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Date : 20220617

Dossier : IMM-1355-21

IMM-6074-20

Référence : 2022 CF 916

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 17 juin 2022

En présence de monsieur le juge Andrew D. Little

ENTRE :

VAN DUY PHAN

 

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

ET ENTRE :

THANH TU DUONG

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Les présentes demandes de contrôle judiciaire visent à faire annuler, en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR), les décisions ayant confirmé le rejet des demandes de visa de résident permanent présentées par les demandeurs au titre de la catégorie « démarrage d’entreprise ». Bien que les demandes aient été déposées comme deux procédures distinctes, elles ont été plaidées simultanément et le même avocat a représenté les parties demanderesses. Les demandes ont soulevé essentiellement les mêmes questions à trancher.

[2] Les agents des visas ont conclu que le principal objectif des demandeurs en concluant un accord auprès d’un incubateur d’entreprises était d’acquérir un statut ou un privilège sous le régime de la LIPR, et non d’exercer l’activité commerciale qui faisait l’objet d’un engagement écrit avec l’incubateur.

[3] Devant la Cour, les parties demanderesses ont soutenu que les décisions étaient déraisonnables en vertu des principes énoncés dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 (Vavilov).

[4] Pour les motifs qui suivent, les présentes demandes seront rejetées. En appliquant les normes énoncées dans l’arrêt Vavilov et de décisions de cours d’appel contraignantes, les demandeurs n’ont pas démontré que les agents ont commis une erreur susceptible d’être révisée, ce qui permettrait à la Cour d’intervenir pour annuler les décisions.


I. Le contexte et les faits à l’origine de la présente demande

A. La catégorie « démarrage d’entreprise » au sens de la LIPR

[5] Selon le paragraphe 12(2) de la LIPR, la sélection des étrangers de la catégorie « immigration économique » se fait en fonction de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada. Selon le paragraphe 14.1(1) de la LIPR, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration peut donner des instructions établissant des catégories de résidents permanents au sein de la catégorie « immigration économique » et peut établir des règles régissant cette catégorie.

[6] Le programme de la catégorie « démarrage d’entreprise » existe depuis le 30 mars 2013, suite à des instructions ministérielles données par le ministre à cette date. Les instructions applicables en l’espèce sont les Instructions ministérielles concernant la catégorie « démarrage d’entreprise » (2017), C Gaz I, 3523 (les Instructions ministérielles).

[7] En avril 2018, ce programme a été intégré dans le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le RIPR) grâce à des modifications apportées à la partie 6 (Immigration économique), Section 2 (Gens d’affaires) : voir DORS/2018-72. Les modifications apportées au RIPR incluaient les articles 98.01 à 98.13, qui correspondent de façon générale au contenu des Instructions ministérielles.

(1) Les Instructions ministérielles

[8] Le paragraphe 2(1) des Instructions ministérielles concerne la catégorie « démarrage d’entreprise » et la définit comme étant « composée d’étrangers qui ont la capacité de réussir leur établissement économique au Canada et satisfont aux exigences prévues au présent article ». Pour faire partie de la catégorie, le demandeur doit satisfaire aux exigences suivantes : a) avoir obtenu un engagement de la part d’un incubateur d’entreprises désigné, d’un groupe d’investisseurs providentiels désigné ou d’un fonds de capital-risque désigné (énumérés aux annexes 1, 2 et 3 des Instructions ministérielles); b) avoir atteint un certain niveau de compétence linguistique; c) avoir terminé au moins une année d’études postsecondaires au cours de laquelle il était en règle avec l’établissement d’enseignement; d) disposer d’un certain montant en fonds transférables et non grevés de dettes ou d’autres obligations financières : Instructions ministérielles, paragraphe 2(2).

[9] Un engagement consiste en un accord entre un incubateur d’entreprises désigné et un demandeur, sous la forme d’un certificat d’engagement et d’une lettre de soutien. Ces documents confirment la participation du candidat au programme concerné, les termes de l’accord et l’évaluation de la diligence raisonnable du candidat et de l’entreprise en démarrage : Instructions ministérielles, article 6.

[10] Le paragraphe 2(5) des Instructions ministérielles précise que le demandeur n’appartient pas à la catégorie « démarrage d’entreprise » si sa participation à un accord ou à une entente vise principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège au titre de la LIPR, plutôt que l’exploitation de l’entreprise visée par l’engagement.

(2) Modifications du RIPR créant la catégorie « démarrage d’entreprise »

[11] Le 11 avril 2018, le RIPR a été modifié pour inclure des dispositions relatives à la catégorie « démarrage d’entreprise ».

[12] Le paragraphe 98.01(1) du RIPR définit la catégorie « démarrage d’entreprise » comme une catégorie de personnes qui peuvent devenir des résidents permanents « du fait de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada », qui répondent aux exigences du paragraphe 98.01(2) et qui ont l’intention de résider dans une province autre que le Québec.

