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Date : 20220616


Dossier : IMM-3598-21

Référence : 2022 CF 907

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 16 juin 2022

En présence de madame la juge Furlanetto

ENTRE :

ROTIMI BAMISAIYE ASOTUN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision du 6 mai 2021 [la décision] par laquelle la Section d’appel des réfugiés [la SAR] a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés [la SPR]. Cette dernière avait conclu que le demandeur n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger en application de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], car il disposait d’une possibilité de refuge intérieur [la PRI].

[2] Les questions à trancher concernent le premier volet du critère relatif à la PRI et la question de savoir s’il existe un risque prospectif de persécution dans les endroits proposés comme PRI qui découlerait de la décision du demandeur de refuser le titre de chef.

[3] Comme je l’indiquerai plus loin, je conclus que la SAR a accepté les éléments de preuve du demandeur et n’a pas tiré de conclusions déguisées en matière de crédibilité ou de vraisemblance, contrairement à ce qu’affirme le demandeur. Cependant, j’estime que la SAR n’a pas fourni de justification suffisante ou d’analyse rationnelle pour expliquer pourquoi elle a préféré la preuve des conditions dans le pays quant aux conséquences découlant du refus du titre de chef. Par conséquent, je conclus que la décision est déraisonnable.

I. Contexte

[4] Le demandeur est un citoyen du Nigéria. Il est originaire du territoire de Supare, dans la région gouvernementale d’Akoko Sud de l’État d’Ondo. Son père était un chef qui relevait du roi du territoire de Supare. Le demandeur craint d’être persécuté par les aînés de son village qui l’ont menacé pour avoir refusé la chefferie héréditaire en 2014, car cela était contraire à ses croyances chrétiennes.

[5] Le demandeur a été enlevé et retenu en captivité pendant plusieurs jours en 2014 après avoir refusé la chefferie. Entre 2014 et 2019, il a déménagé dans différentes villes du Nigéria, mais il a continué de recevoir des appels téléphoniques menaçants.

[6] Le demandeur a quitté le Nigéria pour se rendre aux États‑Unis en février 2019. Il a présenté une demande d’asile au Canada en avril 2019.

[7] La SPR a rejeté sa demande, car elle a estimé que la question déterminante était l’existence d’une PRI à Ibadan, Abuja, Benin City, Port Harcourt, Owerri, Ilorin, Enugu et Calabar au Nigéria. Elle a conclu qu’il n’existait aucun élément de preuve quant à l’identité des présumés agents du préjudice ou à la manière dont ils étaient liés à l’État nigérian. Elle a fait remarquer que malgré la réception d’appels téléphoniques menaçants, il n’y avait eu aucun incident de contact physique ou de préjudice depuis 2014. Elle a conclu que le demandeur n’avait pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que les présumés agents du préjudice avaient la motivation et la capacité de le trouver dans les endroits proposés comme PRI.

[8] La SAR a rejeté l’appel du demandeur visant la décision de la SPR. Elle a conclu que la question déterminante était la PRI et non la crédibilité. La SAR a jugé que la SPR avait commis une erreur en concluant que le demandeur n’avait pas démontré l’identité des agents de persécution. Elle a également convenu avec le demandeur que la SPR n’avait pas analysé adéquatement la preuve objective dans son évaluation de la PRI. Sur le fondement de son propre examen de la preuve objective, la SAR a conclu que les chefs avaient des liens avec l’État et pouvaient influencer les autorités étatiques, mais que ces liens ou cette influence ne mettaient pas en danger une personne qui refusait d’assumer la chefferie, car « il n’y a aucune conséquence à refuser le titre de chef ». Elle a conclu que les chefs ou les aînés avaient les moyens, grâce à leurs relations, de faire appel aux autorités étatiques pour harceler le demandeur ou lui nuire davantage dans les endroits où il a déménagé, mais qu’ils ne l’avaient pas fait et qu’aucune preuve ne montrait qu’ils avaient la motivation de le retrouver ou de lui nuire.

