Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20220729


Dossier : IMM-5594-20

Référence : 2022 CF 1147

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 29 juillet 2022

En présence de monsieur le juge Roy

ENTRE :

MAKKAR, SUNNY

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Le demandeur, M. Sunny Makkar, sollicite le contrôle judiciaire de la décision du tribunal de la Section d’appel de l’immigration (le tribunal ou la SAI) du 20 octobre 2020 de rejeter son appel en matière de parrainage pour défaut de compétence. La SAI a rejeté l’appel parce qu’elle n’a pas conclu que l’appelant (le demandeur devant notre Cour) avait démontré qu’il pouvait interjeter appel dans les circonstances.

[2] La présente demande de contrôle judiciaire est présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi ou la LIPR).

I. Les faits

[3] Le demandeur est arrivé de l’Inde le 29 juillet 2011 et a obtenu le droit d’établissement au Canada en qualité de résident permanent (mémoire des faits et du droit du demandeur (mémoire du demandeur), au paragraphe 4). Le 5 janvier 2017, il a épousé Mme Maneet Kaur en Inde (mémoire du demandeur, au paragraphe 5).

[4] En février 2017, Mme Kaur a présenté une demande de visa de résident temporaire (VRT) pour rendre visite au demandeur au Canada. Le défendeur l’a ensuite reçue en entrevue. Il a refusé sa demande le 7 janvier 2018 parce qu’il a conclu qu’elle avait fait de fausses déclarations en fournissant des renseignements contradictoires sur la profession de son beau-père et sur la question de savoir si un consultant l’avait aidée à préparer sa demande. Elle a également été accusée d’avoir fait de fausses déclarations portant sur la question de savoir s’il s’agissait de son premier mariage, mais cette accusation était fausse (mémoire du demandeur, au paragraphe 34).

[5] L’interdiction de territoire de Mme Kaur découlait de l’application de l’alinéa 40(1)a) et des paragraphes 40(2) et 40(3) de la LIPR. Ces dispositions précisent qu’un étranger est interdit de territoire pour fausse déclaration et ne peut présenter une demande de résidence permanente pendant cinq (5) ans après cette décision. En l’espèce, Mme Kaur ne peut pas demander la résidence permanente avant la date à laquelle prend fin le délai de la décision d’interdiction de territoire à son encontre, soit le 6 janvier 2023.

[6] Le 24 janvier 2018, Mme Kaur a demandé un deuxième VRT. Cette demande a été refusée le 3 avril 2018. Son interdiction de territoire a été maintenue parce qu’une période de cinq ans ne s’était pas écoulée depuis la précédente décision d’interdiction de territoire.

[7] En mars 2018, le demandeur a présenté une demande visant à parrainer son épouse afin qu’elle obtienne la résidence permanente. Cette demande de parrainage a été refusée pour le même motif d’interdiction de territoire.

[8] Le 5 juillet 2019, le demandeur a présenté une deuxième demande de parrainage, différente, qui demandait à l’agent d’évaluer sa demande en tenant compte de motifs d’ordre humanitaire conformément au paragraphe 25(1) de la LIPR. Plus précisément, le demandeur a inclus des renseignements sur les difficultés qui pourraient affecter la relation s’ils restaient séparés pendant toute la durée de la période d’interdiction de territoire.

[9] Le 29 juillet 2020, un agent d’immigration a refusé la deuxième demande de parrainage du fait que la période d’interdiction de territoire de cinq ans ne s’était pas écoulée et qu’il n’y avait pas suffisamment de motifs d’ordre humanitaire pour justifier l’octroi d’un visa de résidence permanente à l’épouse du demandeur. Une lettre refusant la délivrance du visa de résidence permanente a été envoyée à l’épouse du demandeur; une lettre différente a été adressée le même jour au demandeur en sa qualité de répondant. La lettre l’informe que [traduction] « [l]e paragraphe 63(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés permet à quiconque qui a déposé, conformément au règlement, une demande de parrainage d’un étranger en tant que membre de la catégorie du regroupement familial d’interjeter appel à la Section d’appel de l’immigration du refus de délivrer le visa de résident permanent ».

[10] Vers le 12 août 2020, le demandeur a déposé un avis d’appel de la décision de refus devant la SAI. La SAI a répondu par une lettre indiquant que le tribunal pourrait ne pas être en mesure d’entendre l’appel pour défaut de compétence. La décision de la SAI concernant l’appel en matière de parrainage a été rendue le 17 octobre 2020.

II. La décision faisant l’objet du contrôle

[11] La décision du 29 juillet 2020 portée en appel devant la SAI est elle-même très courte. Elle renvoie au paragraphe 40(2) de la Loi qui prévoit l’interdiction de territoire de cinq ans. Cela interdit la présentation d’une demande de visa de résident permanent avant l’expiration de la période d’interdiction de territoire. L’agent annonce alors que la demande et [traduction] « votre situation » ont été examinées conformément au paragraphe 25(1) de la Loi. Sans aucune analyse, il est déclaré [traduction] « j’ai déterminé qu’il ne serait pas justifié par des motifs d’ordre humanitaire de vous accorder le statut de résident permanent ou de vous dispenser de l’application de tout critère ou de toute obligation prévu de la Loi ». Aucun motif n’a été donné.

