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Date : 20220727


Dossier : IMM‐1467‐20

Référence : 2022 CF 1123

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 27 juillet 2022

En présence de monsieur le juge Roy

ENTRE :

ZHUOYAN WU (alias Zhuo Yan Wu)

HUIQIN CAO (alias Hui Qin Cao)

JIN PENG WU

ZIXIN WU

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La présente affaire est inusitée.

[2] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision par laquelle la Section d’appel des réfugiés (la SAR) a confirmé que les demandeurs disposent d’une possibilité de refuge intérieur (PRI) au Guyana, le pays qu’ils ont fui pour éventuellement demander l’asile au Canada, au titre des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR ou la Loi].

[3] Au début de l’audience portant sur la présente demande, la Cour a soulevé la question de savoir si l’existence d’une PRI peut valablement être soumise à la Cour. Si la Cour ne peut pas être saisie de cette question, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. En d’autres termes, la Cour a‐t‐elle compétence pour examiner la question de l’existence d’une PRI? Dans la négative, la SAR aurait‐elle dû examiner les autres questions soulevées par les demandeurs?

I. La question en litige

[4] Dans le mémoire des faits et du droit qu’ils ont déposé à la Cour, les demandeurs soutiennent que la conclusion de la SAR selon laquelle ils disposent d’une PRI au Guyana était déraisonnable. Les demandeurs soulèvent également d’autres questions. En voici la liste qui figure au paragraphe 8 de leurs observations écrites :

● la SAR a commis une erreur en omettant d’évaluer la version la plus récente du CND pour le Guyana;

● la SAR a commis une erreur en concluant que les demandeurs ne sont pas exposés à un risque de persécution en raison de leur origine ethnique chinoise;

● la SAR n’a pas évalué le risque auquel sont exposés les demandeurs en raison de leur appartenance à un groupe social particulier;

● la SAR n’a pas évalué le risque auquel sont exposés les demandeurs en raison de leurs opinions politiques;

● la SAR n’a pas évalué les risques auxquels sont exposés les demandeurs au titre de l’art 97.

[5] Lors de l’audience devant la Cour, l’avocat des demandeurs a admis d’emblée qu’il n’était pas leur conseil devant la SPR et la SAR, ce qui peut contribuer à expliquer la confusion entourant cette affaire. En raison de cette confusion, la Cour n’a pas compétence pour examiner la demande de contrôle judiciaire. Voici pourquoi.

[6] Les diverses considérations soulevées dans la présente demande de contrôle judiciaire n’ont pas été examinées par la SAR. En fait, la SAR a expressément dégagé le constat suivant : « les appelants ont présenté plusieurs autres observations. Toutefois, à la lumière de mes conclusions ci‐dessus, j’estime qu’il n’est pas nécessaire de faire de commentaires à cet égard » (décision de la SAR, au para 56). Les « conclusions ci‐dessus » font référence à la confirmation par la SAR que les demandeurs disposent d’une. La Cour doit donc trancher la question de savoir si elle est valablement saisie de la question de la PRI. Pour que ce soit le cas, il faut que la SAR en ait été saisie afin que la question puisse faire l’objet d’une demande de contrôle judiciaire.

[7] Je relève qu’une quatrième appelante devant la SAR, Zixin Wu, la fille des deux demandeurs principaux, a eu gain de cause devant la SAR et que son cas a été renvoyé à la SPR pour un nouvel examen conformément à l’alinéa 111(2)a) de la Loi.

II. Analyse

A. La décision de la SPR

[8] La question déterminante dans la présente affaire est l’existence d’une PRI. Il est essentiel de comprendre comment elle a été traitée par la SPR et la SAR. D’abord, nous devons nous pencher sur la décision rendue par la SPR. Dans cette décision, le tribunal administratif a tiré deux conclusions. Premièrement, il a conclu que les demandeurs n’avaient pas établi une crainte fondée quant au Guyana. Deuxièmement, la SPR a conclu que les demandeurs disposent d’une PRI au Guyana. En appliquant le critère en deux volets élaboré par la Cour d’appel fédérale dans les arrêts Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 CF 706 [Rasaratnam] et Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 589 [Thirunavukkarasu], puis repris plus tard dans l’arrêt Ranganathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 CF 164 [Ranganathan], la SPR a conclu à l’existence d’une PRI. La SPR a demandé la présentation d’observations après l’audience, comme l’indique le paragraphe 52 de la décision de la SPR, et cette dernière a reçu des éléments de preuve documentaire indiquant que Mahida serait un endroit approprié (un autre endroit approprié serait Linthem). Il n’y a aucun doute que l’existence d’une PRI était une question en litige devant la SPR.

