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Date : 20220518


Dossier : IMM-5552-21

Référence : 2022 CF 728

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 18 mai 2022

En présence de monsieur le juge Favel

ENTRE :

FELIX OBIORA IBEKWE

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. La nature de l’affaire

[1] Felix Obiora Ibekwe [le demandeur] sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 26 juillet 2021 par laquelle un agent des visas a rejeté sa demande de permis d’études [la décision contestée]. Il soutient que l’agent des visas [l’agent] a porté atteinte à son droit à l’équité procédurale et que la décision est déraisonnable.

[2] La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

II. Le contexte

[3] Le demandeur est un citoyen nigérian âgé de 24 ans qui est parrainé et soutenu par son père. Il a terminé ses études secondaires au Madonna International College et a obtenu son Certificat d’études secondaires de l’Afrique de l’Ouest en 2014.

[4] Le demandeur a présenté une demande d’admission au baccalauréat ès sciences en génie de l’Université du Manitoba. L’Université a rejeté sa demande d’admission à ce programme, mais, le 20 janvier 2021, elle lui a délivré une lettre d’admission au programme Université 1 [la lettre d’admission] qui commençait en septembre 2021. La lettre d’admission précise que le programme Université 1 correspond à la [traduction] « première année d’un programme de quatre ans ». Les droits de scolarité annuels estimatifs (calculés en fonction de deux trimestres à temps plein) totalisaient 22 600 $, plus des frais de subsistance annuels estimatifs de 11 500 $ (plus les frais de scolarité, l’assurance maladie, les livres et les fournitures). Le 12 avril 2021, le demandeur a présenté une demande de permis d’études.

III. La décision contestée

[5] Le 6 juillet 2021, l’agent a rejeté la demande de permis d’études du demandeur. Les notes versées au Système mondial de gestion des cas mentionnaient ce qui suit :

[traduction]
Demande examinée – Le demandeur souhaite suivre un programme de baccalauréat – Le plan d’études du candidat ne démontre pas un cheminement de carrière clair – Compte tenu de la formation et des antécédents professionnels du candidat, je ne suis pas convaincu que le programme d’études est raisonnable vu le coût des études à l’étranger par rapport aux avantages que ces études peuvent lui offrir en matière de carrière ou d’emploi – D’après les documents présentés, je ne suis pas convaincu que le demandeur dispose de fonds suffisants pour assurer la réalisation de son plan d’études au Canada – Compte tenu du plan d’études du demandeur, celui-ci ne semble pas être suffisamment bien établi pour que les études proposées constituent une dépense raisonnable – Je ne suis pas convaincu que le demandeur a la motivation nécessaire pour rentrer au pays – Compte tenu des documents au dossier, je ne suis pas convaincu du but de la visite du demandeur. Étant donné les facteurs présentés dans la demande, je ne suis pas convaincu que le demandeur est un véritable étudiant qui quittera le Canada à la fin de son séjour autorisé. La demande est rejetée.

[6] La décision a été prise au titre de l’alinéa 20(1)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001 c 27 [la LIPR] et de l’article 179, de l’alinéa 216(b) et de l’article 220 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le Règlement]. Ensemble, ces dispositions exigent que l’agent des visas soit convaincu que le demandeur quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée et dispose de ressources financières suffisantes pour payer les frais de scolarité, subvenir à ses besoins pendant sa période d’études et retourner au Nigéria.

IV. Les questions en litige

[7] Après examen des observations présentées par les parties, j’estime que les questions peuvent être formulées ainsi :

  1. Y a-t-il eu manquement à l’équité procédurale?

  2. La décision est-elle raisonnable?

V. La norme de contrôle

[8] Le demandeur, citant Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, soutient que la norme de la décision raisonnable s’applique à [traduction] « l’évaluation par l’agent de l’ensemble de la preuve et des circonstances de l’affaire » tandis que la norme de la décision correcte s’applique à [traduction] « l’interprétation et à l’application du droit » par l’agent.

