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Date : 20220728


Dossier : IMM-4780-21

Référence : 2022 CF 1143

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 28 juillet 2022

En présence de monsieur le juge Ahmed

ENTRE :

LUIS CARLOS ALBARRACIN CABALLERO

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, Luis Carlos Albarracin Caballero, sollicite le contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés (« SPR ») datée du 15 juin 2021, mettant fin à son statut de réfugié au sens de la Convention du demandeur en application du paragraphe 108(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés), LC 2001, c 27 (« LIPR »). La SPR a conclu que le demandeur s’était volontairement réclamé de la protection de la Colombie.

[2] Le demandeur est devenu résident permanent du Canada le 10 août 2011, à la suite du succès de sa demande d’asile fondée sur la crainte d’être persécuté en Colombie par des individus liés aux Forces armées révolutionnaires de Colombie (« FARC »).

[3] Le demandeur soutient que la décision de la SPR est déraisonnable parce que la SPR a commis une erreur dans sa conclusion concernant le fait que le demandeur se soit réclamé de nouveau de la protection de son pays en indiquant que les agents de persécution étaient des acteurs non étatiques et n’a pas correctement évalué si le demandeur avait l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de la Colombie.

[4] Pour les motifs qui suivent, j’estime que la décision de la Section de la protection des réfugiés est raisonnable. Je rejette donc la présente demande de contrôle judiciaire.

II. Les faits

A. Le demandeur

[5] Le demandeur est un citoyen de la Colombie âgé de 47 ans. Son épouse, Catherine Juliet Chacon Ceballos (« Mme Chacon »), est également citoyenne colombienne. Ensemble, ils ont un fils : Pablo Albarracin Chacon (5 ans). Le demandeur a également trois enfants adultes issus d’une relation antérieure, dont l’un a obtenu le statut de résident permanent au Canada après avoir été parrainé par le demandeur au titre de la catégorie du regroupement familial.

B. La demande d’asile du demandeur

[6] La famille du demandeur possède des terres et des biens en Colombie, dans la région de Barranquilla. Le demandeur déclare qu’en février et août 1997, que des individus liés aux FARC ont menacé sa famille, tenté d’enlever des membres de sa famille et pillé son domicile familial.

[7] En 2008, la sœur du demandeur a reçu des appels téléphoniques intimidants demandant des renseignements sur les biens de son père. Cela a poussé elle et son mari à demander l’asile au Canada.

[8] Le 27 mars 2009, le demandeur allègue que deux hommes sont venus chez lui et se sont renseignés sur le terrain appartenant à son père. Le même jour, le demandeur a reçu un appel téléphonique menaçant. Le 29 mars 2009, le demandeur a fui la Colombie pour se réfugier aux États-Unis. Le 16 avril 2009, il est entré au Canada et a demandé le statut de réfugié en raison de sa crainte d’être persécuté par les FARC.

[9] Le 28 juin 2010, le demandeur a obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention.

C. Voyages en Colombie et demande de cessation

[10] Le 7 octobre 2011, le demandeur a obtenu un passeport colombien.

[11] Entre décembre 2011 et janvier 2020, le demandeur a effectué neuf voyages en Colombie. Il allègue que chaque voyage avait pour but de passer du temps avec Mme Chacon et ses enfants qui résident en Colombie. Le demandeur était en Colombie au cours des périodes suivantes :

  1. du 22 décembre 2011 au 6 janvier 2012;

  2. du 24 décembre 2012 au 16 janvier 2013;

  3. du 23 décembre 2013 au 16 janvier 2014;

  4. du 24 décembre 2014 au 16 janvier 2015;

  5. du 26 juin 2015 au 26 août 2015;

  6. du 1er mars 2016 au 3 octobre 2016;

  7. en janvier 2018 (pour une durée de « trois à quatre semaines »);

  8. en janvier 2019 (pour une durée de « trois à quatre semaines »);

  9. en janvier 2020 (pour une durée de « trois à quatre semaines »).

[12] Le 2 janvier 2016, à son retour des États-Unis au Canada, le demandeur a été interrogé par un agent des services frontaliers du Canada (l’« agent de l’ASFC ») au sujet de ses multiples voyages en Colombie. L’agent de l’ASFC a déferré l’affaire au ministre pour l’annulation de son statut de réfugié.

