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Date : 20220602


Dossier : IMM-404-21

Référence : 2022 CF 803

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 2 juin 2022

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE :

RASMIYA SHAMEEL SARHAN AL-KHAMEES

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Contexte

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue le 2 janvier 2021, par laquelle un agent d’immigration (l’agent) a rejeté la demande de résidence permanente de la demanderesse pour considérations d’ordre humanitaire.

[2] La demanderesse est une citoyenne iraquienne âgée de 65 ans. À l’appui de sa demande pour considérations d’ordre humanitaire, elle a invoqué son établissement au Canada, les conditions défavorables en Iraq, et l’intérêt supérieur des enfants touchés, soit son petit-neveu, sa petite-nièce et son petit-fils.

[3] En ce qui concerne le facteur d’établissement au Canada, l’agent a reconnu que la demanderesse avait résidé au pays pendant plus de trois ans et que des membres de sa famille vivaient au Canada. Cependant, selon l’agent, cela ne justifiait pas l’octroi d’une dispense pour considérations d’ordre humanitaire.

[4] Quant aux conditions défavorables dans le pays, l’agent a examiné les arguments de la demanderesse selon lesquels elle serait exposée à des difficultés en raison de sa foi mandéenne chrétienne. L’agent a souligné que les conditions en Iraq [traduction] « ne sont pas idéales actuellement », mais a également fait remarquer qu’une suspension temporaire des renvois (la STR) vers l’Iraq était en vigueur et a conclu que les difficultés qu’occasionnerait un renvoi vers l’Iraq s’en trouvaient atténuées.

[5] L’agent a également tenu compte des problèmes de santé de la demanderesse, y compris l’ostéoporose, la dépression et l’anxiété, ainsi que de la preuve médicale à l’appui. Cependant, selon l’agent, la demanderesse avait accès aux services publics au Canada et recevait actuellement l’aide du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées.

[6] Enfin, en ce qui concerne l’intérêt supérieur des enfants, l’agent a tenu compte du fait que la demanderesse prenait soin de sa petite-nièce et de son petit-neveu au Canada. Il a également tenu compte du fait que le petit-fils de la demanderesse, âgé de 17 ans, lui rend occasionnellement visite depuis le Michigan. Cependant, selon l’agent, la demanderesse pourrait maintenir ces relations pendant que la STR est en vigueur, puis elle pourrait entretenir ces relations par courriel, par téléphone ou par d’autres moyens si la STR était levée. L’agent était d’avis en outre que les mères seraient capables de prendre soin de leurs enfants.

[7] Après avoir examiné la demande, l’agent a conclu que la demanderesse n’avait pas établi l’existence de considérations d’ordre humanitaire qui justifierait l’octroi d’un statut de résidente permanente.

II. Question préliminaire : Intitulé

[8] La demanderesse avait, au départ, désigné le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté comme défendeur. Dans certains de ses documents, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration est également désigné.

[9] Le défendeur qu’il convient de désigner est le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, puisque c’est lui qui est chargé de l’application de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], relativement à la décision soumise au contrôle judiciaire (Sala Del Rosario c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 705, au para 18; Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22, art 5(2)b); LIPR, art 4(1)).

[10] L’intitulé est donc modifié, avec effet immédiat.

III. Question en litige et norme de contrôle

[11] L’unique question à trancher est celle de savoir si la décision de l’agent est raisonnable.

[12] Lorsqu’elle examine une décision selon la norme de la décision raisonnable, la Cour se doit se demander « si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci » Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, au para 99 [Vavilov]).

IV. Analyse

[13] La demanderesse soutient que l’agent a traité la STR comme étant un facteur déterminant pour chaque question et n’a pas pleinement évalué les autres facteurs. Elle affirme que la STR est en vigueur depuis 2003 et qu’il s’agit, en fait, d’une suspension permanente.

[14] La demanderesse soutient que l’agent n’a pas non plus évalué les facteurs indépendamment de la STR. Pourtant, la décision révèle que l’agent a tenu compte des facteurs relatifs à l’établissement au Canada et des difficultés dans le pays d’origine soulevées par la demanderesse. En ce qui concerne l’établissement au Canada, l’agent a fait remarquer que la demanderesse était au pays depuis trois ans et qu’elle entretenait une relation étroite avec les membres de sa famille. Cependant, ce facteur, à lui seul, ne justifiait pas que les exigences prévues par la loi soient levées.

[15] La demanderesse prétend qu’elle subirait des difficultés à son retour en Iraq en raison de sa foi. À cet égard, l’agent a noté que, pendant qu’elle est au Canada, la demanderesse est libre de pratiquer sa foi et que, dans l’éventualité où la STR était levée, les risques pour la demanderesse seraient évalués avant le renvoi de cette dernière. L’agent a également tenu compte des questions de santé soulevées par la demanderesse ainsi que de la preuve médicale fournie. Il s’est dit convaincu qu’elle reçoit les soins médicaux nécessaires et qu’elle a accès à des services sociaux au Canada.

[16] L’agent a examiné les observations de la demanderesse ayant trait à l’intérêt supérieur des enfants et a évalué un scénario selon lequel la STR est maintenue et un autre selon lequel la STR est levée. Cette approche est raisonnable.

[17] Tant la demanderesse que le défendeur invoquent la décision Ndikumana c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 328, dans laquelle, en ce qui concerne les considérations relatives à la STR, le juge Diner a conclu que :

Comme dans la cause Likale, la demanderesse n’a pas réussi à démontrer que le fait de rester au Canada sans statut pour une période indéterminée, compte tenu de la STR, lui causerait une difficulté inhabituelle, et une telle conclusion est donc raisonnable (Likale au para 13).

L’Agent a bel et bien analysé cet argument en ce qui concerne madame Ndikumana. Il a conclu que, bien que le fait de demeurer au Canada sans statut puisse causer des inconvénients, c’est une conséquence normale d’avoir décidé de rester au Canada sans statut […] (aux para 22-23).

[18] L’agent a correctement évalué les facteurs liés aux considérations d’ordre humanitaire et soupesé les facteurs soulevés par la demanderesse. En l’espèce, il était raisonnable et approprié que l’agent tienne compte également du fait qu’une STR était en vigueur.

V. Conclusion

[19] Dans le cadre d’un contrôle judiciaire, il ne revient pas à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve prise en compte de manière appropriée par l’agent (Vavilov, au para 125).

[20] Enfin, l’agent a examiné la preuve et a rendu une décision qui est raisonnable. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-404-21

LA COUR STATUE :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. L’intitulé est modifié par la présente pour désigner le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration comme défendeur.

  3. Il n’y a aucune question à certifier.

« Ann Marie McDonald »

Juge

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

 

IMM-404-21

INTITULÉ :

RASMIYA SHAMEEL SARHAN AL-KHAMEES c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 MAI 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MCDONALD

 

DATE DES MOTIFS :

LE 2 JUIN 2022

 

COMPARUTIONS :

Justin L. Levesque

POUR LA DEMANDERESSE

 

Kevin Spykerman

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Justin L. Levesque

Winsor (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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