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Date : 20220729


Dossier : IMM-845-21

Référence : 2022 CF 1141

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 29 juillet 2022

En présence de monsieur le juge Pentney

ENTRE :

IBIRONKE BAMITALE ADESHOLA

EMMANUEL AYOMIDE ADESHOLA

DAVID AYODEJI ADESHOLA

IDUNOLAMI AYOMIPOSI ADESHOLA

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire du rejet de leur demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (la demande CH), présentée en application de l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR].

[2] Ils allèguent que la décision de l’agent qui a rejeté leur demande est déraisonnable parce qu’il n’a pas examiné les éléments de preuve pertinents, qu’il a commis plusieurs erreurs de fait au sujet d’éléments de preuve importants, qu’il n’a pas tenu compte de ces derniers et qu’il n’a pas appliqué la méthode d’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant exigée par la jurisprudence.

[3] Pour les motifs exposés ci-dessous, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

I. Contexte

[4] Ibironke Bamitale Adeshola est la demanderesse principale. Elle a inclus ses trois enfants dans sa demande CH. La demanderesse principale et ses deux enfants aînés, âgés de 20 ans et de 19 ans au moment où la décision a été rendue, sont des citoyens du Nigéria. Le plus jeune enfant, âgé de 12 ans, est citoyen des États-Unis.

[5] Les demandeurs sont arrivés au Canada en 2013 et ont présenté une demande d’asile fondée sur la crainte de la demanderesse principale de son ex-mari en raison d’antécédents de violence conjugale. La Section de la protection des réfugiés (la SPR) a rejeté leur demande, essentiellement parce qu’elle a conclu que les éléments de preuve présentés par la demanderesse principale manquaient de crédibilité. La décision a été confirmée par la Section d’appel des réfugiés (la SAR).

[6] Les demandeurs ont déposé une demande CH en 2014, qui a été rejetée. De plus, ils ont déposé une demande d’examen des risques avant renvoi en 2016, qui a également été rejetée. Au cours de cette période, la demanderesse principale s’est vu accorder plusieurs permis d’études, dont le dernier expirera en 2023. Elle a également obtenu plusieurs permis de travail.

[7] Les demandeurs ont déposé une autre demande CH en 2017, qui a été rejetée en avril 2019. Une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de cette décision a été accueillie, et les demandeurs ont déposé une autre demande CH en janvier 2020. Les demandeurs ont présenté des observations supplémentaires les 25 et 31 août 2020.

[8] La demande CH déposée par les demandeurs était fondée sur les difficultés, l’établissement au Canada et l’intérêt supérieur des enfants.

[9] L’argument relatif aux difficultés se rapporte au risque auquel, selon la demanderesse principale, elle est exposée aux mains de son ex-mari, ainsi qu’aux difficultés qu’elle éprouverait au Nigéria en raison de la situation au pays, y compris la condition des femmes sur le marché du travail et, de manière plus générale, dans la société.

[10] La demanderesse principale a soutenu qu’elle était exposée à un risque permanent aux mains de son ex-mari et, à cet égard, elle a invoqué deux affidavits souscrits par sa mère et sa sœur. La mère a déclaré qu’on avait tiré sur elle au Nigéria et elle a relié cet incident aux menaces qu’elle avait reçues de la part de l’ex-mari. Dans son affidavit, la sœur de la demanderesse principale a déclaré que l’ex-mari s’était présenté à son domicile en février 2019 et qu’il l’avait menacée de s’en prendre à elle et à sa famille si elle ne révélait pas où se trouvaient les demandeurs. Elle a de plus déclaré que l’ex-mari avait mentionné que les coups de feu tirés sur la mère étaient un exemple de ce qu’il pourrait faire si les demandeurs ne rentraient pas au Nigéria. Un ancien invité qui vivait chez sa sœur a confirmé que, pas plus tard qu’en octobre 2019, l’ex-mari était toujours à la recherche des demandeurs.

[11] L’agent n’a pas tenu compte de cet élément de preuve, en concluant que ce dernier n’étayait pas suffisamment les risques et qu’il ne suffisait donc pas à réfuter les conclusions tirées par la SPR et la SAR au sujet de la crédibilité. Plus précisément, l’agent a conclu que les affidavits [traduction] « reprennent les déclarations que la SPR et de la SAR avaient jugé non fondées […] ».

