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Date : 20010904

Dossier : IMM-516-00

Référence neutre : 2001 CFP1 985

ENTRE :

                                                    YOKANANTHAM ARUMUGAM

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, en vertu du paragraphe 82.1(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi),de la décision rendue le 18 janvier 2000 par une agente d'immigration, ainsi que d'une demande d'ordonnance pour annuler ladite décision par laquelle la demande pour obtenir le droit d'établissement à partir du Canada pour des considérations humanitaires a été rejetée.


Contexte

[2]                 Le demandeur est un citoyen du Sri Lanka, un Tamoul du Nord de ce pays. Sa demande de protection comme réfugié au sens de la Convention a été rejetée en janvier 1998, de même que fut rejetée en avril 1999 sa demande subséquente de protection en vertu des dispositions réglementaires concernant la « catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada » (la CDNRSRC). Les demandes d'autorisation pour le contrôle judiciaire de ces deux décisions ont été rejetées. En juillet 1998, le demandeur a présenté une demande d'étude de son cas pour considérations humanitaires. Il a subi une entrevue en mars 1999 au cours de laquelle le préposé à l'entrevue a fait remarquer que le rapport portant sur la question de la CDNRSRC avait été demandé alors que la décision sur les considérations humanitaires était toujours attendue. En décembre 1999, sa demande d'étude pour considérations humanitaires a été examinée. Le demandeur a été avisé de la décision défavorable le 18 janvier 2000.

Questions en litige

[3]                 Le demandeur soulève les questions suivantes :

a)         l'agente d'immigration a-t-elle manqué à son devoir d'agir équitablement en examinant des informations étrangères au litige sans donner au demandeur l'occasion de contrer les réserves qu'elle avait?


b)         l'agente d'immigration a-t-elle manqué à son devoir d'agir équitablement en rendant une décision fondée sur des données caduques, sans donner au demandeur l'occasion de parler des conditions qui régnaient alors au Sri Lanka?

c)         l'agente d'immigration a-t-elle commis une erreur de droit en tirant des conclusions déraisonnables après avoir omis ou mal interprété des éléments de preuve?

Examen des questions en litige

[4]                 Le demandeur soutient que l'agente d'immigration a manqué à son devoir d'agir équitablement en se référant à de l'information le concernant sans lui donner l'occasion de présenter son point de vue.

[5]                 Le demandeur souligne que les notes rédigées par l'agente d'immigration en décembre 1999 révèlent qu'elle avait émis des réserves relativement à sa demande d'aide sociale en juin 1999. Elle a aussi signalé qu'il possédait 6 000 $ d'économies, avant de conclure qu'il n'était pas suffisamment installé au Canada. Le demandeur soutient n'avoir pas reçu d'aide sociale en 1999 et ne pas en avoir reçu après les premiers mois suivant son arrivée au Canada. Il insiste sur le fait que même si l'agente savait qu'il avait un emploi et qu'elle avait constaté qu'il avait des économies de 6 000 $, la possibilité qu'il ait pu demander de l'aide sociale après son entrevue de mars 1999 avait paru la préoccuper.

[6]                 Le demandeur fait valoir que si un agent d'immigration s'appuie sur des éléments de preuve qu'il a obtenus au sujet d'une personne, ces éléments de preuve doivent être divulgués et cette personne doit avoir l'occasion de contrer tout doute ou de fournir des explications, une occasion dont lui-même n'a pas bénéficié. Au paragraphe 15 de la décision Haghighi c. M.C.I. (1999) 174 F.T.R. 123 (C.F. 1re inst.), le juge Gibson a dit qu'en étudiant une demande fondée sur des considérations humanitaires, il faut, par souci d'équité, que le demandeur ait l'occasion de prendre connaissance des éléments de preuve examinés par l'agent d'immigration et de les commenter. Il s'est exprimé comme suit :

Il me semble plutôt que la question est maintenant de savoir si l'agent d'immigration, en omettant de divulguer un document comme la recommandation d'un agent de révision et ses motifs, et plus tard en se fondant sur celui-ci, a privé la personne ou les personnes dont les intérêts étaient en jeu, en l'occurrence le demandeur, « d'une occasion valable de présenter [sa] position pleinement et équitablement » ou a privé le demandeur « d'une possibilité valable de présenter les divers types de preuves qui se rapportent à [son] affaire et de les voir évalués de façon complète et équitable » .