[12] Cela nous amène à la décision réelle de la SAI et à sa justification. La décision ne comporte qu’une seule page. La SAI a refusé d’entendre l’affaire en raison d’un défaut de compétence (décision du 17 octobre 2020). La SAI mentionne qu’il s’agit d’une deuxième tentative de parrainage de l’épouse de M. Makkar. Vu que la décision d’interdiction de territoire n’a pas fait l’objet d’un appel, un étranger ne peut pas demander le statut de résident permanent en application du paragraphe 40(3) de la Loi.

[13] La deuxième demande de parrainage a été faite le 5 juillet 2019, bien avant la date de fin de l’interdiction de présentation d’une demande. En l’espèce, ce délai expire le 6 janvier 2023. Selon la SAI, cela signifie qu’elle ne peut pas examiner l’appel. La décision de notre Cour Gill c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 33 [Gill] fait autorité selon la SAI.

[14] Quant à l’application du paragraphe 25(1) de la Loi, voici ce que la SAI a déclaré :

En vertu de l’article 25 (1) de la Loi, le ministre peut décider si des motifs d’ordre humanitaire s’appliquent dans le cas d’un étranger hors du Canada qui est interdit de territoire pour fausses déclarations. Dans la présente affaire, l’épouse de M. Makkar, étant à l’extérieur du Canada, le ministre n’a aucune obligation d’examiner sa demande. De plus, la SAI n’a aucune compétence en la matière. Il s’agit d’une prérogative propre au ministre.

La Cour fédérale a confirmé que l’évaluation des motifs humanitaires énoncée au paragraphe 25(1) de la Loi est à la discrétion du ministre et non de la SAI.

Ces paragraphes, plutôt elliptiques, ne comportent aucune explication quant à leur sens, surtout eu égard au fait que l’agent d’immigration s’était déjà prononcé sur l’application de l’article 25 dans les circonstances de l’espèce. Cela constitue les tenants et aboutissants des motifs invoqués. La signification de ces deux paragraphes demeure très floue lorsqu’il s’agit d’examiner l’article 65 de la Loi.

III. Observations et analyse

A. Les observations

[15] Le demandeur expose clairement la question à trancher au paragraphe 2 de son mémoire écrit : [traduction] « si un étranger est interdit de territoire pour fausse déclaration et que son épouse dépose une demande de parrainage pour obtenir la résidence permanente avant l’expiration de la période d’interdiction de territoire de cinq ans, mais qu’il souhaite que la demande soit examinée en fonction de motifs d’ordre humanitaire, le répondant a-t-il le droit d’interjeter appel de la décision de refus auprès de la SAI? » Le demandeur ajoute qu’[traduction] « [à] ce jour, il semble que la Cour fédérale n’ait pas encore examiné ce scénario précis ».

[16] Comme nous le voyons plus loin, cette dernière affirmation n’est peut-être plus exacte. Notre Cour s’est prononcée sur à la compétence de la SAI dans une affaire où des motifs d’ordre humanitaire ont été invoquées dans le but de soustraire une personne à la période d’interdiction de territoire de cinq ans pour des considérations d’ordre humanitaire. Même si l’on présume que la décision Gill invoquée par la SAI pour nier sa compétence est bien fondée, cela ne tiendrait pas compte du scénario proposé par la présente affaire visée par le contrôle judiciaire. Pour parler franchement, les deux situations sont différentes.

[17] Le demandeur développe son propre argument. Il prétend qu’il y a une question d’équité procédurale, qui exige une norme de contrôle de la décision correcte. Si tel est le cas, la jurisprudence appuie cette norme de contrôle.

[18] Toutefois, pour que cela soit avéré, il doit d’abord y avoir une question d’équité procédurale. Je conclus que la question relevée par le demandeur en est une d’équité procédurale. On prétend que la SAI a nié un recours judiciaire prévu par la loi. Selon l’interprétation donnée aux articles 63 et 64 de la Loi, le droit d’interjeter appel devant la SAI existe, dit le demandeur. Cependant, ce que le demandeur fait en réalité, c’est de soutenir que la SAI a commis une erreur de droit dans l’interprétation qu’elle donne à la section 7 de la LIPR. L’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] confirme qu’une cour de révision « doit partir de la présomption que la norme de contrôle applicable à l’égard de tous les aspects de cette décision est celle de la décision raisonnable » (au para 25). Certaines exceptions à cette présomption sont énoncées dans l’arrêt Vavilov, et confirmées dans l’arrêt Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c Entertainment Software Association, 2022 CSC 30, [Société canadienne des auteurs] au para 26, mais aucune ne s’applique aux questions de droit courantes concernant une loi constitutive du décideur administratif. En fait, il est bien reconnu que la norme de la décision raisonnable s’applique à l’interprétation que fait le décideur de sa loi constitutive. Cela n’est pas nouveau (Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 RCS 654 au para 30; Edmonton (Ville) c Edmonton East (Capilano) Shopping Centres Ltd., 2016 CSC 47, [2016] 2 RCS 293 aux para 22 et 23). La récente affaire Société canadienne des auteurs ajoute une sixième catégorie, mais ne modifie pas l’état du droit selon l’arrêt Vavilov.