[12] L’agent a également examiné les éléments de preuve portant sur la situation plus générale ayant cours au Nigéria, qui poserait des difficultés aux demandeurs s’ils étaient forcés d’y retourner. L’agent a conclu que la preuve matérielle n’appuyait pas cette allégation, en partie parce que les craintes de vivre dans la pauvreté et d’être exposés à la violence fondée sur le sexe reposaient sur des hypothèses et, bien que les conditions du pays ne soient pas totalement favorables, les demandeurs n’avaient pas établi que les difficultés auxquelles ils feraient face au Nigéria justifiaient une dispense pour considérations d’ordre humanitaire.

[13] La demande de redressement fondée sur l’établissement au Canada reposait sur le fait que les demandeurs avaient passé sept ans au Canada et que la demanderesse principale avait tenu au rôle au sein de l’église et y avait travaillé. En outre, des éléments de preuve présentés indiquaient que les demandeurs mineurs réussissaient bien à l’école et qu’ils participaient activement à diverses activités parascolaires. Il y avait également des lettres du frère, de la sœur et de la belle-sœur de la demanderesse principale, vivant tous au Canada, selon lesquelles ils entretenaient des liens étroits avec les demandeurs, et qu’ils leur avaient offert du soutien financier et autre. Les demandeurs ont mis en contraste leur degré d’établissement au Canada avec leur absence d’établissement au Nigéria, où la demanderesse principale n’avait plus qu’un seul parent immédiat et où elle était sans emploi ni domicile.

[14] L’agent a admis que les demandeurs seraient séparés des membres de leur famille au Canada, tout en concluant que ces liens pouvaient être maintenus s’ils rentraient au Nigéria. L’agent a souligné que les éléments de preuve n’établissaient pas un degré d’interdépendance qui créerait des difficultés ou rompraient les liens établis. L’agent a conclu que le degré d’intégration des demandeurs dans la société canadienne démontrait une capacité d’adaptation au changement, mais que cela n’outrepassait pas le type d’établissement auquel on s’attendrait après avoir passé sept ans au Canada. L’agent a également fait remarquer que la demanderesse principale savait qu’elle n’avait pas le statut de résidente permanente au Canada, ce qui diminuait le poids à accorder au temps qu’elle a passé au Canada. L’agent a conclu que les membres de la famille des demandeurs leur avaient apporté un soutien émotif et financier alors qu’ils étaient au Canada, et qu’ils seraient prêts à continuer advenant un retour au Nigéria. Dans l’ensemble, l’agent a accordé un poids négligeable à la question de leur établissement au Canada, en soulignant qu’ils avaient vécu au Nigéria la plus grande partie de leur vie et qu’ils seraient en mesure d’y retourner, d’y trouver de l’emploi et d’y poursuivre leurs études.

[15] Dans leurs observations sur l’intérêt supérieur de l’enfant, les demandeurs ont déclaré que les trois enfants mineurs ont refait leur vie au Canada, et qu’ils seraient exposés à des difficultés s’ils devaient rentrer au Nigéria. Ils ont fait valoir que les enfants réussissaient bien à l’école, qu’ils participaient aux activités parascolaires et qu’ils s’étaient fait des amis au Canada.

[16] L’agent a fait observer que les enfants avaient démontré qu’ils avaient fait preuve de résilience en s’intégrant bien sur le plan de l’éducation et de la vie au Canada, ce qui indiquait qu’ils seraient en mesure de faire de même s’ils retournaient au Nigéria. L’agent a conclu qu’ils rentreraient au Nigéria avec leur mère, et que la transition serait facile, étant donné qu’ils avaient passé la majeure partie de leur vie dans ce pays. Des éléments de preuve insuffisants avaient été produits pour démontrer que les enfants n’auraient pas accès à l’éducation ou aux activités parascolaires au Nigéria, ou qu’ils ne pourraient pas continuer à recevoir du soutien de leur famille élargie pour les aider à s’adapter à la vie dans ce pays. Dans l’ensemble, l’agent n’était pas convaincu que l’intérêt supérieur des enfants serait compromis advenant un retour au Nigéria.

[17] À la lumière de l’ensemble de ces facteurs, l’agent a rejeté la demande CH des demandeurs. Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de cette décision.

