aux États-Unis et a dû vendre sa maison ainsi que d’autres actifs pour se maintenir à flot. Il n’avait nulle part où vivre aux États‑Unis, ni les moyens d’habiter dans une maison de soins infirmiers. Ses amis étaient décédés ou partis vivre auprès de leurs familles. La famille qui lui restait se trouvait au Canada.

[18] L’agent avait rejeté la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaires, et le juge Fothergill a annulé cette décision. Il a conclu que l’agent n’avait pas véritablement tenu compte de l’âge avancé du demandeur, de son degré de dépendance envers sa famille, de sa vulnérabilité, ainsi que de l’isolement et des difficultés auxquelles il serait exposé s’il devait s’établir de nouveau aux États-Unis. Les conclusions de l’agent ne reflétaient pas la preuve dans son ensemble et il n’a pas saisi l’essentiel de la demande de dispense fondée sur des considérations d’ordre humanitaire ni évalué correctement la preuve relative à la situation personnelle du demandeur : Majkowski, au para 21.

[19] En l’espèce, la demanderesse a soulevé les points suivants :

  • L’agent a commis la même erreur que dans la décision Majkowski en ne saisissant pas l’essentiel de sa demande de dispense fondée sur des considérations d’ordre humanitaire;

  • L’agent a soulevé à tort la question de son admissibilité au titre d’un autre volet d’immigration comme facteur l’empêchant d’accorder la dispense, entravant par conséquent l’exercice de son pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 25(1), dans le même ordre d’idées qu’un argument présenté dans la décision Majkowski. En particulier, la demanderesse a soutenu qu’elle n’était pas admissible à un super visa, ou du moins que son admissibilité était incertaine compte tenu des exigences relatives à la sélection et à l’obtention d’une assurance médicale coûteuse en raison de son âge;

  • L’agent a mis l’accent sur l’absence de preuve quant aux expériences antérieures de la demanderesse en Russie plutôt que sur les répercussions de la situation défavorable actuelle dans le pays;

  • L’agent n’a pas tenu compte des observations d’ordre humanitaire précises figurant dans la lettre du rabbin du Centre communautaire des Juifs de Russie de Montréal.

[20] Le défendeur n’est pas d’accord. Il a fait valoir que, dans sa décision, l’agent a raisonnablement évalué les questions de l’établissement, des liens familiaux, de la situation financière, de la situation en Russie, des difficultés et des problèmes de santé. Le défendeur a établi une distinction entre les faits de la présente affaire et ceux de la décision Majkowski : la demanderesse en l’espèce perçoit une pension de son ancien emploi comme professeure en Russie et elle possède un appartement qui pourrait être vendu, ainsi que des économies. En outre, rien ne prouvait que des changements survenus dans son état de santé pendant qu’elle était au Canada auraient une incidence sur sa capacité à se rétablir dans sa Russie natale.

[21] En ce que concerne l’admissibilité à un super visa, le défendeur a souligné que la demanderesse a obtenu un visa de résident temporaire ainsi que des prorogations. Elle pourrait demander des prorogations supplémentaires. Le défendeur a signalé qu’une dispense pour des considérations d’ordre humanitaire ne constitue pas une solution de rechange pour immigrer au Canada.

[22] Le défendeur a insisté sur le fait qu’une dispense pour considérations d’ordre humanitaire constitue une mesure de redressement exceptionnelle et discrétionnaire, et qu’il appartenait à l’agent de rendre une décision à cet égard. Selon le défendeur, l’agent a rendu une décision éclairée qui n’était pas déraisonnable, et il a même admis avoir de l’empathie à l’égard des circonstances factuelles.

[23] J’ai conclu que la décision doit être annulée parce qu’elle est déraisonnable pour deux motifs.

[24] Premièrement, la question de la séparation entre la demanderesse et sa fille était au cœur de la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. Dans ses motifs, l’agent a soulevé cette question à au moins deux reprises, à savoir l’évaluation de la situation défavorable au pays et des difficultés auxquelles la demanderesse serait exposée, ainsi que les [traduction] « considérations médicales » entourant la maladie de Vlada et sa possible greffe.