[13] Selon le paragraphe 98.01(2) du RIPR, un étranger appartient à la catégorie « démarrage d’entreprise » si : a) il a obtenu un engagement d’une ou de plusieurs entités désignées en vertu du RIPR et satisfaisant à d’autres exigences; b) il a atteint un certain niveau de compétence linguistique; c) il dispose d’un certain montant en fonds transférables et disponibles; d) il a démarré une entreprise admissible au sens de l’article 98.06.

[14] Selon le paragraphe 98.06(1), est une entreprise admissible à l’égard d’un demandeur l’entreprise :

  • a) dont le demandeur assure la gestion de façon active et suivie à partir du Canada;

  • b) dont une part essentielle des activités est effectuée au Canada;

  • c) qui est constituée en personne morale au Canada;

  • d) qui affiche une structure de partage de la propriété conforme aux pourcentages établis en vertu du paragraphe [98.06(3)].

[15] Le paragraphe 98.06(2) dispose qu’une entreprise qui ne satisfait pas aux exigences prévues aux alinéas a) à c) est néanmoins une entreprise admissible « si le demandeur a l’intention, après s’être vu délivrer un visa de résident permanent, de faire en sorte que l’entreprise satisfasse à ces exigences ».

[16] L’alinéa 89b) énonce, dans la partie pertinente, qu’un demandeur au titre de la catégorie « démarrage d’entreprise » ne satisfait pas aux exigences applicables de la Section 2 si le respect de ces exigences est fondé sur une ou plusieurs opérations visant principalement à acquérir un statut ou un privilège en vertu de la LIPR, plutôt que dans le but d’exploiter l’entreprise envers laquelle a été pris un engagement visé à l’alinéa 98.01(2)a).

II. Les décisions faisant l’objet du contrôle

A. La décision dans le dossier Phan

[17] Le demandeur, Thi Thu Phan, est un citoyen du Vietnam. Le 4 février 2019, il a présenté une demande de résidence permanente à titre de personne faisant partie de la catégorie « démarrage d’entreprise » en lien avec une entreprise commerciale comportant une plateforme de type réseau social à l’intention des étudiants universitaires internationaux actuels et futurs, ainsi que de leurs parents.

[18] Le demandeur a obtenu un certificat d’engagement de la part d’Empowered Startups Ltd. (Empowered), qui était un incubateur d’entreprises désigné.

[19] Un agent a envoyé au demandeur des lettres relatives à l’équité procédurale datées du 6 mars 2019 et du 3 août 2020, lesquelles soulèvent des préoccupations concernant l’alinéa 89b) du RIPR. Le demandeur a répondu par des lettres datées du 13 mars 2019 et du 27 août 2020.

[20] Dans une lettre de décision datée du 25 février 2021, un agent a rejeté la demande. Les notes de l’agent dans le Système mondial de gestion des cas (le SMGC) font état des préoccupations suivantes concernant la demande :

  • le manque de réalisations et de progrès réalisés dans l’entreprise;

  • le manque d’expérience du demandeur sur le plan technologique;

  • l’absence de preuve d’une collaboration avec un concepteur de logo pour l’application.

[21] L’agent n’était pas satisfait du travail effectué à ce jour, de la nécessité de l’entreprise au Canada, du sérieux du demandeur envers l’entreprise et du processus de diligence raisonnable et d’encadrement d’Empowered. Étant donné que le demandeur a fait peu de progrès et que son modèle commercial et son logo étaient de piètre qualité, l’agent était préoccupé par [traduction] « ce qui sembl[ait] être un manque de sérieux de la part du demandeur ».

[22] L’agent a appliqué les dispositions de l’alinéa 89b) du RIPR et a conclu que l’objectif principal du demandeur lors de son engagement avec d’Empowered était d’acquérir un statut ou un privilège en vertu de la LIPR. L’agent a donc refusé la demande de résidence permanente du demandeur au titre de la catégorie « démarrage d’entreprise » au sens de l’alinéa 98.01(2)a) du RIPR.

B. La décision dans le dossier Duong

[23] La demanderesse, Thanh Tu Duong, est une ressortissante vietnamienne qui, le 22 août 2017, a présenté une demande de visa de résident permanent en tant que personne faisant partie de la catégorie « démarrage d’entreprise ». L’entreprise de la demanderesse était une plateforme de commerce électronique destinée à mettre en relation les vendeurs d’équipements agricoles canadiens et les acheteurs potentiels au Vietnam.

[24] Un agent a envoyé à la demanderesse une lettre relative à l’équité procédurale datée du 13 janvier 2020, dans laquelle étaient soulevées des préoccupations concernant l’alinéa 89b) du RIPR. La demanderesse y a répondu par une lettre datée du 10 février 2020.

