Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20220520


Dossier : IMM‑6259‑20

Référence : 2022 CF 751

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 20 mai 2022

En présence de monsieur le juge Fothergill

ENTRE :

FAWAD AZIZI

demandeur

et

LE MINISTRE DE

LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Fawad Azizi est un citoyen afghan. Sa sœur, Lina Azizi, est une citoyenne canadienne. Le 18 octobre 2018, Mme Azizi et quatre autres personnes ont présenté une demande en vue de parrainer M. Azizi pour qu’il obtienne la résidence permanente au Canada. La demande était présentée dans le cadre du Programme de parrainage de réfugiés, dans la catégorie du « groupe de cinq » [le G5]. Cette demande a été rejetée le 11 avril 2019, car les demandeurs du G5 n’ont pas réussi à démontrer qu’ils disposaient des fonds suffisants.

[2] Le 28 avril 2020, les demandeurs du G5 ont présenté une nouvelle demande en vue de parrainer M. Azizi. La demande comprenait la preuve que les demandeurs disposaient des fonds suffisants, mais il manquait le certificat de police à jour pour chaque répondant. Les certificats de police sont valides pendant six mois seulement.

[3] Le 28 octobre 2020, un agent d’immigration a rejeté la deuxième demande de parrainage du G5. Les demandeurs du G5 ont immédiatement présenté leurs certificats de police à jour et ont demandé que cette décision soit examinée à nouveau. Un autre agent d’immigration [l’agent] a rejeté la demande de réexamen le 19 novembre 2020.

[4] M. Azizi sollicite le contrôle judiciaire de la décision de l’agent portant rejet de la demande de réexamen présentée par le G5.

[5] Même s’il est évident que M. Azizi souhaite immigrer au Canada, la décision faisant l’objet de la présente demande de contrôle a seulement une incidence sur les droits et obligations juridiques des demandeurs du G5 qui ont tenté de le parrainer. M. Azizi n’a pas qualité pour introduire la présente demande de contrôle judiciaire. En outre, l’agent a conclu raisonnablement que la décision du premier agent d’immigration était juste, et aucune erreur n’a été commise.

[6] La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

II. Contexte

[7] D’après les notes consignées dans le Système mondial de gestion des cas [le SMGC] par le premier agent d’immigration, les certificats de police présentés à l’appui de la première demande de parrainage ont été délivrés entre le 14 septembre 2018 et le 25 septembre 2019. Le 28 octobre 2020, le premier agent a rejeté la demande du G5, car au moins un des certificats de police n’était plus valide.

[8] Les notes consignées dans le SMGC par l’agent en date du 19 novembre 2020 indiquent que la demande de réexamen a été rejetée pour les motifs énoncés ci‑dessous :

[traduction]
La demande de réexamen est rejetée – voir la correspondance reçue.
Les notes relatives à la demande de réexamen : La présente demande a été rejetée le 28 octobre 2020 en vertu du paragraphe 156(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés. L’agent n’était pas convaincu que les membres du groupe de parrainage étaient habiles à être parties au parrainage en vertu du paragraphe 156(1), car les attestations de vérification du casier judiciaire présentées ne satisfaisaient pas à l’exigence selon laquelle ces attestations devaient avoir été délivrées dans les six mois précédant la présentation de la demande. Les motifs de réexamen énoncés par le répondant : Le 16 novembre 2020, une demande de réexamen a été reçue de la part du représentant rémunéré. Le représentant affirme que nous aurions pu demander aux répondants de présenter les certificats de police à jour dès notre premier examen de la demande. Outre la lettre de demande de réexamen, le représentant a présenté les certificats de police à jour pour les cinq répondants. La décision relative à la demande de réexamen : Bien que les renseignements communiqués aient été examinés et pris en considération, il incombe aux répondants de fournir tous les renseignements pertinents dès le départ, au moment de présenter la demande. Aucun renseignement n’a été présenté afin de soutenir qu’une erreur avait été commise. La décision de l’agent est fondée et le rejet initial de la demande est maintenu. La demande de réexamen est rejetée.

III. Questions en litige

[9] La présente demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes :

  1. M. Azizi a‑t‑il qualité pour introduire la demande de contrôle judiciaire?

  2. La décision de l’agent était‑elle raisonnable?

IV. Analyse

A. M. Azizi a‑t‑il qualité pour introduire la demande de contrôle judiciaire?

[10] Le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7 est rédigé en ces termes :

18.1 (1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l’objet de la demande.

18.1 (1) An application for judicial review may be made by the Attorney General of Canada or by anyone directly affected by the matter in respect of which relief is sought.

[11] Dans la décision Douze c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1337, la juge Danièle Tremblay‑Lamer a statué qu’une personne peut présenter une demande de contrôle judiciaire seulement si l’instance « porte directement atteinte à ses droits, si elle lui impose des obligations juridiques ou si elle lui cause directement préjudice » (au para 15).

[12] Le défendeur soutient que la décision faisant l’objet du contrôle n’impose aucune obligation juridique à M. Azizi ni ne lui cause directement préjudice. Même si sa demande était accueillie, M. Azizi ne se verrait pas accorder un recours exécutoire.

[13] Dans la décision Wu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2000 CanLII 15149 [Wu], le juge Gibson a conclu que le fils des parents qui présentaient une demande de résidence permanente depuis le Canada pour considérations d’ordre humanitaire n’avait pas l’intérêt voulu pour contester le rejet de la demande présentée par ses parents. Le fils était un citoyen canadien et ne risquait pas d’être expulsé. La décision de la juge Mary Gleason dans l’affaire Garcia Rodriguez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 437 va dans le même sens (au para 8; voir également Canadian Newcomers and Immigrants Association et al v Minister of Citizenship and Immigration, dossier de la Cour nIMM‑3080‑18, 10 juin 2019).