[13] Le 10 août 2020, le ministre a présenté à la SPR une demande visant la perte d’asile du demandeur en application du paragraphe 108(2) de la LIPR.

D. Décision faisant l’objet du contrôle

[14] Dans une décision datée du 15 juin 2021, la SPR a accueilli la demande d’annulation de l’asile présentée par le ministre. La SPR a conclu que le demandeur s’était volontairement réclamé de la protection de la Colombie.

[15] En examinant si le demandeur s’est volontairement réclamé de nouveau de la protection de la Colombie en application de l’alinéa 108(1)a) de la LIPR, la SPR a cité le Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (« Guide de l’UNHCR ») et a énoncé le critère à trois volets pour se réclamer de nouveau de la protection du pays énoncé. Aux paragraphes 118 à 121, le Guide de l’UNHCR énonce les conditions à remplir pour conclure qu’un réfugié s’est volontairement réclamé de la protection de son pays de nationalité, conformément au paragraphe 1 de la section C de l’article premier de la Convention sur les réfugiés :

118. […] Le réfugié qui s’est volontairement réclamé de nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité n’a plus besoin de la protection internationale. Il a montré qu’il n’était plus dans la situation de celui qui « ne peut ou ne veut se réclamer de la protection du pays dont il a la nationalité ».

119. L’application de cette clause de cessation suppose la réalisation de trois conditions :

a) la volonté : le réfugié doit avoir agi volontairement;

b) l’intention : le réfugié doit avoir accompli intentionnellement l’acte par lequel il s’est réclamé de nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité;

C) le succès de l’action : le réfugié doit avoir effectivement obtenu cette protection.

120. Si le réfugié n’agit pas volontairement, il ne cessera pas d’être un réfugié. S’il reçoit d’une autorité, par exemple d’une autorité de son pays de résidence, l’ordre d’accomplir contre son gré un acte qui peut être interprété comme le fait de réclamer de nouveau la protection du pays dont il a la nationalité, par exemple de demander à son consulat la délivrance d’un passeport national, il ne cessera pas d’être réfugié du seul fait qu’il a obéi à cet ordre. Des circonstances indépendantes de sa volonté peuvent également le contraindre d’avoir recours à une mesure de protection de la part du pays dont il a la nationalité. Il peut être amené, par exemple, à intenter une procédure de divorce dans son pays d’origine, parce qu’un jugement de divorce qui serait rendu par des tribunaux autres que ceux de son pays ne serait pas internationalement reconnu. Un acte de cette nature ne peut être considéré comme le fait de s’être « volontairement réclamé de nouveau de la protection » du pays considéré et n’entraînera pas la perte du statut de réfugié.

121. Lorsqu’on cherche à déterminer si le statut de réfugié a été perdu dans des circonstances de cet ordre, il convient d’établir une distinction entre le fait de se réclamer à nouveau de la protection du pays considéré et des rapports occasionnels et fortuits avec les autorités de ce pays. Si un réfugié demande et obtient un passeport national ou le renouvellement de ce passeport, il sera présumé, en l’absence de preuves contraires, avoir voulu se réclamer à nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité. En revanche, l’obtention de certains documents auprès des autorités d’un pays, auxquelles en des circonstances analogues des non-ressortissants seraient également tenus de s’adresser, par exemple l’obtention d’un certificat de naissance ou de mariage, ou autres services de ce genre, ne peut être assimilée au fait de se réclamer à nouveau de la protection du pays en question.

[16] La SPR a conclu que les exceptions énoncées aux paragraphes 120 et 121 du Guide de l’UNHCR ne s’appliquent pas au dossier du demandeur puisqu’il a demandé et obtenu volontairement un passeport colombien et est retourné en Colombie deux mois après la délivrance de ce passeport. À la date de l’audience de la SPR, cette dernière a fait remarquer que le demandeur était retourné en Colombie au moins neuf fois.

[17] Au cours de l’audience devant la SPR, le demandeur a fourni des explications sur ses visites de retour en Colombie et a témoigné que toutes ses visites en Colombie étaient nécessaires et liées à sa famille. Le demandeur a indiqué qu’il était retourné en Colombie pour rendre visite à ses enfants et à Mme Chacon, ainsi que pour prendre soin de Mme Chacon lorsqu’elle était malade. La SPR a conclu que les neuf visites, [traduction] « selon la prépondérance des probabilités, n’étaient manifestement pas des visites pour s’occuper d’affaires familiales urgentes ».

