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Date : 20220519


Dossier : IMM-5239-20

Référence : 2022 CF 745

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 19 mai 2022

En présence de monsieur le juge Bell

ENTRE :

WAHIDULLAH SHARIF

KAWKABA SHARIF

HOSSAI SHARIF

MAIMONA SHARIF

demandeurs

et

LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Wahidulla Sharif (le demandeur principal), son épouse, Kawkaba Sharif (Mme Sharif), sa mère, Maimona Rahima (Mme Rahima), et sa fille, Hossai Sharif (Hossai) (collectivement, les demandeurs), sont des citoyens de l’Afghanistan. En 1993, les demandeurs ont fui l’Afghanistan. Ils se sont établis au Pakistan, où ils ont demandé et obtenu l’asile. En mars 2014, les demandeurs se sont rendus aux États-Unis d’Amérique (les États-Unis). En juillet 2014, ils sont finalement arrivés au Canada, où ils ont demandé l’asile.

[2] Le 8 juillet 2014, la Section de la protection des réfugiés (la SPR) a conclu que les demandeurs n’avaient pas qualité de réfugiés au sens de la Convention ni qualité de personnes à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. La SPR a fondé sa décision uniquement sur le manque de crédibilité des demandeurs. Les demandeurs sollicitent maintenant le contrôle judiciaire de la décision de la SPR en vertu du paragraphe 72(1) de la LIPR. Pour les motifs exposés ci-après, je rejette la demande de contrôle judiciaire.

II. Origine des demandes d’asile faisant l’objet du contrôle

[3] Le demandeur principal prétend avoir résidé au Pakistan de 1993 à 2005 et de 2008 à 2014. Les autres demanderesses affirment qu’elles ont résidé uniquement au Pakistan de 1993 à 2014.

[4] Les demandeurs prétendent craindre les talibans, les milices pro-talibans et d’autres groupes en raison du travail allégué du demandeur principal dans l’industrie cinématographique. Le demandeur principal a affirmé, devant la SPR, qu’il a fondé son propre studio, Farukhzad Films Studio, en 2002, qu’il a joué dans et réalisé de nombreux films, et qu’il était [traduction] « bien connu » au sein de l’industrie cinématographique. Il a déclaré que les extrémistes religieux considéraient beaucoup de ses films comme étant trop modernes ou [traduction] « occidentalisés ». Le demandeur principal soutient qu’en 2005, des hommes inconnus l’ont agressé. Au cours de l’attaque, les hommes inconnus ont apparemment crié que ses films [traduction] « détruisaient les valeurs islamiques ». Il dit qu’il a été gravement blessé dans l’attaque. Par conséquent, il a quitté le Pakistan et il est retourné en Afghanistan. Cependant, le demandeur principal affirme qu’en raison de son travail dans l’industrie cinématographique, il est également devenu une cible de persécution en Afghanistan. En 2008, il s’est donc réinstallé au Pakistan, où il a travaillé comme vendeur dans un magasin de vêtements. Le demandeur principal prétend qu’il a continué secrètement d’écrire des scénarios de films jusqu’en 2014.

[5] Hossai, la fille du demandeur principal, a affirmé devant la SPR qu’elle craignait d’être persécutée par les talibans en raison de son association avec la Female Human Rights Organization (FEHRO), où elle prétend avoir été agente des communications de 2013 à 2014. Elle dit qu’en janvier 2014, les talibans ont ciblé le personnel de la FEHRO, ce qui a amené la FEHRO à suspendre ses activités. De plus, Hossai a affirmé que son ex-époux et/ou sa famille lui feraient du mal si elle retournait en Afghanistan ou au Pakistan, en raison de sa décision de demander l’asile au Canada.

[6] Je remarque que les deux fils du demandeur principal ont présenté une demande d’asile au Canada en 2014 qui a été accueillie. Ils ont fondé leurs demandes d’asile sur les menaces de mort qu’ils ont reçues des talibans en raison de leur travail auprès d’ONG en Afghanistan. Ils sont maintenant résidents permanents du Canada. Rien dans les documents n’indique que les fils ont déjà demandé ou obtenu l’asile au Pakistan.

[7] Je remarque également que les demandeurs ont d’abord été jugés inadmissibles à présenter une demande d’asile en vertu de l’alinéa 104(1)d) de la LIPR, car, en 2004, ils ont été inclus dans une demande de parrainage de « réfugiés vivant à l’étranger » présentée par des membres de leur famille vivant au Canada (la demande de 2004). En 2007, aux fins de la demande de 2004, des fonctionnaires canadiens ont convoqué les demandeurs à des entrevues au Pakistan. Le Canada a rejeté la demande de 2004 du demandeur principal parce qu’il ne s’était pas présenté aux entrevues. Le Canada a rejeté les demandes d’asile des autres demanderesses parce qu’elles manquaient de crédibilité.