[9] Il est bien établi que la conclusion selon laquelle il existe une PRI signifie que la personne visée n’a pas qualité de réfugié. En effet, la définition même de réfugié au sens de la Convention exige que la personne soit un réfugié d’un pays, et non d’une certaine subdivision ou d’une région d’un pays. Le juge Linden a pris grand soin, dans l’arrêt Thirunavukkarasu, d’expliquer la nature d’une PRI, aux pages 592 et 593.

Malgré l’arrêt Rasaratnam c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 C.F. 706, de cette Cour, il existe encore une certaine confusion au sujet de la nature de « la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays » dans les cas de revendication du statut de réfugié au sens de la Convention. Je dois tout de suite signaler que la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays n’est pas une défense légale. Ce n’est pas non plus une théorie juridique. C’est simplement une expression commode et concise qui désigne une situation de fait dans laquelle une personne risque d’être persécutée dans une partie d’un pays mais pas dans une autre partie du même pays. Le concept de la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays est « inhérent » à la définition de réfugié au sens de la Convention (voir les motifs du juge Mahoney dans l’arrêt Rasaratnam, précité, à la page 710); il ne lui est pas du tout distinct. Selon cette définition, les demandeurs du statut doivent craindre avec raison d’être persécutés et, du fait de cette crainte, ils ne peuvent ou ne veulent retourner dans leur pays d’origine. S’il leur est possible de chercher refuge dans leur propre pays, il n’y a aucune raison de conclure qu’ils ne peuvent ou ne veulent pas se réclamer de la protection de ce pays. Comme l’a dit le juge Mahoney dans l’arrêt Rasaratnam, précité, à la page 710 : ...

[Non souligné dans l’original.]

Comme l’avait déclaré la Cour d’appel fédérale à la page 710 de l’arrêt Rasaratnam, « [i]l s’ensuit que la décision portant sur l’existence ou non d’une telle possibilité fait partie intégrante de la décision portant sur le statut de réfugié au sens de la Convention du demandeur ». La même notion est reprise dans l’arrêt Thirunavukkarasu, où l’on peut lire que « [s]’il est objectivement raisonnable de vivre dans une telle partie du pays sans craindre d’être persécuté, la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays existe, et le demandeur de statut n’est pas un réfugié ». Ce passage a été cité avec approbation dans l’arrêt Ranganathan.

[10] Il s’ensuit que l’existence d’une PRI est déterminante quant à l’issue d’une demande d’asile. C’est ce qu’a déclaré la SPR au paragraphe 14 de sa décision : [traduction] « Dans le cadre de la décision, les questions déterminantes sont celles de la crédibilité, du lien avec la Convention, de la crainte subjective, de la protection de l’État et de la possibilité de refuge intérieur (PRI) ». Le fait que la SPR ait conclu qu’il existait une PRI disposait de la demande d’asile, puisque les demandeurs n’ont pas qualité de réfugiés.

B. La décision de la SAR

[11] Un examen de la décision de la SAR révèle la présence d’un certain nombre de déclarations selon lesquelles la conclusion relative à l’existence d’une PRI formulée par la SPR n’a pas été portée en appel devant la SAR (décision de la SAR, para 12, 16, 17, 34 et 42). Il semblerait donc que la question relative à l’existence d’une PRI n’ait pas été soumise à la SAR. La conclusion relative à l’existence d’une PRI n’a pas été remise en cause par les demandeurs.

[12] Lors de l’audience relative à la demande de contrôle judiciaire, la Cour a soulevé la question en relevant que la SAR avait déclaré à plusieurs reprises que la conclusion relative à l’existence d’une PRI formulée par la SPR n’avait pas été contestée. Aucun des avocats qui représentaient les parties devant la Cour ne représentait ces dernières devant la SPR ou la SAR (les demandeurs étaient représentés par le même conseil devant les deux tribunaux administratifs, puis un avocat les représentait devant la Cour). L’avocat qui représentait les demandeurs devant la Cour a admis que la conclusion de la SPR relative à l’existence d’une PRI ne semblait pas avoir été portée en appel. Néanmoins, la Cour a demandé aux parties des observations sur la question de savoir si cette conclusion avait été portée en appel et si l’absence d’appel quant à une question déterminante porte un coup fatal à la présente demande.