[25] Par décision datée du 23 octobre 2020, un agent a rejeté la demande. Les notes de l’agent dans le SMGC confirment des préoccupations concernant :

  • les progrès et la croissance de l’entreprise depuis août 2017;

  • l’absence de détails et d’informations concrètes sur la manière dont la demanderesse s’est personnellement impliquée dans l’entreprise depuis 2017;

  • le travail effectué au Canada : la documentation fournie par la demanderesse n’a pas atténué les craintes de l’agent quant au manque de sérieux de celle-ci. L’agent s’est inquiété d’un [traduction] « modèle d’entreprise défectueux », d’un manque de recherche de la part de la demanderesse et d’un manque d’encadrement par Empowered;

  • par ailleurs, la demanderesse n’a pas fait preuve de progrès significatifs et de sérieux pendant la période d’incubation de l’entreprise.

[26] Dans l’ensemble, l’agent des visas était préoccupé par un manque de sérieux de la part de la demanderesse. L’agent a conclu que la demanderesse, en prenant un engagement avec Empowered, avait pour objectif principal d’obtenir un statut ou un privilège en vertu de la LIPR, tel que décrit à l’alinéa 89b) du RIPR. Par conséquent, l’agent a conclu que la demanderesse n’appartenait pas à la catégorie « démarrage d’entreprise », au sens de l’alinéa 98.01(2)a) du RIPR, et a rejeté la demande.


III. Analyse

[27] Les questions relatives à ces demandes peuvent être analysées adéquatement selon deux volets :

  1. De nouveaux éléments de preuve devraient-ils être admis dans le cadre de la présente demande?

  2. La décision de l’agent était-elle déraisonnable, selon les principes énoncés dans l’arrêt Vavilov?

A. De nouveaux éléments de preuve devraient-ils être admis dans le cadre de la présente demande?

[28] La première question à trancher est celle de l’admission de nouveaux éléments de preuve dans le cadre de la présente demande en vertu de l’article 312 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles).

[29] Par un avis de requête daté du 19 novembre 2021, les demandeurs ont demandé l’admission de six pages de courriels obtenus par leur avocat le 20 octobre 2021, à la suite d’une demande présentée en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, LRC 1985, c A-1. Ces courriels étaient des communications internes entre certains employés d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) qui ont été divulguées à l’avocat le ou vers le 20 octobre 2021.

[30] D’après la correspondance déposée par l’avocat et leurs observations, je comprends que le contenu de ces courriels internes de l’IRCC a amené le défendeur à régler un certain nombre d’autres demandes de contrôle judiciaire qui devaient être entendues en même temps que ces deux demandes, en raison de préoccupations liées à l’équité procédurale ou à une crainte raisonnable de partialité.

[31] Comme les présentes demandes n’ont pas été accueillies, l’avis de requête demandait l’autorisation de déposer un affidavit joignant les courriels, afin qu’ils puissent servir dans le cadre des présentes demandes de contrôle judiciaire.

[32] Le critère d’admission d’un nouvel affidavit en vertu de l’article 312 des Règles des Cours fédérales consiste d’abord à déterminer si la preuve est admissible dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire, et si la preuve est pertinente à une question que la Cour est appelée à trancher : Forest Ethics Advocacy Association c Office national de l’énergie, 2014 CAF 88 aux para 4, 6. En ce qui concerne l’article 312 des Règles, la Cour déterminera également si l’admission du nouvel affidavit « [va] dans le sens des intérêts de la justice », et si les éléments de preuve (i) aideront la Cour, (ii) causeront un préjudice important ou grave au défendeur, et (iii) étaient connus ou auraient pu être découverts si on avait fait preuve d’une diligence raisonnable au moment où les demandeurs ont déposé les documents relatifs à leur demande de contrôle judiciaire. Tsleil-Waututh Nation c Canada (Procureur général), 2017 CAF 128 au para 11 (Tsleil-Waututh Nation). Voir également McClintock’s Ski School & Pro Shop Inc. c Canada (Procureur général), 2021 CF 471 aux para 38, 39.

[33] Pour déterminer si les éléments de preuve aideront la Cour, ils doivent être suffisamment probants pour pouvoir influer sur le résultat : Holy Alpha and Omega Church of Toronto c Canada (Procureur général), 2009 CAF 101 aux para 2, 11.

[34] En l’espèce, les demandeurs cherchent à utiliser les courriels de l’IRCC pour soutenir un argument relatif à l’équité procédurale. L’admission éventuelle d’éléments de preuve extérieurs au dossier du tribunal pour faire valoir l’iniquité de la procédure constitue une exception à la règle générale selon laquelle une cour de révision ne prend en considération que les éléments de preuve figurant au dossier dont disposait le décideur : Tsleil-Waututh Nation, aux para 97, 98; Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 aux para 19, 20. Rien dans le dossier et les observations n’indique que les demandeurs étaient au courant des problèmes d’équité procédurale ou auraient pu les soulever auprès des agents : voir par exemple Shoan c Canada (Procureur général), 2020 CAF 174, notamment aux para 3, 6-7, confirmant 2018 CF 476 aux para 157-162.