III. Décision faisant l’objet du contrôle

[8] Le 2 novembre 2018, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministre) a déposé un avis d’intention d’intervenir (au moyen de documents seulement) à l’audience devant la SPR au sujet de la question de l’intégrité. Le ministre s’est dit préoccupé par les divergences entre les réponses des demandeurs aux questions données en 2007 et leurs positions avancées en 2014.

[9] La SPR a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que les demandeurs n’avaient pas présenté suffisamment d’éléments de preuve crédibles ou dignes de foi pour établir que les allégations formulées s’étaient réellement produites. Quelques-unes des conclusions de la SPR sur la question de la crédibilité sont énoncées ci-après.

A. Profession et lieu de résidence du demandeur principal

[10] Comme il a été mentionné précédemment, le formulaire Fondement de la demande d’asile (le formulaire FDA) et l’exposé circonstancié du demandeur principal indiquent qu’il a travaillé dans l’industrie cinématographique jusqu’en 2008 et, par la suite, comme vendeur. Ces documents indiquent également que le demandeur principal a vécu au Pakistan de 1993 à 2005 et de 2008 à 2014, et à Kaboul, en Afghanistan, de 2005 à 2008. Le demandeur principal a également témoigné de ces faits. Toutefois, la SPR a souligné que bon nombre des déclarations faites par Mme Sharif, Mme Rahima et Hossai au cours des entrevues de 2007 (pour la demande de 2004) contredisaient les assertions du demandeur principal ou étaient incompatibles avec celles-ci. La SPR a souligné ce qui suit :

  • elles ont déclaré que le demandeur principal travaillait dans un magasin de vêtements, mais n’ont jamais mentionné qu’il travaillait à quelque titre que ce soit dans l’industrie cinématographique;

  • elles ont déclaré que le demandeur principal n’avait pas quitté la maison familiale au Pakistan, contrairement à l’affirmation selon laquelle le demandeur principal a vécu à Kaboul de 2005 à 2008;

  • elles n’ont jamais mentionné que le demandeur principal avait été agressé en 2005.

[11] La SPR a également souligné que, dans les notes manuscrites de l’exposé circonstancié de son formulaire FDA, le demandeur principal a écrit qu’il avait vécu à Kaboul de 2011 à 2013, puis qu’il s’était réinstallé au Pakistan de 2013 à 2014. Cela contredisait son témoignage ainsi que son formulaire FDA et son exposé circonstancié, dans lesquels il a indiqué qu’il avait vécu exclusivement au Pakistan entre 2008 et 2014.

[12] La SPR a conclu que, si le demandeur principal était effectivement actif dans l’industrie cinématographique, qu’il était propriétaire de son propre studio de cinéma et qu’il avait été gravement blessé en 2005 en raison de son travail, ce qui l’a amené à fuir le Pakistan pour assurer sa sécurité, les trois autres demanderesses auraient mentionné ces faits lors des entrevues de 2007. La SPR a conclu que les allégations selon lesquelles le demandeur principal travaillait dans l’industrie cinématographique et était propriétaire d’un studio en Afghanistan ou au Pakistan, n’étaient pas crédibles.

B. Absence du demandeur principal aux entrevues de 2007

[13] La SPR a observé que, durant les entrevues de 2007, Mme Sharif, Mme Rahima et Hossai ont mentionné que le demandeur principal était au courant de la demande de 2004, mais qu’il avait délibérément choisi de ne pas se présenter aux entrevues. Elles ont également indiqué que le demandeur principal leur avait dit qu’il ne souhaitait pas quitter le Pakistan.

[14] Devant la SPR, le demandeur principal a d’abord déclaré qu’il ne s’était pas présenté aux entrevues de 2007 parce qu’il ne souhaitait pas venir au Canada, puisqu’il avait un bureau à Kaboul, des contacts et des occasions d’affaires. Plus tard, il a témoigné qu’il ne s’était pas présenté aux entrevues parce qu’il tournait un film et que les routes étaient bloquées.

[15] La SPR a conclu que le témoignage du demandeur principal était incohérent. La SPR a également conclu que, si le demandeur principal avait été gravement blessé en 2005, comme il l’a soutenu, il aurait assisté aux entrevues de 2007 avec les autres demanderesses. La SPR a conclu que l’affirmation selon laquelle le demandeur principal a été attaqué en 2005 en raison de son travail dans l’industrie cinématographique, manquait de crédibilité.