[18] Le demandeur a déclaré que son séjour de sept mois en Colombie, soit du 1er mars 2016 au 27 septembre 2016, était dû à la grossesse à haut risque de sa femme. Cependant, la SPR a souligné que le demandeur n’était pas resté en Colombie pour la naissance de son fils, qui est survenue le 29 janvier 2017. La SPR a reconnu la validité des documents médicaux démontrant les complications liées à la grossesse de Mme Chacon, mais a conclu que le séjour du demandeur en Colombie en 2016 n’était pas motivé par la mauvaise santé de sa femme. Plus précisément, la SPR a fait remarquer que la grossesse n’avait commencé que deux mois après l’arrivée du demandeur en mars 2016. De plus, le demandeur est parti en vacances en Floride avec Mme Chacon alors qu’elle était enceinte de cinq mois, ce qui démontre que l’état de santé de Mme Chacon n’obligeait pas le demandeur à rester en Colombie.

[19] Le demandeur a également témoigné qu’il est resté la plupart du temps dans l’appartement de Mme Chacon pendant son séjour en Colombie. Cependant, la SPR a souligné que le demandeur avait assisté à une réception de mariage avec environ 110 invités le 5 janvier 2013. S’appuyant sur la décision de cette Cour au paragraphe 26 dans Abechkhrishvili c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 313, la décision de la SPR souligne qu’une personne doit effectivement se cacher pour réussir à réfuter la présomption selon laquelle elle s’était réclamée de nouveau de la protection de son pays.

[20] La SPR a déterminé que la question de savoir si le demandeur avait l’intention d’obtenir un passeport colombien pour régler des affaires familiales est sans importance puisqu’il a volontairement utilisé son passeport colombien pour retourner en Colombie à plusieurs reprises et n’a pas démontré qu’il y avait des raisons exceptionnelles dans son dossier pour obtenir un passeport colombien. En demandant, en obtenant et en retournant en Colombie avec son nouveau passeport colombien, le demandeur a établi son intention de se réclamer de nouveau de la protection de son pays d’origine. La SPR a également conclu que le fait de retourner en Colombie démontre l’absence de crainte subjective du demandeur et que son intention est de se réclamer de nouveau de la protection de son pays d’origine. Le demandeur n’a subi aucune contrainte en choisissant de retourner en Colombie. Il s’est également présenté volontairement devant le consulat colombien et a obtenu un passeport pour voyager vers et depuis le pays même contre lequel il a fait sa demande de statut de réfugié.

III. Question en litige et norme de contrôle

[21] La seule question à trancher dans la présente demande de contrôle judiciaire est de savoir si la décision de la SPR est raisonnable.

[22] Les parties conviennent que la norme de la décision raisonnable devait être appliquée. Je suis du même avis (Ahmed c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 884 au para 13; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 (« Vavilov ») au para 25).

[23] Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable commande la retenue, mais demeure rigoureux (arrêt Vavilov, aux para 12, 13). La cour de révision doit établir si la décision à l’examen, notamment le résultat et le raisonnement, est transparente, intelligible et justifiée (arrêt Vavilov, au para 15). Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (arrêt Vavilov, au para 85). La question de savoir si une décision est raisonnable dépend du contexte administratif, du dossier dont le décideur est saisi et de l’incidence de la décision sur les personnes qui en subissent les conséquences (arrêt Vavilov, aux para 88-90, 94, 133-135).

[24] La partie qui entend établir qu’une décision est déraisonnable doit démontrer que celle-ci comporte des lacunes capitales ou importantes (arrêt Vavilov, au para 100). Ce ne sont pas toutes les erreurs ou réserves au sujet des décisions qui justifieront une intervention. La cour de révision doit s’abstenir d’apprécier la preuve examinée par le décideur et ne doit modifier les conclusions de fait qu’en présence de circonstances exceptionnelles (arrêt Vavilov, au para 125). Les lacunes ou insuffisances reprochées ne doivent pas être simplement superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision, ou constituer une « erreur mineure » (arrêt Vavilov, au para 100; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Mason, 2021 CAF 156 au para 36).

