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Date : 20050405

Dossier : IMM-2008-05

Référence : 2005 CF 454

Vancouver (Colombie-Britannique), le mardi 5 avril 2005

En présence de MADAME LA JUGE DAWSON

ENTRE :

                                                             HUNG PONG MAN

                                                                                                                                          demandeur

                                                                          - et -

                  LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION et

                                       LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                          défendeurs

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                PRENANT ACTE de la requête du demandeur en date du 31 mars 2005 en vue d'obtenir, en vertu de l'article 18.2 de la Loi sur la Cour fédérale ou, subsidiairement, de la compétence inhérente de la Cour, une ordonnance provisoire suspendant l'exécution de la mesure de renvoi jusqu'à ce qu'il soit statué sur la demande d'autorisation et la demande de contrôle judiciaire et autorisant l'audition de la requête à moins de deux jours de préavis conformément à l'alinéa 362(2)a) ou, subsidiairement, à l'alinéa 362(2)b) des Règles de la Cour fédérale;


[2]                RAPPELANT que le renvoi est prévu pour midi le 5 avril 2005;

[3]                VU les éléments de preuve et observations versés au dossier;

[4]                VU le consentement des avocats au prononcé d'une ordonnance supprimant le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration comme défendeur dans la présente instance;

[5]                AYANT ENTENDU les observations orales de l'avocat à la séance générale de la Cour à Vancouver, le 4 avril 2005, et ayant ajourné la séance au 5 avril 2005 pour permettre le dépôt d'un affidavit par l'agent qui a décidé de ne pas reporter le renvoi du demandeur;

[6]                ET COMPTE TENU du critère à trois volets énoncé dans Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.), et dans R.J.R Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311.

                                                                    MENTION


[7]                Concernant l'existence nécessaire d'une question sérieuse, la jurisprudence exige que le demandeur prouve que la demande n'est ni frivole ni vexatoire. Il s'agit d'un seuil faible, quoiqu'un examen plus approfondi du bien-fondé soit nécessaire lorsque le résultat de la requête interlocutoire équivaut en fait au règlement final de l'action. Voir R.J.R Macdonald Inc., précité, au paragraphe 51.

[8]                Il est de jurisprudence constante que l'agent de renvoi dispose d'un certain pouvoir discrétionnaire pour reporter le renvoi sur demande. La jurisprudence atteste que l'agent de renvoi peut à bon droit tenir compte de facteurs comme une demande CH présentée en temps voulu, mais non réglée en raison de l'arriéré du système (Simoës c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 7 Imm. L.R. (3d) 141 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 12) ou une demande CH fondée sur une menace contre la sécurité personnelle (Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] 3 C.F. 682 (1re inst.). Cependant, le report du renvoi pour cause de retard n'est pas conforme aux principes de la Loi.

[9]                En l'espèce, le report a été demandé alors que la demande de permis de séjour temporaire (PST) de M. Man était à l'étude. Les observations formulées à l'appui de cette demande n'allaient pas beaucoup plus loin que les observations formulées à l'appui de sa précédente demande pour raisons d'ordre humanitaire et de sa demande d'examen des risques avant renvoi, toutes deux rejetées (les demandes de contrôle judiciaire relatives à ces décisions ont été rejetées respectivement le 7 mars 2005 et le 20 janvier 2005). Les observations formulées à l'appui de la demande de PST et la demande proprement dite ont été fournies à l'agente de renvoi à qui le report de renvoi de M. Man avait été demandé.

[10]            L'agente de renvoi a déclaré sous serment qu'elle avait décidé de ne pas reporter le renvoi de M. Man parce qu'elle ignorait combien de temps il faudrait pour traiter la demande de PST, que ses antécédents criminels et l'avis de danger délivré à son sujet compliquaient la demande de PST et qu'il avait épuisé tous les autres recours pour rester au Canada.

[11]            En concluant ainsi, l'agente a tenu compte de l'existence de la demande de PST en instance. Comme je l'ai fait remarquer plus haut, il n'y a pas, dans la demande, d'observations concernant l'effet du renvoi de M. Man sur lui-même et sur sa famille en dehors de ce qui avait déjà été dit dans la demande pour raisons d'ordre humanitaire. Je suis convaincue, après lecture du dossier dont j'ai été saisie, que l'agente de renvoi, en concluant que M. Man avait épuisé les recours susceptibles de lui permettre de rester au Canada, a correctement tenu compte des questions qui étaient proposées à son analyse et qui recoupaient celles de la demande pour raisons d'ordre humanitaire rejetée.

[12]            Compte tenu des circonstances uniques et très particulières de l'espèce, notamment de la panoplie des recours tentés par M. Man et du caractère récent du contrôle judiciaire des décisions négatives rendues au titre de la demande pour raisons d'ordre humanitaire et de la demande d'examen des risques avant renvoi, la décision de l'agente ne paraît soulever aucune question sérieuse.

[13]            Nonobstant la décision de la Cour dans Hailu c. Canada (Solliciteur général du Canada) 2005 CF 229 (où aucune question n'a été certifiée), en toute déférence, je serais enclin à conclure que l'absence d'explications, où que ce soit, concernant le refus de reporter le renvoi (dans les notes de l'agente, dans la lettre annonçant la décision ou par affidavit) soulève une question sérieuse. La Cour est consciente du fait que le refus de reporter un renvoi peut avoir des conséquences graves pour l'intéressé (voir par exemple Thomas c. Canada (MCI) 2003 CF 1477). Je souhaite donc souligner les remarques de la Cour dans Boniowski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2004 CF 1161, à savoir que le ministre défendeur doit « encourager » , à titre de pratique ordinaire, ses agents de renvoi à conserver des notes sur l'exercice de leur pouvoir discrétionnaire lorsqu'il s'agit du report d'un renvoi.    Ces notes permettent de justifier une décision et permettent à la Cour d'examiner les allégations de discrimination, d'abus de pouvoir, d'infraction aux principes d'équité, etc. L'absence de notes, d'affidavits ou d'explications dans une lettre annonçant une décision ne doit pas, à mon sens, permettre de soustraire l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire, si limité soit-il, à un contrôle judiciaire efficace.

[14]            Compte tenu du fait qu'aucune question sérieuse n'est soulevé en l'espèce et vu le consentement des parties à l'ordonnance prévue au paragraphe 2 ci-dessous :

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La demande de sursis est rejetée.


2.          Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration est supprimé comme partie défenderesse.

         « Eleanor R. Dawson »              

Juge

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-2008-05

INTITULÉ :                                       HUNG PONG MAN c. LE MINISTRE DE

LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

et autres

LIEU DE L'AUDIENCE :                Vancouver (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :               4 avril 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                     MADAME LA JUGE DAWSON

DATE DES MOTIFS :                     5 avril 2005

COMPARUTIONS :

Warren Puddicombe                                                                  POUR LE DEMANDEUR

Caroline Christiaens                                                                   POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Embarkation Law Group                                                           POUR LE DEMANDEUR

Barristers & Solicitors

Vancouver (C.-B.)

John H. Sims, c.r.                                                                      POUR LES DÉFENDEURS

Sous-procureur général du Canada


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