C. Éléments de preuve dignes de foi insuffisants pour établir que le demandeur principal était propriétaire d’un studio de cinéma

[16] La SPR a reconnu que le demandeur principal avait déposé des documents liés à Farukhzad Film Studio, soit des affiches de film, des pochettes de DC, des cartes professionnelles, des photos et une [traduction] « proposition » qui comprenait une liste du personnel de bureau du studio. La SPR a conclu que ces éléments de preuve étaient insuffisants pour établir l’existence, le fonctionnement et la taille du studio. La SPR a fait remarquer que la mère du demandeur principal, Mme Rahima, n’était pas en mesure de nommer les films qu’il aurait produits, réalisés ou interprétés. La SPR a conclu que le demandeur principal n’avait pas présenté d’éléments de preuve objectifs démontrant qu’il avait travaillé dans l’industrie cinématographique à quelque titre que ce soit.

D. Inscriptions dans les passeports incompatibles avec d’autres documents et témoignages

[17] Mme Sharif, Mme Rahima et Hossai ont toutes déclaré dans leurs formulaires FDA respectifs qu’elles étaient restées au Pakistan de 1993 à 2014. Elles ont déclaré qu’elles ne sont pas retournées en Afghanistan durant cette période. Cependant, la SPR a noté que leurs passeports indiquaient qu’elles étaient retournées en Afghanistan à plusieurs reprises entre 1993 et 2014, y compris pour des périodes prolongées.

[18] Les inscriptions dans les passeports qui ont soulevé des préoccupations pour la SPR comprenaient les suivantes :

  • le demandeur principal a soutenu qu’il avait été agressé au Pakistan en 2005. Cependant, les timbres de son passeport indiquent qu’il n’est pas entré au Pakistan entre février 2004 et septembre 2010;

  • la fille du demandeur principal, Hossai, a déposé un certificat de mariage qui prouve qu’elle s’est mariée au Pakistan le 24 février 2014. Toutefois, son passeport indique qu’elle était en Afghanistan entre le 18 janvier 2014 et le 5 mars 2014.

[19] Lorsqu’ils se sont fait demander d’expliquer ces divergences, le demandeur principal et Hossai ont répondu que, souvent, lorsqu’ils traversaient la frontière entre l’Afghanistan et le Pakistan, il n’y avait pas d’agents de sécurité ou d’agents frontaliers. Les passeports n’étaient donc pas tamponnés. La SPR a reconnu que cette explication était possible mais, compte tenu des nombreuses autres préoccupations liées à la crédibilité, elle a décidé de formuler une conclusion défavorable quant à la crédibilité des demandeurs.

E. Omission de demander l’asile en 2005 et 2006 aux États-Unis

[20] La SPR a souligné que Mme Sharif, Mme Rahima et Hossai se sont toutes rendues aux États-Unis en 2005 et en 2006 après les attaques alléguées contre le demandeur principal. La SPR a conclu que, compte tenu de la gravité de cette attaque, il aurait été raisonnable de s’attendre à ce qu’ils demandent l’asile aux États-Unis à ce moment-là.

F. Demande d’asile de Hossai

[21] La SPR avait des préoccupations au sujet du témoignage de Hossai concernant des menaces contre le personnel de la FEHRO. Elle a conclu que son témoignage ne précisait pas si elle avait été personnellement menacée. Bien que Hossai ait déclaré dans son formulaire FDA et son exposé circonstancié qu’elle était responsable des communications à la FEHRO et qu’elle a donné des entrevues à la télévision et dans les médias, elle n’a pas été en mesure de répondre aux questions de la SPR concernant les programmes et les institutions de la FEHRO.

[22] La SPR a conclu que l’allégation de Hossai selon laquelle son ex-époux ou sa famille lui feraient du mal si elle retournait en Afghanistan ou au Pakistan, parce qu’elle a présenté une demande d’asile au Canada, est contredite par d’autres éléments de preuve qu’elle a présentés. Dans un affidavit daté de septembre 2014, l’ancien époux de Hossai affirme qu’il appuie le départ de celle-ci du Pakistan. La SPR a également souligné que, contrairement aux affirmations faites par Hossai, il semblait, d’après son affidavit, que l’ex-époux, qui travaillait également à la FEHRO, avait une attitude progressiste à l’égard des femmes et n’aurait pas exigé que Hossai retourne au Pakistan, sous la menace de violence.

[23] Enfin, Hossai a affirmé que les femmes comme elle qui reviennent de pays occidentaux sont souvent la cible de chantage et d’extorsion. La SPR a toutefois conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve crédibles ou dignes de foi selon lesquels Hossai ferait l’objet de chantage ou d’extorsion à son retour au Pakistan.

