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Date : 20220623


Dossier : IMM-7364-19

Référence : 2022 CF 945

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 23 juin 2022

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

CHOR, LENG

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La demanderesse est une femme de 67 ans du Cambodge qui est venue au Canada en juin 2017 pour visiter sa fille.

[2] Le 13 septembre 2017, la demanderesse a présenté une demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire en faisant valoir son degré d’établissement au Canada, ses relations personnelles et ses liens avec le Canada et le Cambodge, l’intérêt supérieur de l’enfant, sa crainte d’être discriminée au Cambodge et les conditions de vie défavorables du pays, que la demanderesse a qualifiées de [traduction] « plus dangereuses au monde ».

[3] Le 27 novembre 2019, un agent d’immigration (l’agent) a jugé que la preuve était insuffisante pour chacune des catégories que la demanderesse a soulevées pour appuyer sa demande (la décision).

[4] Pour les motifs qui suivent, je conclus que la décision était raisonnable et que la présente demande doit être rejetée.

II. Analyse de la décision

A. Établissement

[5] Au moment de la décision, cela faisait à peine un peu plus de deux ans que la demanderesse était au Canada. L’agent a examiné son établissement au Canada, qui comprenait des activités bénévoles à l’église qu’elle fréquente, comme faire le ménage et livrer de la nourriture aux sans-abris, et la déclaration de la demanderesse selon laquelle son église l’avait aidé à suivre des cours d’anglais langue seconde (ALS).

[6] L’agent a conclu qu’aucun élément de preuve ne montrait que la demanderesse suivait des cours d’ALS et que cette dernière n’avait fourni aucune lettre d’amis ou de connaissances témoignant d’un soutien communautaire.

[7] Comme la demanderesse résidait au Canada depuis un peu plus de deux ans, l’agent a conclu que la preuve ne suffisait pas à démontrer que la demanderesse s’était intégrée à la société canadienne.

[8] Au vu du dossier dont je suis saisi et sur la base des observations présentées à l’agent et de celles présentées à l’audience, je conclus que l’analyse de l’agent concernant l’établissement de la demanderesse est raisonnable.

B. Relations personnelles et liens avec le Cambodge et le Canada

[9] La demanderesse a fait principalement valoir que l’agent n’a pas tenu compte de la preuve de conditions défavorables au Cambodge et de l’effet qu’aurait un renvoi forcé dans ce pays sur sa vie personnelle. Elle a notamment invoqué l’isolement, la pauvreté, la discrimination et le manque de soutien communautaire.

[10] Comme l’agent a abordé la peur de la discrimination séparément, je ferai de même en l’espèce.

[11] La demanderesse, sa fille et l’archevêque de leur église ont tous présenté des lettres pour faire valoir que la fille de la demanderesse avait été profondément affligée depuis son divorce, le 3 novembre 2008, et qu’elle avait besoin du soutien de sa mère. La fille de la demanderesse a indiqué dans sa lettre qu’elle craignait de se suicider si sa mère était renvoyée au Cambodge.

[12] L’agent a indiqué qu’aucun élément de preuve ne corroborait cette affirmation, tel qu’un rapport psychologique ou un diagnostic, et rien ne montrait que la fille de la demanderesse avait demandé de l’aide psychologique ou autre pour l’aider à lutter contre sa dépression ou ses idées suicidaires. L’agent a également conclu que la preuve ne suffisait pas à démontrer que la demanderesse et sa fille ne pourraient garder contact à l’aide de la technologie moderne.

[13] La demanderesse a également indiqué que sa sœur vit seule au Canada et qu’elle a besoin d’aide, mais l’agent a conclu qu’il n’y avait pas d’information à l’égard de la sœur de la demanderesse ou de lettres d’appui de sa part. Le dossier dont je suis saisi soutient cette conclusion.

[14] Concernant le retour au Cambodge, l’agent souligne que la demanderesse affirme avoir été aide-ménagère sans emploi au Cambodge depuis plus de 40 ans, mais qu’elle n’a pas indiqué comment elle a subvenu à ses besoins durant ce temps.

[15] Je suis d’avis que le raisonnement de l’agent n’est entaché d’aucune erreur susceptible de contrôle compte tenu de la rareté des éléments de preuve qui lui ont été présentés.

C. Crainte de discrimination au Cambodge

[16] La demanderesse a fait principalement valoir que l’agent n’a pas tenu compte de la preuve de conditions défavorables au Cambodge et de l’effet qu’aurait un renvoi forcé dans ce pays sur sa vie personnelle. Elle a notamment invoqué l’isolement, la pauvreté, la discrimination et le manque de soutien communautaire.

