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Date : 20220810


Dossier : T-669-19

Référence : 2022 CF 1163

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 10 août 2022

En présence de monsieur le juge Simon Noël

ENTRE :

BHAGAT SINGH BRAR

appelant

et

CANADA (MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE)

intimé

JUGEMENT ET MOTIFS

Table des matières

I. Aperçu 2

II. Contexte 7

A. Faits dans l’appel de M. Brar 7

B. Historique des procédures des deux appels (M. Brar et M. Dulai) 9

III. Dispositions législatives 10

IV. Les éléments de preuve publics présentés par l’appelant 13

V. Les éléments de preuve publics présentés par le ministre 21

VI. Les observations publiques de l’appelant 26

VII. Les observations publiques du ministre 30

VIII. Question en litige 33

A. Les normes applicables 33

(1) Norme de contrôle 33

(2) La norme minimale 36

B. Les éléments de preuve contradictoires doivent être évalués selon la prépondérance des probabilités 40

C. La décision du ministre faisant l’objet du contrôle 42

D. L’ampleur des éléments de preuve publics découlant de la procédure d’appel 43

E. Les principes de droit liés à la divulgation de renseignements touchant la sécurité nationale dans des procédures judiciaires civiles et administratives 54

IX. Conclusion découlant de la procédure d’appel 59

X. Le voyage du premier ministre en Inde 64

XI. La conclusion sur la question de savoir si la décision était raisonnable au titre de l’alinéa 8(1)a) de la LSDA 66

XII. Les conclusions sur la question de savoir si la décision était raisonnable au titre des sous-alinéas 8(1)b)(i) et (ii) de la LSDA 67

XII. La LSDA doit être améliorée 69

XIII. Conclusion 70

JUGEMENT dans le dossier T-669-19 72

Annexe A 74

Annexe B 100

 

I. Aperçu

[1] L’appel en l’espèce se rapporte à une affaire à plusieurs volets dans le cadre de laquelle les prétentions de l’appelant concernant le caractère raisonnable de la décision du ministre et celles concernant les articles 6 et 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c 11 (R-U) [la Charte], sont examinées dans des décisions distinctes. Le présent jugement et ses motifs traitent du caractère raisonnable, alors que les questions constitutionnelles sont examinées dans une décision concurrente (Brar et al c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2022 CF 1168). Des conclusions particulières relatives à l’appel en l’espèce et à l’affaire connexe (voir Dulai c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2022 CF 1164) figurent dans des motifs confidentiels sur le caractère raisonnable de la décision du ministre, qui sont complémentaires à la présente décision. Il s’agit des premiers appels interjetés au titre de la Loi sur la sûreté des déplacements aériens, LC 2015, c 20, art 11 [la LSDA], depuis son adoption en 2015. Les parties à la procédure d’appel ont contesté certaines parties de la loi, de sorte que la Cour doit examiner la loi et fournir des précisions et des balises, au besoin.

[2] Le présent jugement et ses motifs [ci-après appelés « la décision »] se rapportent à un appel de la décision administrative du 21 décembre 2018 par laquelle M. Vincent Rigby, sous-ministre adjoint et délégué [le délégué] du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile [le ministre ou l’intimé], a maintenu l’inscription du nom de M. Bhagat Singh Brar [M. Brar ou l’appelant] sur la liste d’interdiction de vol en vertu des articles 15 et 16 de la LSDA.

[3] L’appelant demeure une personne inscrite en vertu de l’article 8 de la LSDA compte tenu de la décision du délégué du ministre de rejeter, en application de l’article 15 de la LSDA, sa demande de recours administratif par laquelle il avait cherché à faire radier son nom de la liste.

[4] La décision du délégué du ministre repose sur le fait qu’il avait des motifs raisonnables de soupçonner que l’appelant soit « participera[it] ou tentera[it] de participer à un acte qui menacerait la sûreté des transports » soit « se déplacera[it] en aéronef dans le but de commettre un fait — acte ou omission — qui (i) constitue une infraction visée aux articles 83.18, 83.19 ou 83.2 du Code criminel [ou] à l’alinéa c) de la définition d’infraction de terrorisme à l’article 2 de cette loi, ou (ii) s’il était commis au Canada, constituerait une des infractions mentionnées au sous-alinéa (i) » (voir les alinéas 8(1)a) et 8(1)b) de la LSDA).

[5] Par conséquent, l’appelant a interjeté appel de la décision du délégué du ministre de rejeter sa demande de recours administratif, comme le permet l’article 16 de la LSDA. Dans sa demande d’appel, M. Brar soutient que la procédure énoncée dans la LSDA pour décider du caractère raisonnable de la décision du délégué du ministre d’inscrire son nom sur la liste, et de maintenir ensuite cette décision, porte atteinte à son droit à l’équité procédurale reconnu en common law, étant donné qu’elle le prive du droit de connaître la preuve qui pèse contre lui et de celui d’y répondre.

[6] Comme je l’ai déjà mentionné, un autre appel, interjeté par M. Parvkar Singh Dulai [M. Dulai ou, conjointement avec M. Brar, les appelants], soulève des questions similaires quant au caractère raisonnable de la décision du ministre en plus de soulever des questions constitutionnelles.

[7] Des motifs confidentiels complémentaires au présent jugement traitent d’éléments de preuve confidentiels auxquels j’ai eu accès, en tant que juge désigné, pour m’aider à rendre un jugement dans les deux appels. Cette décision, qui figure à l’annexe C, n’est pas publique, puisqu’elle renferme des renseignements qui, s’ils sont divulgués, porteraient atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui. Cette tension entre les droits des particuliers et l’intérêt de la collectivité à l’égard de la sécurité a été analysée en profondeur dans deux décisions connexes publiées en octobre 2021 (Brar c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2021 CF 932 [Brar 2021], et Dulai c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2021 CF 933 [Dulai 2021]).

[8] Dans ces décisions, j’ai examiné si la divulgation des renseignements caviardés et des autres éléments de preuve présentés lors des audiences tenues ex parte et à huis clos porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui. Après avoir conclu par l’affirmative pour certains renseignements, je me suis ensuite demandé si les renseignements protégés et les autres éléments de preuve pouvaient être divulgués à l’appelant sous forme de résumé ou autrement d’une manière qui ne menacerait pas la sécurité nationale ou qui ne porterait pas atteinte à la sécurité d’autrui. Par suite de ces décisions, certains caviardages ont été confirmés par la Cour, d’autres ont fait l’objet d’un décaviardage total ou partiel et d’autres renseignements caviardés ont été résumés. Dans les affaires de sécurité nationale, il n’est pas rare de devoir tenir compte de l’équilibre délicat entre la protection des renseignements sensibles et le droit de la personne de connaître la preuve qui pèse contre elle, comme il ressort de l’arrêt Charkaoui c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9 [Charkaoui I] :

[55] La confidentialité constitue une préoccupation constante dans le régime de certificats. Le juge « est tenu » de garantir la confidentialité des renseignements justifiant le certificat et des autres éléments de preuve dont la divulgation porterait atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui : al. 78b). À la demande de l’un ou l’autre des ministres, présentée en tout temps au cours de la procédure, le juge « examine », en l’absence de la personne désignée et de son conseil, des renseignements ou des éléments de preuve dont la divulgation porterait atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui : al. 78e). Le juge « fournit » un résumé des renseignements à la personne désignée, afin de lui permettre d’être suffisamment informée des circonstances ayant donné lieu au certificat. Toutefois, ce résumé ne comporte aucun élément dont la divulgation porterait atteinte, selon le juge, à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui : al. 78h). En définitive, le juge peut devoir tenir compte de renseignements qui ne font pas partie du résumé : al. 78g). Ainsi, il peut arriver que le juge doive rendre sa décision entièrement ou en partie sur la foi de renseignements que la personne désignée et son avocat ne verront jamais. La personne désignée pourrait ignorer totalement ce qu’on lui reproche et, même si elle a techniquement la possibilité d’être entendue, n’avoir aucune idée de la preuve qu’elle doit présenter.

[...]