[9] Le défendeur soutient que la question fondamentale à trancher en matière d’équité procédurale est celle de savoir si le demandeur connaissait la preuve à réfuter et s’il a eu une possibilité complète et équitable d’y répondre (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 56). Il soutient également que le bien-fondé de la décision contestée est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Selon lui, qu’il convient de faire preuve d’une retenue considérable envers les décisions des agents des visas, car ceux-ci jouissent d’un vaste pouvoir discrétionnaire pour ce qui est de l’évaluation des demandes de visas d’étudiant (Onyeka c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1067 [Onyeka] au para 10).

[10] La première question, qui est une question d’équité procédurale, est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte (Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24 au para 79; Oleynik c Canada (Procureur général), 2020 CAF 5 au para 39; Ebrahimshani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 89 au para 12). Aucune déférence n’est témoignée au décideur d’instance inférieure à l’égard des questions d’équité procédurale (Del Vecchio c Canada (Procureur général), 2018 CAF 168 au para 4).

[11] Le bien-fondé de la décision contestée est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Aucune des exceptions décrites dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] n’est présente en l’espèce (aux para 16 et 17). Un contrôle effectué selon la norme de la décision raisonnable exige que la cour apprécie l’intelligibilité, la transparence et la justification de la décision et qu’elle évalue si la décision « est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‐ci » (Vavilov, au para 99). Si les motifs du décideur permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision et de déterminer si celle-ci fait partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit, alors la décision est raisonnable (Vavilov, aux para 85-86). Au moment d’effectuer un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la cour de révision doit tenir dûment compte du résultat de la décision et du raisonnement à l’origine de ce résultat (Vavilov, au para 87).

VI. Analyse

A. Y a-t-il eu manquement à l’équité procédurale?

[12] Le demandeur soutient qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale, parce que, si l’agent avait des réserves quant à sa crédibilité, il avait l’obligation de l’aviser et de lui donner la possibilité de les dissiper (Hassani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1283 [Hassani] au para 24).

[13] De même, le demandeur soutient que les agents ont l’obligation de donner aux demandeurs la possibilité de rectifier toute préoccupation que soulevaient des éléments de preuve extrinsèques, ou d’en traiter (Jesuorobo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1092 [Jesuorobo] au para 14). En outre, il fait valoir que si l’agent avait des réserves au sujet de ses finances, il aurait dû l’en aviser et lui donner la possibilité de s’expliquer (Wang c Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), 2003 CFPI 258 [Wang] au para 13).

[14] Enfin, le demandeur soutient que l’agent a fondé sa décision sur des stéréotypes, ce que les agents des visas ne peuvent pas faire (Hernandez Bonilla c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 20 [Bonilla] au para 25).

[15] Le défendeur affirme que le degré d’équité procédurale est moins strict dans le cadre d’une demande de permis d’études (Solopova c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 690 [Solopova] au para 37). Il soutient que l’agent n’était pas tenu d’aviser le demandeur de ses réserves et de demander des éclaircissements ni de compléter la preuve du demandeur (Solopova, au paragraphe 41). Quoi qu’il en soit, le défendeur souligne que le demandeur a reçu une lettre le 26 avril 2021, dans laquelle il lui était demandé de fournir des renseignements complémentaires pour le traitement de sa demande. Cette lettre montre que l’agent a donné au demandeur la possibilité de présenter des documents supplémentaires à l’appui de sa demande. Enfin, le défendeur soutient qu’un agent n’est pas tenu de faire part des réserves qui découlent des éléments de preuve présentés par le demandeur ou des exigences de la LIPR (Toor c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 573 [Toor] au para 17).

[16] Je conclus que l’agent n’a pas porté atteinte au droit à l’équité procédurale du demandeur. Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que le degré d’équité procédurale est relativement peu élevé dans le contexte d’une demande de permis d’études. Je suis également d’accord pour dire qu’il incombe au demandeur de convaincre l’agent qu’un permis doit lui être accordé (Solopova, aux para 37, 41).