IV. Questions en litige

[24] Les demandeurs soulèvent deux questions à trancher :

A. La SPR a-t-elle manqué à son obligation d’équité procédurale envers les demandeurs?

B. Dans les circonstances, la décision de la SPR était-elle raisonnable?

V. Dispositions pertinentes

[25] Les dispositions pertinentes sont les articles 96 et 97 et l’alinéa 104(1)d) de la LIPR, reproduits à l’annexe jointe aux présents motifs.

VI. Analyse

A. Norme de contrôle

[26] Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, 441 DLR (4th) 1 [Vavilov], la Cour suprême du Canada a confirmé que la norme de contrôle applicable est présumée être celle de la décision raisonnable lorsqu’une cour contrôle une décision administrative sur le fond. La présente affaire ne soulève aucune question qui justifierait de déroger à cette présomption (Vavilov, au para 17).

[27] « [U]ne décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov, au para 85). Avant de pouvoir infirmer une décision, la cour de révision doit être convaincue qu’elle souffre de lacunes suffisamment graves; ainsi, des lacunes superficielles ou accessoires ne suffisent pas à infirmer la décision (Vavilov, au para 100). Plus important encore, la cour de révision doit examiner la décision dans son ensemble et s’abstenir de procéder à une chasse au trésor phrase par phrase, à la recherche d’une erreur (Vavilov, aux para 85 et 102).

[28] Les questions relatives à un manquement à l’équité procédurale sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, [2019] 1 RCF 121 aux para 34-35).

B. La SPR a-t-elle manqué à son obligation d’équité procédurale envers les demandeurs?

[29] Les demandeurs prétendent avoir été victimes de plusieurs manquements à l’équité procédurale. Premièrement, ils affirment que les agents d’immigration canadiens au Pakistan n’auraient pas dû interroger le frère du demandeur principal en 2007 sans lui avoir donné un préavis. Deuxièmement, ils affirment qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale lorsque Mme Sharif, Mme Rahima et Hossai ont été passées en entrevue en 2007 sans que le demandeur principal renonce explicitement à son droit d’être présent et sans qu’il ait la possibilité de présenter des observations écrites. Troisièmement, les demandeurs soutiennent que la SPR a manqué à l’équité procédurale lorsqu’elle a interrogé Hossai au sujet des programmes et des institutions de la FEHRO sans l’aviser qu’elle se ferait poser des questions sur de tels [traduction] « renseignements extrinsèques ». Quatrièmement, les demandeurs soutiennent que l’incompétence de leur premier avocat a entraîné un déni de justice naturelle en ce sens qu’il a omis de présenter des documents essentiels au succès de l’affaire. Enfin, les demandeurs soutiennent qu’ils ont subi un préjudice à leur capacité de présenter correctement leurs demandes d’asile en raison du retard déraisonnable de la SPR. L’omission par la SPR de terminer l’interrogatoire dans un délai raisonnable a mené, selon les demandeurs, à des déclarations ou à des témoignages incohérents et inexacts de leur part.

[30] Je rejette toutes les allégations des demandeurs concernant des manquements allégués à l’équité procédurale ou à la justice naturelle.

[31] Les deux premières allégations de manquement à l’équité procédurale concernent le processus entrepris relativement à la demande d’asile de 2004 et aux entrevues de 2007. Le processus d’entrevue de 2007 n’a aucun lien avec la présente demande. L’entrevue du frère du demandeur principal n’a donné lieu à aucune conclusion défavorable quant à la crédibilité. De plus, le demandeur principal a volontairement décidé de ne pas se présenter à son entrevue. On ne peut reprocher au défendeur d’avoir mené une enquête approfondie, ni de ne pas avoir entendu la réponse du demandeur principal durant certaines parties de l’enquête lorsque celui-ci a choisi de ne pas être présent. Les demandeurs tentent une contestation indirecte interdite de la décision relative à leur demande de 2004 (Canada (Procureur général) c TeleZone Inc, 2010 CSC 62, [2010] 3 RCS 585 aux para 60-61; Farhadi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 926 aux para 30-32). Si les demandeurs souhaitaient contester l’équité procédurale du processus d’entrevue qui a mené à la décision relative à leur demande de 2004, ils auraient dû le faire en demandant un contrôle judiciaire de cette décision.

[32] Deuxièmement, l’allégation selon laquelle la SPR a manqué à l’équité procédurale en posant des questions à Hossai au sujet de sa participation aux programmes et aux institutions de la FEHRO et de sa connaissance de ceux-ci n’est pas fondée. Selon Hossai, elle était l’agente des communications. Personne ne serait mieux placé qu’elle pour répondre aux questions posées par la SPR. Encore une fois, on ne peut reprocher à la SPR d’avoir fait son travail. De plus, les questions posées par la SPR portaient sur les documents déposés par les demandeurs. Ces documents ne constituaient pas des « éléments de preuve extrinsèques », comme l’affirment les demandeurs (Feng c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 386 au para 15; Begum c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 824 au para 37).