[25] Lorsqu’il a examiné la situation en Russie et les difficultés auxquelles la demanderesse serait confrontée, l’agent a reconnu que celle‑ci entretient clairement une relation étroite et fondée sur l’entraide avec sa fille. Il a fait preuve d’empathie à l’égard du désir des deux femmes de rester ensemble à mesure que la demanderesse vieillit afin qu’elles puissent s’occuper l’une de l’autre. L’agent a conclu que le rejet de la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire et la séparation potentielle [traduction] « engendreraient sans aucun doute des difficultés affectives chez les deux parties et auraient un effet potentiel sur le soutien psychologique qu’elles s’apportent ». L’agent a admis que Vlada ne pouvait pas parrainer sa mère compte tenu des exigences financières et du nombre restreint de demandes de parrainage acceptées. Cependant, il a renvoyé la demanderesse à un programme d’immigration de super visas conçu pour des séjours prolongés d’un maximum de deux ans et destiné aux parents et grands-parents de résidents canadiens. L’agent a conclu que la demanderesse n’avait pas présenté suffisamment d’observations selon lesquelles cette solution n’était pas applicable à sa situation ou ne lui était pas accessible. Cette [traduction] « solution de rechange afin de réunir les femmes au Canada atténuait les difficultés engendrées par un rejet » de la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. À la toute fin de ces motifs, l’agent a qualifié le programme de super visas de [traduction] « facteur atténuant » relativement à la situation défavorable en Russie.

[26] Dans son évaluation des considérations médicales, l’agent a fait référence à une lettre de Vlada dans laquelle cette dernière expliquait que la présence de sa mère au Canada lui donnait de la force pendant sa maladie. L’agent a accordé un poids favorable à la relation étroite et attentive entre la mère et sa fille, et il a admis que cette relation [traduction] « pourrait s’avérer importante pour Vlada et lui procurerait le soutien dont elle aura besoin sur les plans émotifs et pratiques durant cette période difficile ». Toutefois, il a conclu que le rejet de la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire [traduction] « ne mettrait pas fin à leur relation étroite qui leur est d’un grand soutien. Même si sa demande était rejetée, la demanderesse pourrait solliciter une prorogation semi-permanente de son séjour au Canada ». Ce passage ne peut que faire référence à l’admissibilité de la demanderesse à solliciter un super visa.

[27] De toute évidence, dans les deux parties de l’évaluation, l’agent a désigné une solution de rechange permettant à la demanderesse de rester au Canada (la demande de super visa) et s’est fondé sur ce motif comme seul facteur permettant d’éliminer ou d’atténuer les répercussions d’une séparation entre la mère et sa fille. En bref, l’évaluation de l’agent était fondée sur la croyance selon laquelle la demanderesse n’aurait pas vraiment à retourner vivre en Russie et que Vlada ne souffrirait pas seule pendant sa maladie, sa greffe et sa guérison sans bénéficier du soutien émotionnel de sa mère au quotidien, puisque celle‑ci pourrait demander un super visa.

[28] À mon avis, l’analyse de l’agent était erronée dans les deux cas. La demanderesse ne détenait pas de super visa. Le dossier ne contenait aucun fondement factuel pour appuyer l’hypothèse de l’agent selon laquelle elle obtiendrait un tel visa si elle en faisait la demande. L’agent a conclu que les conditions défavorables en Russie ainsi que les difficultés émotionnelles auxquelles les deux femmes seraient [traduction] « assurément » exposées en cas de séparation disparaîtraient ou que celles-ci seraient suffisamment atténuées par quelque chose qui n’existait pas et que la demanderesse pourrait seulement demander. En bref, le raisonnement de l’agent concernant la question centrale de la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire en l’espèce reposait sur une prémisse erronée (la certitude que la demanderesse obtiendrait un super visa) et n’avait aucune assise dans la preuve, ce qui soulève des préoccupations en matière d’intelligibilité et de justification : Vavilov, aux para 100-101, 102-104, 126 et 128. En outre, l’agent a commis une erreur en concluant que le simple fait d’être admissible à demander un super visa équivalait à octroyer la résidence permanente sollicitée par la demanderesse, ou constituait une solution de rechange acceptable à cette possibilité : voir Bernabe v Canada (Citizenship and Immigration), 2022 FC 295 aux para 4 et 33 (citant Rocha v Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2022 FC 84 au para 31; Greene c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 18 aux para 9-10); Antoun c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 612 au para 13. Voir aussi Hosrom v Canada (Citizenship and Immigration), 2022 FC 365 aux para 58-60 (citant Luciano c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1557 aux para 43-50; Torres c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 715 au para 9). Même si, dans l’ensemble, il incombait à la demanderesse de présenter une preuve à l’appui de sa demande, c’est l’agent qui a soulevé la question de la demande de super visa et qui s’y est largement fondé sans disposer de preuve ni donner l’occasion à la demanderesse de présenter des commentaires.