[35] Cependant, après avoir examiné les courriels et le dossier de ces demandes, je ne trouve aucun lien factuel entre les demandeurs ou leurs demandes, d’une part, et les courriels ou leur contenu, d’autre part. L’affidavit et les observations déposés à l’appui par les demandeurs n’établissent aucun lien entre les personnes qui ont rédigé ou reçu les courriels et les demandeurs ou les décisions faisant l’objet du contrôle, et je ne décèle aucun lien de cet ordre dans le dossier. Le défendeur a expressément confirmé devant la Cour que les personnes qui ont rédigé ou reçu les courriels n’ont joué aucun rôle dans les décisions concernant les demandeurs. Les observations du défendeur indiquent que les agents qui ont rendu leurs décisions et toutes les entrées dans le SMGC travaillaient dans des bureaux situés dans une ville canadienne différente de celle des auteurs ou des destinataires des courriels. Il n’y avait donc aucune possibilité que les auteurs ou les destinataires des courriels aient joué un rôle dans les décisions faisant l’objet du contrôle.

[36] Par conséquent, la nouvelle preuve proposée n’est ni pertinente ni suffisamment probante pour justifier son admission en vertu de l’article 312. La demande des demandeurs à ce propos est donc rejetée.

B. La décision de l’agent était-elle déraisonnable, selon les principes énoncés dans l’arrêt Vavilov?

(1) La norme de contrôle – Principes généraux

[37] Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable, telle que décrite dans l’arrêt Vavilov et dans d’autres décisions rendues par des cours d’appel, consiste en une évaluation fondée sur la déférence et la discipline visant à déterminer si une décision administrative est transparente, intelligible et justifiée : Vavilov, aux para 12, 13, 15. La cour de révision commence par les motifs du décideur, qui sont lus et interprétés de manière globale et contextuelle par rapport au dossier dont le décideur disposait : Vavilov, aux para 84, 91-96, 97, 103; Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67, aux para 28-33 (Postes Canada).

[38] Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti : Vavilov, notamment aux para 85, 99, 101, 105, 106, 194; Entertainment Software Association c Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, 2020 CAF 100, aux para 24-36 (Entertainment Software).

[39] La Cour suprême a relevé deux catégories de lacunes fondamentales pouvant amener la cour de révision à conclure qu’une décision est déraisonnable : le manque de logique interne du raisonnement, et une décision indéfendable sous certains rapports compte tenu des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur la décision : Vavilov, au para 101. Cependant, pour intervenir, la cour de révision doit être convaincue que la décision « souffre de lacunes graves » à un tel point qu’elle ne satisfait pas aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence. Les lacunes ou insuffisances reprochées ne doivent pas être superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision, ni constituer une « erreur mineure ». Le problème doit être suffisamment capital ou important pour rendre la décision déraisonnable : Vavilov, au para 100.

[40] Lorsque des questions d’interprétation de la loi se posent, la Cour adopte la même approche que pour les autres aspects du contrôle judiciaire : elle examine la décision administrative dans son ensemble, y compris les motifs fournis par le décideur et le résultat obtenu. La question est de savoir si la décision, y compris son interprétation par le décideur de la disposition ou des dispositions contestées, était raisonnable : Vavilov, aux para 115-124; Postes Canada, au para 41.

[41] Il incombe aux demandeurs de démontrer que la décision est déraisonnable : Vavilov, aux para 75, 100.

(2) L’agent a-t-il commis une erreur susceptible de contrôle en appliquant le mauvais régime législatif à la décision rendue dans l’affaire Duong?

[42] Dans le dossier Phan, les parties ont convenu que le RIPR s’appliquait à la décision de l’agent. Je suis de cet avis.

[43] Dans le dossier Duong, le défendeur a noté que la demanderesse avait déposé sa demande conformément aux Instructions ministérielles avant que les dispositions comparables du RIPR n’aient force de loi. Le défendeur a reconnu que l’agent aurait dû appliquer les Instructions ministérielles, mais qu’il a par erreur appliquées et fait référence aux dispositions du RIPR dans la lettre de décision et les notes du SMGC. Toutefois, le défendeur a également fait valoir que le paragraphe 2(5) des Instructions ministérielles et l’alinéa 89(b) du RIPR exigent que l’objectif principal du demandeur qui prend un engagement soit d’exploiter une entreprise, et non d’obtenir un statut ou un privilège en vertu de la LIPR. En outre, le défendeur a affirmé que le résultat de la décision de l’agent et son raisonnement n’avaient pas été affectés par sa référence fautive aux dispositions du RIPR plutôt qu’aux Instructions ministérielles.

[44] Je suis du même avis que le défendeur. Bien que l’agent se soit référé à la mauvaise source juridique, cette erreur n’a pas affecté de manière significative son raisonnement ni le résultat de la décision. Le fond de la décision en cause était le même, que ce soit au titre du paragraphe 2(5) des Instructions ministérielles ou du paragraphe 89(b) du RIPR. Par conséquent, l’erreur en l’espèce n’était pas capitale au point de miner le caractère raisonnable de la décision de l’agent sur ce motif : Vavilov, aux para 100, 101.

