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Date : 20220712


Dossier : IMM-973-21

Référence : 2022 CF 1023

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 12 juillet 2022

En présence de monsieur le juge James W. O’Reilly

ENTRE :

IMAN FAMENIAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Vue d’ensemble

[1] En 2018, M. Iman Famenian a demandé l’asile au Canada au motif qu’il craignait d’être victime de persécution religieuse en Iran, vu qu’il est chrétien. Il a déclaré y avoir été arrêté, battu et menacé après avoir assisté à un rassemblement dans une église. La Section de la protection des réfugiés [la SPR] a rejeté la demande d’asile de M. Famenian en raison de l’insuffisance d’éléments de preuve crédibles.

[2] En 2019, M. Famenian a interjeté appel de la décision de la SPR auprès de la Section d’appel des réfugiés [la SAR]. Il a présenté à la SAR des éléments de preuve qui, à son avis, étaient nouveaux, mais elle a conclu que la plupart de ces éléments ne l’étaient pas ou qu'ils n’étaient pas pertinents pour sa demande d’asile. La SAR a donc rejeté l’appel de M. Famenian, faute d’éléments de preuve dignes de foi. Elle a également confirmé la conclusion de la SPR selon laquelle M. Famenian n’est pas un chrétien authentique.

[3] Monsieur Famenian soutient que la SAR a rejeté à tort ses nouveaux éléments de preuve, qu’elle a conclu de manière déraisonnable que ses éléments de preuve n'étaient pas crédibles et qu’elle n’a pas adéquatement examiné le risque auquel il serait exposé s’il retournait en Iran. Il me demande d’annuler la décision de la SAR et de renvoyer l’affaire à un tribunal différemment constitué pour qu’il procède à un nouvel examen de son appel.

[4] Je ne vois aucune raison d’annuler la décision de la SAR. La SAR a exclu à raison les éléments de preuve qualifiés de nouveaux par M. Famenian, elle a tiré une conclusion raisonnable quant à la crédibilité de la preuve à l’appui et elle a adéquatement examiné le risque qu’il courrait s’il retournait en Iran. En conséquence, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

[5] Il y a trois questions en litige :

  1. La SAR a-t-elle indûment exclu de nouveaux éléments de preuve?

  2. Les conclusions de la SAR quant à la crédibilité étaient-elles déraisonnables?

  3. La SAR a-t-elle omis de tenir compte du risque auquel M. Famenian allait être exposé lors de son retour en Iran?

II. La décision de la SAR

[6] La SAR a examiné les éléments de preuve censément nouveaux présentés par M. Famenian. Je me prononcerai uniquement sur les documents qui, selon M. Famenian, ont été exclus à tort.

[7] Monsieur Famenian a fourni à la SAR un certificat médical de 2019 émanant de la clinique médicale Willowdale, qui indiquait qu’il s’était plaint d’oublis et de difficultés à se concentrer. L'auteur du certificat mentionnait des visites de M. Famenian à la clinique et faisait allusion à des problèmes de santé mentale, mais il ne donnait aucun détail supplémentaire. La SAR a conclu que M. Famenian n’avait pas expliqué pourquoi le certificat n’avait pas pu être présenté plus tôt, comme l’exige le paragraphe 110(4) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (voir l’annexe).

[8] En ce qui concerne la lettre émanant de la mère de M. Famenian, la SAR a reconnu qu’elle n'avait pu raisonnablement être fournie plus tôt. Toutefois, elle a conclu que le contenu de la lettre n’était ni crédible ni nouveau : il contredisait en fait le témoignage de M. Famenian au sujet du degré de collaboration de sa mère avec un agent qui l’a aidée à obtenir un visa de résident temporaire pour lui.

[9] Monsieur Famenian a également fourni à la SAR la copie d’une citation à comparaître comportant une allégation d’apostasie contre lui. Il n’a pas expliqué comment ni à qui la citation à comparaître avait été signifiée. De plus, le document n’était pas daté et ne fournissait aucune précision sur la date et l’endroit où M. Famenian devait comparaître, ces détails étant normalement énoncés dans une citation à comparaître. Or, selon le texte de la citation à comparaître, un défaut de comparution entraînerait l’arrestation de M. Famenian, mais rien dans la preuve n’indique qu’un mandat d’arrêt aurait été délivré contre lui. La SAR a conclu que la citation à comparaître n’était pas un élément de preuve crédible.

[10] Au sujet de la crédibilité personnelle du demandeur, la SAR a fait remarquer que la transcription de l’audience devant la SPR démontrait que M. Famenian avait compris les questions qu’on lui avait posées et que la SPR avait dûment tenu compte de la formation et de l’expérience de M. Famenian, ainsi que du stress lié au fait de témoigner, lors de l’évaluation de sa crédibilité. La SAR a reconnu que le témoignage de M. Famenian était présumé vrai et elle a ensuite examiné les éléments de preuve qui, selon la SPR, présentaient des incohérences.

[11] La SAR a souligné que M. Famenian avait déclaré que sa mère n’avait communiqué avec l’agent qu’une seule fois, qu’elle ne lui avait fourni aucun document et qu’il n’avait lui-même eu aucun contact avec l’agent. La SAR a jugé que ces trois affirmations étaient contredites par d’autres éléments de preuve au dossier et elle a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité de M. Famenian.

[12] S'agissant du risque auquel M. Famenian pourrait être exposé en tant que chrétien pratiquant lors de son retour en Iran, la SAR a conclu que M. Famenian semblait posséder une certaine connaissance de la foi chrétienne et qu’il fréquentait une église chrétienne depuis son arrivée au Canada. La SAR a souligné que les connaissances de M. Famenian sur le christianisme avaient pu être acquises uniquement durant son séjour au Canada et, compte tenu des préoccupations générales au sujet de la crédibilité du demandeur, elle a conclu qu’il n’était pas un chrétien authentique et qu’il avait acquis ses connaissances simplement pour étayer sa demande d’asile.