[13] Les deux avocats ont présenté des observations écrites. L’avocat des demandeurs a confirmé que les observations que ces derniers avaient présentées à la SAR ne faisaient pas mention de l’existence d’une PRI; les seules questions qui y étaient soulevées portaient sur la crédibilité, la crainte subjective, la protection de l’État et le lien avec la Convention. L’avocat soutient également que la SPR a rendu sa décision en se fondant sur cinq questions et qu’elle n’a pas précisé que l’une d’entre elles était déterminante. Comme je l’ai indiqué au paragraphe 10 ci‐dessus, le paragraphe 14 de la décision de la SPR va à l’encontre de cette prétention. Il est indiqué que l’existence de la PRI est une question déterminante. Quoi qu’il en soit, il ne fait guère de doute que l’existence de la PRI constitue en soi une question déterminante, car s’il est conclu qu’un demandeur d’asile dispose d’une PRI, ce dernier ne peut avoir la qualité de réfugié et sa demande d’asile ne peut être accueillie.

[14] Les demandeurs tentent de s’appuyer la décision Ghauri c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 548 [Ghauri] pour soutenir que [traduction] « l’analyse quant à la PRI proposée par la SPR n’est pas indépendante des autres questions portées en appel par les demandeurs » (observations écrites, para 7). En fait, la décision Ghauri n’est d’aucune utilité pour les demandeurs. Bien que les faits dans l’affaire Ghauri puissent ressembler à ceux en l’espèce, la décision ne traite pas de la question cruciale de savoir si l’absence d’appel relativement à la décision quant à la PRI empêche tout examen de la question. La Cour prend soin de limiter la portée de sa décision en affirmant ce qui suit au paragraphe 34 : « ma décision sur ces faits ne doit pas porter atteinte au principe suivant qui se dégage de la jurisprudence : des appelants qui, devant la SAR, ne précisent pas où et en quoi la SPR a commis une erreur le font à leurs risques et périls ».

[15] En fait, les « risques et périls » renvoient à l’absence d’un appel interjeté en bonne et due forme, dans la mesure où aucune question relative à une PRI n’avait été soumise à la SAR. L’alinéa 3(3)g) des Règles de la Section d’appel des réfugiés, DORS/2012‐257 [les Règles], prévoit expressément ce qui suit :

3(3) Le dossier de l’appelant comporte les documents ci‐après, sur des pages numérotées consécutivement, dans l’ordre qui suit :

(g) un mémoire qui inclut des observations complètes et détaillées concernant :

(i) les erreurs commises qui constituent les motifs d’appel,

(ii) l’endroit où se trouvent ces erreurs dans les motifs écrits de la décision de la Section de la protection des réfugiés portée en appel ou dans la transcription ou dans tout enregistrement audio ou électronique de l’audience tenue devant cette dernière,

(iii) la façon dont les éléments de preuve documentaire visés à l’alinéa e) sont conformes aux exigences du paragraphe 110(4) de la Loi et la façon dont ils sont liés à l’appelant,

(iv) la décision recherchée,

(v) les motifs pour lesquels la Section devrait tenir l’audience visée au paragraphe 110(6) de la Loi, si l’appelant en fait la demande.

Les demandeurs n’ont jamais soulevé devant la SAR la question de l’existence d’une PRI qui avait été établie par la SPR. L’avocat des demandeurs a reconnu à juste titre que la question n’avait pas été soulevée devant la SAR. La compétence de la Cour pour instruire une demande de contrôle judiciaire dans des circonstances comme celles en l’espèce n’a jamais été établie.

[16] Dans la décision Dhillon c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 321 [Dhillon], le juge René Leblanc, alors juge de la Cour, a d’abord relevé que la « SAR a été créée par une loi, tout comme l’appel dont elle est saisie » (para 14) », pour ensuite résumer avec obligeance ce qu’il faut comprendre de l’alinéa 3g) des Règles :

[16] En vertu de l’alinéa 3g) des Règles, l’appelant doit déposer un dossier qui comporte notamment la décision de la SPR, la transcription complète ou partielle de l’audience de la SPR, tout document que la SPR a refusé d’admettre en preuve, mais que l’appelant veut invoquer dans l’appel, ainsi qu’un mémoire qui inclut des observations complètes et détaillées concernant : a) les erreurs commises qui constituent les motifs d’appel; b) l’endroit où se trouvent ces erreurs dans les motifs écrits de la décision de la SPR, dans la transcription de l’audience ou dans tout enregistrement audio ou électronique de l’audience; c) la décision recherchée.