[17] En règle générale, le demandeur n’aura pas droit à une entrevue ni à un préavis au sujet de préoccupations particulières à moins que l’agent : « relève des éléments de preuve soulevant des préoccupations relatives à la crédibilité », « relève des éléments de preuve relatifs à une potentielle fausse déclaration faite par le demandeur, y compris une fausse déclaration qui pourrait entraîner l’inadmissibilité » ou « relève de nouveaux renseignements internes pertinents ou des éléments de preuve extrinsèques qui ne sont pas accessibles au demandeur » (Garcia Diaz c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 321 [Diaz] au para 80). Dans cette dernière situation, il se peut qu’aucune obligation ne s’applique « si les documents sont les propres documents du demandeur, au moins en ce qui concerne un facteur de la disposition appliquée par l’agent ou lorsque c’est directement lié à cette disposition » (Diaz, au para 80).

[18] Le demandeur n’a pas mentionné la nature de la prétendue conclusion défavorable en matière de crédibilité ni la partie de la demande que l’agent n’a pas crue. En ce qui concerne la suffisance des fonds, les relevés bancaires présentés ne montraient pas que le demandeur disposait de fonds suffisants. Par conséquent, il n’y avait rien que l’agent pouvait remettre en question. Les agents ne sont pas tenus de donner un préavis aux demandeurs concernant l’insuffisance des fonds ni de leur donner l’occasion de dissiper les doutes à ce sujet, puisqu’il s’agit d’une exigence clairement énoncée dans le Règlement (Toor, au para 17; Hassani, au para 24; Adekoya c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1234 [Adekoya] au para 8).

[19] Contrairement à ce que prétend le demandeur, la décision Wang n’appuie pas l’affirmation selon laquelle un agent doit faire part au demandeur de ses réserves concernant la suffisance des fonds et lui donner la possibilité de s’expliquer. Au contraire, dans cette décision, la Cour a conclu qu’il y avait eu atteinte au droit à l’équité procédurale du demandeur parce que l’agente avait tiré une conclusion sur la crédibilité de l’offre de soutien d’un membre de sa famille et de son statut réel d’étudiant (au para 13).

[20] Je ne suis pas non plus d’accord avec le demandeur pour dire que l’agent s’est fondé sur une preuve extrinsèque, comme c’était le cas dans l’affaire Jesuorobo. Dans la décision Jesuorobo, la Cour a conclu à un manquement à l’équité procédurale parce que l’agent s’était appuyé sur des renseignements extrinsèques provenant de la base de données du Système de soutien des opérations des bureaux locaux, laquelle contient de l’information sur d’anciens dossiers d’immigration. Ces renseignements n’avaient pas été présentés par le demandeur et celui-ci n’avait pas eu la possibilité de les commenter (au para 2). En l’espèce, les réserves de l’agent au sujet des finances découlaient des renseignements présentés par le demandeur — et non d’un élément de preuve extrinsèque.

[21] Enfin, je ne partage pas l’avis du demandeur selon lequel l’agent s’est appuyé de manière inappropriée sur des stéréotypes, comme c’était le cas dans l’affaire Bonilla. Le demandeur n’a soulevé aucun élément dans la décision contestée qui permettrait de conclure que l’agent s’est appuyé sur des stéréotypes ou des généralisations.

B. La décision est-elle raisonnable?

[22] Le demandeur soutient que l’agent n’a pas tenu compte d’éléments de preuve pertinents et n’a pas expliqué le fondement de certaines conclusions. Par exemple, l’agent a conclu que le demandeur ne quitterait pas le Canada [TRADUCTION] « compte tenu de ses actifs personnels et de sa situation financière ». De même, l’agent a conclu que les frais d’études à l’étranger n’étaient pas une [TRADUCTION] « dépense raisonnable ». Selon le demandeur, l’agent n’a pas expliqué le fondement de ces conclusions et n’a pas tenu compte des éléments de preuve suivants :

  • a) L’affidavit de parrainage de son père;

  • b) Une copie du relevé de compte bancaire de son père montrant l’équivalent de 59 094,44 $ CA et une lettre de recommandation bancaire rédigée à son sujet;

  • c) Une copie de son relevé de compte bancaire montrant l’équivalent de 16 897,90 $ CA et une lettre de recommandation bancaire rédigée à son sujet.