[33] En ce qui concerne l’incompétence alléguée de l’avocat, les demandeurs n’ont fait aucun effort pour se conformer au protocole de la Cour intitulé Concernant les allégations formulées contre les avocats ou contre d’autres représentants autorisés au cours des instances de la Cour fédérale en matière de citoyenneté, d’immigration et de personnes à protéger (le protocole). Le protocole établit les conditions que le demandeur doit remplir pour invoquer l’incompétence d’un avocat comme motif de contrôle judiciaire. Ces conditions sont énoncées dans l’arrêt Tapia Fernandez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 889, au paragraphe 22 :

L’avocat actuellement saisi du dossier doit aviser l’ancien avocat de l’allégation et lui indiquer qu’il dispose de sept jours pour y répondre, et il doit lui fournir une copie du protocole ainsi qu’une autorisation signée par le demandeur par laquelle ce dernier renonce au secret professionnel rattaché à l’ancienne représentation. L’avocat actuellement saisi du dossier devrait attendre une réponse avant de déposer et de signifier le dossier de la demande. Toute demande qui soulève des allégations contre l’ancien avocat doit être signifiée à ce dernier. Si la Cour décide d’accorder l’autorisation, l’avocat actuellement saisi du dossier doit remettre sans délai à l’ancien avocat une copie de l’ordonnance accordant l’autorisation.

Les demandeurs n’ont pas fourni de preuve montrant que ces conditions furent respectées. Ils ne peuvent donc pas invoquer l’incompétence de l’avocat. Voir l’arrêt R c G.D.B., 2000 CSC 22, [2000] 1 RCS 520 aux para 26-29).

[34] Enfin, l’argument du retard déraisonnable présenté par les demandeurs est sans fondement. La Cour d’appel fédérale a conclu que « l’argument du délai déraisonnable ne saurait être perçu comme un motif fécond d’annulation des décisions judiciaires » (Hernandez c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (CAF), 154 N R 231, [1993] ACF no 345 au para 4). Rien n’indique qu’un délai de six ans pour rendre une décision soit excessif dans les circonstances. La Cour a conclu que des délais beaucoup plus longs, y compris un délai de 11 ans, ne respectaient pas le seuil requis pour établir l’abus de procédure en raison de l’absence de préjudice découlant du retard (Chabanov c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 73 au para 65; Bouekassa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 655 au para 37). Le demandeur principal n’a présenté aucun élément de preuve pour corroborer son allégation de préjudice découlant du retard. Les exigences nécessaires pour démontrer un délai déraisonnable n’ont pas été respectées (Blencoe c Colombie-Britannique (Human Rights Commission), 2000 CSC 44, [2000] 2 RCS 307 aux para 156-160). Aucun élément de preuve ne démontre que les questions posées par la SPR étaient inappropriées, et les demandeurs n’ont présenté aucun élément de preuve concernant la prétendue détresse psychologique subie par le demandeur principal en raison du retard.

C. La décision de la SPR était-elle raisonnable?

[35] Les demandeurs soutiennent que la SPR a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en s’appuyant de façon déraisonnable sur la preuve du ministre, qui a été présentée dans le cadre de sa demande d’intervention de 2018. L’intervention du ministre a fourni une comparaison entre les déclarations de Mme Sharif, de Mme Rahima et de Hossai faites au cours de leurs entrevues de 2007 et les passeports, les formulaires FDA et les exposés circonstanciés respectifs des demandeurs. La SPR n’a pas indûment entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en examinant la preuve du ministre contenue dans son avis d’intervention. La SPR avait le droit d’examiner ces éléments de preuve très pertinents, qui démontraient de nombreuses incohérences, divergences et omissions dans les demandes d’asile des demandeurs.

[36] Les demandeurs soutiennent que l’intervention du ministre aurait dû être interdite par la doctrine de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée, car elle a soulevé les mêmes arguments que ceux soulevés dans la tentative du ministre en vue d’annuler la présente demande d’asile au motif qu’elle était interdite par la demande de 2004. En toute déférence, cet argument ne tient pas et applique mal la doctrine de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée. Cette doctrine s’applique pour empêcher le réexamen d’une question qui a été tranchée de façon concluante et définitive dans un litige antérieur entre les mêmes parties ou leurs ayants droit (Apotex Inc c Merck & Co, 2002 CAF 210, [2003] 1 CF 243 au para 26). L’intervention du ministre ne tentait pas de plaider de nouveau une question qui avait déjà été tranchée, mais tentait plutôt de s’opposer aux allégations des demandeurs en raison de préoccupations liées à la crédibilité. La crédibilité des allégations des demandeurs est une nouvelle question qui n’a pas été tranchée de façon concluante et définitive dans un litige antérieur entre les parties.