[58] Plus particulièrement, la Cour a reconnu à de nombreuses reprises que des considérations relatives à la sécurité nationale peuvent limiter l’étendue de la divulgation de renseignements à l’intéressé. Dans Chiarelli, la Cour a reconnu la légalité de la non-communication des détails relatifs aux méthodes d’enquête et aux sources utilisées par la police dans le cadre de la procédure d’examen des attestations par le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité sous le régime de l’ancienne Loi sur l’immigration de 1976, S.C. 1976-77, ch. 52 (plus tard L.R.C. 1985, ch. I-2). Dans cette cause, le contexte en fonction duquel les principes de justice fondamentale ont été précisés comprenait l’« intérêt [de l’État] à mener efficacement les enquêtes en matière de sécurité nationale et de criminalité et à protéger les sources de renseignements de la police » (p. 744). Dans Suresh, la Cour a jugé qu’un réfugié susceptible d’être expulsé vers un pays où il risquait la torture avait le droit d’être informé de tous les renseignements sur lesquels la ministre avait fondé sa décision « sous réserve du caractère privilégié de certains documents ou de l’existence d’autres motifs valables d’en restreindre la communication, comme la nécessité de préserver la confidentialité de documents relatifs à la sécurité publique » (par. 122). De plus, dans Ruby c. Canada (Solliciteur général), [2002] 4 R.C.S. 3, 2002 CSC 75, la Cour a confirmé la constitutionnalité de l’article de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. 1985, ch. P-21, qui prescrit la tenue d’une audience à huis clos et ex parte lorsque le gouvernement invoque l’exception relative à la sécurité nationale ou aux renseignements confidentiels de source étrangère pour se soustraire à son obligation de communication. La Cour a alors clairement indiqué que ces préoccupations d’ordre social font partie du contexte pertinent dont il faut tenir compte pour déterminer la portée des principes applicables de justice fondamentale (par. 38-44).

[9] Des motifs qui portent sur la LSDA ont également été publiés en juillet 2020 (Brar c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2020 CF 729 [Brar 2020]). Ils répondaient à plusieurs questions soulevées par les parties et expliquaient en profondeur le processus à suivre.

[10] Dans le présent jugement et ses motifs, auxquels s’ajoutent les motifs complémentaires et confidentiels figurant à l’annexe C, j’évalue l’ensemble de la preuve présentée par les deux parties relativement à la question de savoir s’il existe des motifs raisonnables de soupçonner que la personne inscrite, en l’espèce, M. Brar, participera ou tentera de participer à un acte qui menacerait la sûreté des transports ou se déplacerait en aéronef dans le but de commettre certaines infractions de terrorisme.

[11] Pour garantir l’équité procédurale, j’ai nommé deux amis de la cour ayant le mandat de représenter les intérêts de l’appelant. Je précise l’incidence de leur rôle dans la décision concurrente portant sur les questions constitutionnelles.

[12] Pour les motifs qui suivent, l’appel est accueilli en partie.

II. Contexte

A. Faits dans l’appel de M. Brar

[13] Le 23 avril 2018, le nom de M. Brar a été inscrit sur la liste d’interdiction de vol. Il a été conclu qu’il existait des motifs raisonnables de soupçonner qu’il 1) participerait ou tenterait de participer à un acte qui menacerait la sûreté des transports et/ou 2) se déplacerait en aéronef dans le but de commettre un fait — acte ou omission — qui constitue une infraction visée aux articles 83.18, 83.19 ou 83.2 du Code criminel ou à l’alinéa c) de la définition d’« infraction de terrorisme » à l’article 2 de cette loi.

[14] Le lendemain, M. Brar était censé prendre deux vols qui l’auraient amené de Vancouver à Toronto, mais chaque fois, on lui a remis un avis écrit de refus d’embarquement au titre du Programme de la protection des passagers (le PPP) en vertu de l’alinéa 9(1)a) de la LSDA. Par conséquent, à l’aéroport international de Vancouver, WestJet et Air Canada ont refusé l’embarquement de M. Brar cette journée-là.

[15] Le 2 juin 2018, M. Brar a présenté une demande de recours administratif au Bureau de renseignement du PPP (le BRPPP) en vertu de l’article 15 de la LSDA afin de faire radier son nom de la liste de la LSDA. En réponse, le BRPPP lui a fourni un résumé non confidentiel, de deux pages, des renseignements à l’appui de la décision d’inscrire son nom sur la liste de la LSDA. Le BRPPP l’a également informé que le ministre allait examiner d’autres renseignements confidentiels pour évaluer la demande qu’il avait présentée en vertu de l’article 15 de la LSDA. Conformément au paragraphe 15(4) de la LSDA, M. Brar a eu la possibilité de présenter des observations écrites en réponse aux renseignements non confidentiels qui lui ont été communiqués, ce qu’il a fait auprès du BRPPP le 3 décembre 2018.

[16] Le 21 décembre 2018, le ministre a informé M. Brar de sa décision de maintenir son statut de personne inscrite sous le régime de la LSDA. À la suite d’un examen des renseignements confidentiels et non confidentiels dont il disposait, dont les observations écrites de M. Brar, le délégué du ministre a [traduction] « conclu qu’il [existait] des motifs raisonnables de soupçonner que [M. Brar] participera[it] ou tentera[it] de participer à un acte qui menacerait la sûreté des transports, ou se déplacera[it] en aéronef dans le but de commettre certaines infractions de terrorisme ».

[17] Le 18 avril 2019, M. Brar a déposé un avis d’appel auprès de la Cour conformément au paragraphe 16(2) de la LSDA. Dans cet avis, il demande à la Cour d’ordonner la radiation de son nom de la liste de la LSDA, en application du paragraphe 16(5) de la LSDA, ou le renvoi de l’affaire au ministre pour qu’il rende une nouvelle décision. Il demande à la Cour de déclarer que les articles 8, 15, 16 ainsi que l’alinéa 9(1)a) de la LSDA sont inconstitutionnels et donc inopérants, ou de donner aux garanties procédurales de la LSDA une interprétation qui remédierait à tout vice constitutionnel que la Loi pourrait comporter.

[18] Plus précisément, M. Brar invoque les moyens d’appel suivants : la décision du ministre était déraisonnable et les procédures énoncées dans la LSDA portent atteinte aux droits à l’équité procédurale que lui confère la common law, étant donné que la LSDA le prive du droit de connaître la preuve qui pèse contre lui et de celui d’y répondre. Dans son avis d’appel, M. Brar a également demandé que l’intimé communique tous les documents se rapportant à sa demande de recours, tous les documents dont le ministre s’est servi pour l’inscrire sur la liste, tous les documents présentés au délégué du ministre dans le cadre de sa demande de recours ainsi que tous les autres documents liés à la décision du délégué du ministre de confirmer son statut de personne inscrite sous le régime de la LSDA.

B. Historique des procédures des deux appels (M. Brar et M. Dulai)

[19] Depuis que ces appels ont été interjetés, plusieurs documents ont été échangés, des conférences de gestion d’instance (publiques et ex parte) ont eu lieu, des audiences publiques et ex parte ont été tenues à Ottawa, en Ontario, et à Vancouver, en Colombie-Britannique, et trois décisions visant ces affaires ont été publiées (Brar 2020, Brar 2021 et Dulai 2021).

[20] S’y retrouver dans la LSDA s’est avéré laborieux, long et complexe. Dans le cadre des appels, les appelants, les avocats, les amis de la cour et la Cour ont dû réfléchir à de nombreux domaines du droit et les analyser. En raison de sa longueur, l’historique complet des procédures judiciaires de ces deux appels figure à l’annexe A. Elle renferme des renseignements sur chaque démarche procédurale effectuée au cours des trois dernières années et reflète le dévouement des parties envers ces questions et la grande minutie avec laquelle chaque démarche a été traitée.

III. Dispositions législatives

[21] Dans les motifs de la décision Brar 2020, il était essentiel d’examiner et d’analyser la LSDA (voir Brar 2020, aux para 58 à 89, surtout les para 80 à 89 sur les dispositions d’appel). Il n’est pas nécessaire de répéter ce qui a déjà été écrit, sauf pour mentionner que la LSDA prévoit des règles particulières régissant le processus d’appel.

[22] Le paragraphe 16(6) de la LSDA est ainsi libellé :

Loi sur la sûreté des déplacements aériens, LC 2015, c 20, art 11

Secure Air Travel Act, SC 2015, c 20, s 11

Appel

Appeals

Procédure

Procedure

16(6) Les règles ci-après s’appliquent aux appels visés au présent article :

16(6) The following provisions apply to appeals under this section:

a) à tout moment pendant l’instance et à la demande du ministre, le juge doit tenir une audience à huis clos et en l’absence de l’appelant et de son conseil dans le cas où la divulgation des renseignements ou autres éléments de preuve en cause pourrait porter atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui;

(a) at any time during a proceeding, the judge must, on the request of the Minister, hear information or other evidence in the absence of the public and of the appellant and their counsel if, in the judge’s opinion, its disclosure could be injurious to national security or endanger the safety of any person;

b) il lui incombe de garantir la confidentialité des renseignements et autres éléments de preuve que lui fournit le ministre et dont la divulgation porterait atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui;

(b) the judge must ensure the confidentiality of information and other evidence provided by the Minister if, in the judge’s opinion, its disclosure would be injurious to national security or endanger the safety of any person;

c) il veille tout au long de l’instance à ce que soit fourni à l’appelant un résumé de la preuve qui ne comporte aucun élément dont la divulgation porterait atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui et qui permet à l’appelant d’être suffisamment informé de la thèse du ministre à l’égard de l’instance en cause;