[14] M. Azizi affirme qu’une conclusion défavorable lui causera directement préjudice. Bien que cela soit vrai sur le plan pratique, ce n’est pas le cas sur le plan juridique. Dans l’affaire Wu, le fils né au Canada avait manifestement intérêt à ce que ses parents demeurent au Canada. Or, la décision en cause n’a pas eu d’incidence directe sur ses droits ou ses obligations juridiques. Seuls ses parents risquaient d’être expulsés.

[15] De même, bien qu’il soit évident que M. Azizi souhaite immigrer au Canada, la décision faisant l’objet du contrôle a seulement une incidence sur les droits et obligations juridiques des demandeurs du G5 qui ont tenté de le parrainer. Le défendeur fait remarquer qu’il a soulevé la question de la qualité pour agir dans son mémoire des faits et du droit, mais M. Azizi et sa sœur n’ont pas cherché à modifier la demande de sorte que les demandeurs soient désignés comme tels.

[16] M. Azizi n’a pas qualité pour introduire la présente demande de contrôle judiciaire, laquelle doit être rejetée pour ce seul motif.

B. La décision de l’agent était‑elle raisonnable?

[17] La décision de l’agent est susceptible de contrôle par la Cour selon la norme de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], au para 10). Les notes versées dans le SMGC par l’agent font partie des motifs de la décision faisant l’objet du contrôle (Ebrahimshani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 89, au para 5).

[18] La Cour interviendra seulement si elle est convaincue que la décision « souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence » (Vavilov, au para 100). La Cour doit tenir compte du résultat de la décision administrative eu égard au raisonnement sous‑jacent à celle‑ci (Vavilov, au para 15).

[19] M. Azizi fait valoir que c’est par inadvertance que les demandeurs du G5 n’ont pas présenté leurs certificats de police à jour. Les certificats valides ont été présentés dès que l’erreur a été signalée. M. Azizi est d’avis, par conséquent, qu’il était déraisonnable de la part de l’agent de rejeter la demande de réexamen.

[20] M. Azizi invoque les décisions Ronald c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1252 [Ronald] et Doron c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 429 [Doron]. Dans l’affaire Ronald, les demandeurs ont avisé l’agent que les documents requis n’étaient pas encore accessibles et seraient acheminés par courrier. Il y a eu un délai d’envoi et de traitement. Le juge Luc Martineau a conclu qu’il était déraisonnable de la part de l’agent de faire porter la conséquence des retards administratifs par les demandeurs qui, par ailleurs, semblaient avoir agi de bonne foi (Ronald, au para 14).

[21] Dans l’affaire Doron, le certificat de police présenté par le demandeur ne provenait pas du bon organisme aux Philippines. Le juge Richard Southcott a conclu que le demandeur avait été privé de son droit à l’équité procédurale, car dans la liste de contrôle fournie au demandeur on ne précisait pas l’organisme d’où devait provenir le certificat.

[22] Les affaires Ronald et Doron mettaient en cause des circonstances extérieures à la volonté des demandeurs ou résultaient d’erreurs de la part du décideur. En l’espèce, l’avocat des demandeurs du G5, dans sa demande de réexamen, a tenté de rejeter sur l’agent la responsabilité de veiller à ce que la demande soit complète :

[traduction]
Vous conviendrez que la pandémie, qui a paralysé le monde entier, a contribué au retard qu’a accusé votre premier examen de la demande. Si cela n’avait pas été le cas, vous auriez remarqué l’anomalie dès le premier examen et auriez fort probablement demandé les certificats de police à jour. Compte tenu de la pandémie du nouveau coronavirus, le délai de traitement des demandes est déjà long.

[23] L’agent n’était pas d’accord, soutenant qu’« il incombe aux répondants de fournir tous les renseignements pertinents dès le départ, au moment de présenter la demande ».

[24] La première demande a été rejetée le 11 avril 2019. La deuxième demande, soutenue par la preuve de fonds suffisants, a été présentée environ un an plus tard, le 28 avril 2020. Il est difficile de voir en quoi ce retard est attribuable à l’agent. On ne sait pas non plus comment la pandémie de COVID‑19 a contribué au retard des demandeurs du G5 à présenter la deuxième demande.

[25] Il incombe aux demandeurs de démontrer aux agents que les circonstances justifient l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire de rouvrir une demande qui avait été précédemment rejetée « dans l’intérêt de la justice » et « dans des circonstances exceptionnelles » (Pierre Paul c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 523, au para 27). Il était raisonnable pour l’agent de conclure que la décision du premier agent d’immigration était juste, et aucune erreur n’a été commise.

[26] Le défendeur fait remarquer que les demandeurs du G5 demeurent libres de présenter une nouvelle demande pour parrainer M. Azizi, soutenue par la preuve de fonds suffisants et des certificats de police valides pour tous les répondants.

V. Conclusion

[27] La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune partie n’a proposé de question à certifier aux fins d’appel.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Simon Fothergill »

Juge

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑6259‑20

 

INTITULÉ :

FAWAD AZIZI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE ENTRE HAMILTON, TORONTO ET OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 7 AVRIL 2022

 

JUGEMENT et MOTIFS :

LE JUGE FOTHERGILL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 20 MAI 2022

 

COMPARUTIONS :

Philip U. Okpala

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Monmi Goswami

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Main Street Lawyers LLP

Hamilton (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.