[19] Le demandeur a plaidé sa cause également pour le motif que la décision est déraisonnable.

[20] Dans l’arrêt Canada (Sécurité publique Canada) c Gaytan, 2021 CAF 163, la Cour d’appel fédérale a résumé ce que suppose le contrôle judiciaire selon la norme de la décision raisonnable une fois qu’une cour de révision est saisie de l’interprétation donnée à la loi constitutive d’un décideur :

[traduction]
[23] Lors d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, l’examen « doit s’intéresser à la décision effectivement rendue par le décideur, notamment au raisonnement suivi et au résultat de la décision (Vavilov, au par. 83). En fin de compte, la cour de révision doit déterminer si la décision est « fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et […] justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov, au par. 85). Lorsque la question en litige concerne plus précisément l’interprétation par le décideur de sa loi constitutive, le contrôle selon la norme de la décision raisonnable signifie que, bien que l’interprétation du décideur doive être conforme au texte, au contexte et à l’objet de la disposition, comme l’exigent les principes habituels d’interprétation des lois (Vavilov, au para 120), la cour de révision doit s’abstenir d’entreprendre une analyse de novo de la question soulevée ou de se demander « ce qu’aurait été la décision correcte ». Elle doit plutôt « examiner la décision administrative dans son ensemble, y compris les motifs fournis par le décideur et le résultat obtenu » (Vavilov, au para 116).

[Non souligné dans l’original.]

[21] Le demandeur prétend que la décision de la SAI était déraisonnable. D’abord, il soutient que la décision du tribunal est déraisonnable parce que celui-ci a refusé d’examiner l’une des observations centrales du demandeur. Il soutient en outre que la décision de la SAI est erronée parce que la demande de parrainage a été présentée conformément à la Loi, contrairement à la conclusion tirée par la SAI. Enfin, la décision rendue à l’égard du demandeur est déraisonnable parce qu’elle a refusé d’envisager que le droit d’en appeler à la SAI est un droit détenu par un répondant au Canada, et non par l’étranger. En dernière analyse, tout se résume à l’argument selon lequel la loi, une fois qu’elle est bien comprise, permet d’interjeter appel lorsque des motifs d’ordre humanitaire sont invoqués.

[22] Le droit d’appel invoqué en l’espèce est prévu au paragraphe 63(1) de la LIPR :

Droit d’appel : visa

Right to appeal — visa refusal of family class

63 (1) Quiconque a déposé, conformément au règlement, une demande de parrainage au titre du regroupement familial peut interjeter appel du refus de délivrer le visa de résident permanent.

63 (1) A person who has filed in the prescribed manner an application to sponsor a foreign national as a member of the family class may appeal to the Immigration Appeal Division against a decision not to issue the foreign national a permanent resident visa.

Le demandeur soutient que les éléments essentiels du paragraphe 63(1) sont présents dans son cas. Une demande de parrainage a été déposée, conformément au règlement, la personne parrainée est une étrangère admissible au titre de la catégorie du regroupement familial; la décision susceptible d’appel est le refus de délivrer un visa permanent.

[23] Le demandeur affirme que la décision de la SAI était déraisonnable, car elle n’a pas tenu compte de l’un des principaux arguments du demandeur, notamment que l’affaire est distincte de celle de la décision Gill puisqu’elle concerne une demande présentée au titre du paragraphe 25(1) de la LIPR. La SAI a conclu qu’elle ne pouvait pas entendre l’appel pendant la période d’interdiction de territoire de cinq ans; la SAI a rendu sa décision en se fondant sur la décision Gill, qui a conclu qu’une demande n’est pas faite conformément à la Loi lorsqu’elle est faite malgré l’interdiction du paragraphe 40(3). La tentative du demandeur d’établir une distinction entre son cas et celui de la décision Gill, du fait que l’affaire devrait être évaluée en fonction de facteurs liés aux motifs d’ordre humanitaire, présente un scénario non envisagé dans la décision Gill.

[24] La décision Gill ne fait pas obstacle à un appel devant la SAI, car la demande de parrainage a été faite conformément à la Loi, l’article 25 de la Loi pouvant lever tout critère ou toute obligation applicable de la Loi. Le facteur distinctif pour le demandeur est que dans la décision Gill, la SAI n’avait pas à tenir compte de motifs d’ordre humanitaire. La LIPR permet à ceux qui ne satisfont pas aux exigences de la Loi de demander que les demandes de résidence permanente soient évaluées en fonction de motifs d’ordre humanitaire.

[25] Le même agent qui a refusé la demande de parrainage a également conclu que les motifs d’ordre humanitaire étaient insuffisants pour justifier une décision favorable en application du paragraphe 25(1) de la LIPR. Cette décision déclenche l’application de l’article 63(1) de la LIPR, à savoir que la demande est déposée conformément au règlement, que l’étranger est admissible au titre de la catégorie du regroupement familial et qu’il y a eu une décision de refus de visa de RP (mémoire du demandeur, au paragraphe 41).