[7]                 Le demandeur soutient qu'en négligeant de l'aviser de ses réserves quant à la possibilité qu'il ait reçu de l'aide sociale, l'agente d'immigration a manqué à son devoir d'agir équitablement. S'il avait été conscient de ces réserves, il aurait pu les contrer.


[8]                 Le défendeur fait valoir que bien qu'il soit fait mention de l'aide sociale aux notes de l'agente, aucune preuve ne démontre qu'elle s'est appuyée sur quelque information concernant l'aide sociale, ni que cette question de l'aide sociale a constitué un facteur décisif. Dans les notes de l'agente d'immigration, il est reconnu, sans plus de commentaires, que l'information versée au dossier au sujet d'une demande d'aide sociale en juin 1999 n'était pas vérifiée. Il est aussi noté que le demandeur a occupé un emploi depuis 1996. L'absence de preuve que l'agente se serait appuyée sur cette information au préjudice du demandeur mérite d'être soulignée.

[9]                 Les mentions suivantes figurent dans les notes rédigées le 7 décembre 1999 par l'agente d'immigration : [traduction] « ... sujet envoyé par l'aide sociale = Peel en juin 99 » , et ensuite, le 11 décembre 1999, [traduction] « demande d'aide sociale de juin 1999 non vérifiée » . Il y est aussi clairement dit que le demandeur a occupé un emploi au Canada depuis 1996. Ces mentions ne signifient pas que l'agente a estimé que la référence à l'aide sociale constituait un facteur particulièrement défavorable dans l'appréciation de la demande, quoique ce facteur soit l'un de ceux considérés. Les décisions de la Section du statut de réfugié (SSR) concernant la revendication du statut de réfugié du demandeur, la décision portant sur sa demande pour que lui soit attribuée la qualité de « demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada » (DNRSRC) et l'absence de toute famille immédiate au Canada (puisque tous les membres de sa famille sont restés au Sri Lanka), sont autant de facteurs plus importants dont il a été tenu compte.

[10]            Les commentaires contenus aux notes de l'agente d'immigration, fondement apparent de sa décision, s'appuient sur les conclusions quant à la crédibilité du demandeur, sur les décisions défavorables de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR), sur la décision portant sur la qualité de DNRSRC ainsi que sur le rejet des demandes antérieures de contrôle judiciaire. Cela est manifeste à la fin des commentaires de l'agente d'immigration :

[traduction] Noté : CISR n'a pas estimé que la preuve sur le temps passé dans le Nord était digne de foi - CISR a aussi estimé que l'histoire du sujet n'était pas digne de foi.


Cas envoyé pour risque DNRSRC - une décision défavorable a été rendue en AVR. 99

Peu ou pas d'aptitude dans les langues officielles - installation insuffisante - Pas convaincue que le sujet subirait une contrainte excessive s'il devait quitter le CDA et retourner dans son pays.

[11]            Dans les circonstances, je ne suis pas convaincu que le défaut de l'agente d'immigration d'avoir informé le demandeur des réserves qu'elle avait concernant une demande d'aide sociale qu'il aurait faite, semble-t-il, en juin 1999, avant sa décision transmise par lettre le 18 janvier 2000, justifie l'annulation de ladite décision. Même si le demandeur avait dissipé les doutes de l'agente quant à une possible demande d'aide sociale, cela n'aurait pas eu d'incidence sur les réserves qu'elle avait sur d'autres points, notamment sur les évaluations antérieures de son dossier et de sa crédibilité.