[23] Le demandeur soutient qu’il n’avait qu’à démontrer qu’il pouvait payer 34 100,00 $ (22 600,00 $ CA en frais de scolarité et 11 500,00 $ CA pour subvenir à ses besoins) pour une année d’études. Il déclare qu’il a fourni des relevés bancaires pour établir que lui et son père possédaient un total de 75 992,34 $ CA et qu’il est difficile de savoir pourquoi l’agent a conclu que ces fonds étaient insuffisants. Le demandeur soutient que sa situation est semblable à celle dont il est question dans l’affaire Kavugho-Mission c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 597 [Kavugho-Mission], où la demanderesse disposait de 86 000 $, tandis que ses frais de scolarité s’élevaient à 46 000 $. Dans cette affaire, la Cour a annulé la conclusion de l’agent selon laquelle la demanderesse n’avait pas les ressources financières nécessaires (au para 17). Selon le demandeur, la preuve n’indiquait aucunement que les dépenses épuiseraient les économies dont il disposait (Motala c Canada (citoyenneté et immigration), 2020 CF 726 [Motala] au para 17). Le dossier démontrait plutôt que le père du demandeur occupait un emploi stable et que les fonds étaient dans son compte bancaire depuis plus de quatre mois, conformément à la politique sur la preuve de fonds d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Le demandeur soutient que son père n’était pas tenu de prouver qu’il disposait de fonds pour [traduction] « d’autres enfants ou obligations », contrairement à ce qu’affirme le défendeur.

[24] Le demandeur soutient également que, malgré la preuve de ses bonnes notes au secondaire, qui confirment qu’il est [traduction] « doué en science », l’agent a commis une erreur en concluant que [traduction] « vu les antécédents scolaires et professionnels du demandeur, je ne suis pas convaincu que le programme d’études est raisonnable compte tenu du coût des études à l’étranger par rapport aux avantages que ces études peuvent lui offrir en matière de carrière ou d’emploi ».

[25] Enfin, le demandeur soutient que l’agent n’a signalé aucun élément du dossier qui justifierait la conclusion selon laquelle il n’était [traduction] « pas convaincu de l’objet de la visite du demandeur ».

[26] Le défendeur fait valoir que le demandeur invite la Cour à soupeser à nouveau la preuve, ce qui n’est pas la fonction du contrôle judiciaire (Musadiq c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 316 [Musadiq] au para 38; Vavilov au para 125). Il souligne qu’il incombe toujours au demandeur de convaincre l’agent des visas que toutes les exigences légales sont satisfaites, y compris qu’il quittera le Canada à la fin de son séjour autorisé (Solopova, au para 41; Musadiq, au para 37). Le défendeur est d’avis que le demandeur n’a tout simplement pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour s’acquitter du fardeau qui lui incombait.

[27] Le défendeur soutient également que l’agent n’a pas commis d’erreur en concluant que les fonds présentés étaient insuffisants pour financer les études du demandeur. L’agent est présumé avoir examiné et apprécié l’ensemble de la preuve et n’est pas tenu de renvoyer à chacun des éléments qui la composent (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 [Newfoundland Nurses] au para 16). Selon lui, la présente affaire est semblable à l’affaire Onyeka, où la Cour a jugé qu’une agente avait raisonnablement conclu qu’un père n’avait pas les fonds nécessaires pour financer les études de son fils parce que le montant requis épuiserait tout son solde en banque (aux para 12-17). Le défendeur souligne que le père a déclaré que le demandeur est son [traduction] « fils aîné », mais qu’il n’a pas présenté de preuve démontrant combien d’enfants il a à sa charge ni ses autres obligations. Ainsi, il affirme que le demandeur n’a tout simplement pas convaincu l’agent qu’il disposait de fonds suffisants.

[28] Je conclus que la décision est raisonnable. Je ne partage pas l’avis du demandeur selon lequel ses états financiers contredisent la conclusion de l’agent au sujet de la suffisance de ses fonds. La justification que donne l’agent des visas pour expliquer sa décision peut être concise et simple tant qu’elle est adaptée à la preuve (Patel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 77 au para 17). Pour qu’une décision soit jugée raisonnable, elle doit satisfaire aux exigences d’intelligibilité et de transparence, et les motifs doivent permettre à la cour de révision de « comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables » (Newfoundland Nurses, au para 16; Vavilov, aux para 85-86).