[26] Le demandeur soutient que le paragraphe 64(3) confirme son droit d’appel en l’espèce :

Fausses déclarations

Misrepresentation

64 (3) N’est pas susceptible d’appel au titre du paragraphe 63(1) le refus fondé sur l’interdiction de territoire pour fausses déclarations, sauf si l’étranger en cause est l’époux ou le conjoint de fait du répondant ou son enfant.

64 (3) No appeal may be made under subsection 63(1) in respect of a decision that was based on a finding of inadmissibility on the ground of misrepresentation, unless the foreign national in question is the sponsor’s spouse, common-law partner or child.

Le fait d’être l’épouse d’un répondant ayant été déclarée interdite de territoire pour fausses déclarations n’est pas un obstacle à un appel devant la SAI, comme l’atteste le paragraphe 64(3).

[27] Le droit d’appel dans les circonstances restreintes du paragraphe 64(3) a pour but d’atténuer les graves conséquences découlant de la Loi lorsqu’il a été conclu qu’il y avait eu fausse déclaration. Il n’y a aucune justification pour rejeter l’appel, certainement pas pour le motif que la SAI n’a pas la compétence.

[28] Le défendeur a soutenu que le paragraphe 40(3) de la LIPR réglait la question de compétence, ainsi que la décision Gill de notre Cour. La demande de parrainage était nulle et non avenue ab initio. Le ministre a en outre soutenu qu’une [traduction] « demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire est exclue par les termes mêmes du paragraphe 40(3) de la LIPR » (mémoire, au paragraphe 50). Le ministre affirme également que le paragraphe 64(3) de la LIPR est limité aux affaires où la fausse déclaration par l’époux se produit au cours du processus de demande de parrainage. Je n’ai pas trouvé dans le texte du paragraphe 64(3) comment sa portée peut être limitée comme le fait valoir le ministre. De même, on soutient que le principe du stare decisis oblige à suivre la décision Gill.

B. Faits survenus après l’audience

[29] Au moment où les parties ont produit leur mémoire des faits et du droit, la Cour fédérale n’avait pas encore examiné si un appel peut être interjeté devant la SAI lorsqu’un demandeur présente une demande de parrainage pour son épouse interdite de territoire et souhaite que la demande soit examinée à la lumière des motifs d’ordre humanitaire. En fait, la SAI semble avoir trouvé dans la décision Gill une autorité pour appuyer sa décision, mais dans un scénario sensiblement différent de celui présenté en l’espèce.

[30] À l’audience de la présente cause, la Cour a sollicité des observations sur une affaire qui était à l’époque mise en délibéré par notre Cour. Comme l’ont mentionné les parties, il n’y avait pas de jurisprudence issue de notre Cour autre que la décision Gill. Quelques commentaires et observations ont été fournis. Une décision sur la question de savoir si la SAI a compétence ou non sur une affaire comme celle dont est saisie notre Cour a été rendue depuis ces premiers commentaires.

[31] Ainsi, la Cour a demandé d’autres commentaires et observations sur cette affaire qui n’étaient pas disponibles au moment où la présente affaire a été initialement entendue. Dans la décision Sedki c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1071 [Sedki], notre Cour a conclu que la décision Gill n’était pas déterminante sur ce qu’est une question différente, c.-à-d. comment résoudre l’apparente divergence entre le paragraphe 40(3) et le paragraphe 25(1).

[32] Dans les derniers arguments supplémentaires, l’avocate du demandeur a fait valoir que la décision Sedki est parfaitement conforme à ses observations : elle soutient que les faits pertinents dans les deux affaires sont identiques et qu’elles traitent toutes les deux des mêmes questions centrales. Dans la décision Sedki, la Cour a examiné à la fois la décision de l’agent d’immigration et la compétence de la SAI pour entendre un appel de la décision de l’agent. Ses arguments dans son mémoire écrit initial sont pleinement soutenus dans la décision Sedki. À la suite de l’arrêt R. c Sullivan, 2022 CSC 19 [Sullivan], selon le principe de la courtoisie judiciaire, ou du stare decisis horizontal, la décision Sedki devrait être suivie par notre Cour en l’espèce.

[33] L’avocate du ministre fait remarquer pour sa part que le ministre a interjeté appel de la décision Sedki (une question a été certifiée). L’avocate réaffirme que le paragraphe 40(3) de la LIPR règle la question. L’avocate commente l’application du récent arrêt de la Cour suprême du Canada Sullivan visant à établir certaines distinctions sur les faits entre la décision Gill et la décision Sedki. Néanmoins, l’avocate a proposé des questions à certifier. Nous revenons plus loin sur la question de savoir ce qui constitue des questions appropriées en l’espèce.

C. La décision Sedki

[34] À mon avis, notre Cour a traité la question de la relation entre les articles 40 et 25, conjointement avec la section 7 de la LIPR, d’une manière complète et convaincante dans la décision Sedki. Il s’ensuit que notre Cour devrait suivre la décision Sedki à moins qu’il n’y ait des raisons de s’en écarter (Sullivan). Je n’en trouve aucune.