[12]            En ce qui concerne la question des éléments de preuve périmés, la demande fondée sur des considérations humanitaires a été faite en juillet 1998, et le demandeur a subi une entrevue en mars 1999, huit mois plus tard. Le refus de sa demande pour que lui soit attribuée la qualité de DNRSRC est daté d'avril 1999. En décembre 1999, l'agente d'immigration a étudié sa demande pour considérations humanitaires en s'appuyant sur des informations obtenues en mars et avril 1999. En général, l'écoulement du temps n'est pas une cause de manquement au devoir d'agir équitablement. Cependant, compte tenu de la rapidité des changements survenus au Sri Lanka et de la présence de l'épouse du demandeur dans une région tamoule, on fait valoir qu'il n'était pas équitable que, avant de rendre sa décision, l'agente d'immigration se soit appuyée sur des évaluations des conditions régnant au Sri Lanka fondées sur des éléments de preuve disponibles en mars et avril 1999, sans examiner les conditions qui y régnaient en décembre 1999, ou sans au moins donner au demandeur l'occasion de faire part de sa perception de la situation alors existante.

[13]            L'agente d'immigration s'est appuyée sur les arguments présentés par le demandeur dans sa demande de juillet 1998 fondée sur des considérations humanitaires, sur son entrevue de mars 1999 et sur l'appréciation de la demande d'avril 1999 pour que lui soit attribuée la qualité de DNRSRC. Elle a relevé que l'épouse du demandeur était retournée dans son village après avoir séjourné dans un camp. Selon le demandeur, tout cela démontre que l'agente n'était pas au courant de la situation véritable. Il insiste sur le fait que le village était dans une zone de conflits et que son inquiétude pour sa famille grandissait à mesure que se détériorait la situation dans cette région du pays. En tant que Tamoul du Nord, le demandeur ne croit pas avoir le droit de résider à Colombo et il ne pouvait probablement pas retourner chez lui dans le Nord. Et même s'il pouvait y retourner, il aurait été risqué pour lui de le faire à cause des opérations militaires en cours. Il souligne que cette information aurait été pertinente pour que l'agente puisse apprécier les contraintes qu'il pourrait subir à son retour au Sri Lanka.


[14]            Le défendeur nie que l'agente d'immigration ait empêché le demandeur de fournir de l'information complémentaire à jour au sujet du risque encouru après son entrevue de mars 1999. Il incombe au demandeur de convaincre l'agent qu'il existe des raisons spéciales de le dispenser de l'application normale de la Loi sur l'immigration. Pour s'acquitter de son devoir d'agir équitablement, l'agent doit certes donner au demandeur l'occasion de produire tous les éléments de preuve, y compris de la documentation écrite, au soutien d'une demande fondée sur des considérations humanitaires. En l'espèce, rien n'indique que l'agente a manqué à cette obligation.

[15]            Le défendeur soutient que l'agente d'immigration a fait un examen complet et équitable de tous les éléments de preuve pertinents présentés par le demandeur dans sa demande fondée sur des considérations humanitaires. Elle s'est en outre judicieusement appuyée sur des renseignements provenant de la revendication du statut de réfugié par le demandeur (jugée irrecevable), de l'évaluation des risques comme personne de la catégorie des DNRSRC (qualité non attribuée), de même que du demandeur lui-même dans sa demande fondée sur des considérations humanitaires.

[16]            L'affirmation du demandeur voulant que l'agente ait négligé de tenir compte de l'évolution de la situation au Sri Lanka repose sur sa perception que l'agente a fait une entorse à l'équité en se fiant à des données que le demandeur estime caduques. À mon avis, cela ne constitue pas un fondement permettant à la Cour d'annuler la décision en l'espèce. Il incombe au demandeur de convaincre l'agent que des circonstances d'ordre humanitaire justifient de le dispenser des exigences normales de la loi.