[37] Les demandeurs soutiennent en outre que la SPR s’est appuyée de façon disproportionnée sur leurs passeports, malgré leur témoignage selon lequel les timbres dans leurs passeports n’étaient pas complets et exacts. Les demandeurs affirment que les incohérences entre leurs passeports et d’autres éléments de preuve n’étaient pas au cœur de leur demande d’asile. Ils soutiennent qu’il aurait fallu accorder peu ou pas de poids au contenu de leur passeport. Je ne suis pas d’accord avec les affirmations des demandeurs au sujet des timbres de passeport. De toute évidence, la SPR avait le droit d’examiner les timbres de passeport conjointement avec les autres éléments de preuve concernant les allées et venues des demandeurs à divers moments. Par exemple, prenons l’affirmation du demandeur principal selon laquelle il se trouvait au Pakistan alors que les timbres montraient qu’il se trouvait en Afghanistan; l’affirmation de Hossai selon laquelle elle se trouvait au Pakistan lorsqu’elle s’est mariée alors que les timbres de son passeport indiquaient qu’elle se trouvait en Afghanistan; les allégations des deux autres demanderesses selon lesquelles elles n’étaient pas retournées en Afghanistan depuis leur réinstallation au Pakistan, alors que les timbres de leurs passeports racontaient une autre histoire. Cette preuve était très pertinente. Il incombait à la SPR de la soupeser, et non à la Cour.

[38] Les demandeurs font également valoir que l’utilisation de documents frauduleux par les demandeurs d’asile ne peut être fatale à la fiabilité de l’ensemble de leurs documents, et qu’elle est accessoire à la détermination de la crédibilité générale. Avec respect, les demandeurs interprètent mal la décision de la SPR. Il n’y a 1) aucune preuve que les passeports ou les timbres qu’ils contiennent ont été obtenus frauduleusement, et 2) rien dans la décision ne laisse croire que la SPR a mis en doute la fiabilité des autres documents des demandeurs pour ce motif.

[39] Les demandeurs soutiennent en outre que la SPR n’a pas tenu compte d’éléments de preuve pertinents. Ils affirment que la SPR a rejeté de façon déraisonnable la preuve selon laquelle la demande d’asile des fils du demandeur principal a été accueillie. Ils soutiennent que même un examen sommaire de ces éléments de preuve aurait montré à la SPR que les demandes d’asile des fils étaient liées à la même chaîne d’événements que les motifs de la demande d’asile des demandeurs. Ils soutiennent que la SPR s’est comportée de façon déraisonnable en tirant une conclusion défavorable en matière de crédibilité fondée sur le manque de connaissance de Hossai au sujet de la FEHRO. Ils affirment que la SPR n’a pas tenu compte du témoignage de Hossai, qui laissait entendre que sa [traduction] « participation aux activités de la FEHRO pouvait en effet avoir été relativement superficielle ».

[40] En ce qui concerne l’ex-époux de Hossai, les demandeurs affirment que la SPR n’a pas tenu compte des éléments de preuve qui [traduction] « brossaient un tableau différent », notamment :

  • -la preuve de l’ex-époux de Hossai selon laquelle il a quitté la FEHRO immédiatement après la fin du mariage en 2014;

  • -la preuve selon laquelle Hossai avait peu d’attachement avec son ex-époux, puisqu’elle se préparait à quitter le Pakistan avant même leur mariage;

  • -des captures d’écran de messages textes que l’ex-époux de Hossai aurait envoyés en 2018, dans lesquels il la menace.

[41] Les demandeurs soutiennent également que la SPR a indûment mis l’accent sur les divergences entre le passeport du demandeur principal et ses autres documents pour conclure qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve crédibles pour prouver, entre autres, que le demandeur principal a travaillé dans l’industrie cinématographique.

[42] Les demandeurs, par leurs arguments avancés aux paragraphes 39, 40 et 41 ci-dessus, invitent la Cour à apprécier à nouveau la preuve, ce qu’elle n’est pas autorisée à faire dans le cadre d’un contrôle judiciaire. De plus, il est bien établi en droit que les décideurs administratifs sont présumés avoir examiné l’ensemble de la preuve et ne sont pas tenus de commenter chaque élément de preuve (Florea c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 598 [Florea] au para 1). Je remarque également que la SPR a traité de la demande d’asile des fils du demandeur principal qui a été accueillie. La SPR a raisonnablement fait remarquer que chaque demande d’asile doit être tranchée selon son bien-fondé et que, par conséquent, elle n’était pas liée par la demande d’asile des fils du demandeur principal qui a été accueillie, ni par les éléments de preuve déposés à l’appui de leurs demandes d’asile.