[29] Le dossier certifié du tribunal contient quatre relevés bancaires. Comme l’a fait remarquer le demandeur, le total des relevés bancaires les plus récents équivaut à environ 76 000 $ CA. Le demandeur soutient qu’il n’avait qu’à démontrer qu’il pouvait payer 34 100,00 $ (soit la somme nécessaire pour assumer ses dépenses pendant une année d’études). La jurisprudence dit le contraire. Dans la décision Onyeka, la Cour a conclu que les agents doivent évaluer si le demandeur dispose de fonds suffisants pour l’ensemble du programme (au para 12). La Cour a adopté la même approche dans la décision Kavugho-Mission, où elle a tenu compte des dépenses totales de la demanderesse par rapport à ses revenus pendant une période de trois ans (toute la durée de son doctorat) (au para 17). Récemment, elle a aussi adopté une approche semblable dans la décision Ocran c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 175 [Ocran] aux para 44-45. Par comparaison, dans la décision Motala, la Cour a seulement tenu compte du fait que le père du demandeur disposait de fonds suffisants pour assumer les dépenses pendant une année de scolarité (au para 17), mais le demandeur dans cette affaire était un élève du secondaire (au para 3). En l’espèce, la situation ressemble plus à celle des affaires Onyeka, Kavugho-Mission et Ocran, qui concernaient toutes des étudiants qui souhaitaient faire des études postsecondaires.

[30] L’Université du Manitoba a estimé que le demandeur avait besoin d’un total de 34 100,00 $ CA par an, plus les frais de voyage de retour au Nigéria. Comme il a déjà été mentionné dans les présents motifs, la lettre d’admission annonçait que le demandeur était accepté à la première année d’un programme de quatre ans. Bien que le demandeur ait suffisamment d’argent pour payer sa première année d’études, ce n’est pas suffisant pour subvenir à ses besoins et payer les droits de scolarité pendant quatre ans. Pour convaincre l’agent qu’il satisfaisait aux exigences légales, le demandeur aurait dû montrer qu’il disposait d’une somme totale de 136 400 $ CA, plus les frais de voyage.

[31] L’espèce ressemble également à l’affaire Adekoya, où la demanderesse a présenté une demande de renouvellement de son permis d’études, mais n’a pas démontré qu’elle disposait de fonds suffisants (au para 6). La juge Simpson a conclu que « [l]'article 220 du Règlement énonce qu’un agent “ne délivre pas” de permis d’études à moins que, sans qu’il leur soit nécessaire d’exercer un emploi, les étudiants ne disposent de ressources financières suffisantes pour acquitter les frais de scolarité, subvenir à leurs propres besoins et à ceux des membres de leur famille, et acquitter les frais de transport pour eux-mêmes et les membres de leur famille pour venir au Canada et en repartir. Comme elle ne disposait pas de fonds suffisants, l’agent n’avait aucun pouvoir discrétionnaire et devait rejeter la demande [...] » (au para 9). La même conclusion peut être tirée en l’espèce.

[32] Par conséquent, l’agent a raisonnablement conclu que [traduction] « [d’après] les éléments de preuve présentés, je ne suis pas convaincu que le demandeur dispose de suffisamment de fonds pour financer son plan d’études au Canada ». À la lumière de la conclusion qui précède, la Cour n’a pas besoin d’examiner le reste des observations du demandeur.

VII. Conclusion

[33] L’agent n’a pas porté atteinte aux droits du demandeur en matière d’équité procédurale. Il n’était pas tenu de faire part au demandeur de ses réserves concernant les exigences légales du Règlement. Il a par ailleurs raisonnablement conclu que le demandeur ne disposait pas de fonds suffisants pour suivre un programme de quatre ans.

[34] La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune des parties n’a proposé de question à certifier et je conviens que la présente affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-5552-21

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier et la présente affaire n’en soulève aucune.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Paul Favel »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Noémie Pellerin Desjarlais


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-5552-21

 

INTITULÉ :

FELIX OBIORA IBEKWE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 MAI 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE FAVEL

DATE DES MOTIFS :

Le 16 mai 2022

COMPARUTIONS :

Peace Eze

POUR LE DEMANDEUR

 

Meenu Ahluwalia

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Peace Legal

Avocats

Calgary (Alberta)

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Calgary (Alberta)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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