[17]            Après l'entrevue de mars 1999, l'agente d'immigration n'a pas cherché d'information nouvelle ou plus récente sur le pays en s'adressant au demandeur ou à d'autres sources (sauf pour la décision concernant la qualité de DNRSRC) mais, à mon avis, elle n'avait pas l'obligation de le faire. En tout temps après l'entrevue et avant la décision, il était loisible au demandeur de présenter des informations complémentaires pertinentes de nature personnelle ou relatives à l'évolution de la situation au Sri Lanka. Il ne l'a pas fait. L'agente d'immigration a rendu une décision fondée sur la preuve qui était devant elle. Je ne puis être d'accord avec l'idée que la procédure n'était pas équitable ou que la décision était déraisonnable, alors que le demandeur n'a pris aucune initiative pour fournir de l'information additionnelle sur les conditions régnant dans le pays, conditions qui, à son avis, allaient se détériorant pendant l'année 1999. La responsabilité de l'agente d'immigration était d'examiner la demande d'admission fondée sur des considérations humanitaires en s'appuyant sur les éléments de preuve produits par le demandeur et sur tout élément de preuve contenu aux dossiers d'immigration du demandeur ou fourni par le ministre, et elle s'en est acquittée.


[18]            Le demandeur soutient que les conclusions de l'agente d'immigration étaient déraisonnables parce qu'elles n'étaient pas étayées par la preuve, ou parce qu'elles découlaient d'une mauvaise compréhension de la preuve. Bien qu'elle ait fait allusion aux deux frères du demandeur restés au Sri Lanka, elle a omis de considérer le fait que celui-ci ignore où ils se trouvent, ni même s'ils sont encore vivants. L'agente a de plus conclu que le demandeur avait peu ou pas de compétence dans les langues officielles du Canada alors qu'il n'y avait devant elle aucun élément de preuve à cet effet. Le demandeur fait valoir que l'agente a présumé qu'il ne pouvait pas parler anglais parce qu'il a utilisé les services d'un interprète, une conclusion injustifiée et à propos de laquelle il n'a pas été interrogé lors de l'entrevue. Enfin, l'agente a conclu d'une seule lettre de l'épouse du demandeur que le fait d'être seule la rendait anxieuse. L'agente a retenu une partie de la lettre mais elle n'a pas prêté attention à d'autres éléments importants qui révélaient sa peur de l'armée sri-lankaise.

[19]            Le défendeur soutient que l'agente d'immigration s'est principalement appuyée sur des renseignements provenant de la revendication du statut de réfugié par le demandeur (jugée irrecevable), de l'évaluation des risques comme personne de la catégorie des DNRSRC (qualité non attribuée) ou du demandeur lui-même dans sa demande fondée sur des considérations humanitaires. Il fait valoir que l'agente d'immigration a fait, dans le cadre de cette demande, un examen complet et équitable de toutes les questions pertinentes soulevées par le demandeur et qu'elle a rendu une décision raisonnable.


[20]            La mention que fait l'agente d'immigration des frères de M. Arumugam au Sri Lanka reposait à mon avis sur des éléments de preuve présentés par le demandeur lui-même dans sa revendication du statut de réfugié; elle n'est donc pas sans fondement dans la preuve qui lui a été régulièrement soumise. Il en est de même pour la mention de l'épouse du demandeur aux notes de l'agente. Je comprends de ces notes que les deux mentions servaient d'assise à l'appréciation des liens familiaux étroits du demandeur. Des lettres de cinq cousins ou cousines et d'une tante vivant au Canada ont été présentées au soutien de sa demande pour considérations humanitaires, mais l'appréciation de l'agente est conforme à la preuve qu'il a présentée sur l'endroit où se trouvaient les membres de sa famille immédiate : [traduction] « pas de liens familiaux étroits - cousins au dossier. Épouse maintenant de retour au village et 2 jeunes enfants de 9 et 11 ans au Sri Lanka - A aussi 2 frères au Sri Lanka » (notes de l'agente). De même, le commentaire sur l'anxiété de l'épouse restée seule est-il conforme à une remarque contenue dans la lettre jointe par le demandeur à sa demande pour considérations humanitaires.