[43] Enfin, les demandeurs prétendent que leurs droits garantis par l’article 7 de la Charte seraient violés s’ils étaient renvoyés du Canada. Ils soutiennent que, bien que la présente demande ne s’inscrive pas dans le contexte d’une mesure d’expulsion, la Cour a confirmé que l’application des droits garantis par l’article 7 peut être déclenchée à n’importe quel stade avant le renvoi effectif d’une personne (Torre c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 591 [Torre] au para 70). Cet argument n’est pas pertinent dans les circonstances, car le renvoi du Canada des demandeurs n’était et n’est pas prévu. De plus, je remarque que les demandeurs comprennent mal la décision de la Cour dans l’affaire Torre. Contrairement à ce qu’affirment les demandeurs, dans la décision Torre, la Cour indique expressément que les droits conférés à une personne en vertu de l’article 7 ne s’appliquent qu’au stade du renvoi (aux para 69-71).

[44] Même si la Cour devait accepter certains des arguments des demandeurs, le résultat demeurerait le même, car un certain nombre de conclusions importantes sur la crédibilité rendues par la SPR ne sont pas contestées. Ces conclusions non contestées comprennent les suivantes :

  • -bien que le demandeur principal ait soutenu qu’il travaillait dans l’industrie du cinéma depuis 2002, lors d’une entrevue en 2007, Mme Sharif, Mme Rahima, Hossai et le beau-frère du demandeur principal ont tous indiqué qu’il travaillait comme vendeur dans un magasin de vêtements;

  • -bien que le demandeur principal ait soutenu qu’il avait été agressé au Pakistan par des fanatiques islamiques en 2005 en raison de ses films, Mme Sharif, Mme Rahima, Hossai et le beau-frère du demandeur principal n’ont jamais mentionné cet événement lors de leurs entrevues en 2007;

  • -le demandeur principal a allégué qu’il a vécu au Pakistan de 1993 à 2005 et de 2008 à 2014. Cependant, dans ses notes manuscrites déposées le 10 février 2020, il a déclaré avoir vécu à Kaboul, en Afghanistan, de 2011 à 2013. Cette incohérence est impossible à concilier;

  • -Mme Sharif, Mme Rahima et Hossai ont soutenu qu’elles ont résidé uniquement au Pakistan de 1993 à 2014. Cependant, leurs passeports indiquent de nombreuses entrées en Afghanistan, souvent pour de longues périodes;

  • -à l’audience de la SPR, le demandeur principal a déclaré qu’il ne s’était pas présenté aux entrevues de 2007 parce qu’il ne souhaitait plus venir au Canada, puisqu’il avait un bureau et des contacts à Kaboul. Cependant, il a par la suite déclaré qu’il ne s’était pas présenté aux entrevues de 2007 parce qu’il tournait un film et qu’il était difficile de se rendre aux entrevues puisque les routes étaient bloquées. Cette incohérence n’est pas négligeable;

  • -le demandeur principal a soutenu qu’il a travaillé sur de nombreux films et qu’il était bien connu dans l’industrie cinématographique. Cependant, sa propre mère ne pouvait nommer aucun de ses films. De plus, elle n’a pas été en mesure d’expliquer pourquoi elle ne pouvait pas le faire;

  • -Hossai a affirmé qu’elle travaillait comme agente des communications à la FEHRO et que son poste consistait à donner des entrevues à la télévision et dans les médias. Cependant, elle n’a pas été en mesure de répondre aux questions concernant les programmes et les institutions de la FEHRO. On s’attendrait à ce qu’un agent des communications soit au courant de ces renseignements clés.

[45] Prises de façon cumulative, ces contradictions, incohérences et omissions concernant des éléments cruciaux des demandes d’asile des demandeurs appuient une conclusion défavorable au sujet de la crédibilité des demandeurs (Lawani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 924 [Lawani] au para 22). Les lacunes alléguées par les demandeurs, même si elles sont fondées, sont accessoires par rapport au fond de la décision (Vavilov, au para 100).