[29] Deuxièmement, je suis convaincu que, dans ses motifs, l’agent n’a pas correctement évalué les difficultés auxquelles la demanderesse serait exposée advenant son retour en Russie. L’évaluation des difficultés rencontrées par la personne à son retour dans son pays d’origine est un aspect essentiel de l’appréciation des considérations d’ordre humanitaire dans le cas où les circonstances du demandeur et sa position quant à la demande soulèvent ces difficultés : voir, p. ex. Ahmed c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 618 aux para 35-36; Zhang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1482 aux para 14, 30-33; Bawazir c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1343 aux para 26-31. L’agent a fait abstraction des répercussions de la situation en Russie en concluant qu’il y avait [traduction] « peu de renseignements complémentaires, comme des expériences personnelles antérieures, établissant un lien entre la situation générale au pays et les circonstances propres à la demanderesse ». Vers la fin de ses motifs relatifs à la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, l’agent a conclu qu’il n’était pas justifié d’accorder un poids important à la situation défavorable en Russie compte tenu du [traduction] « contexte partiel présenté quant à la vie de la demanderesse en Russie avant sa venue au Canada » ainsi que du programme de super visas. Je conviens avec la demanderesse que l’agent n’a pas réalisé l’évaluation nécessaire des difficultés auxquelles elle s’expose et qu’il n’a pas tenu compte de la preuve qui se trouvait dans le dossier. Il ne pouvait se soustraire à cette analyse au motif qu’il ne disposait pas de renseignements non précisés se rapportant aux expériences de la demanderesse en Russie avant 2016. La présomption selon laquelle l’agent a examiné l’ensemble de la preuve ne le décharge pas, à elle seule, de l’obligation d’évaluer les difficultés auxquelles s’expose la demanderesse à la lumière de la preuve figurant dans le dossier au sujet de la situation en Russie et de ses possibles répercussions sur la demanderesse à l’avenir. C’était une erreur de droit que de ne pas réaliser cette évaluation. Voir aussi Aboubacar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 714 au para 12, cité dans Kanthasamy, au para 56.

III. Conclusion

[30] Suivant l’arrêt Vavilov, je conclus que la décision était déraisonnable et qu’elle doit être annulée. Aucune des parties n’a proposé de question à certifier en vue de l’appel, et aucune question ne sera énoncée.


JUGEMENT dans le dossier IMM-3039-21

LA COUR STATUE :

  1. La demande est accueillie. La décision du 27 avril 2021 est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour qu’il rende une nouvelle décision. La demanderesse est autorisée à déposer des observations ou des éléments de preuve à jour ou supplémentaires en vue de la nouvelle décision.

  2. Aucune question n’est certifiée au titre de l’alinéa 74d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

« Andrew D. Little »

Juge

Traduction certifiée conforme

Jean-François Malo


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3039-21

 

INTITULÉ :

GALINA POLINOVSKAIA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 29 NOVEMBRE 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE A.D. LITTLE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 13 MAI 2022

 

COMPARUTIONS :

Richard Kurland

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Albulena Qorrolli

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Richard Kurland

Tobe Kurland

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Albulena Qorrolli

Procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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