[35] Dans la décision Sedki, le juge McHaffie a examiné de front la tension qui existe entre le paragraphe 25(1) et le paragraphe 40(3) de la Loi. Le paragraphe 1 de la décision est sans équivoque :

[1] L’étranger qui est interdit de territoire au Canada pour fausses déclarations ne peut, pendant la période d’interdiction, présenter de demande pour obtenir le statut de résident permanent. Cette prohibition empêche-t-elle l’étranger de présenter une demande pour un visa de résident permanent pour motif d’ordre humanitaire [demande CH] en vertu de l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 [LIPR]? [La présente] demande de contrôle judiciaire soulève cette question centrale.

En fait, le ministre a avancé dans la décision Sedki le même argument que celui présenté dans l’affaire visée par le contrôle judiciaire : « Le ministre soutient que la Cour devrait confirmer la décision de l’Agent pour motif que le paragraphe 40(3) de la LIPR empêche une demande CH en vertu du paragraphe 25(1) ». (Sedki, au para 4). La Cour tranche la question au paragraphe 5 :

[5] Je ne suis pas d’accord. Au contraire, ayant entendu les arguments du ministre et des demandeurs, je conclus que la seule interprétation raisonnable des dispositions pertinentes est que l’étranger interdit de territoire pour fausses déclarations peut toujours déposer une demande CH en vertu du paragraphe 25(1). Selon le libellé de l’article 25, le législateur a expressément empêché certains étrangers interdits de territoire de déposer une demande CH. Les étrangers interdits selon l’article 40 pour fausses déclarations ne sont pas parmi ceux énumérés à l’article 25. Cet indice législatif fort est confirmé par d’autres indications dans la LIPR, dans certains guides publiés par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) et dans la jurisprudence de cette Cour. Ces indications démontrent, sans permettre une autre interprétation raisonnable, que l’Agent avait la discrétion de traiter la demande CH, ce qu’il n’a pas fait.

[36] Le jugement poursuit en expliquant dans plus de 145 paragraphes comment concilier les articles 25 et 40 de la Loi. La décision Sedki explique sa compréhension de la formulation des articles :

[58] Donc, en lisant leurs textes indépendamment, on voit que le paragraphe 40(3) empêche l’étranger interdit de territoire pour fausses déclarations de présenter une demande pour obtenir le statut de résident permanent tandis que le paragraphe 25(1) permet [à] l’étranger hors du Canada de présenter une demande CH pour obtenir le statut de résident permanent, à quelques exceptions près. La question est donc effectivement si, en les lisant ensemble, le paragraphe 40(3) fait exception au paragraphe 25(1) ou si le paragraphe 25(1) fait exception au paragraphe 40(3).

[59] Ni le texte du paragraphe 40(3) ni celui du paragraphe 25(1) ne fait référence à l’autre. Néanmoins, comme le soulignent les demandeurs, le paragraphe 25(1) énonce explicitement plusieurs cas dans lesquels le ministre ne peut pas considérer une demande CH. Ces cas incluent notamment l’interdiction de territoire selon les articles 34, 35 ou 37. Le paragraphe ne mentionne pas l’interdiction de territoire pour fausses déclarations prévu à l’article 40.

[60] Je suis d’accord avec les demandeurs que l’absence de l’article 40 [dans le] texte du paragraphe 25(1), alors que plusieurs autres interdictions de territoire [y] sont énumérées, suggère fortement et clairement que l’intention du Parlement n’était pas d’empêcher l’étranger interdit de territoire pour fausses déclarations de présenter une demande CH.

[61] Si le Parlement voulait que l’étranger interdit de territoire selon l’article 40 ne puisse pas présenter une demande CH, il suffirait d’ajouter l’article 40 aux articles 34, 35 et 37 dans le texte du paragraphe 25(1). Le fait que le Parlement n’ait pas inclus l’article 40 dans cette liste est une indication textuelle claire. Ceci est surtout le cas puisque le paragraphe 40(3) a été ajouté à la LIPR dans le cadre de la même loi qui a modifié le paragraphe 25(1) pour exclure de son application l’étranger interdit de territoire en raison d’un cas visé aux articles 34, 35 ou 37 : Loi accélérant le renvoi de criminels étrangers, LC 2013, ch 16, arts 9, 16.

[37] L’analyse ne s’est pas terminée à l’examen des deux articles. La Cour examine ensuite d’autres dispositions. Il est conclu que les articles 63 à 65 de la section 7 de la LIPR, qui prévoient le droit d’appel devant la SAI, appuient le droit d’interjeter appel dans des circonstances semblables à celles en l’espèce. Par souci de commodité, je reproduis ensemble les paragraphes 63(1) et 64(3) et l’article 65 :

Droit d’appel : visa

Right to appeal — visa refusal of family class

63 (1) Quiconque a déposé, conformément au règlement, une demande de parrainage au titre du regroupement familial peut interjeter appel du refus de délivrer le visa de résident permanent.