(3) Principale contestation du caractère raisonnable des décisions par les demandeurs

[45] Pour soutenir leurs positions principales sur le bien-fondé des demandes de contrôle judiciaire, les demandeurs ont soulevé deux arguments étroitement liés. Premièrement, les demandeurs ont soutenu que les agents avaient commis une erreur de droit en omettant de déterminer, au titre du paragraphe 98.06(2) du RIPR, s’ils avaient l’intention de satisfaire à l’exigence « [d’]assurer la gestion de façon active et suivie » après avoir obtenu un visa de résident permanent. Deuxièmement, les demandeurs ont soutenu que les agents avaient commis une erreur de droit ou rendu une décision déraisonnable parce que leur analyse au titre de l’alinéa 89b) était, en définitive, [traduction] « teintée » par le fait que les agents n’ont pas effectué la détermination requise au titre du paragraphe 98.06(2) du RIPR.

Exception – intention

(2) L’entreprise qui ne satisfait pas aux exigences prévues aux alinéas (1)a) à c) est néanmoins une entreprise admissible si le demandeur a l’intention, après s’être vu délivrer un visa de résident permanent, de faire en sorte que l’entreprise satisfasse à ces exigences.

[Non souligné dans l’original.]

Exception – intention

(2) A business that fails to meet one or more of the requirements of paragraphs (1)(a) to (c) is nevertheless a qualifying business if the applicant intends to have it meet those requirements after they have been issued a permanent resident visa.

[Emphasis added.]

[46] Les demandeurs ont par ailleurs souligné que les Instructions et lignes directrices opérationnelles de l’IRCC, intitulées Évaluation de la demande (catégorie du démarrage d’entreprise), indiquent que le programme est fondé sur le « potentiel » du demandeur et orientent les agents sur la manière d’évaluer correctement une demande :

Les présentes instructions indiquent aux agents comment évaluer adéquatement une demande présentée au titre de la catégorie du démarrage d’entreprise.

[…]

Critères d’admissibilité d’une entreprise

Pour présenter une demande, un demandeur est tenu, en vertu de l’alinéa R98.01(2)d) et du paragraphe R98.06(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, d’avoir mis sur pied une entreprise admissible. Cela signifie qu’il doit avoir créé une entité à des fins professionnelles ou commerciales dont la structure de propriété respecte les pourcentages établis par le ministre.

De plus, pour que son entreprise soit admissible, le demandeur doit satisfaire aux critères suivants ou avoir l’intention d’y satisfaire à l’obtention de sa résidence permanente :

· Le demandeur assure une gestion active et continue de l’entreprise à partir du Canada.

[…]

[Non souligné dans l’original.]

These instructions show how officers should appropriately assess an application for the start-up business class.

[…]

Criteria for a qualifying business

In order to apply, applicants are required by paragraph 98.01(2)(d) and subsection 98.06(1) of the Immigration and Refugee Protection Regulations to have started a qualifying business. This means the applicant must have formed an entity for business/commercial purposes that has an ownership structure that complies with the percentages established by the Minister.

In addition, in order to have a qualifying business, the applicant must meet the following criteria or intend to meet them upon receiving permanent residence:

· the applicant provides active and ongoing management of the business from within Canada

[…]

[Emphasis added.]

[47] Les demandeurs ont soutenu que ces dispositions leur permettaient d’avoir l’intention d’assurer une gestion active et suivie à partir du Canada après avoir obtenu leur visa de résident permanent. Autrement dit, un demandeur pourrait obtenir la résidence permanente en démontrant son intention de satisfaire aux exigences d’une entreprise admissible après qu’il ait obtenu la résidence permanente. Selon les demandeurs, les agents n’ont pas procédé en l’espèce à l’évaluation requise pour savoir si les demandeurs avaient l’intention de satisfaire aux exigences après avoir obtenu un visa de résident permanent. Au lieu de cela, et en contradiction avec leur droit d’attendre la délivrance du visa de résident permanent avant de satisfaire aux exigences, les agents s’attendaient à tort à un « résultat » ou à des progrès significatifs dans la progression de l’entreprise.

[48] Le défendeur a adopté un point de vue différent sur cette affaire. Il a fait valoir que les agents n’ont fait qu’appliquer les dispositions du paragraphe 89(b) du RIPR dans leurs décisions. Les décisions n’étaient pas fondées sur l’application du paragraphe 98.06(2) du RIPR, ni sur la conformité du demandeur aux exigences d’une « entreprise admissible » consistant à assurer la gestion active et suivie de l’entreprise à partir du Canada eau sens de l’alinéa 98.06(1)a) du RIPR, comme l’affirmaient les demandeurs dans leur argumentaire. Le défendeur a fait valoir qu’il n’y avait aucune obligation (ni en vertu de la loi, ni en vertu des lignes directrices) d’appliquer le paragraphe 98.06(2) et que, puisque les agents n’ont appliqué que l’alinéa 89b), ils n’avaient aucune raison en l’espèce d’appliquer le critère de l’intention dont il est question au paragraphe 98.06(2).