II. Questions en litige et norme de contrôle

[18] La seule question qui se pose en l’espèce est de savoir si la décision de l’agent est raisonnable conformément à l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]. Selon le cadre d’analyse établi dans l’arrêt Vavilov, le rôle de la cour de révision « consiste à examiner les motifs qu’a donnés le décideur administratif et à déterminer si la décision est fondée sur un raisonnement intrinsèquement cohérent et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles pertinentes » (Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67 [Société canadienne des postes] au para 2). Le demandeur doit convaincre la Cour que « la lacune ou la déficience [invoquée] est suffisamment capitale ou importante pour rendre la décision déraisonnable » (Vavilov au para 100, cité avec approbation dans l’arrêt Société canadienne des postes au para 33).

III. Analyse

[19] Il ne fait aucun doute que l’agent a commis des erreurs dans la décision faisant l’objet du contrôle. En l’espèce, une question essentielle à se poser est de savoir si les erreurs sont suffisamment importantes pour les besoins de l’analyse des questions essentielles que l’agent était tenu d’examiner. Autrement dit, la question est de savoir si l’effet cumulatif des erreurs commises par l’agent et le fait que l’analyse comporte des lacunes résultant de l’omission de tenir compte d’éléments de preuve importants étaye une conclusion selon laquelle la décision, dans son ensemble, est déraisonnable.

[20] Les demandeurs invoquent deux erreurs fondamentales. Tout d’abord, dans le premier résumé de la demande des demandeurs, dès le début de la décision, l’agent a souligné la présence des trois demandeurs mineurs, dont deux étaient nés au Nigéria, et le troisième, aux États-Unis. Toutefois, dans son analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant, l’agent conclut que la transition des enfants au Nigéria [TRADUCTION] « serait facile, puisqu’ils étaient nés, avaient été élevés et avaient passé la majeure partie de leur vie dans ce pays ». Cette conclusion est entachée d’une erreur flagrante.

[21] Ensuite, l’agent a conclu que les affidavits portant sur le risque auquel est exposée la demanderesse principale aux mains de son ex-mari au Nigéria [TRADUCTION] « reprennent les déclarations que la SPR et de la SAR ont jugé non fondées […] », mais ces affidavits portent sur les menaces proférées à la suite de ces décisions. Il s’agit également d’une erreur, dans la mesure où l’agent ne reconnaît pas que les affidavits portent sur des événements subséquents.

[22] La question est de savoir si ces erreurs constituent des lacunes fatales qui minent la confiance dans le raisonnement suivi à l’appui de l’ensemble de la décision. Si ces lacunes étaient les seules entachant la décision, je n’aurais peut-être pas conclu qu’elles étaient suffisamment importantes pour justifier l’annulation de la décision. Par exemple, l’agent était manifestement au courant que le troisième enfant était né aux États-Unis, et il est vrai que les deux autres enfants ont passé une grande partie de leur jeune vie au Nigéria. Les éléments de preuve et les observations présentés par les demandeurs sur la question de l’intérêt supérieur de l’enfant n’étaient pas suffisamment détaillés, et on ne peut reprocher à l’agent de ne pas avoir examiné tous les autres arguments à ce sujet, lesquels ont été soulevés pour la première fois devant la Cour. La déclaration selon laquelle les enfants continueraient à vivre avec leur mère et qu’ils bénéficieraient de ses soins et de son soutien continus est vraie, et aucun élément de preuve n’établit qu’ils se verraient refuser l’accès à l’éducation ou à d’autres services advenant leur retour au Nigéria.

[23] Toutefois, le problème est qu’il s’agit d’un cas où l’erreur commise par l’agent remet en question le fait que l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant reflète le plus grand soin et la rigueur exigés par la jurisprudence (voir, par exemple, l’arrêt Kanthasamy Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61). Le fait que dans son analyse, l’agent a omis, par erreur, de tenir compte du fait que le plus jeune enfant n’a jamais mis les pieds au Nigéria nous amène à nous demander si l’examen de l’intérêt supérieur de l’enfant est véritablement fondé sur un examen minutieux des circonstances entourant ces enfants en particulier. Bien que cela ne soit pas expressément mentionné, il ressort implicitement du cadre d’analyse établi dans l’arrêt Vavilov que le décideur doit appliquer les faits réels de l’affaire à l’analyse requise par loi, à savoir qu’il ne suffit pas pour un agent d’exposer correctement les faits d’entrée de jeu, mais bien de ne pas les appliquer lorsque cela compte, soit lorsque l’agent procède à l’analyse des questions de droit en litige.