(c) throughout the proceeding, the judge must ensure that the appellant is provided with a summary of information and other evidence that enables them to be reasonably informed of the Minister’s case but that does not include anything that, in the judge’s opinion, would be injurious to national security or endanger the safety of any person if disclosed;

d) il donne à l’appelant et au ministre la possibilité d’être entendus;

(d) the judge must provide the appellant and the Minister with an opportunity to be heard;

e) il peut recevoir et admettre en preuve tout élément — même inadmissible en justice — qu’il estime digne de foi et utile et peut fonder sa décision sur celui-ci;

(e) the judge may receive into evidence anything that, in the judge’s opinion, is reliable and appropriate, even if it is inadmissible in a court of law, and may base a decision on that evidence;

f) il peut fonder sa décision sur des renseignements et autres éléments de preuve même si un résumé de ces derniers n’est pas fourni à l’appelant;

(f) the judge may base a decision on information or other evidence even if a summary of that information or other evidence has not been provided to the appellant;

g) s’il décide que les renseignements et autres éléments de preuve que lui fournit le ministre ne sont pas pertinents ou si le ministre les retire, il ne peut fonder sa décision sur ces renseignements ou ces éléments de preuve et il est tenu de les remettre au ministre;

(g) if the judge determines that information or other evidence provided by the Minister is not relevant or if the Minister withdraws the information or evidence, the judge must not base a decision on that information or other evidence and must return it to the Minister; and

h) il lui incombe de garantir la confidentialité des renseignements et autres éléments de preuve que le ministre retire de l’instance.

(h) the judge must ensure the confidentiality of all information or other evidence that the Minister withdraws.

[23] En résumé, l’article 16 de la LSDA définit le rôle du juge désigné dans un appel et énonce la manière de traiter les renseignements liés à la sécurité nationale. Il incombe au juge désigné de garantir la confidentialité des renseignements sensibles (alinéa 16(6)b)). Par ailleurs, si la protection des renseignements est justifiée pour des raisons de sécurité nationale, le juge désigné doit fournir à l’appelant des résumés de ces renseignements caviardés. Ces résumés, qui ne comportent aucun élément dont la divulgation porterait atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui, permettront à l’appelant d’être suffisamment informé de la thèse du ministre à l’égard de l’instance en cause (alinéa 16(6)c)). Il s’agit d’une tâche difficile. L’objectif est de communiquer le plus de renseignements possible tout en respectant les paramètres de sécurité nationale établis par le régime d’appel de la LSDA. Comme il est indiqué au paragraphe 112 de la décision Brar 2020 :

[...] Le juge désigné doit étirer comme un élastique ses pouvoirs inhérents et législatifs afin de faire en sorte que l’on communique le maximum de renseignements à l’appelant tout en s’arrêtant avant le point de rupture. Il doit être convaincu que la communication (par voie de résumés ou d’autres façons) est en substance suffisante pour que l’appelant soit « suffisamment informé » (al 16(6)c)) de la preuve qui pèse contre lui et puisse présenter sa version des faits, et ce, à tout le moins, grâce à une solution de rechange qui vise à « remplacer pour l’essentiel » les droits niés (arrêt Harkat (2014), aux para 51 à 63 et 110). Ce n’est qu’après cela que le juge désigné aura en main les faits et les éléments de droit dont il aura besoin pour rendre une décision équitable.

[24] Le juge désigné doit non seulement déterminer si la divulgation des renseignements caviardés porterait atteinte à la sécurité nationale, mais il doit également établir si les autres éléments de preuve produits lors des audiences tenues ex parte et à huis clos sont dignes de foi et utiles, puis s’ils peuvent être communiqués à l’appelant sous forme de résumés ou autrement. Le juge doit alors déterminer si l’appelant est suffisamment informé de la thèse du ministre.

IV. Les éléments de preuve publics présentés par l’appelant

[25] Dans un affidavit daté du 27 janvier 2022, M. Brar fournit des renseignements sur lui, sa famille, sa religion, ses croyances, son entreprise, son bénévolat, l’historique de ses déplacements et les répercussions de l’inscription de son nom sur la liste de la LSDA sur sa vie et celle de sa famille.

[26] Il rejette l’allégation selon laquelle, pendant ses voyages au Pakistan, il aurait rencontré une personne qu’il savait être le leader, ou un membre, du groupe Lashkar-e-Tayyiba ou d’un autre groupe de militants.

[27] Bien que M. Brar soit en faveur d’une patrie sikhe indépendante (le Khalistan), il affirme ne pas prôner la violence et ne soutenir aucun mouvement armé dans le but de créer un État du Khalistan. Il mentionne avoir contribué à Sikhs for Justice, une organisation vouée à la création d’une patrie indépendante. Cependant, il soutient qu’il n’apporte aucun soutien financier au mouvement. Il travaille plutôt avec la communauté pour organiser des manifestations au Canada à l’appui de ces enjeux. Il affirme également qu’il a déjà tenté de communiquer avec des politiciens et soutenu des campagnes épistolaires visant à soutenir la création du Khalistan et à tenir le gouvernement de l’Inde responsable des [traduction] « atrocités qu’il commet contre ceux qui manifestent leur appui au Khalistan » (affidavit de M. Brar, 27 janvier 2022, au para 25).

[28] M. Brar nie être membre de l’International Sikh Youth Federation (l’ISYF), de laquelle son père a déjà été un leader. Selon M. Brar, son père [traduction] « n’est pas le leader de l’ISYF et, à [sa] connaissance, il ne participe plus aux activités de l’ISYF depuis 2002 » (affidavit de M. Brar, 27 janvier 2022, au para 28). Il affirme qu’il n’est pas et qu’il n’a jamais été sciemment associé à des extrémistes sikhs. M. Brar dit qu’il n’a aucun lien avec des extrémistes sikhs établis au Canada ou à l’étranger, comme le prétend le SCRS (dossier d’appel révisé, à la p 9).

[29] En ce qui concerne les allégations selon lesquelles lui et Gurjeet Singh Cheema planifiaient une attaque terroriste à partir de l’Inde et que, pendant sa visite au Pakistan en 2015, il a planifié l’attaque à la demande de l’Interservices Intelligence Directorate (la Direction inter-services des renseignements ou l’ISI) du Pakistan en rendant disponibles des armes et des munitions en Inde, M. Brar répond qu’il n’a aucun lien avec Gurjeet Singh Cheema et qu’il n’a jamais planifié une attaque terroriste, que ce soit en Inde ou ailleurs. Il affirme n’avoir jamais rien fait à la demande de l’ISI et n’avoir jamais rendu disponibles des armes ou des munitions à qui que ce soit, où que ce soit (affidavit de M. Brar, 27 janvier 2022, aux para 31-33).

[30] M. Brar rejette l’allégation selon laquelle, alors qu’il était au Pakistan en 2015, il a planifié une attaque en Inde et a endoctriné deux jeunes sikhs établis au Pendjab (en Inde) et les a incités à perpétrer des actes terroristes. Il nie ce que les deux jeunes sikhs auraient dit à son sujet, notamment qu’il avait récemment visité l’Inde et qu’il leur aurait donné une formation théorique sur le maniement des armes, y compris des fusils d’assaut AK-47. M. Brar soutient qu’il ne connaît pas ces deux jeunes sikhs et qu’il ne les a donc pas endoctrinés. Il affirme également n’avoir fourni d’armes ou de munitions à personne, ni donné de formation théorique sur le maniement de ces armes. De plus, M. Brar déclare qu’il n’est pas retourné en Inde depuis son immigration au Canada en 1987.

[31] Il dit que, contrairement aux allégations formulées contre lui, il n’a jamais collaboré avec l’ISI pour contrecarrer les efforts de sensibilisation et de réconciliation du gouvernement indien à l’égard de la communauté. Il n’est pas non plus et n’a jamais été un membre, et encore moins le président de l’aile jeunesse de l’ISYF au Canada ou ailleurs. Selon lui, l’ISYF n’existe plus, et ce, depuis de nombreuses années.

[32] M. Brar nie l’allégation selon laquelle il recueille des fonds auprès de membres de la communauté sikhe canadienne afin de rénover quelques gurdwaras au Pakistan ou qu’il détourne une grande partie de ces fonds pour des activités contre l’Inde. Les seules fois où il se souvient d’avoir envoyé de l’argent à l’étranger au cours des dix dernières années étaient pour payer de la publicité et des annonces Google pour son entreprise, Yellow Car Rental.

[33] Bien que M. Brar reconnaisse qu’il connaît M. Dulai et fait des affaires avec lui, il n’est pas au courant d’un lien que pourrait avoir M. Dulai avec le terrorisme ou des entités terroristes et il ne croit pas que ces allégations soient vraies, sinon, il ne se serait pas associé à lui.