[49] Le défendeur a également soutenu que la décision des agents était raisonnable en fonction de la situation propre à chacun des demandeurs. Les agents étaient préoccupés par le manque de progrès et de réalisations observé au niveau des entreprises des demandeurs. Le défendeur a appuyé le raisonnement des agents en se fondant sur des preuves contenues aux dossiers.

[50] Tant les demandeurs que le défendeur ont déposé des éléments de preuve dont ne disposaient pas les agents et qui étaient destinés à appuyer, du moins en partie, leurs points de vue respectifs sur l’interprétation correcte des dispositions du RIPR.

(4) Application des principes juridiques

[51] J’ai d’abord déterminé si les arguments des demandeurs avaient bien été soumis à la Cour dans le cadre d’un contrôle judiciaire. La principale question concerne l’interprétation de certaines dispositions du RIPR et leur interaction : les agents pouvaient-ils prendre leurs décisions au titre de l’alinéa 89(b) du RIPR sans (d’abord, ou aussi) prendre une décision au titre du paragraphe 98.06(2)? Les demandeurs n’ont pas abordé la question dans les observations qu’ils ont présentées aux agents, et les décisions n’en ont pas tenu compte non plus.

[52] En règle générale, une cour de révision n’examine pas une question qui aurait pu être soumise à un décideur administratif, mais qui ne l’a pas été, et qui est ensuite soulevée pour la première fois lors d’un contrôle judiciaire : Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 RCS 654 aux para 23-26 (Alberta Teachers); Gordillo c Canada (Procureur général), 2022 CAF 23 au para 99; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Mason, 2021 CAF 156 au para 73 (autorisation de pourvoi à la Cour suprême accordée : dossier CSC no 39855 (3 mars 2022)) (Mason); Gomez c Canada (Procureur général), 2021 CF 1300 aux para 58-84. Toutefois, la règle générale n’exige pas que la cour de révision refuse d’entendre toute « nouvelle » question dans toute circonstance, en particulier si les considérations à l’appui de la règle générale ne sont pas invoquées : voir Ontario (Commission de l’énergie) c Ontario Power Generation Inc., 2015 CSC 44, [2015] 3 RCS 147 aux para 65-69; Alberta Teachers, aux para 5 et 27-29.

[53] Bien que les observations des parties portaient sur l’interprétation correcte des dispositions du RIPR, je suis également conscient que lorsque des questions d’interprétation législative sont soulevées dans le cadre d’un contrôle judiciaire, les arrêts Vavilov et Postes Canada indiquent que le rôle de la Cour n’est pas de se prononcer sur l’interprétation correcte des dispositions de la loi en vigueur, soit le RIPR, en l’espèce. La Cour ne procède pas à une analyse de novo de la question et ne se demande pas « ce qu’aurait été la décision correcte » : Vavilov, au para 116; Postes Canada, aux para 40, 41; Mason, au para 20.

[54] En l’espèce, je ne vois aucun obstacle à l’examen de la question soulevée par les demandeurs. La question découle d’une omission alléguée de la part des agents dans les décisions, à savoir qu’ils auraient dû effectuer une détermination prétendument requise en vertu du RIPR. La position des demandeurs serait fondée sur une interprétation implicite des dispositions des agents dans les lettres de décision et les notes du SMGC (interprétation selon laquelle l’article 89 peut être appliqué seul, sans une détermination au titre du paragraphe 98.06(2)) : voir cas similaire dans Alberta Teachers, au para 29. Le défendeur n’a pas soulevé d’objection quant aux arguments des demandeurs sur ces questions devant la Cour. Le défendeur n’a par ailleurs allégué aucun préjudice qui aurait été causé par le fait que la question n’a pas été soulevée devant les agents, comme l’incapacité de produire des preuves sur la question, et a en fait produit des preuves supplémentaires de son propre chef : Alberta Teachers, aux para 5, 28. Enfin, et conformément aux principes du contrôle judiciaire, je fonderai la présente décision sur des motifs précis qui n’incluent pas ma propre interprétation des dispositions du RIPR et qui ne feront pas obstacle à une décision future sur leur interprétation.

[55] Pour ce qui est de l’application des principes énoncés dans l’arrêt Vavilov, je conclus que les demandeurs n’ont pas démontré que les décisions des agents étaient déraisonnables. Les observations des demandeurs ne m’ont pas convaincu que les agents ont commis une erreur susceptible de contrôle en l’espèce, que ce soit en se concentrant sur l’alinéa 89b), en omettant de procéder à une détermination au titre du paragraphe 98.06(2) avant de procéder à une analyse au titre de l’alinéa 89b), ou en omettant tout simplement de tenir compte du paragraphe 98.06(2). Plusieurs raisons expliquent ma conclusion.