[24] Quant à la question des menaces proférées par l’ex-mari, l’agent a commis une erreur en ne soulignant pas que les événements rapportés dans les affidavits concernaient ceux qui étaient survenus après les décisions de la SPR et de la SAR. Les affidavits portent toutefois sur le même genre d’incidents qui, dans les décisions antérieures, ont été jugés non fondés par des éléments de preuve dignes de foi, et les affidavits eux-mêmes ne sont pas suffisamment détaillés. Ce n’est toutefois pas ce que l’agent a mentionné, et il est impossible de concilier le commentaire selon lequel les affidavits « reprennent » les déclarations jugées non fondées avec le fait que ces témoins évoquent des événements qui sont survenus plus tard.

[25] Ces erreurs ne constituent toutefois pas les seules lacunes importantes relevées dans l’analyse de l’agent. Puisque l’affaire sera renvoyée pour réexamen par un autre agent, il n’est ni nécessaire ni opportun d’examiner toutes les lacunes relevées dans la décision. Quelques exemples suffiront.

[26] Comme je l’ai déjà mentionné, la demanderesse a présenté à l’agent deux autres trousses de renseignements à la suite de la demande initiale. La première comprend une déclaration et des documents justificatifs provenant du fiancé de la demanderesse principale, au Canada. Il est question de leur relation, de leurs projets d’avenir ainsi que de la mesure dans laquelle il soutient financièrement les demandeurs. Ces déclarations sont appuyées par des éléments de preuve documentaire. Bien que cet élément de preuve puisse ne pas avoir été déterminant pour ce qui est de la demande CH, il est clairement pertinent et important. À tout le moins, les difficultés que pourraient connaître la demanderesse principale et ses enfants, découlant d’une séparation forcée pour une période indéterminée, auraient dû faire l’objet d’une analyse.

[27] En outre, l’analyse de l’agent comprend des hypothèses sur certains points qui ne semblent pas être étayées par la preuve, notamment la conclusion de l’agent selon laquelle la famille immédiate de la demanderesse principale serait disposée à continuer de lui apporter son soutien financier si elle rentrait au Nigéria, ainsi que sa conclusion voulant que les enfants aient été élevés en étant conscients de la culture et des pratiques ayant cours au Nigéria. La première conclusion semble logique compte tenu des déclarations des frères et sœurs de la demanderesse principale, mais l’agent ne l’a pas exprimé ainsi et n’a pas expliqué pourquoi cela découlait des éléments de preuve produits. La deuxième conclusion n’est pas claire et, si elle est tirée de la preuve, l’agent était tenu d’expliquer et de clarifier ce point.

[28] Dans l’ensemble, cette décision contient trop d’erreurs, d’omissions et de lacunes pour être raisonnable. Même si aucun de ces éléments, à lui seul, n’aurait pu être déterminant, leur effet combiné suffit à miner la confiance dans le raisonnement suivi et l’issue de l’affaire. Il convient de répéter que les problèmes relevés ci-dessus portent sur les éléments centraux de la demande des demandeurs, et les erreurs relèvent soit du peu d’attention accordée aux détails, soit du fait que l’agent n’a pas exprimé le raisonnement qu’il a suivi avec un degré de clarté et de précision qui s’impose dans les circonstances.

[29] Pour tous ces motifs, je conclus que la décision de l’agent est déraisonnable. La décision est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour réexamen.

[30] Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

 


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-845-21

LA COUR ORDONNE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de l’agent qui a rejeté la demande CH des demandeurs est annulée.

  2. L’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen.

  3. Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

« William F. Pentney »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-845-21

INTITULÉ :

IBIRONKE BAMITALE ADESHOLA, EMMANUEL AYOMIDE ADESHOLA, DAVID AYODEJI, ADESHOLA, IDUNOLAMI AYOMIPOSI ADESHOLA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

par vidéoconférence

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 19 janvier 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PENTNEY

DATE DES MOTIFS :

Le 29 juillet 2022

COMPARUTIONS :

Osborne G. Barnwell

 

Pour les demandeurs

Sally Thomas

 

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Osborne G. Barnwell

Avocat

North York (Ontario)

Pour les demandeurs

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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