[34] M. Brar ne cache pas le fait qu’il a ouvertement soutenu le mouvement mondial visant à tenir le gouvernement indien responsable du traitement réservé à M. Johal et de la violation de ses droits fondamentaux. Cependant, il affirme qu’il ne connaît pas et qu’il n’a jamais rencontré Jagtar Singh Johal. Il dit qu’il n’a jamais recueilli de fonds pour le compte de M. Johal et qu’il n’a jamais envoyé d’argent à son père pour une autre raison que son opération à cœur ouvert en 2018. M. Brar dit qu’il a payé pour l’opération et les médicaments, mais que cet argent a été versé directement à l’hôpital et non à son père.

[35] En réponse à l’allégation selon laquelle il est un extrémiste sikh établi au Canada qui a participé et qui continuera de participer à des activités terroristes (il aurait notamment collecté des fonds pour financer des attaques terroristes à l’étranger, il aurait encouragé l’extrémisme, y compris la radicalisation des jeunes, dans le but de réaliser l’indépendance du Khalistan, et il aurait participé à la planification et à la facilitation d’attaques, y compris l’achat d’armes, qui seront menées en Inde), M. Brar déclare qu’il n’a jamais participé à des activités terroristes, ni facilité de telles activités, que ce soit au Canada ou à l’étranger. Il n’a jamais fait partie d’une organisation terroriste ni facilité des activités terroristes. Il n’a jamais participé à une collecte de fonds pour financer des attaques terroristes à l’étranger ou ailleurs. Il n’a jamais encouragé l’extrémisme. Il n’a jamais pris part à la radicalisation de jeunes et ne l’a jamais encouragée.

[36] Bien qu’il soit favorable à l’indépendance du Khalistan, M. Brar soutient qu’il n’a jamais participé à des activités extrémistes pour l’appuyer. Il n’a jamais planifié ou facilité des attaques en Inde par l’achat d’armes ou autrement et n’a jamais contribué financièrement, que ce soit directement ou indirectement, à des mouvements extrémistes.

[37] M. Brar nie l’allégation selon laquelle il était censé se rendre à Fort Lauderdale le 24 avril 2018. Il affirme plutôt qu’il avait l’intention de partir de Vancouver pour se rendre à Toronto et y rester. Il dit qu’il a acheté son billet d’avion sur un site Web appelé skiplagged.com. Le site Web recherche des vols de correspondance faisant escale à la destination voulue et dont les tarifs sont moins élevés que ceux des vols directs. Lorsqu’il a acheté le billet, il était moins coûteux d’acheter un billet d’avion vers Fort Lauderdale, avec une escale à Toronto, que vers Toronto directement. Il a donc acheté un billet d’avion avec l’intention de débarquer à Toronto et de ne pas prendre le vol de correspondance.

[38] M. Brar reconnaît qu’il a eu des interactions régulières avec le personnel du SCRS pendant son enfance et jusqu’à ce que son père quitte le Canada en 1991. Cependant, ces échanges ne lui ont jamais donné l’impression qu’il faisait l’objet d’une enquête.

[39] Selon M. Brar, la première fois qu’un agent du SCRS a communiqué avec lui, c’était au milieu des années 1990. Il était alors adulte et vivait à Brampton. Après ce premier contact, divers agents du SCRS venaient lui parler pour obtenir de l’information sur sa communauté. À une occasion, un agent lui a demandé de travailler avec le SRCS, ce qu’il a accepté, mais l’agent n’a jamais donné suite à sa demande. M. Brar estime qu’entre le milieu des années 1990 et 2018, des agents du SCRS sont entrés en contact avec lui entre 15 et 20 fois.

[40] Dans son affidavit, M. Brar décrit également son dernier contact avec le SCRS, qui a eu lieu en 2018 à son retour du Pakistan. Il dit qu’il a été soumis à une inspection secondaire avant d’être autorisé à passer les douanes. Ensuite, un superviseur a indiqué que l’agent d’un autre organisme attendait pour lui parler. Lorsque le superviseur des douanes a confirmé qu’il s’agissait d’un agent du SCRS, M. Brar a refusé de le rencontrer. Il a expliqué qu’il venait tout juste de terminer un vol de 16 heures et qu’il voulait rentrer chez lui. Il a indiqué que le SCRS savait où il habitait et qu’il pouvait communiquer avec lui à cette adresse. Le lendemain matin, il s’est rendu à Vancouver. Ce n’est que plusieurs jours plus tard qu’il s’est vu refuser l’embarquement à Vancouver en essayant de retourner en Ontario.

[41] M. Brar mentionne que pendant qu’il était à Vancouver en avril 2018, une personne qui s’est identifiée comme un agent du SCRS nommé Norman Lau s’est rendue chez lui et a remis une carte professionnelle à sa femme. À son retour en Ontario, M. Brar a communiqué avec M. Lau et lui a dit qu’il s’était vu refuser l’embarquement à Vancouver. M. Lau lui a répondu qu’il ne savait pas pourquoi et a suggéré à M. Brar de présenter une demande de recours. M. Lau lui a également posé des questions sur la manière dont les médias avaient réussi à publier une copie de la photo de passeport et du visa de M. Brar. M. Brar a expliqué qu’il ne le savait pas. Il affirme qu’il s’agit là du dernier contact qu’il a eu avec une personne qui, à sa connaissance, travaille avec le SCRS.

[42] M. Brar soutient que l’inscription de son nom sur la liste d’interdiction de vol a eu d’énormes conséquences physiques, psychologiques et financières sur lui. Il possède et gère une entreprise ayant des succursales en Ontario et en Colombie-Britannique. Son intention était d’étendre ses activités à d’autres provinces d’ici 2019 (Calgary, Edmonton, Montréal). En raison de son statut de personne inscrite, M. Brar a dû abandonner ces plans pour le moment, ce qui a entraîné d’importantes pertes financières.

[43] De plus, M. Brar déclare qu’il a été la cible de plusieurs agences de presse et journalistes au Canada, qui ont écrit sur lui et son entreprise dans des journaux nationaux. Des journalistes comme Tom Blackwell et la chroniqueuse Tarek Fateh l’ont publiquement qualifié de terroriste en raison des allégations formulées contre lui. Comme il est impliqué en première ligne dans la communauté, cela a terni son image. M. Brar dit que les recherches dans Google sur son entreprise ou son nom personnel mènent à des histoires négatives qui sont facilement accessibles au public. Il soutient que les agents du SCRS s’adressent à sa famille et ses amis et [traduction] « leur racontent des mensonges, citent des médias indiens et leur dit qu’[il] sera bientôt arrêté et expulsé vers l’Inde ». Il affirme que toute la situation le dérange beaucoup et nuit profondément à son bien-être psychologique.

[44] Outre le fait de subir des pertes d’entreprise, M. Brar mentionne qu’il a dû se rendre en voiture de Toronto à Vancouver environ dix fois au cours des quatre dernières années. Alors qu’un billet d’avion normal coûte environ 400 $ à 500 $, il a dû dépenser entre 7 000 $ et 10 000 $ pour chaque voyage en voiture, en plus de devoir être accompagné d’une personne chaque fois qu’il voyage. Il déclare qu’il lui faut trois à quatre jours pour l’aller comme pour le retour, comparativement à quatre ou cinq heures lorsqu’il prend l’avion, et que chaque voyage dure de trois semaines à un mois. Il déplore le fait qu’il a dû rater de nombreuses fêtes, auxquelles il devait être présent avec sa famille et ses amis, puisqu’il ne peut pas voyager en hiver en raison des conditions routières.