II. Questions en litige et norme de contrôle

[9] Le demandeur soulève les questions suivantes en l’espèce :

  • a) La SAR a-t-elle formulé des conclusions déguisées en matière de crédibilité qui rendent déraisonnable son refus d’accorder une audience?

  • b) La SAR a-t-elle tiré des conclusions d’invraisemblance à l’égard du premier volet du critère relatif à la PRI qui rendent la décision déraisonnable?

  • c) La SAR a-t-elle commis une erreur en n’expliquant pas pourquoi elle a préféré la preuve sur les conditions dans le pays, ce qui rend la décision déraisonnable?

[10] La norme de contrôle applicable à la décision sur le fond est celle de la décision raisonnable. Aucune des situations qui réfuteraient la présomption selon laquelle toutes les décisions administratives sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable ne s’applique : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] aux para 9‑10, 16‑17.

[11] De même, les parties soutiennent, et je suis du même avis, que la décision de la SAR de ne pas tenir d’audience, ce qui exige que la Cour examine si la SAR a raisonnablement appliqué les critères législatifs énoncés au paragraphe 110(6) de la LIPR (la loi constitutive du tribunal), est également susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable : Mohamed v Canada (Citizenship and Immigration), 2022 FC 55 au para 19; Awonusi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 385 au para 10.

[12] Une décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » : Vavilov, aux para 85‑86; Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et des travailleuses des postes, 2019 CSC 67 aux para 2, 31. Une décision est raisonnable si, prise dans son ensemble et compte tenu du contexte administratif, elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence : Vavilov, aux para 85, 91‑95, 99‑100.

III. Analyse

A. La SAR a-t-elle formulé des conclusions déguisées en matière de crédibilité qui rendent déraisonnable son refus d’accorder une audience?

[13] Le demandeur fait valoir que la SAR a formulé des conclusions déguisées et non étayées quant à sa crédibilité qui mettent en doute la véracité de son témoignage et de ses éléments de preuve documentaire. Il affirme que dans son évaluation indépendante, la SAR n’a formulé aucune conclusion en matière de crédibilité et n’a fourni aucun motif pour écarter les éléments de preuve qu’il a présentés à l’appui. Toutefois, les motifs donnent à penser que d’autres éléments de preuve corroborants concernant la motivation des agents du préjudice à retrouver le demandeur et la preuve que le titre de chef reste vacant devaient être présentés. Il allègue que la seule explication aux conclusions de la SAR est que cette dernière a accordé peu ou pas de poids aux éléments de preuve qu’il a présentés.

[14] Le défendeur affirme que la SAR n’a pas formulé de conclusions déguisées en matière de crédibilité. Les conclusions formulées reflètent plutôt des doutes relatifs à la preuve et non à la crédibilité.

[15] Comme le fait remarquer le défendeur, la crédibilité et le caractère suffisant de la preuve sont des concepts distincts. Le fait qu’un élément de preuve soit crédible ne signifie pas qu’il soit suffisant. Comme cela est indiqué dans la décision Lv c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 935 au paragraphe 41 :

Le terme « crédibilité » est souvent utilisé à tort dans un sens large pour signifier que les éléments de preuve ne sont pas convaincants ou suffisants. Il s’agit toutefois de deux concepts différents. L’évaluation de la crédibilité est liée à la fiabilité de la preuve. Lorsqu’on conclut que la preuve n’est pas crédible, on conclut que l’origine de la preuve (par exemple, le témoignage du demandeur) n’est pas fiable. [...] L’évaluation de la suffisance de la preuve porte sur la nature et la qualité de la preuve que doit présenter un demandeur pour obtenir réparation, sur la valeur probante de la preuve, ainsi que sur le poids que doit y accorder le juge des faits, qu’il s’agisse d’un tribunal ou d’un décideur administratif.