[56] Premièrement, les demandeurs n’ont fait mention d’aucune contrainte juridique spécifique concernant l’approche des agents ou leur interprétation ou application des dispositions du RIPR, ni sur la manière dont celles-ci interagissent. Plus spécifiquement, les demandeurs n’ont pas fait état d’un libellé explicite des dispositions qui obligeaient les agents à prendre une décision au titre du paragraphe 98.06(2). Les demandeurs n’ont pas non plus donné à penser que le libellé du RIPR établissait qu’une décision prise au titre du paragraphe 98.06(2) devait logiquement précéder une détermination au titre de l’alinéa 89(b), ou qu’une décision prise au titre de cette dernière disposition ne pouvait légalement être maintenue sans que la première ait été prise en considération. Les demandeurs n’ont fourni aucune contrainte législative spécifique dans le libellé du RIPR : voir Vavilov, au para 111; Entertainment Software, au para 33; Safe Food Matters Inc. c Canada (Procureur général), 2022 CAF 19, au para 42 (Safe Food Matters).

[57] Les demandeurs n’ont pas non plus avancé que les agents étaient contraints par un jugement de tenir compte du paragraphe 98.06(2) en premier lieu, voire d’en tenir compte tout court : Vavilov, au para 112; Entertainment Software, au para 33. En fait, les demandeurs ont plutôt fait valoir qu’il n’existait aucune jurisprudence portant sur l’interprétation de ces dispositions du RIPR.

[58] Deuxièmement, le défendeur a eu raison d’observer que les décisions des agents ne concernaient que l’application du paragraphe 89(b) du RIPR. La possible application de cette disposition était la principale question soulevée dans les lettres relatives à l’équité procédurale des agents, à laquelle les demandeurs ont eu la possibilité de répondre (ce qu’ils ont fait). Les demandeurs n’ont pas contesté le raisonnement des agents au titre du paragraphe 89(b).

[59] Troisièmement, aucune des questions que les demandeurs ont soulevées devant notre Cour relativement au paragraphe 98.06(2) du RIPR n’a été soulevée dans les observations présentées par les demandeurs aux agents, ni dans leurs réponses aux lettres relatives à l’équité procédurale. Il n’y a donc aucune raison de se demander si les agents ont ignoré une question clé ou n’ont pas réussi à s’attaquer à un argument important soulevé par les demandeurs : Vavilov, au para 128.

[60] Dans le même ordre d’idées, les arguments qu’ont invoqués les demandeurs devant notre Cour n’étaient pas fondés sur quelque chose que les agents avaient effectivement déclaré ou décidé. Ni les lettres de décision ni les notes des agents dans le SMGC ne font mention du paragraphe 98.06(2) du RIPR ou de son analyse, ou de la possibilité que les demandeurs puissent satisfaire aux exigences des alinéas 98.06(1)a) à c) après avoir obtenu la résidence permanente, ou de l’existence d’un critère d’intention. Les agents ne se sont pas non plus engagés dans une interprétation du texte, du contexte et de l’objet des paragraphes 98.06(1) et (2), ou de la façon dont l’article 89 et le paragraphe 98.06 interagissent ou sont liés l’un à l’autre : voir Vavilov, aux para 118-122. Devant la Cour, les demandeurs n’ont pas fait valoir que les décisions des agents étaient lacunaires parce qu’elles ne fournissaient pas d’explication discernable et motivée de façon raisonnée de leur interprétation (implicite) des dispositions du RIPR : voir Mason, au para 32; Alexion Pharmaceuticals Inc c Canada (Procureur général), 2021 CAF 157 (Alexion Pharmaceuticals); et Safe Food Matters.

[61] Les parties ont plaidé les présentes demandes en croyant que la Cour devrait apporter des éclaircissements sur l’interprétation des dispositions du RIPR. Chacune des deux parties a présenté de nouveaux éléments de preuve devant la Cour et a fait des observations au sujet de l’interprétation correcte des dispositions du RIPR en fonction de la politique de développement économique et des objectifs du programme d’immigration de la catégorie « démarrage d’entreprise ». Bien que cela puisse sembler contre-intuitif pour certains observateurs, je ne suis pas en mesure de me livrer à cet exercice d’interprétation. Les directives existantes de la Cour suprême et de la Cour d’appel fédérale, qui lient notre Cour, ne le permettent pas. Il incombe au décideur administratif d’interpréter les dispositions en premier lieu, sous réserve d’un contrôle ultérieur par la Cour selon la norme de la décision raisonnable (et non de la décision correcte) : voir Safe Food Matters, au para 37; Alexion Pharmaceuticals, au para 24; Mason, aux para 12, 20, 76, citant Vavilov, aux para 75, 83, 116, et Hillier c Canada (Procureur général), 2019 CAF 44.