[45] En plus de son affidavit personnel, M. Brar a déposé l’affidavit de Dongju Zhao le 31 janvier 2022. Cet affidavit renferme plusieurs documents concernant la légitimité de l’autodétermination des Sikhs, la fiabilité des médias indiens, la fréquence des cas de torture lors d’une détention par la police indienne, l’interdiction de représentants indiens dans les gurdwaras au Canada et à l’étranger ainsi que le voyage du premier ministre Trudeau en Inde en février 2018. L’affidavit comprend également ce qui suit :

(1) une copie couleur lisible de l’article de News18 auquel renvoient le résumé non confidentiel et le mémoire (affidavit de M. Zhao, p. 324);

(2) un article de presse du India Today publié en mai 2017 qui indique notamment que Mann et Singh Sher ont été arrêtés avec une [traduction] « importante cache d’armes » et qu’en interrogatoire, ils ont déclaré à la police qu’ils avaient été endoctrinés par « Gurjivan Singh, un extrémiste sikh établi au Canada », qui a obtenu les armes et les munitions par l’intermédiaire de ses contacts khalistanais au Pakistan et leur a « donné une formation théorique sur le maniement des armes, y compris des fusils d’assaut AK-47 » (affidavit de M. Zhao, p. 334);

(3) un article de presse du Sikh24 daté du 23 mai 2017 mentionnant l’arrestation de Mann et Sher Singh et indiquant que, lors d’une comparution devant le tribunal après leur arrestation, Mann Singh [traduction] « semblait avoir été torturé » (affidavit de M. Zhao, p. 340);

(4) une décision judiciaire du juge Sarbjit Dhaliwal rendue le 26 octobre 2020 à Amristar, en Inde, exposant en détail la preuve produite dans l’affaire contre Sher et Mann Singh. Bien que le jugement fasse référence à des éléments de preuve selon lesquels [traduction] « Gurjit Singh, alias Gurjiwan Singh, alias Baghel Singh, fils d’Inderjit Singh, résident du village de Jogi Cheema » était concerné par les allégations dont la cour était saisie, le nom de M. Brar n’est mentionné nulle part dans le jugement de 117 pages. En fait, les actes reprochés à M. Brar dans le résumé non confidentiel ont été, selon la preuve dont la cour disposait, posés par Gurjit Singh (affidavit de M. Zhao, p. 363);

(5) une capture d’écran de la première page des résultats d’une recherche dans Google sur Bhagat Sing Brar (affidavit de M. Zhao, p. 483);

(6) une lettre du 15 novembre 2017 de la députée du NPD Cheryl Hardcastle à la ministre de l’époque, Mme Freeland, concernant M. Jagtar Singh Johal (affidavit de M. Zhao, p. 486).

V. Les éléments de preuve publics présentés par le ministre

[46] Le 13 septembre 2019, un premier dossier d’appel a été produit dans le cadre de la présente instance. Une version révisée du document a été déposée le 12 octobre 2021. Les éléments de preuve publics invoqués par le ministre à l’appui de l’inscription du nom de M. Brar sur la liste de la LSDA figurent dans les deux dossiers d’appel.

[47] Un affidavit daté du 12 septembre 2019 de Lesley Soper, directrice générale par intérim de la Direction générale de la sécurité nationale au sein du Secteur de la sécurité et de la cybersécurité nationale du ministère de la Sécurité publique, se trouve aux pages 22 à 30 dans les versions originale et révisée du dossier d’appel. Dans son affidavit, elle décrit le PPP ainsi que le cadre législatif qui régit le processus de la LSDA. Elle mentionne également que le Groupe consultatif sur la protection des passagers (le GCPP), qui est composé de plusieurs ministères et présidé par Sécurité publique Canada, est responsable de déterminer qui sera inscrit sur la liste de la LSDA en fonction des noms et des renseignements justificatifs fournis par ses membres.

[48] Mme Soper mentionne la décision d’inscrire le nom de M. Brar sur la liste de la LSDA, rendue dans des circonstances urgentes par le décideur délégué le ou vers le 23 avril 2018. Cette décision reposait sur des renseignements fournis par le GCPP, selon lesquels il existait des motifs raisonnables de soupçonner que M. Brar pourrait constituer une menace à la sûreté des transports ou chercher à se déplacer en aéronef dans le but de commettre certains actes terroristes.

[49] Dans l’affidavit, Mme Soper décrit également les événements ayant suivi l’inscription du nom de l’appelant sur la liste de la LSDA. M. Brar s’est entre autres vu refuser l’embarquement sur deux vols le 24 avril 2018 conformément à une directive donnée en vertu du paragraphe 9(1) de la LSDA. La décision prise le 10 mai 2018 et le 21 août 2018 par le sous-ministre adjoint principal de maintenir le nom de M. Brar sur la liste de la LSDA y est également mentionnée.

[50] Dans l’affidavit, Mme Soper expose en détail le recours de M. Brar, qui a débuté le 27 mai 2018 lorsqu’il a déposé sa première demande de recours afin de faire radier son nom de la liste de la LSDA. Dans sa demande de recours, M. Brar a mentionné le refus d’embarquement sur un vol de Vancouver à Toronto le 24 avril 2018. Le BRPPP a reçu la demande de recours le 8 juin 2018.

[51] Le 10 août 2018, le BRPPP a fourni un résumé non confidentiel à M. Brar afin de lui permettre d’être suffisamment informé des renseignements qui seront invoqués et de lui donner l’occasion de faire des observations ou de présenter des renseignements à l’appui de sa demande de recours. M. Brar a demandé des prorogations de délai pour transmettre par courriel des observations au BRPPP.

[52] Le 3 décembre 2018, M. Brar a fourni des observations écrites ainsi que des documents à l’appui, y compris des lettres d’appui ainsi que des renseignements obtenus par suite de ses demandes d’accès à l’information auprès d’organismes gouvernementaux. Le 18 décembre 2018, le délégué du ministre a décidé de maintenir le statut de M. Brar à titre de personne inscrite sur la liste de la LSDA.

[53] Mme Soper explique également qu’en application du paragraphe 8(2) de la LSDA, le délégué du ministre a continué d’examiner la liste de la LSDA tous les 90 jours afin de déterminer si les motifs sur lesquels il s’est basé pour inscrire le nom de M. Brar sur la liste existent encore et si son nom devrait demeurer sur la liste. À la date où Mme Soper a souscrit l’affidavit (le 12 septembre 2019), le nom de M. Brar était toujours sur la liste de la LSDA.

[54] Plusieurs documents concernant l’inscription du nom de M. Brar sur la liste sont joints à l’affidavit de Mme Soper, tout comme d’autres articles qui ne se trouvaient pas dans le sommaire du cas dont disposaient le GCPP et le délégué du ministre pour prendre la décision d’inscrire le nom de M. Brar sur la liste de la LSDA et de l’y maintenir.

[55] Le 1er mars 2022, le ministre a transmis à la Cour un affidavit public supplémentaire signé par Lesley Soper le 25 février 2022. Elle y fournit des documents historiques et stratégiques portant sur la LSDA ainsi que des précisions sur le PPP, notamment le processus d’inscription sur la liste administrative ou urgente, le processus de radiation de la liste et les activités du Centre des opérations du gouvernement (le COG).

[56] Mme Soper clarifie les circonstances entourant l’inscription du nom de M. Brar sur la liste en indiquant que la recommandation de l’y inscrire dans des circonstances urgentes avait été approuvée par un délégué qui agissait à titre de directeur général le 23 avril 2018, soit la même date à laquelle la demande d’inscription avait été présentée. M. Brar s’est ensuite vu refuser l’embarquement sur deux vols prévus de Vancouver à Toronto le 24 avril 2018.

[57] Mme Soper indique que Sécurité publique Canada a signalé le premier refus dans un rapport d’incident mentionné dans son affidavit de septembre 2019 à titre de document (ii) de la pièce A (dossier d’appel révisé, aux p 41-45). Après lecture du rapport d’incident daté du 24 avril 2018, elle croit comprendre que le COG a été contacté au moment où M. Brar a essayé de monter à bord de l’avion. Un agent principal des opérations au COG, en tant que décideur délégué au titre de l’article 9, a décidé de refuser l’embarquement après avoir examiné les renseignements contenus dans le sommaire du cas, les renseignements fournis par Transport Canada et Air Canada ainsi que les renseignements fournis par l’organisme responsable de la désignation qui a été contacté cette journée‐là.

[58] Elle mentionne également que Sécurité publique Canada a signalé un deuxième refus le 24 avril 2018. Elle y a fait référence dans son affidavit de septembre 2019 à titre de document (iii) de la pièce A (dossier d’appel révisé, aux p 47-51). Après lecture du rapport, elle croit comprendre que le COG a été contacté au moment où M. Brar a essayé de monter à bord d’un autre avion plus tard dans la journée. Un agent principal des opérations au COG a décidé de refuser l’embarquement après avoir examiné les renseignements dans le sommaire du cas, les renseignements fournis par Transport Canada et Air Canada ainsi que les renseignements fournis par l’organisme responsable de la désignation qui a encore été contacté cette journée-là.

[59] Mme Soper affirme que le GCPP a recommandé le maintien du nom de M. Brar sur la liste de la LSDA lors de la réunion suivante du 10 mars 2018. Le décideur délégué – le sous-ministre adjoint principal de Sécurité publique Canada – a décidé de maintenir le nom de M. Brar sur la liste et a approuvé la recommandation de lui refuser l’embarquement sur les vols nationaux et les vols internationaux en partance ou à destination du Canada. La recommandation du GCPP et la décision sont mentionnées dans le document (iv) de la pièce A jointe à son affidavit de septembre 2019 (dossier d’appel révisé, aux p 53-64).

[60] Mme Soper a témoigné en personne aux audiences publiques tenues à Vancouver le 20 avril 2022.