[17] La demanderesse a fait principalement valoir que le Cambodge a un taux élevé de crimes et de meurtres et qu’elle n’y est pas en sécurité. La demanderesse a également indiqué que le Cambodge est un pays pauvre, où le taux de chômage est élevé. La demanderesse a déclaré qu’elle avait été victime de discrimination et harcelée [traduction] « plusieurs fois » au Cambodge. Malheureusement, encore une fois, aucun détail ni aucun exemple de discrimination ou de harcèlement subi par la demanderesse n’a été soumis à l’agent.

[18] L’agent a déclaré que le renvoi de la demanderesse au Cambodge la soumettrait à certaines difficultés; il a reconnu que certaines régions du pays étaient sous tension et que les conditions de vie n’étaient pas toujours favorables. Toutefois, la preuve objective présentée ne suffisait pas à démontrer que la demanderesse serait personnellement affectée par les tensions ou qu’elle ferait l’objet d’une discrimination au Cambodge pour quelque raison que ce soit.

[19] L’agent n’a pas indiqué que des éléments de preuve directs doivent être présentés pour démontrer que la demanderesse serait personnellement visée par des gestes discriminatoires, et j’estime qu’il n’a pas imposé la norme stricte du risque personnel en application des articles 96 et 97. À la lecture des motifs de la décision, je conclus que l’agent a simplement fait remarquer qu’il n’avait pas reçu de détails sur la nature de la discrimination que la demanderesse prétendait avoir vécue au Cambodge. Les éléments de preuve produits à l’appui de la demande étaient insuffisants.

III. Conclusion

[20] Il ressort du contenu et de la structure des observations transmises à l’agent que la demanderesse avait reçu une certaine forme d’aide juridique, mais elle était essentiellement non représentée. Au moment de l’audition de la présente demande, la demanderesse était représentée par un avocat. Ils ont fait de leur mieux pour surmonter l’absence presque totale de preuve corroborante dans le dossier.

[21] L’agent a examiné tous les renseignements soumis par la demanderesse et a fourni des motifs pour chacune des conclusions qu’il a rendues.

[22] L’analyse du degré d’établissement était insuffisante en raison de l’absence de preuve médicale corroborante et de l’absence de lettres de soutien de la part d’amis et de sa sœur. L’analyse fondée sur les difficultés était insuffisante en raison du peu de détails sur la manière dont les conditions défavorables du pays pourraient avoir une incidence négative sur la demanderesse.

[23] La demanderesse a le fardeau de faire valoir sa cause, et elle ne s’en est pas acquitté. Étant donné l’absence de preuve, je dois conclure que la décision était raisonnable.

[24] La Cour suprême du Canada a établi que, lorsqu’elle procède à un contrôle judiciaire du bien-fondé d’une décision administrative, autre qu’un contrôle lié à un manquement à la justice naturelle ou à l’obligation d’équité procédurale, la norme de contrôle présumée est la norme de la décision raisonnable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] au para 23. Bien que cette présomption soit réfutable, aucune des exceptions à la présomption n’est présente ici.

[25] L’agent peut évaluer la preuve qui lui est présentée. À défaut de circonstances exceptionnelles, les cours de révision ne modifient pas les conclusions de fait. Les cours de révision doivent également s’abstenir « d’apprécier à nouveau la preuve prise en compte par le décideur » : Vavilov au para 125.

[26] L’agent a clairement indiqué comment et pourquoi il a statué ainsi. Ainsi, chaque conclusion appartenait aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. L’analyse est intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti. Par conséquent, je suis tenue de m’en remettre à une telle décision : Vavilov au para 85.

[27] Pour tous les motifs qui précèdent, la présente demande est rejetée.

[28] Les faits en l’espèce ne soulèvent aucune question grave de portée générale à certifier.


JUGEMENT dans le dossier IMM-7364-19

LA COUR STATUE :

  1. La demande est rejetée.

  2. Il n’y a pas de question grave de portée générale à certifier.

« E. Susan Elliott »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mélanie Lefebvre


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-7364-19

 

INTITULÉ :

CHOR, LENG c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 13 septembre 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ELLIOTT

 

DATE DES MOTIFS :

Le 23 juin 2022

 

COMPARUTIONS :

Aleksei Grachev

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Susan Gans

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Aleksei Grachev

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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