VII. Conclusion

[46] Le manque de crédibilité d’un demandeur d’asile est déterminant. Si un demandeur n’est pas cru, il n’est pas nécessaire d’examiner d’autres questions, comme la crainte objective et subjective, la protection de l’État ou les possibilités de refuge intérieur (Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 414 au para 14). En l’espèce, il a été déterminé que tous les demandeurs manquaient de crédibilité en raison de nombreuses incohérences et omissions dans leurs éléments de preuve concernant des événements essentiels à leurs demandes d’asile. Un manque de crédibilité concernant les éléments centraux d’une demande d’asile peut s’étendre à d’autres éléments de la demande et les entacher (Lawani, au para 24). Comme il a été mentionné précédemment, bon nombre des arguments des demandeurs dans le cadre du présent contrôle judiciaire invitent la Cour à apprécier à nouveau la preuve, ce qu’elle doit s’abstenir de faire (Vavilov, au para 125). Les demandeurs encouragent la Cour à effectuer une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur, plutôt que d’examiner la décision dans son ensemble (Vavilov, précité, au para 102). Les demandeurs ne tiennent pas compte non plus du principe général selon lequel les décideurs administratifs sont présumés avoir examiné l’ensemble de la preuve et ne sont pas tenus de faire référence à chacun des éléments de preuve qui leur ont été présentés (Florea, précité).

[47] La décision de la SPR était conforme à l’équité procédurale et raisonnable. La SPR a examiné en profondeur l’ensemble de la preuve dont elle disposait et a justifié chacune de ses conclusions défavorables en matière de crédibilité. Pour les motifs exposés ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

A. Question proposée aux fins de certification

[48] Les demandeurs proposent la certification de la question suivante :

[TRADUCTION]

« L’application de l’alinéa 104(1)d) de la LIPR, en vertu de l’Entente sur les tiers pays sûrs, porte-t-elle atteinte aux droits garantis par l’article 7 de la Charte des demandeurs et d’autres demandeurs d’asile se trouvant dans une situation semblable? »

[49] Les demandeurs soutiennent que l’application de l’alinéa 104(1)d) de la LIPR ne correspond pas à l’objet déclaré de l’Entente sur les tiers pays sûrs. Ils déclarent que l’objectif de cet article est [traduction] « d’empêcher les gens de demander la protection au Canada s’ils ont des demandes d’asile non fondées ou l’accès à la protection dans un autre pays ». Ils soutiennent que [traduction] « l’article 104 a pour effet de refuser un appel devant la Section d’appel des réfugiés (la SAR) à certains demandeurs d’asile uniquement parce qu’ils ont des membres de leur famille immédiate au Canada ». Selon eux, l’exception prévue à l’alinéa 104(1)d) leur permettait de demander l’asile, mais ce n’est pas vraiment une exception si on leur refuse un mécanisme d’appel.

[50] Le défendeur soutient que l’alinéa 104(1)d) de la LIPR ne se rapporte pas à l’Entente sur les tiers pays sûrs. Il affirme plutôt qu’il concerne la capacité de la SPR et/ou de la SAR de suspendre ou de cesser l’examen d’une demande d’asile s’il ne s’agit pas de la première demande d’asile reçue par un agent à l’égard d’un demandeur d’asile particulier. Par conséquent, le défendeur fait remarquer que l’alinéa 104(1)d) n’est pas la disposition qui a empêché les demandeurs d’interjeter appel de la décision de la SPR devant la SAR.

[51] Je suis d’accord avec le défendeur. Les demandeurs interprètent mal la fonction de l’alinéa 104(1)d) de la LIPR. L’article 104 n’est pas lié à l’Entente sur les tiers pays sûrs.


JUGEMENT dans le dossier no IMM-5239-20

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. La demande des demandeurs visant la certification d’une question aux fins d’examen par la Cour d’appel fédérale est rejetée.

« B. Richard Bell »

Juge


ANNEXE

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

Définition du réfugié

Convention Refugee

96 A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

96 A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

Personne à protéger

Person in need of protection

97 (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

97 (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

Avis sur la recevabilité de la demande d’asile

Notice of ineligible claim

104 (1) L’agent donne un avis portant, en ce qui touche une demande d’asile dont la Section de la protection des réfugiés est saisie ou dans le cas visé aux alinéas a.1) ou d) dont la Section de la protection des réfugiés ou la Section d’appel des réfugiés sont ou ont été saisies, que :

d) la demande n’est pas la première reçue par un agent.

104 (1) An officer may, with respect to a claim that is before the Refugee Protection Division or, in the case of paragraph (a.1) or (d), that is before or has been determined by the Refugee Protection Division or the Refugee Appeal Division, give notice that an officer has determined that

(d) the claim is not the first claim that was received by an officer in respect of the claimant.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5239-20

 

INTITULÉ :

WAHIDULLAH SHARIF, MAIMONA SHARIF, KAWKABA SHARIF, HOSSAI SHARIF c LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 13 JANVIER 2022

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE BELL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 19 MAI 2022

 

COMPARUTIONS :

Quinn Campbell Keenan

POUR LES DEMANDEURS

 

Kevin Spykerman

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Quinn Campbell Keenan

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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