[21]            Il semble effectivement qu'il n'y ait pas de fondement probant à l'appréciation qu'a faite l'agente de la compétence de M. Arumugam dans les langues officielles puisque celui-ci, entendu grâce aux services d'un interprète comme c'était son droit, n'a pas été interrogé sur sa compétence dans l'une ou l'autre des langues officielles au Canada. Cette appréciation dénuée de fondement probant a été faite par erreur. On ne peut cependant dire que la décision de l'agente reposait sur cet élément au point que la Cour devrait intervenir.

La norme d'examen

[22]              Dans l'arrêt Baker c. Canada (M.C.I), [1999] 2 R.C.S. 817, la Cour suprême du Canada a jugé que la norme d'examen pour les décisions traitant de considérations humanitaires est celle de la décision raisonnable simpliciter. La Cour a cependant reconnu qu'on devrait faire preuve d'une retenue considérable envers le ministre ou sa représentante qui exercent la discrétion que leur confère la Loi. S'exprimant au nom de la Cour, le juge L'Heureux-Dubé a dit :


[_62]    Tous ces facteurs doivent être soupesés afin d'en arriver à la norme d'examen appropriée. Je conclus qu'on devrait faire preuve d'une retenue considérable envers les décisions d'agents d'immigration exerçant les pouvoirs conférés par la loi, compte tenu de la nature factuelle de l'analyse, de son rôle d'exception au sein du régime législatif, du fait que le décideur est le ministre, et de la large discrétion accordée par le libellé de la loi. Toutefois, l'absence de clause privative, la possibilité expressément prévue d'un contrôle judiciaire par la Cour fédérale, Section de première instance, et la Cour d'appel fédérale dans certaines circonstances, ainsi que la nature individuelle plutôt que polycentrique de la décision, tendent aussi à indiquer que la norme applicable ne devrait pas en être une d'aussi grande retenue que celle du caractère « manifestement déraisonnable » . Je conclus, après avoir évalué tous ces facteurs, que la norme de contrôle appropriée est celle de la décision raisonnable simpliciter.

[Non souligné dans l'original.]

[23]            Dans la décision I.G. c. M.C.I. (1999), 177 F.T.R., 76 (C.F. 1re inst.), le juge Lemieux a dit :

Non seulement l'arrêt Baker [supra] exige-t-il que les agents d'immigration aient une démarche plus ciblée, mais il confère également une nouvelle responsabilité, plus « pratique » , au juge de révision. Le juge de révision doit considérer « en profondeur » la décision fondée sur des motifs d'ordre humanitaire et déterminer si elle est raisonnable, en examinant les motifs pour voir s'ils résistent à l'examen assez poussé sur le fondement de la preuve.

[1]         Habituellement, la question de l'équité procédurale observée par le décideur ne met pas en cause la norme d'examen. Pourtant, si cette question affecte la constatation des faits par le décideur, elle touche le caractère raisonnable de la décision, la Cour devant apprécier l'importance des faits examinés par rapport à la conclusion, soit que la partie affectée par celle-ci n'ait pas bénéficié d'une possibilité raisonnable de les commenter, soit que les faits n'aient pas été appuyés par un élément de preuve. L'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, modifiée, traite de ce « caractère raisonnable » quand il prévoit que la Cour peut octroyer des mesures de réparation lorsqu'une décision est fondée sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou lorsqu'elle ne tient pas compte des éléments dont disposait le décideur. Apprécier le fondement d'une décision contestée peut, comme c'est ici le cas, exiger que le tribunal de révision établisse l'importance qu'avait la conclusion erronée dans la décision.