VI. Les observations publiques de l’appelant

[61] M. Brar a présenté ses observations écrites dans un document daté du 21 mars 2022. Dans le document, il souligne que, même s’il n’a jamais été déclaré coupable d’une infraction au Canada ou à l’étranger et qu’il n’a jamais été accusé d’être impliqué dans quelque activité terroriste que ce soit, le 23 avril 2018, son nom a été ajouté à la liste d’interdiction de vol, ce qui l’a empêché de se déplacer en aéronef en vertu de la LSDA. Son inscription sur la liste a depuis été maintenue, ce qui lui a causé une souffrance psychologique et a nui à sa famille et à son entreprise.

[62] Selon M. Brar, il n’a jamais eu l’occasion de répondre véritablement à ce qu’il appelle les [traduction] « allégations non fondées » formulées contre lui, car il croit que l’article 20 de la LSDA interdit l’identification des personnes inscrites et, nécessairement, la communication des motifs de leur inscription. Il soutient d’abord que les renseignements fournis, dans les circonstances de l’espèce, ne satisfont pas à la norme relative à la quantité minimale incompressible de renseignements qui a été établie par la Cour suprême du Canada (la CSC) dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Harkat, 2014 CSC 37 [Harkat], et qui doit être respectée pour répondre aux exigences d’équité procédurale et de conformité à l’article 7 de la Charte. Le fait de ne fournir aucun renseignement, même sous forme de résumé, concernant la ou les sources des allégations formulées contre l’appelant l’empêche de contester utilement la crédibilité et la fiabilité de ces renseignements.

[63] M. Brar ajoute que la divulgation de renseignements confidentiels aux amis de la cour, qui sont autorisés à présenter des observations ex parte sur le fond, n’est d’aucun réconfort. En effet, bien qu’ils aient lu les renseignements caviardés, ils ne sont pas en mesure de communiquer efficacement avec l’appelant afin d’obtenir auprès de lui des renseignements qui leur permettraient de contester la fiabilité des renseignements confidentiels. M. Brar soutient que, conformément à l’arrêt Harkat, une grande partie des renseignements sur lesquels s’est appuyé le ministre doit être retirée ou un arrêt des procédures doit être ordonné. Si les renseignements sont retirés, plus rien ne justifie de maintenir la décision du ministre. Même si les renseignements ne sont pas retirés, M. Brar croit que la décision d’inscrire son nom sur la liste et de l’y maintenir est déraisonnable. Il souligne que la question du caractère raisonnable de la décision du ministre ne se pose que si la Cour conclut que les renseignements divulgués à l’appelant respectent la norme relative à la quantité minimale incompressible de renseignements.

[64] M. Brar affirme que l’application de la norme des motifs raisonnables de soupçonner à l’ensemble des renseignements disponibles amène à conclure que son inscription sur la liste est déraisonnable, car les faits objectivement discernables n’établissent aucun fondement raisonnable permettant de soupçonner qu’il se déplacera en aéronef dans le but de commettre une infraction de terrorisme.

[65] M. Brar soutient qu’il n’existe aucun fait objectivement discernable susceptible d’étayer l’affirmation voulant qu’il finance des activités terroristes, qu’il soit membre d’une organisation terroriste, qu’il facilite des activités terroristes, qu’il soit sciemment associé à des personnes impliquées dans des activités terroristes ou qu’il ait participé à la planification d’une attaque terroriste à partir de l’Inde. M. Brar a fourni des renseignements qui, selon lui, sont dignes de foi et corroborés en réponse à ce qu’il qualifie [traduction] « [d’]allégations sans fondement, non corroborées, de source inconnue » contenues dans le sommaire du cas. Il déclare que certains des renseignements semblent avoir été rejetés, pour des motifs non précisés, et qu’aucun des renseignements ne peut faire l’objet d’un examen approfondi à la lumière de son point de vue quant à la fiabilité ou à la crédibilité des sources.

[66] Selon M. Brar, la Cour peut examiner des renseignements qui ne lui sont pas divulgués à lui. Cependant, elle doit le faire en tenant compte des mises en garde suivantes. La norme des soupçons raisonnables est rigoureuse et doit être appliquée conformément aux intérêts opposés en jeu dans le contexte de la LSDA. Elle nécessite des faits objectivement discernables, et non de vagues soupçons communiqués par des personnes ou des organisations dont la fiabilité et la crédibilité sont inconnues.

[67] M. Brar soutient que bon nombre des allégations formulées contre lui sont dénuées de détails et que, par conséquent, il ne peut guère faire plus que simplement les nier. Il ne peut pas contester la crédibilité ou la fiabilité des allégations, puisque les sources n’ont pas été divulguées. Cependant, il affirme que des renseignements indépendants permettent de soulever de sérieux doutes quant à la fiabilité et à la crédibilité des sources d’une grande partie des renseignements, peu importe qui ou quelles sont ces sources (par exemple, il renvoie aux allégations de torture et de mauvais traitements et soutient que les actions attribuées à M. Brar dans le sommaire du cas étaient – selon les éléments de preuve déposés devant la Cour du juge Sarbjit Dhaliwal à Amristar, en Inde, le 26 octobre 2020 – attribuables à quelqu’un d’autre [Gurjiwan Singh/Gurjit Singh]).

[68] Bien qu’il ne puisse l’affirmer avec certitude, car les sources des allégations ne lui ont pas été divulguées, M. Brar estime que les faits ayant mené à l’inscription de son nom sur la liste peuvent être importants dans l’évaluation des allégations formulées contre lui. En effet, dans le cadre de son travail avec l’Ontario Sikhs and Gurdwara Council (l’OSGC), M. Brar a appris que des membres du gouvernement indien et des représentants consulaires visitaient des gurdwaras et recueillaient des renseignements au sujet de personnes qui exprimaient ouvertement leur appui au Khalistan. À la lumière des renseignements recueillis, le consulat indien refusait ou annulait les visas de certaines personnes. En décembre 2017, en réaction à cette situation, l’OSGC a interdit à des membres du consulat indien de visiter des gurdwaras dans le cadre de leurs fonctions. L’[traduction] « interdiction visant le consulat » (Consulate Ban, comme on l’appelait à l’époque) avait été diffusée par communiqué de presse au début de janvier 2018, et M. Brar y figurait comme personne‐ressource. En février 2018, le premier ministre Trudeau a visité l’Inde, où le ministre en chef du Pendjab, M. Amarinder Singh, lui aurait fourni une liste des partisans du Khalistan [traduction] « établis au Canada » et l’aurait exhorté à « prendre des mesures sévères contre eux ». Selon des médias indiens, les noms de M. Brar et de M. Dulai figuraient sur la liste. L’appelant a été désigné pour figurer sur la liste de la LSDA seulement après le voyage du premier ministre en Inde et après qu’un membre du gouvernement indien lui aurait fourni une liste comprenant son nom.

[69] Selon M. Brar, le dernier point à préciser dans l’évaluation du caractère raisonnable de la décision du délégué du ministre est la tendance, dans les sommaires de cas, à assimiler l’appui à l’autodétermination des Sikhs, parfois exprimé sous forme de souhait pour la création d’une patrie sikhe indépendante – le Khalistan –, à de l’extrémisme ou du terrorisme. Dans la mesure où le fait d’exprimer son appui au Khalistan est assimilé au fait d’être un terroriste ou de soutenir le terrorisme, les renseignements contenus dans les sommaires de cas doivent être rejetés d’emblée. Tout comme ce ne sont pas tous les séparatistes québécois, irlandais ou basques qui sont des terroristes, ce ne sont pas tous ceux qui appuient l’autodétermination des Sikhs qui soutiennent la violence comme moyen d’atteindre cette fin. M. Brar appuie une patrie sikhe indépendante. Il parle ouvertement de son appui et fait valoir que le fait d’exprimer son appui au Khalistan constitue une forme d’expression protégée par la Constitution au Canada. Il affirme que les moyens par lesquels il cherche à soutenir cet objectif ne sont ni violents ni extrémistes. Il se livre à l’activisme politique en attirant l’attention sur les violations des droits de la personne en Inde, en militant pour la tenue d’un référendum sur le Khalistan et en contribuant à Sikhs for Justice par l’organisation de manifestations au Canada. Bien que M. Brar soit en faveur du Khalistan, il affirme ne pas être un terroriste.

[70] En plus de présenter les observations précitées par écrit, M. Brar les a présentées en personne et oralement lors de l’audience tenue à Vancouver en avril 2022.

VII. Les observations publiques du ministre

[71] Le ministre a présenté ses observations écrites dans un document intitulé [traduction] « Mémoire des faits et du droit » daté du 11 avril 2022, dans lequel il sollicite une ordonnance rejetant le présent appel et maintenant le nom de M. Brar sur la liste de la LSDA. Le ministre soutient que la procédure prévue par la LSDA est équitable, qu’elle est conforme aux articles 6 et 7 de la Charte et que la décision sur la demande de recours est raisonnable et justifiée au regard de la preuve et du droit.