[16] Dans ses motifs, la SAR a fait remarquer que la SPR n’a pas mis en doute la véracité des éléments de preuve présentés par le demandeur. Elle a accepté l’argument présenté par le demandeur devant la SPR selon lequel « la SPR n’a pas analysé adéquatement la preuve objective dans son évaluation de la PRI, plus précisément en ce qui concerne les liens entre les agents de persécution et l’État; ainsi que leur motivation et leur capacité à trouver [le demandeur] aux endroits proposés comme PRI ». La SAR a fait remarquer que les éléments de preuve documentaire étaient contradictoires quant au degré d’influence des dirigeants traditionnels, comme les chefs et les rois, sur l’État en général au Nigéria. Elle a donc conclu qu’il incombait à la SPR d’expliquer clairement si les agents de persécution avaient de l’influence sur l’État ou des liens avec celui-ci, et, en conséquence de cette influence ou de ces liens, s’ils avaient les moyens et la motivation de poursuivre le demandeur aux endroits proposés comme PRI. La SAR a ensuite examiné les éléments de preuve relatifs au pouvoir et au contrôle que le chef aurait au Nigéria et les conséquences de refuser le titre de chef.

[17] Dans son examen de la preuve documentaire, la SAR a commenté la preuve objective sur les conditions dans le pays et certains aspects du récit du demandeur. Les motifs donnent à penser que la SAR a accepté les éléments de preuve du demandeur, mais qu’elle a jugé qu’ils ne suffisaient pas à établir qu’il serait exposé à un grave risque prospectif de persécution dans les endroits proposés comme PRI. Comme l’a fait remarquer la SAR :

[Le demandeur] a déménagé dans différentes villes, et les seuls problèmes qu’il a eus ont été des appels téléphoniques menaçants. Si le chef, les aînés ou le roi avaient sérieusement voulu trouver [le demandeur] dans ces différentes villes, ils auraient pu le faire facilement, mais ils ne l’ont pas fait. Les chefs ou les aînés avaient les moyens de le faire en raison de leurs liens avec les autorités de l’État ou de leur influence, car [le demandeur] avait déposé des plaintes auprès de la police au sujet des appels téléphoniques menaçants dans presque toutes les villes où il avait déménagé. Toutefois, rien ne donne à penser que les chefs ou les aînés aient fait appel à la police pour harceler [le demandeur] ou lui nuire davantage, ou même pour le trouver dans une ville en particulier. Bien que les chefs ou les aînés puissent avoir les moyens de trouver [le demandeur] à l’endroit offrant une PRI, la preuve montre qu’ils n’ont aucune motivation à retrouver [le demandeur].

[18] J’estime que la SAR n’a pas formulé de conclusions déguisées en matière de crédibilité dans ses motifs, mais qu’elle souligne plutôt ce qu’elle a jugé comme une preuve insuffisante pour établir une possibilité sérieuse que le demandeur soit persécuté sur la base d’un risque prospectif.

[19] La SAR a également fait remarquer que c’est d’autant plus vrai lorsqu’il « n’y a pas de conséquences à refuser le titre de chef et que beaucoup d’autres personnes sont prêtes à l’assumer. Alors, pourquoi les chefs, les aînés et le roi voudraient-ils poursuivre [le demandeur], y compris à l’endroit offrant une PRI? »

[20] Là encore, je ne pense pas que cette affirmation mine la crédibilité du témoignage du demandeur concernant la façon dont il a été traité après avoir refusé le titre de chef ou les appels téléphoniques qu’il a reçus. À mon avis, ce commentaire montre plutôt que la SAR s’est fondée sur la preuve objective sur les conditions dans le pays. Comme je l’indiquerai plus loin, bien que j’estime que la SAR n’a pas suffisamment justifié pourquoi elle s’est uniquement appuyée sur la preuve sur les conditions dans le pays et comment elle est parvenue à sa conclusion, je ne crois pas que ces commentaires reflètent des conclusions déguisées en matière de crédibilité.