[13] Par conséquent, la SAR a conclu que M. Famenian n’avait pas établi qu’il avait qualité de personne à protéger.

III. Première question en litige – La SAR a-t-elle indûment exclu de nouveaux éléments de preuve?

[14] Monsieur Famenian soutient que la SAR a exclu à tort de nouveaux éléments de preuve qui appuyaient sa demande d’asile.

[15] Je ne suis pas de cet avis.

[16] En ce qui concerne le certificat médical, la SAR a souligné à raison que M. Famenian n’avait pas expliqué pourquoi il n’avait pu être fourni plus tôt. La SAR a également signalé les lacunes qui limitaient la valeur probante de ce document. Monsieur Famenian soutient que, indépendamment de ces préoccupations, la SAR aurait néanmoins dû tenir compte du contenu du certificat, en particulier de la référence à ses déficits d’attention, lorsqu'elle a évalué sa crédibilité.

[17] La SAR a donné des motifs valides pour étayer sa conclusion selon laquelle le certificat médical n'avait aucune valeur probante. On ne saurait donc reprocher à la SAR de ne pas en avoir tenu compte.

[18] Au sujet de la lettre de la mère de M. Famenian, la SAR a conclu que son contenu reprenait certains éléments du témoignage de M. Famenian, mais que d'autres éléments le contredisaient. Monsieur Famenian soutient qu'en fait, sa mère y corroborait son témoignage et que la SAR aurait dû en tenir compte.

[19] Là encore, la SAR a donné des motifs valables pour justifier sa conclusion selon laquelle la lettre de la mère de M Famenian ne constituait pas un nouvel élément de preuve probant. Dans sa lettre, la mère de M Famenian contredisait le témoignage de son fils à plusieurs égards, ce qui constitue un fondement valide pour étayer une conclusion défavorable quant à la crédibilité.

[20] S'agissant de la citation à comparaître, la SAR a expliqué pourquoi elle avait accordé peu de poids à ce document. Monsieur Famenian soutient que la SAR s'est livrée à des conjectures quant au contenu habituel et à la portée juridique des citations à comparaître et qu’elle aurait dû reconnaître à première vue la validité de ce document. Or, j'estime que la SAR s’est appuyée sur des motifs convaincants pour conclure que, à titre de nouvel élément de preuve, la citation à comparaître n’avait aucune valeur probante : le document ne contenait pas les détails auxquels on pouvait s'attendre et le défaut de comparaître ne semblait entraîner aucune conséquence.

IV. Deuxième question en litige – Les conclusions de la SAR quant à la crédibilité étaient-elles déraisonnables?

[21] Monsieur Famenian soutient que la SAR s’est fondée sur des contradictions mineures pour écarter ses éléments de preuve, au lieu d’évaluer l'ensemble de son témoignage. Notamment, la SAR a conclu que la mère de M. Famenian avait probablement rencontré l’agent plus d’une fois, car la délivrance du visa de résident temporaire a été retardée lorsque l’agent a demandé des fonds supplémentaires. Monsieur Famenian affirme également – et la SAR a conclu en ce sens – que des documents supplémentaires pourraient avoir été fournis à l’agent et qu’il pourrait avoir rencontré l’agent directement. Toutefois, il est possible qu’il ait simplement été confus à ce sujet en raison de ses problèmes de santé mentale et de ses difficultés à se concentrer.

[22] Comme je l'ai dit précédemment, la SAR a fourni des explications raisonnables pour justifier ses conclusions quant à la crédibilité fondées sur la preuve admissible. De plus, le certificat médical sur lequel M. Famenian s’appuie pour prouver que des problèmes cognitifs avaient eu une incidence sur son témoignage indique simplement qu’il prend des médicaments pour traiter son état de santé mentale et qu’il se plaint d’oublis. La SAR ne disposait d’aucun élément qui démontrait clairement qu’il avait eu de la difficulté à témoigner. La SPR n’avait relevé aucun problème.

V. Troisième question en litige – La SAR a-t-elle omis de tenir compte du risque auquel M. Famenian allait être exposé lors de son retour en Iran?

[23] Selon M. Famenian, cette question est la plus importante en l'espèce. Il soutient que la SAR aurait dû tenir compte des conséquences qui l’attendraient à son arrivée en Iran si les autorités le considéraient comme un apostat converti au christianisme, peu importe les motifs qui l’ont poussé à acquérir des connaissances sur le christianisme.

[24] En plus d'avoir conclu que M. Famenian n’était pas un chrétien authentique, la SAR a également estimé que les autorités iraniennes n’auraient aucune raison de soupçonner qu’il l’était. Par conséquent, il n’y avait pas lieu de croire que M. Famenian serait considéré comme un chrétien pratiquant s’il retournait en Iran ni qu’il serait victime de mauvais traitements ou de persécution sur cette base.

VI. Conclusion et décision

[25] Les conclusions de la SAR étaient étayées par la preuve et, partant, elles ne sont pas déraisonnables. En conséquence, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé de question de portée générale à certifier, et aucune n’est énoncée.


JUGEMENT DANS L’AFFAIRE IMM-973-21

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question de portée générale à certifier n’est énoncée.

« James W. O’Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois


 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-973-21

INTITULÉ :

IMAN FAMENIAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE À TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 24 FÉVRIER 2022

JUGEMENT ET MOTIFS

LE JUGE O’REILLY

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 12 JUILLET 2022

COMPARUTIONS :

Pantea Samea

POUR LE DEMANDEUR

Nick Continelli

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lewis & Associates

Avocats spécialisés en droit de l’immigration

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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