63 (1) A person who has filed in the prescribed manner an application to sponsor a foreign national as a member of the family class may appeal to the Immigration Appeal Division against a decision not to issue the foreign national a permanent resident visa.

[…]

Fausses déclarations

Misrepresentation

64 (3) N’est pas susceptible d’appel au titre du paragraphe 63(1) le refus fondé sur l’interdiction de territoire pour fausses déclarations, sauf si l’étranger en cause est l’époux ou le conjoint de fait du répondant ou son enfant.

64 (3) No appeal may be made under subsection 63(1) in respect of a decision that was based on a finding of inadmissibility on the ground of misrepresentation, unless the foreign national in question is the sponsor’s spouse, common-law partner or child.

[…]

Motifs d’ordre humanitaires

Humanitarian and compassionate considerations

65 Dans le cas de l’appel visé aux paragraphes 63(1) ou (2) d’une décision portant sur une demande au titre du regroupement familial, les motifs d’ordre humanitaire ne peuvent être pris en considération que s’il a été statué que l’étranger fait bien partie de cette catégorie et que le répondant a bien la qualité réglementaire.

65 In an appeal under subsection 63(1) or (2) respecting an application based on membership in the family class, the Immigration Appeal Division may not consider humanitarian and compassionate considerations unless it has decided that the foreign national is a member of the family class and that their sponsor is a sponsor within the meaning of the regulations.

[38] Il faut lire les paragraphes 72 à 75 de la décision Sedki où la Cour fait une démonstration convaincante qu’un appel peut être interjeté devant la SAI. Le paragraphe 63(1) semble plutôt clair et simple. Il confère la compétence à la SAI pour entendre un appel concernant une demande de parrainage d’un étranger au titre de membre de la catégorie du regroupement familial. Le paragraphe 64(3) garantit en outre qu’un appel d’une décision fondée sur une conclusion d’interdiction de territoire pour fausses déclarations est disponible tant que l’étranger est (entre autres) l’époux du répondant. Le juge McHaffie a estimé que cette indication était nette. J’abonde aussi dans le même sens. Enfin, il m’est difficile de comprendre comment on peut affirmer que la SAI n’est pas concernée par les motifs d’ordre humanitaire. L’article 65 ne cadre pas avec une proposition aussi large. Il convient de répéter qu’en l’espèce, l’agent d’immigration a conclu que les motifs d’ordre humanitaire n’étaient pas suffisants. Bien qu’il n’y ait aucune explication à cette décision, il demeure qu’il s’agit de la décision portée en appel devant la SAI, et le refus d’exercer sa compétence pour entendre l’appel en présence de l’article 65 nécessite une explication. Dans la décision Sedki, la Cour examine très soigneusement et rigoureusement les articles 40, 63 et 64 de la Loi pour répondre à la question de savoir « si la SAI avait la compétence pour entendre un appel de la décision de l’Agent et pour prendre en considération les motifs d’ordre humanitaire » (au para 118).

[39] Comme je l’ai souligné précédemment, la SAI a conclu sommairement qu’elle n’avait pas compétence pour entendre l’appel de la décision d’un agent d’immigration qui, après avoir examiné la demande conformément au paragraphe 25(1) de la LIPR, a conclu qu’il n’était pas justifié d’accorder la mesure. Notre Cour dans la décision Sedki a conclu qu’une « demande CH en vertu de l’article 25 n’est pas interdite par le paragraphe 40(3). Une telle demande n’est donc pas nulle et l’arrêt Gill ne s’applique pas » (au para 126). S’il existe d’autres raisons que celles énoncées par la SAI, elles n’ont pas été soumises dans le présent dossier. En effet, s’il y avait d’autres raisons, j’aurais demandé des observations supplémentaires sur le caractère suffisant des raisons pour satisfaire aux exigences de l’arrêt Vavilov (plus précisément aux para 82 à 87).

D. Stare decisis horizontal

[40] À mon avis, l’analyse effectuée aux paragraphes 123 à 130 de la décision Sedki exige qu’elle soit suivie par application du stare decisis horizontal ou par souci de courtoisie judiciaire (Sullivan, au para 65). Elle est pertinente, elle est convaincante et les parties en l’espèce n’ont avancé aucun motif pour lequel elle ne devrait pas être suivie. Je n’ai trouvé aucun motif de m’écarter de la décision Sedki (Sullivan, aux para 73 et al). Je reproduis dans son intégralité le paragraphe 75 de l’arrêt Sullivan.

[75] Le principe de la courtoisie judiciaire — voulant que les juges traitent les décisions de leurs consœurs et confrères avec courtoisie et considération — et les principes de la primauté du droit qui appuient la règle du stare decisis impliquent que les décisions antérieures devraient être suivies, à moins que les critères énoncés dans la décision Spruce Mills soient satisfaits. Lorsqu’ils sont correctement formulés et appliqués, les critères de cette décision établissent un rapport juste entre les impératifs concurrents de la certitude, de la justesse et de l’évolution équilibrée du droit. Les tribunaux de première instance ne devraient s’écarter des décisions faisant autorité rendues par un tribunal de juridiction équivalente que dans trois situations précises :

1. La justification d’une décision antérieure a été compromise par des décisions subséquentes de cours d’appel;

2. La décision antérieure a été rendue per incuriam (« par imprudence » ou « par inadvertance »); ou

3. La décision antérieure n’a pas été mûrement réfléchie, c.‑à‑d. qu’elle a été prise dans une situation d’urgence (« exigent circumstances »).