[21] J’estime qu’il n’y avait pas lieu de prévoir une audience, car les critères énoncés au paragraphe 110(6) de la LIPR n’avaient pas été respectés. Des lacunes dans la preuve ont été signalées, mais aucune question nouvelle ou grave quant à la crédibilité du demandeur ne découlait de la preuve documentaire sur laquelle s’est appuyée la SAR. Rien ne permet de conclure que la décision est déraisonnable en raison de conclusions déguisées en matière de crédibilité ou parce qu’une audience n’a pas été tenue.

B. La SAR a-t-elle formulé des conclusions d’invraisemblance concernant le premier volet du critère relatif à la PRI qui rendent la décision déraisonnable?

[22] Le demandeur affirme que la SAR a formulé les conclusions d’invraisemblance suivantes et qu’elles ont rendu sa décision déraisonnable : a) les chefs ou les aînés feraient appel à la police pour harceler le demandeur ou lui nuire, ou pour le trouver; b) beaucoup d’autres personnes sont prêtes à assumer le titre de chef; c) il n’y a aucune conséquence à refuser le titre de chef; d) il ne serait pas logique que le titre de chef soit toujours vacant.

[23] Le défendeur affirme, et je suis du même avis, que ces conclusions ne sont pas des conclusions d’invraisemblance, car si tel avait été le cas, la SAR aurait rejeté le témoignage du demandeur au motif qu’il n’était pas crédible.

[24] Comme la Cour l’a indiqué dans la décision Chen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 225 au paragraphe 14 : « Les conclusions d’invraisemblance reposent sur la conclusion que la version des faits présentée est à ce point inusitée ou est à ce point étrangère à l’expérience courante ou à la logique qu’on ne peut y ajouter foi. »

[25] En ce qui concerne la première conclusion alléguée, je conviens avec le défendeur qu’elle pose problème, car la SAR n’a pas dit que les chefs, les aînés ou le roi feraient appel à la police pour harceler le demandeur, lui nuire ou le trouver. Elle a plutôt conclu qu’ils pourraient utiliser leur influence sur les autorités de l’État, ou leurs liens avec celui-ci, mais rien ne prouve que c’est ce qui s’est produit. Cette conclusion ne remet pas en cause la vraisemblance du récit du demandeur. Au contraire, la SAR accepte le témoignage du demandeur selon lequel les chefs ont des liens politiques, mais elle fait remarquer qu’aucune preuve ne donne à penser que les chefs ont utilisé ces liens pour nuire au demandeur, le harceler ou le retrouver.

[26] De même, j’estime que les autres conclusions soulevées ne sont pas des conclusions d’invraisemblance, car la SAR ne s’est pas appuyée sur celles‑ci pour dire que la preuve du demandeur n’était pas crédible. La SAR a renvoyé à la preuve sur les conditions dans le pays pour formuler le reste de ces conclusions, mais elle ne cherchait pas à remettre en question la preuve du demandeur.

C. La SAR a-t-elle commis une erreur en n’expliquant pas pourquoi elle a préféré la preuve sur les conditions dans le pays, ce qui rend la décision déraisonnable?

[27] Le demandeur fait valoir que la SAR n’a pas expliqué pourquoi elle a préféré la preuve sur les conditions dans le pays et que, par conséquent, aucune analyse rationnelle ne démontre pourquoi la preuve du demandeur ne suffisait pas à établir un risque objectif de persécution.

[28] Le défendeur affirme que l’argument du demandeur revient ni plus ni moins à demander à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve parce qu’il n’est pas d’accord avec la décision de la SAR.

[29] Je reconnais que la SAR a réalisé un examen exhaustif de la preuve objective sur les conditions dans le pays, mais j’estime qu’elle n’a pas expliqué comment elle a soupesé cet élément de preuve par rapport à la preuve fournie par le demandeur, particulièrement en ce qui concerne les menaces reçues par ce dernier.

[30] La SAR a fait remarquer que la preuve objective sur les conditions dans le pays était contradictoire sur la question des conséquences liées au refus du titre de chef. Comme l’a indiqué la SAR :

Alors que le chef du territoire des Yoroubas et des Ibos et le professeur émérite notent tous deux que, à l’heure actuelle, il n’y a aucune conséquence à refuser le titre de chef, l’avocat et planificateur en développement a fait remarquer qu’il y a de graves conséquences, y compris des menaces et des meurtres, pour qui refuse le titre de chef.