[...]

[18] En résumé, l’appel devant la SAR (i) doit viser la décision de la SPR, (ii) doit être tranché à partir du dossier constitué au moment de la décision de la SPR, à moins que de nouveaux éléments de preuve ne soient admis, et (iii) doit porter uniquement sur des erreurs de droit, des erreurs de fait ou des erreurs mixtes de droit et de fait qui, selon l’appelant, ont été commises par la SPR. Il s’agit là du mécanisme prévu par la loi pour un appel interjeté à la SAR.

[19] Ce mécanisme prévu par la loi n’est pas compatible avec l’argument des demandeurs selon lequel le pouvoir de la SAR de substituer sa décision à celle de la SPR emporte l’obligation d’émettre des conjectures sur ce qui aurait pu être une meilleure démarche pour l’appel d’un demandeur d’asile débouté et de conclure, en définitive, que la demande aurait dû être acceptée compte tenu des risques qui n’ont pas été soulevés par le demandeur d’asile en premier lieu.

[20] Non seulement une telle démarche s’attaque au régime prévu par la loi, mais elle va aussi à l’encontre du principe voulant qu’il incombe au demandeur d’asile de prouver le bien‐fondé de sa demande et d’établir que la SPR a commis une erreur de sorte que l’intervention de la SAR est justifiée. Celle‐ci n’a pas pour rôle de combler les lacunes d’un appel dont elle est saisie ou, plus précisément, de la demande d’asile présentée en premier lieu. Elle n’a pas non plus pour rôle d’introduire de nouvelles idées susceptibles d’aider les appelants à obtenir gain de cause en appel et, en définitive, à voir leur demande acceptée.

[Non souligné dans l’original.]

Dhillon soutient la proposition selon laquelle la SAR est limitée dans son examen au contenu du dossier d’appel. Elle traite les questions qui lui sont soumises, qu’il s’agisse d’erreurs de droit, de fait ou d’erreurs mixtes de fait et de droit. En l’espèce, les demandeurs n’ont jamais fait appel de la conclusion relative à l’existence d’une PRI. À strictement parler, la question n’a jamais été soumise à la SAR.

[17] Selon moi, c’est ce qui s’était produit en l’espèce. La conclusion de la SPR selon laquelle les demandeurs disposent d’une PRI n’était pas en instance d’appel devant la SAR. La SAR n’était saisie d’aucun élément permettant de relever les erreurs qui auraient dû être prises en compte pour statuer sur l’existence d’une PRI. La SAR, qui a été créée par la loi, n’était pas saisie d’un appel quant à cette question sur lequel elle devait se prononcer.

[18] Dans la décision Broni c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 365, la Cour a conclu que le défaut de soulever une question devant la SAR comme l’exige l’alinéa 3(3)g) des Règles, n’entraîne pas une obligation de l’examiner :

[14] Le demandeur soutient qu’il peut encore soulever cette question dans le contexte de la présente demande de contrôle judiciaire même s’il ne l’a pas soulevée devant la SAR, car cette dernière a l’obligation de procéder à une évaluation indépendante de la preuve ainsi que de la décision de la SPR. En effet, le demandeur prétend que, même s’il n’a pu relever aucune erreur commise par la SPR, la SAR a l’obligation expresse de relever les erreurs commises par la SPR.

[15] Bien que je souscrive à l’argument du demandeur voulant que la SAR a l’obligation de procéder à une évaluation indépendante de la preuve ainsi que de la décision de la SPR, cette obligation de la SAR s’inscrit dans les paramètres de l’alinéa 3(3)g) des Règles. Cet alinéa énonce clairement qu’il appartient au demandeur, et non à la SAR, de relever les erreurs commises par la SPR et de formuler des observations en conséquence. Il n’est ni logique ni raisonnable de s’attendre à ce que la SAR examine le dossier et trouve des éléments favorables au demandeur. En fait, cette approche a été précisément dénoncée dans la décision de principe Dhillon.

[Non souligné dans l’original.]