IV. Analyse

[25] Conformément à l’alinéa 108(1)a) de la LIPR, une demande d’asile est rejetée et une personne n’est plus un réfugié au sens de la Convention si le « demandeur se réclame de nouveau et volontairement de la protection du pays dont il a la nationalité ». Comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale au paragraphe 22 de l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Bermudez, 2016 CAF 131, la perte d’asile est « […] fondée sur la prémisse que l’asile est une mesure temporaire contre la persécution. » L’asile est perdu lorsque les cas énumérés au paragraphe 108(1) de la LIPR se produisent ».

[26] Dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Galindo Camayo, 2022 CAF 50 (« Camayo »), la Cour d’appel fédérale a récemment affirmé que le résultat de chaque procédure de perte d’asile dépendra largement des faits en l’espèce (au para 83). Au paragraphe 84 de l’arrêt Camayo, la Cour fournit des indications concernant la réfutation de la présomption de récupération, y compris une liste de facteurs à prendre en compte, et note :

[traduction] […] « Aucun facteur individuel ne sera nécessairement déterminant, et tous les éléments de preuve relatifs à ces facteurs doivent être examinés et soupesés afin de déterminer si les actions de l’individu sont telles qu’elles ont réfuté la présomption de se réclamer de nouveau de la protection du pays. »

[27] Le demandeur soutient que la SPR a commis une erreur en ne tenant pas compte du fait que les agents de persécution qu’il craint en Colombie (FARC) sont des acteurs non étatiques, et non le gouvernement colombien. Le demandeur soutient qu’en obtenant un passeport colombien et en se rendant en Colombie, il ne s’est pas exposé aux FARC. Il n’avait pas non plus l’intention de se prévaloir de la protection de la Colombie et n’a pas non plus effectivement obtenu une telle protection. Le demandeur soutient qu’il existe une distinction entre le fait de se réclamer à nouveau de la protection du pays considéré et des rapports occasionnels et fortuits avec les autorités de ce pays. Étant donné que les FARC ne contrôlent pas les entrées et les sorties en Colombie et ne délivrent pas de passeports, il ne s’ensuit pas que le demandeur se soit réclamé de nouveau de la protection de son pays en obtenant un passeport colombien.

[28] Le demandeur soutient en outre que la SPR n’a pas suffisamment tenu compte de la situation du demandeur et n’a pas [traduction] « […] procédé à une évaluation individualisée de tous les éléments de preuve dont elle disposait [...] » (Camayo, au para 66). Le demandeur soutient qu’il a obtenu son passeport colombien parce que son titre de voyage pour réfugié ne lui permettait pas de retourner en Colombie et qu’il s’est « fait discret » pendant son séjour en Colombie. Il soutient également qu’il est retourné en Colombie pour des raisons indépendantes de sa volonté : pour répondre aux besoins de santé de sa femme, notamment en ce qui concerne une grossesse à haut risque et des problèmes de santé mentale, et pour subvenir aux besoins de ses trois enfants qui ne pouvaient pas quitter la Colombie.

[29] Le défendeur soutient que les arguments du demandeur tentent de minimiser le fait qu’il a volontairement choisi de retourner plusieurs fois en Colombie pour des questions non urgentes en utilisant un passeport colombien, qu’il a volontairement obtenu en 2011 aux fins de voyages internationaux. Le défendeur soutient que la SPR a raisonnablement noté que la « protection diplomatique » est ce qui est pertinent lors de l’examen de la cessation, et non la disponibilité de la protection de l’État. De plus, il était raisonnable de la part de la SPR de conclure que le demandeur avait effectivement obtenu la protection de la Colombie. Finalement, le demandeur n’a pas réussi à réfuter la présomption selon laquelle il avait l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de la Colombie. Le défendeur soutient également que la SPR n’a omis de tenir compte d’aucun des éléments de preuve du demandeur ou de sa situation particulière et a dûment pris en considération le témoignage du demandeur, y compris ses réponses aux questions de la SPR concernant la nature et le but de ses voyages en Colombie.