[31] La SAR a estimé que la preuve la plus convaincante était celle du chef du territoire des Yoroubas et des Ibos et du professeur émérite, puisque :

Le chef du territoire des Yoroubas et des Ibos aurait une connaissance directe des conséquences du refus d’un titre de chef. Leur preuve concorde également avec d’autres éléments de preuve figurant au CND selon lesquels une personne qui refuse le titre de chef peut déménager dans une autre ville du territoire Yorouba sans se heurter à des difficultés.

[32] Cependant, la SAR n’a pas expliqué la raison pour laquelle elle a préféré la preuve sur les conditions dans le pays à la preuve du demandeur, qui concorde avec la preuve de l’avocat et planificateur en développement.

[33] La SAR n’a pas expliqué pourquoi elle a conclu, sur le seul fondement de la preuve sur les conditions dans le pays, que le refus du titre de chef n’entraîne aucune conséquence, alors que le témoignage du demandeur, qui a été accepté, démontre qu’il a subi des violences puis des menaces de mort après avoir refusé le titre.

[34] Dans la décision Oyewoley c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 21 [Oyewoley] aux paragraphes 12 et 14 à 16, la Cour a examiné une demande présentée par un demandeur qui avait refusé la royauté. Dans cette affaire, la SAR s’est également appuyée sur le cartable national de documentation pour examiner les conséquences du rejet de la royauté dans la tribu des Yoroubas et a conclu que, bien que les documents sur les conditions dans le pays contiennent des informations contradictoires, la grande majorité des sources donnaient à penser que les conséquences du refus étaient mineures et n’incluaient pas la mort ou le préjudice physique. Toutefois, dans la décision Oyewoley, la SAR a également formulé des conclusions relatives à l’insuffisance de la preuve fournie par le demandeur et à la nature des menaces qu’il avait reçues, décrivant ces dernières comme étant « davantage un mauvais karma plutôt que de la violence ». Ce faisant, la SAR a justifié sa préférence pour la preuve sur les conditions dans le pays par rapport à celle du demandeur.

[35] En l’espèce, la SAR n’a pas traité les éléments de preuve du demandeur de la même manière. Elle a pris note des menaces de mort que le demandeur a reçues, mais elle n’a pas expliqué comment elle a soupesé cet élément de preuve par rapport à la preuve sur les conditions dans le pays. Au lieu de cela, elle a seulement conclu que le refus du titre de chef n’entraîne aucune conséquence.

[36] La lacune créée par cette conclusion se traduit par des motifs qui, lorsque lus dans leur ensemble, ne font pas état d’une analyse rationnelle (Vavilov, aux para 102‑103). Comme la SAR s’est principalement appuyée sur son avis selon lequel le refus du titre de chef n’entraînait aucune conséquence pour conclure que le demandeur ne courrait aucun risque dans l’endroit proposé comme PRI, j’estime que cette lacune dans l’analyse rend la décision déraisonnable.

IV. Conclusion

[37] Pour les motifs qui précèdent, la demande est accueillie, la décision sera annulée et l’affaire sera renvoyée à un autre commissaire de la SAR pour qu’il rende une nouvelle décision.

[38] Les parties n’ont proposé aucune question à certifier et l’affaire n’en soulève aucune.

 


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-3598-21

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. La décision de la SAR est annulée et renvoyée à un autre membre du tribunal pour qu’il rende une nouvelle décision.

  3. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Angela Furlanetto »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3598-21

 

INTITULÉ :

ROTIMI BAMISAIYE ASOTUN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 13 JUIN 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE FURLANETTO

 

DATE DES MOTIFS :

LE 16 JUIN 2022

 

COMPARUTIONS :

Courtney Shields

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Adam Lupinacci

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kumararatne Law

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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