[72] Dans la présente décision, je me concentre sur les observations relatives au caractère raisonnable de la décision du ministre. Les observations du ministre à l’appui de l’argument selon lequel la procédure prévue par la LSDA ne porte pas atteinte aux droits garantis par l’article 6, est équitable et est conforme à l’article 7 de la Charte sont présentées dans la décision qui porte sur les questions constitutionnelles et qui a été rendue simultanément.

[73] Dans ses observations, le ministre soulève des questions concernant la norme de contrôle. Il reconnaît l’obligation qui incombe à la Cour de garantir un processus d’appel équitable et convient que, pour remplir cette obligation, la Cour doit jouer un rôle de gardien solide et interventionniste. Toutefois, le ministre soutient que, dans ce rôle, la Cour ne doit pas aller jusqu’à procéder à un [traduction] « contrôle selon la norme de la décision correcte » ou à un nouvel examen inquisitoire visant à déterminer s’il existe des « motifs raisonnables de soupçonner » que la personne participera ou tentera de participer à un acte qui menacerait la sûreté des transports ou qu’elle se déplacera en aéronef dans le but de commettre un fait – acte ou omission – terroriste. Bien que le libellé du paragraphe 16(4) de la LSDA prévoit que le dossier soumis au juge d’appel peut être différent, le ministre est d’avis que la norme de la décision raisonnable demeure la norme de contrôle à appliquer. Par conséquent, le contrôle en fonction de la norme de la décision raisonnable doit s’intéresser à la décision effectivement rendue par le décideur, notamment au raisonnement suivi et au résultat de la décision.

[74] Le ministre affirme que la décision sur la demande de recours est rationnelle et défendable. Il soutient que le raisonnement suivi qui est exposé dans le mémoire du 18 décembre 2018 porte précisément sur les contradictions entre l’affirmation de M. Brar selon laquelle il n’a jamais facilité des activités terroristes ou été associé à des extrémistes sikhs ainsi que les renseignements qui démontrent une tendance récurrente à s’associer à des extrémistes sikhs et à des entités terroristes. Le raisonnement fait état d’une analyse rationnelle, et il est défendable au regard du dossier dont dispose la Cour et dans le contexte factuel et juridique applicable. Pour ces motifs, le ministre estime que la décision de maintenir le nom de M. Brar sur la liste de la LSDA, est raisonnable.

[75] L’avocat du procureur général du Canada et l’un des amis de la cour ont fait des observations sur la quantité minimale incompressible de renseignements lors de l’audience tenue à Vancouver en avril 2022. L’avocat du procureur général du Canada a soutenu qu’appliqués aux faits, les éléments de preuve ex parte et les éléments de preuve non confidentiels satisfont à la norme des motifs raisonnables de soupçonner et sont compatibles avec l’arrêt Harkat. Pour sa part, l’ami de la cour a affirmé avoir expressément relevé des allégations et des éléments de preuve non divulgués qui, selon lui, font partie de la quantité minimale incompressible de renseignements que l’appelant doit recevoir. Il croit que, dans les deux appels, il y a encore des allégations et des éléments de preuve que les appelants ne peuvent réfuter ou pour lesquels ils ne sont pas en mesure de donner des directives à leur avocat ou même d’aider les amis de la cour dans leur travail en leur fournissant des renseignements.

VIII. Question en litige

[76] En l’espèce, la question en litige est la suivante :

  1. La décision rendue par le délégué du ministre le 21 décembre 2018 est-elle raisonnable compte tenu de l’information dont dispose le juge?

[77] La procédure d’appel prévue par la LSDA (article 16) exige que le juge désigné évalue les éléments de preuve présentés lors des audiences publiques et des audiences ex parte et à huis clos, les éléments de preuve présentés par l’appelant lors des audiences publiques ainsi que les éléments de preuve présentés par les amis de la cour. Par la suite, le juge désigné doit déterminer si la décision de maintenir le nom de M. Brar sur la liste d’interdiction de vol est raisonnable.

A. Les normes applicables

(1) Norme de contrôle

[78] Au paragraphe 16(2), la LSDA prévoit que la personne inscrite ayant fait l’objet d’un refus de transport à la suite d’une directive donnée en vertu de l’article 9 peut présenter à un juge une demande d’appel de la décision visée à l’article 15 dans les soixante jours suivant la réception de l’avis visé au paragraphe 15(5). De plus, la loi prescrit que, dès qu’il est saisi de la demande, le juge décide si la décision d’inscrire le nom de l’appelant sur la liste est raisonnable compte tenu de l’information dont il dispose (paragraphe 16(4)).

[79] Comme je l’ai indiqué précédemment, le ministre soutient qu’en application du paragraphe 16(4) de la LSDA, la décision devrait être assujettie à la norme de la décision raisonnable. Pour sa part, l’appelant fait valoir que, bien que la loi prévoie l’application de la norme de la décision raisonnable, il ne s’agit pas du contrôle classique effectué selon cette norme dans un contexte de contrôle judiciaire. L’objet du régime de la LSDA est plutôt de renforcer et de consolider le rôle du juge.

[80] Comme l’explique la Cour suprême du Canada (la CSC) dans l’arrêt Vavilov, « lorsque le législateur prévoit un appel à l’encontre d’une décision administrative devant une cour de justice, la cour saisie de l’appel doit recourir aux normes applicables en appel pour réviser la décision. [...] Évidemment, si le législateur entend prévoir l’application en appel d’une autre norme de contrôle, il lui est toujours loisible d’exprimer son intention en énonçant dans la loi la norme de contrôle applicable » (Vavilov, au para 37).

[81] Je ne souscris pas à l’argument du ministre selon lequel l’emploi du mot « raisonnable » au paragraphe 16(4) de la LSDA démontre que le législateur voulait que la norme de la décision raisonnable, au sens du droit administratif, s’applique à l’examen par voie d’appel. Suivant cette norme, « [l]a cour de révision n’est plutôt appelée qu’à décider du caractère raisonnable de la décision rendue par le décideur administratif — ce qui inclut à la fois le raisonnement suivi et le résultat obtenu » (Vavilov, au para 83). Cependant, la LSDA précise que le juge d’appel « décide si la décision est raisonnable compte tenu de l’information dont il dispose ». En effet, en appel, la LSDA permet la présentation de nouveaux éléments de preuve. Par conséquent, le juge désigné qui entend un appel fondé sur la LSDA peut être d’avis que, compte tenu de l’information dont il disposait, le raisonnement du ministre est totalement déraisonnable, même s’il peut convenir que le résultat est raisonnable en se fondant entièrement sur les nouveaux éléments de preuve présentés en appel. Autrement dit, sous le régime de la LSDA, il se pourrait que le fondement factuel de la décision du ministre soit réfuté durant la procédure d’appel, mais que de nouveaux éléments de preuve dignes de foi et utiles présentés au juge désigné soient suffisants pour justifier la décision de maintenir le nom d’un appelant sur la liste d’interdiction de vol. Le raisonnement d’une décision ne peut être assujetti à la norme de la décision raisonnable lorsque le dossier d’appel n’est plus le même. Cette analyse se reflète dans le choix du législateur d’opter pour un régime d’appel – qui s’intéresse moins au raisonnement – plutôt que pour un cadre de contrôle judiciaire.

[82] Dans la mesure où la position de l’intimé est que la norme de contrôle appropriée en appel est essentiellement une version bonifiée de la norme de la décision raisonnable, je ne puis être d’accord. Comme l’a exposé la CSC dans l’arrêt Vavilov, ce qui est raisonnable dans un cas donné dépend certainement des contraintes juridiques et factuelles propres au contexte de la décision particulière faisant l’objet du contrôle (au para 90). Comme je l’ai déjà expliqué, bien que le juge désigné qui entend un appel fondé sur la LSDA ait un rôle important à jouer, ce rôle important dans le déroulement de la procédure ne s’étend pas à la manière dont la décision est contrôlée.

[83] Compte tenu du libellé du paragraphe 16(4) et des directives de la CSC dans l’arrêt Vavilov, la norme de contrôle applicable en appel prévue par la loi est que le juge désigné décide si le résultat de la décision faisant l’objet du contrôle – concrètement, l’inscription de la personne sur la liste en vertu de l’article 8 de la LSDA – est raisonnable compte tenu du dossier de preuve présenté en appel. Essentiellement, le juge désigné doit évaluer, en fonction du dossier d’appel, s’il est raisonnable de conclure qu’il existe des motifs raisonnables de soupçonner que l’appelant participera à des actes décrits à l’article 8 de la LSDA.