[30] Je souscris à la position du défendeur. En ce qui a trait aux arguments du demandeur concernant les agents de persécution, le critère à trois volets pour se réclamer de nouveau de la protection du pays énoncés est axé sur les actions du demandeur : le régime de protection des réfugiés ne fait pas de distinction entre les acteurs étatiques et non étatiques (voir Chowdhury c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 312 au para 23). Cela a également été clairement souligné par la SPR dans sa décision, lorsqu’elle a examiné les observations du demandeur selon lesquelles sa demande d’asile était fondée sur la crainte d’être persécuté par des acteurs non étatiques (FARC) et non sur la crainte du gouvernement colombien :

Le [demandeur] a fondé sa demande d’asile sur la crainte des FARC en Colombie. À cet égard, le [demandeur] a soutenu que c’était un acteur non étatique qui l’avait contraint à demander initialement l’asile. Le tribunal estime que cet argument n’est pas pertinent dans le contexte d’une analyse de la protection diplomatique. Le ministre s’est référé à la Cour fédérale dans l’arrêt Chowdhury, où la Cour a confirmé que le critère lié au fait de se réclamer de nouveau de la protection du pays ne fait pas de distinction entre les acteurs étatiques et non étatiques et que le critère est axé sur les actions du [demandeur]. Le tribunal conclut que le fait de retourner en Colombie démontre l’absence de crainte subjective alléguée du [demandeur].

[31] De plus, bien que le demandeur soutienne qu’il s’est « fait discret » pendant son séjour en Colombie, je conclus que la SPR a raisonnablement conclu que le demandeur n’avait pas démontré qu’il se cachait pendant son séjour en Colombie. Comme l’a souligné à juste titre le défendeur, plus de 100 invités ont assisté au mariage du demandeur et de Mme Chacon en Colombie, et le couple a passé sa lune de miel dans la ville de Carthagène. Il ne s’agit pas d’un comportement révélateur d’une personne qui prend des mesures pour dissimuler sa présence dans un pays.

[32] Je suis également en désaccord avec les arguments du demandeur selon lesquels la SPR n’a pas tenu compte de la situation du demandeur ou des éléments de preuve au dossier. Comme l’a souligné la SPR, le demandeur est retourné en Colombie à au moins neuf reprises et est resté en Colombie pendant une période cumulative d’environ quinze mois au cours de ces neuf visites. Je conclus que la SPR a tenu compte des motifs du demandeur pour ses voyages de retour en Colombie, y compris son explication de la nécessité de ces voyages. En se fondant sur ces éléments, la SPR a raisonnablement conclu que les visites du demandeur en Colombie n’avaient pas été effectuées dans des « cas exceptionnels ».

[33] En outre, comme l’a fait remarquer le défendeur, la preuve n’indique pas que les voyages du demandeur en Colombie étaient des visites d’urgence pour s’occuper d’affaires familiales urgentes. Les éléments de preuve démontrent plutôt que le demandeur voyageait selon ses propres conditions et que ses visites annuelles coïncidaient avec ses congés disponibles, souvent pendant les vacances de Noël. La SPR a accepté la preuve médicale démontrant la grossesse à haut risque de Mme Chacon, mais a conclu, à juste titre, que la grossesse n’était pas la principale motivation du demandeur pour se rendre en Colombie en 2016, puisque Mme Chacon n’est tombée enceinte que quelques mois après l’arrivée du demandeur en Colombie.

[34] Comme l’a noté à juste titre l’avocat du défendeur lors de l’audience, il ne suffit pas que le demandeur motive son voyage; ces raisons doivent expliquer pourquoi les circonstances entourant les neuf visites en Colombie étaient exceptionnelles. À mon avis, il était raisonnable pour la SPR de conclure que les explications du demandeur étaient insuffisantes. Je conclus également que la décision de la SPR témoigne d’un examen adéquat de la situation et des éléments de preuve du demandeur.

[35] Dans l’ensemble, je conclus que la SPR a tenu compte des trois volets du critère relatif à la perte d’asile et que la décision de la SPR est conforme à la jurisprudence de notre Cour, y compris les facteurs récemment énoncés dans l’arrêt Camayo.

V. Conclusion

[36] Pour les motifs qui précèdent, j’estime que la décision de la SPR est raisonnable. Je rejette donc la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune question n’a été proposée pour certification et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT IMM-4780-21

LA COUR ORDONNE :

  1. que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée;

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Shirzad Ahmed »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4780-21

 

INTITULÉ :

LUIS CARLOS GALVAN ALVAREZ c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 21 juin 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE AHMED

 

DATE DES MOTIFS :

Le 28 juillet 2022

 

COMPARUTIONS :

Omolola Fasina

 

Pour le demandeur

 

Neeta Logsetty

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Omolola Fasina

Avocat

London (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

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