Je crois qu’il est évident qu’aucune des trois « situations précises » n’est présente en l’espèce. Il n’y a pas de décision subséquente de cours d’appel pour remettre en cause la décision Sedki. La décision antérieure n’a pas été rendue par inadvertance. Elle a été mûrement réfléchie.

[41] Le paragraphe 130 de la décision Sedki résume utilement la décision rendue par la Cour. Il est rédigé ainsi :

[130] Basé sur ces dispositions de la LIPR et les arrêts Gill et Habtenkiel, je conclus que le droit d’appel à la SAI lorsqu’un étranger dépose une demande de résidence permanente parrainée alors qu’il est interdit de territoire selon l’article 40, s’applique comme suit :

(1) Si la demande n’est pas accompagnée par une demande CH selon l’article 25, elle est nulle et il n’y a pas de droit d’appel à la SAI même si l’agent a traité la demande. La SAI n’a pas compétence et une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire peut être déposée : Gill au para 16.

(2) Si la demande est accompagnée par une demande CH, l’agent doit traiter la demande CH selon l’article 25. Si la demande est refusée, c’est-à-dire que l’agent a conclu expressément ou implicitement que les motifs d’ordre humanitaire ne justifient pas une exemption à l’interdiction :

(a) si le demandeur ne fait pas partie de la catégorie du regroupement familial, la SAI n’a pas compétence pour statuer sur les motifs d’ordre humanitaire et une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire peut être déposée : Habtenkiel au para 38; LIPR, art 65; RIPR, art 117;

(b) si le demandeur fait partie de la catégorie du regroupement familial, mais n’est pas l’époux, le conjoint de fait ou l’enfant du répondant, il n’y a pas d’appel à la SAI et une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire peut être déposée : LIPR, art 64(3); et

(c) si le demandeur fait partie de la catégorie du regroupement familial et il est l’époux, le conjoint de fait ou l’enfant du répondant, le répondant peut faire appel à la SAI, qui a compétence pour statuer sur les motifs d’ordre humanitaire et une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire ne peut être présentée qu’une fois que les voies d’appel du répondant soient épuisées : LIPR, art 72(2)a).

[Non souligné dans l’original.]

[42] En fait, la décision Sedki répond à l’argument selon lequel le paragraphe 40(3) de la Loi empêche un agent de traiter les demandes fondées sur des considérations d’ordre humanitaire et conclut qu’un appel peut être interjeté auprès de la SAI. Ce sont des conclusions qui s’appliquent à la présente affaire d’après le dossier.

[43] La question en litige a été examinée en profondeur dans la décision Sedki. Cette décision fait le constat minutieux des dispositions en jeu, mais aussi des guides publiés par le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration (aux para 77 à 82) en lien avec la question, le contexte administratif (aux para 83 à 85), le contexte jurisprudentiel (aux para 86 à 95) ainsi que les modifications à la Loi et les débats parlementaires (aux para 96 à 107). En conséquence, la décision Sedki doit être suivie en raison du stare decisis horizontal.

IV. Conclusion

[44] La combinaison des articles 25 et 40 de la LIPR n’empêche pas le traitement par un agent des demandes fondées sur des considérations d’ordre humanitaire. L’agent a simplement conclu en l’espèce qu’[traduction] « il ne serait pas justifié par des motifs d’ordre humanitaire de vous accorder le statut de résident permanent ou de vous dispenser de l’application de tout critère ou de toute obligation prescrit par la Loi ». Pour l’affaire en instance, la SAI a décidé qu’elle n’avait pas compétence pour entendre un appel de la décision de l’agent des visas concluant qu’il n’y avait pas suffisamment de motifs d’ordre humanitaire pour justifier l’octroi d’un visa de résidence permanente ou pour lever tout critère ou toute obligation applicable de la Loi. Contrairement à l’argument présenté par le défendeur, la décision Gill ne s’impose pas dans les circonstances en l’espèce. C’est plutôt la décision Sedki qui s’applique.

[45] La question dont est saisie notre Cour est de savoir si la SAI a compétence pour entendre l’appel de la décision d’un agent de refuser la mesure demandée parce qu’elle n’a pas compétence. Il s’ensuit que la demande de contrôle judiciaire doit être accueillie et que l’affaire doit être renvoyée à la SAI pour qu’elle exerce sa compétence et examine l’appel sur le fond.

[46] Le ministre a proposé dans ses observations supplémentaires trois questions à certifier conformément à l’article 74 de la Loi. Elles sont les suivantes :

[traduction]
La demande de visa de résident permanent présentée par une personne interdite de territoire en application de l’article 40(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) déposée pendant la période d’interdiction de territoire établie à l’alinéa 40(2)a) de la LIPR est-elle nulle et non avenue ab initio?