[24]            En l'espèce, le défaut de donner au demandeur l'occasion de contrer les réserves de l'agente d'immigration quant à sa demande d'aide sociale ainsi que l'évaluation de sa compétence restreinte dans les langues officielles du Canada ne justifient pas, à mon avis, l'annulation de la décision. Ces faits n'ont pas eu d'incidence importante sur la décision de l'agente. En aurait-elle tiré une conclusion contraire, à savoir qu'aucune demande d'aide sociale n'avait été faite en 1999 et que M. Arumugam maîtrisait les deux langues officielles, sa décision aurait été la même. Celle-ci était surtout fondée sur d'autres facteurs et d'autres éléments de preuve.

[25]            À mon avis, les erreurs de fait spécifiquement commises par l'agente se rapportent essentiellement à l'adaptation du demandeur à la vie au Canada, un sujet qui n'est que peu pertinent pour apprécier les considérations humanitaires soulevées.

[26]            Somme toute, les conclusions qui sont ici contestées ne constituent pas des facteurs importants dans la décision. À mon avis, le caractère généralement raisonnable de la décision n'est pas entaché de quelque injustice ou erreur qu'aurait commise l'agente en tirant ces conclusions particulières. En l'espèce, il est évident que l'agente s'est surtout appuyée sur la décision de la SSR concernant la revendication du statut de réfugié du demandeur. Les notes de l'agente contiennent les commentaires suivants :

[traduction] sujet est un demandeur débouté -

noté : CISR n'a pas estimé que la preuve sur le temps passé dans le Nord était digne de foi -

CISR a aussi estimé que l'histoire du sujet n'était pas digne de foi.


Elle s'est aussi inspirée de la décision défavorable d'avril 1999 sur les risques encourus comme DNRSRC, décision qui concluait en substance qu'il n'y aurait aucun risque sérieux pour le demandeur à retourner au Sri Lanka. Elle a enfin tenu compte de l'absence de liens familiaux étroits au Canada, sa famille immédiate demeurant au Sri Lanka.

[27]            À partir des évaluations antérieures de la situation du demandeur et après avoir examiné sa demande fondée sur des considérations humanitaires ainsi que ses observations à ce sujet, l'agente ne s'est pas trouvée « convaincue que le sujet subirait une contrainte excessive s'il devait quitter le Canada et retourner dans son pays » .

Conclusion

[28]            Compte tenu de la conclusion tirée par l'agente d'immigration à partir des éléments de preuve fournis, je ne suis pas convaincu que la décision de rejeter la demande pour considérations humanitaires était déraisonnable.

[29]            Une ordonnance rejetant la demande est rendue.


[30]            Aucune question n'a été proposée pour certification en application du paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration et aucune question n'est certifiée.

« W. Andrew MacKay »

                                                                                                        _____________________________

Juge

OTTAWA (Ontario)

Le 4 septembre 2001

Traduction certifiée conforme

Nicole Michaud, LL.L., M. Trad.


Date : 20010904

Dossier : IMM-516-00

Ottawa (Ontario), le 4 septembre 2001

En présence de Monsieur le juge Mackay

ENTRE :

                                                    YOKANANTHAM ARUMUGAM

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                                                                                   

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

ATTENDU QUE le demandeur a présenté une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 18 janvier 2000 par une agente d'immigration agissant au nom du ministre défendeur, ainsi qu'une demande d'ordonnance pour annuler ladite décision, par laquelle sa demande pour obtenir le droit d'établissement à partir du Canada pour des considérations humanitaires a été rejetée;

ATTENDU QUE les avocats des parties ont été entendus le 5 décembre 2000 à Toronto (Ontario), que la décision a été reportée et que les observations alors présentées ont été examinées;


                                                                     ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE la demande soit rejetée.

« W. Andrew MacKay »

____________________________

Juge

Traduction certifiée conforme

Nicole Michaud, LL.L., M. Trad.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                IMM-516-00

INTITULÉ :                                Yokanantham Arumugam c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :         Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :       le 5 décembre 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Monsieur le juge Mackay

DATE DES MOTIFS : le 4 septembre 2001

COMPARUTIONS :

Barbara Jackman                                                               POUR LE DEMANDEUR

David Tyndale                                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jackman, Waldman & Associates                                    POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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