En effet, la question à savoir si les demandeurs n’ont ni qualité de réfugiés au sens de la Convention, ni celle de personnes à protéger aux termes des articles 96 et 97 de la Loi en raison du fait que ces derniers disposent d’une possibilité de refuge intérieur n’a jamais été soulevée devant la SAR. Cela tient au fait que cette conclusion formulée par la SPR n’a pas été portée en appel. Une telle conclusion est évidemment déterminante quant à l’issue d’une demande d’asile.

[19] Les demandeurs soutiennent également que la SAR, en mettant particulièrement l’accent sur la question de la PRI, s’est en quelque sorte appuyée sur une nouvelle question en litige. À mon avis, il ne fait aucun doute que si la SAR soulève une nouvelle question en appel, elle doit offrir aux parties l’occasion d’être entendues. Cependant, au regard des faits de l’espèce, ce n’est pas ce qui s’est passé.

[20] Selon ma compréhension de l’affaire, il est suggéré que le fait que l’existence de la PRI n’ait pas été soulevée en appel signifie que la PRI est une nouvelle question. C’est une proposition étrange. Les demandeurs affirment que la SAR a commis une erreur en faisant de l’existence d’une PRI la seule question déterminante en l’espèce, puisque les demandeurs n’avaient aucune idée [traduction] « que l’existence d’une PRI était ou aurait pu être déterminante dans les circonstances, étant donné que cela n’avait pas été mentionné par la SPR » (observations écrites des demandeurs datées du 26 novembre 2021, au para 13). Cette affirmation n’est pas exacte. La SPR a déclaré que la question relative à l’existence de la PRI était déterminante et qu’elle l’est quant à l’issue d’une demande d’asile par application de la loi, comme l’a catégoriquement conclu la Cour d’appel fédérale dans trois arrêts. Il y a lieu de rejeter l’argument selon lequel la SAR a soulevé une [traduction] « nouvelle question » en faisant de la PRI une question déterminante et en concluant qu’il n’était pas nécessaire d’examiner d’autres questions. Une lecture adéquate de la décision de la SPR permet de constater que la question relative à l’existence d’une PRI a toujours été considérée comme déterminante en l’espèce.

[21] Le fait que la SPR ait conclu que les demandeurs disposent d’une PRI au Guyana a eu pour effet de mettre fin à la demande d’asile. Lorsque la question déterminante n’est pas portée en appel devant la SAR, cela constitue la fin de la demande d’asile. Les autres questions soulevées devant la SPR, celles qui ont fait l’objet de l’appel, portent sur le bien‐fondé d’une demande d’asile. Cependant, compte tenu du fait que la demande d’asile n’est pas valide en raison de l’existence de la possibilité de refuge intérieur, les autres questions relatives au bien‐fondé d’une demande d’asile deviennent théoriques. Telle est la conclusion à laquelle est parvenue la SAR, une conclusion qui est à mon avis inattaquable.

III. Conclusion

[22] Je conviens avec l’avocat du défendeur que le défaut d’interjeter appel d’une question qui est déterminante quant à une demande d’asile porte un coup fatal à l’appel. Le fait que les demandeurs disposent d’une PRI, comme l’avait conclu la SPR, a eu pour effet de disposer de la demande d’asile. On ne peut être réfugié au Canada si l’on dispose d’une possibilité de refuge dans son propre pays. Par conséquent, rien ne permettait à la SAR de contester la conclusion de la SAR quant à la question déterminante relative à l’existence d’une PRI. En rétrospective, il aurait été plus sage de rejeter l’appel. À mon avis, les autres commentaires sur la question étaient superflus dans la décision de la SAR.

[23] Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire ne peut être instruite puisque la question relative à l’existence d’une PRI n’a pas été portée en appel devant la Section d’appel des réfugiés et que cette question était en soi déterminante quant à l’issue de la demande d’asile. Il y a donc lieu de rejeter la demande de contrôle judiciaire.


JUGEMENT dans le dossier IMM‐1467‐20

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier au titre de l’article 74 de la Loi.

« Yvan Roy »

Juge

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‐1467‐20

 

INTITULÉ :

ZHUOYAN WU ET AUTRES c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 10 NOVEMBRE 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ROY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 27 JUILLET 2022

 

COMPARUTIONS :

Vakkas Bilsin

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Stephen Jarvis

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lewis & Associates

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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