[62] La décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Mason permet à une cour de révision d’effectuer une analyse préliminaire des dispositions dans le cadre de son évaluation du caractère raisonnable de la décision : Mason, au para 17. Toutefois, je ne peux pas m’engager dans une analyse du caractère raisonnable de la décision au regard de l’analyse par le décideur du texte, du contexte et de l’objet des dispositions (étant donné qu’il n’y en a pas eu). Je me contenterai donc d’observer qu’à première vue, les dispositions du RIPR n’ont pas contraint les décisions des agents d’une manière qui aurait entraîné un résultat différent pour les demandeurs.

[63] Pour le reste, la retenue est de mise en l’espèce, car il n’existe pas de jugements antérieurs portant sur la question et les décisions faisant l’objet du contrôle ne comportaient aucune analyse de la question d’interprétation maintenant soulevée par les demandeurs : Mason, aux para 31 et suivants. Compte tenu des arguments avancés devant la Cour et de la nature du programme d’immigration de la catégorie « démarrage d’entreprise », l’expertise du décideur peut également être un facteur à considérer lors de l’examen du texte, du contexte et de l’objet des dispositions : Mason, aux para 11, 16.

[64] Je conclus que les principaux arguments des demandeurs n’ont pas démontré que les décisions contenaient une erreur susceptible de contrôle.

(5) Autres questions soulevées par les demandeurs

[65] Dans leurs observations écrites, les demandeurs ont présenté des arguments supplémentaires que j’aborderai sommairement.

[66] Les demandeurs ont fait valoir que le défendeur aurait dû fournir une [traduction] « substitution de l’appréciation » de leurs demandes. Le paragraphe 98.10(1) du RIPR est formulé ainsi : « Si le fait de satisfaire ou non aux exigences prévues au paragraphe 98.01(2) n’est pas un indicateur suffisant de l’aptitude du demandeur à réussir son établissement économique au Canada, l’agent peut y substituer son appréciation ».

[67] Les agents n’ont commis aucune erreur susceptible de contrôle en omettant de substituer leurs propres appréciations en vertu du paragraphe 98.10(1). L’expression « peut y substituer » donne à penser que le paragraphe 98.10(1) est une disposition facultative et non pas contraignante : Cabral c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CAF 4 aux para 44, 47. Bien qu’il existe certaines situations dans lesquelles le mot « peut » n’est pas strictement permissif, les demandeurs n’ont pas fait valoir que le paragraphe 98.10(1) constitue pareille disposition.

[68] Enfin, dans la demande Phan, le demandeur a fait valoir que l’agent a déraisonnablement minimisé l’impact des restrictions imposées pendant la pandémie de COVID-19. Le demandeur a fait remarquer que des courriels internes échangés par d’autres agents indiquaient que les restrictions étaient une préoccupation légitime pour les demandeurs du programme d’immigration de la catégorie « démarrage d’entreprise ». Le défendeur a affirmé que l’agent a tenu compte de la pandémie, mais qu’il a déterminé que le demandeur n’avait pas besoin d’être au Canada pour commencer à développer un produit et que, par conséquent, les restrictions ne constituaient pas une explication suffisante pour justifier que le demandeur n’ait pas davantage progressé avec son entreprise.

[69] Je ne relève aucune erreur susceptible de contrôle dans l’analyse de l’agent. Les notes de l’agent dans le SMGC indiquent que le demandeur avait l’intention d’engager des développeurs de logiciels et des chercheurs canadiens pour l’aider à concevoir et à développer certains aspects techniques du produit, mais qu’il ne l’a pas fait. L’agent a examiné l’allégation du demandeur selon laquelle les restrictions liées à la pandémie rendaient impossible son retour au Canada pour trouver l’expertise nécessaire et embaucher des professionnels, mais il a conclu que le demandeur n’avait pas besoin de se trouver au Canada pour le faire.

IV. Conclusion

[70] Dans l’ensemble, je conclus que, selon les principes énoncés dans l’arrêt Vavilov, les demandeurs n’ont pas démontré que les décisions des agents étaient déraisonnables.

[71] Par conséquent, les présentes demandes de contrôle sont rejetées. Aucune des parties n’a proposé de question aux fins de la certification et aucune question ne sera certifiée.


JUGEMENT dans les dossiers IMM-1355-21 et IMM-6074-20

LA COUR ORDONNE :

  1. La demande d’admission de nouveaux éléments de preuve en vertu de l’article 312 des Règles des Cours fédérales est rejetée.

  2. Les demandes de contrôle judiciaire sont rejetées.

  3. Aucune question n’est certifiée en vertu de l’alinéa 74d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

« Andrew D. Little »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIERS :

IMM-1355-21 et IMM-6074-20

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

VAN DUY PHAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

THANH TU DUONG c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 NOVEMBRE 2021

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE A. D. LITTLE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 17 JUIN 2022

 

COMPARUTIONS :

Richard Kurland

POUR LES DEMANDEURS

 

Edward Burnet

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Richard Kurland

Kurland, Tobe

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LES DEMANDEURS

 

Edward Burnet

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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