Si un agent des visas rend néanmoins une décision sur la demande de visa de résident permanent présentée par une personne interdite de territoire en application du paragraphe 40(1) de la LIPR et déposée pendant la période d’interdiction de territoire établie à l’alinéa 40(2)a) de la LIPR, sa décision est-elle nulle et non avenue ab initio?

La décision de l’agent des visas concernant la demande de visa de résident permanent présentée par une personne interdite de territoire en application du paragraphe 40(1) de la LIPR pendant la période d’interdiction de territoire établie à l’alinéa 40(2)a) de la LIPR est-elle assujettie à un droit d’appel devant la Section d’appel de l’immigration aux termes du paragraphe 63(1) de la LIPR?

Je suis certainement d’accord avec mon collègue le juge McHaffie pour dire que les conditions relatives à la certification des questions sont remplies (Sedki, aux para 141 à 143).

[47] En lisant les trois questions, il me semble que les deux premières sont visées par la question certifiée de la décision Sedki. Quant à la troisième question, étant donné la conclusion de la décision Sedki, qui est résumée à l’alinéa 130(2)c) de la décision, on pourrait affirmer que la question de compétence est comprise dans la question de la décision Sedki. J’ajoute, soit dit en passant, que la Cour suit l’analyse de la compétence de la SAI dans la décision Sedki par courtoisie judiciaire et, qui plus est, je souscris entièrement au raisonnement et à l’analyse dans la décision Sedki. À mon avis, elle règle, pour les motifs énoncés dans la décision Sedki, cette question particulière en l’espèce. Quoi qu’il en soit, étant donné que l’importance de la question de compétence en l’espèce est telle qu’une certaine précision pourrait éventuellement être utile si une deuxième question était certifiée, la Cour formulerait une question fondée en partie sur la troisième question proposée par le défendeur. Je modifierais toutefois la troisième question proposée pour tenir compte pleinement du fait que la question n’est pas strictement de savoir si la SAI a compétence, mais plutôt que la compétence en appel dépend d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. La deuxième question certifiée serait donc rédigée comme suit :

La décision concernant la demande de parrainage de résidence permanente présentée par une personne interdite de territoire en application du paragraphe 40(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés LC 2001, c 27 (LIPR), pendant la période d’interdiction de territoire établie à l’alinéa 40(2)a), lorsqu’il y a une demande de mesure de réparation concernant l’effet du paragraphe 40(3) conformément à l’article 25 de la LIPR (eu égard aux motifs d’ordre humanitaire), est-elle susceptible d’appel devant la Section d’appel de l’immigration vu les paragraphes 63(1) et 64(3), et l’article 65 de la LIPR?

[48] La Cour dans la décision Sedki a certifié une question. Je certifierais la même question en application de l’article 74 de la LIPR :

L’étranger interdit de territoire pour fausses déclarations aux termes du paragraphe 40(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR), pendant la période établie à l’alinéa 40(2)a) de la LIPR, peut-il présenter une demande pour obtenir le statut de résident permanent pour motifs d’ordre humanitaire au sens du paragraphe 25(1) de la LIPR, malgré l’interdiction de présenter une demande pour obtenir le statut de résident permanent prévu au paragraphe 40(3) de la LIPR?

Par souci de clarté, la Cour certifierait une deuxième question.


JUGEMENT dans le dossier IMM-5594-20

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La Section d’appel de l’immigration a compétence pour entendre l’appel. L’affaire est renvoyée à la Section d’appel de l’immigration afin qu’un tribunal différent exerce sa compétence pour examiner l’affaire sur le fond.

  2. Les questions suivantes sont certifiées en vue d’un appel :

  • (i)L’étranger interdit de territoire pour fausses déclarations aux termes du paragraphe 40(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR), pendant la période établie à l’alinéa 40(2)a) de la LIPR, peut-il présenter une demande pour obtenir le statut de résident permanent pour motifs d’ordre humanitaire au sens du paragraphe 25(1) de la LIPR, malgré l’interdiction de présenter une demande pour obtenir le statut de résident permanent prévu au paragraphe 40(3) de la LIPR?

  • (ii)La décision concernant la demande de parrainage de résidence permanente présentée par une personne interdite de territoire en application du paragraphe 40(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés LC 2001, c 27 (LIPR), pendant la période d’interdiction de territoire établie à l’alinéa 40(2)a), lorsqu’il y a une demande de mesure de réparation concernant l’effet du paragraphe 40(3) conformément à l’article 25 de la LIPR (eu égard aux motifs d’ordre humanitaire), est-elle susceptible d’appel devant la Section d’appel de l’immigration vu les paragraphes 63(1) et 64(3), et l’article 65 de la LIPR?

« Yvan Roy »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5594-20

 

INTITULÉ :

MAKKAR, SUNNY c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU D’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 4 OCTOBRE 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ROY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 29 JUILLET 2022

 

COMPARUTIONS :

Annabel E. Busbridge

 

Pour le demandeur

 

Michel Pépin

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bertrand, Deslauriers Avocats

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.