[84] Déterminer la norme de contrôle applicable dans le contexte de la LSDA n’a pas été une mince tâche, et j’ai profité des observations des avocats lors des audiences publiques. J’avais des inquiétudes, que j’ai exprimées lors des audiences publiques, sur le fait que, compte tenu du régime de la LSDA, la norme de contrôle applicable ne pouvait pas se résumer à une « simple formalité » visant à entériner la décision sur la demande de recours administratif, surtout en raison du fait que j’avais accès à plus de renseignements que ceux dont disposait le délégué du ministre. Je suis convaincu que la norme prescrite par la loi, telle que je l’ai formulée, constitue un contrôle rigoureux et est conforme au rôle actif que le juge désigné doit jouer dans le cadre d’un appel fondé sur la LSDA.

(2) La norme minimale

[85] Pour déterminer si l’ensemble de la preuve est suffisante pour conclure que la décision d’inscrire le nom de la personne sur la liste, en l’espèce M. Brar, est raisonnable, le juge désigné doit se rappeler que la décision d’inscrire le nom d’une personne sur la liste doit être évaluée selon la norme des motifs raisonnables de soupçonner.

[86] Une telle norme suppose que le dossier de preuve doit faire état de motifs qui reposent sur plus que de simples soupçons, mais qui ne correspondent pas à des convictions. Il doit reposer sur des éléments de preuve objectifs qui laissent supposer une possibilité, mais pas nécessairement une probabilité.

[87] La CSC a expliqué la norme des motifs raisonnables de soupçonner dans l’arrêt R c Chehil, 2013 CSC 49, une affaire criminelle impliquant le recours à des chiens détecteurs de drogue. Je suis d’avis qu’il est utile de citer un passage de cet arrêt, puisque j’estime que de tels enseignements sont applicables aux appels fondés sur la LSDA :

[26] La rigueur de la norme des soupçons raisonnables découle de l’exigence que ces soupçons soient fondés sur des faits objectivement discernables, qui peuvent ensuite être soumis à l’examen judiciaire indépendant. Cet examen est rigoureux et doit prendre en compte l’ensemble des circonstances. Dans l’arrêt Kang‐Brown, le juge Binnie donne la définition suivante des soupçons raisonnables :

La norme des « soupçons raisonnables » n’est pas une nouvelle norme juridique créée pour les besoins de la présente affaire. Les « soupçons » sont une impression que l’individu ciblé se livre à une activité criminelle. Les soupçons « raisonnables » sont plus que de simples soupçons, mais ils ne correspondent pas à une croyance fondée sur des motifs raisonnables et probables [par. 75].

[27] Ainsi, bien que les motifs raisonnables de soupçonner, d’une part, et les motifs raisonnables et probables de croire, d’autre part, soient semblables en ce sens qu’ils doivent, dans les deux cas, être fondés sur des faits objectifs, les premiers constituent une norme moins rigoureuse, puisqu’ils évoquent la possibilité — plutôt que la probabilité — raisonnable d’un crime. Par conséquent, lorsqu’il applique la norme des soupçons raisonnables, le juge siégeant en révision doit se garder de la confondre avec la norme plus exigeante des motifs raisonnables et probables.

[29] Les soupçons raisonnables doivent être évalués à la lumière de toutes les circonstances. L’appréciation doit prendre en compte l’ensemble des faits objectivement discernables qui donneraient à l’enquêteur un motif raisonnable de soupçonner une personne d’être impliquée dans le type d’activité criminelle sur lequel porte l’enquête. L’appréciation doit s’appuyer sur des faits, être souple et relever du bon sens et de l’expérience pratique quotidienne (voir R. c. Bramley, 2009 SKCA 49, 324 Sask. R. 286, par. 60). Les soupçons raisonnables du policier ne sauraient être évalués isolément (voir Monney, par. 50).

[30] Un ensemble de facteurs ne suffira pas à justifier des soupçons raisonnables lorsqu’ils équivalent simplement à des soupçons « généraux », puisque la fouille [traduction] « viserait un tel nombre de personnes censément innocentes qu’elle se rapprocherait d’une mesure subjective administrée aléatoirement » (United States c. Gooding, 695 F.2d 78 (4th Cir. 1982), p. 83). La jurisprudence américaine exige également un ensemble de facteurs suffisamment spécifiques. Voir Reid c. Georgia, 448 U.S. 438 (1980), et Terry c. Ohio, 392 U.S. 1 (1968). En effet, la norme des soupçons raisonnables est conçue pour prévenir les fouilles aveugles et discriminatoires.

[32] De plus, on peut tirer d’un ensemble particulier de facteurs autre chose que des soupçons raisonnables. Tout comme les sept étoiles qui forment la Grande Ourse représentent pour certains une louche, une casserole ou une charrue, les facteurs qui font naître des soupçons raisonnables peuvent également admettre des explications tout à fait innocentes. Il s’agit d’une thèse acceptable, puisque la norme des soupçons raisonnables correspond à la possibilité — et non à la probabilité — de découvrir de la criminalité.

[33] On ne peut faire abstraction des renseignements disculpatoires, neutres ou équivoques dans l’évaluation d’un ensemble de facteurs. Il faut pondérer toutes les circonstances, tant les facteurs favorables que les facteurs défavorables, avant de conclure ou non à l’existence de soupçons raisonnables. Pour reprendre les propos du juge Doherty dans l’arrêt R. c. Golub (1997), 34 O.R. (3d) 743 (C.A.), p. 751, [traduction] « [l]’agent doit prendre en compte tous les renseignements à sa disposition et il ne peut faire abstraction que des renseignements dont il a de bonnes raisons de croire qu’ils ne sont pas fiables ». C’est l’évidence même.

[Non souligné dans l’original.]

[88] Pour ces motifs, les « motifs raisonnables de soupçonner », applicables dans le présent appel, constituent une norme moins rigoureuse que les « motifs raisonnables et probables de croire ». Il faut tenir compte de l’ensemble de la preuve, ce qui inclut les éléments de preuve disculpatoires, les éléments de preuve publics et les éléments de preuve confidentiels présentés lors des audiences ex parte et à huis clos. Les conclusions ne doivent pas être fondées sur un seul ensemble de faits, mais plutôt sur certains indicateurs cohérents qui se dégagent des éléments de preuve publics, des éléments de preuve confidentiels ou des deux. Cela ne signifie pas qu’il ne doit y avoir qu’une seule conclusion tirée d’un ensemble de faits, mais une telle conclusion doit tenir compte de l’ensemble des éléments de preuve présentés. De façon générale, la norme exige de déterminer s’il existe une possibilité, plutôt qu’une probabilité, que l’appelant participera ou tentera de participer à un acte qui menacerait la sûreté des transports aériens ou qu’il se déplacera en aéronef dans le but de commettre un fait – acte ou omission – lié au terrorisme à l’étranger ou au Canada.

[89] J’ajouterai que, dans un appel où des éléments de preuve ont été présentés ex parte et à huis clos sans la présence de l’appelant, mais avec la participation des amis de la cour, le juge désigné doit examiner attentivement de tels éléments de preuve afin de ne s’appuyer que sur ceux qui sont dignes de foi, factuels et sérieux. Dans ces cas, les principes mentionnés précédemment doivent être appliqués de façon minutieuse, vigoureuse et uniforme.

B. Les éléments de preuve contradictoires doivent être évalués selon la prépondérance des probabilités

[90] Comme je l’ai mentionné dans la section sur l’historique des procédures, les témoins cités par le ministre ont été interrogés et contre-interrogés à la première étape des instances ex parte et à huis clos dans l’affaire Brar 2021 sur une période de six (6) jours en octobre 2020. Le ministre a présenté de nouveaux éléments de preuve, y compris certains se rapportant à l’atteinte à la sécurité nationale découlant de la divulgation de caviardages contestés et de résumés proposés ainsi que certains portant sur la fiabilité et la crédibilité des renseignements caviardés. Essentiellement, le fardeau initial de justifier pourquoi certains renseignements devraient rester confidentiels incombait au ministre. Par suite de ces audiences, de nouveaux renseignements ont été divulgués à l’appelant au moyen de décaviardages et de résumés de renseignements caviardés.

[91] Les deux parties ont eu la possibilité d’être entendues. Elles ont déposé des observations écrites, et des audiences publiques ont été convoquées pour entendre des témoignages. Le ministre a conservé le fardeau initial de la preuve. Cependant, à mesure que l’appelant a présenté ses propres éléments de preuve en réponse aux accusations portées contre lui, certains renseignements contradictoires sont ressortis.

[92] Ces points de vue factuels contradictoires devaient être examinés. La procédure relative aux certificats de sécurité prévue par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], laquelle partage bon nombre d’aspects juridiques avec la LSDA (voir les motifs dans la décision Brar 2020, aux para 128-139), offre des directives utiles pour évaluer les éléments de preuve lorsque des points de vue contradictoires sur les faits sont présentés, notamment que les faits contradictoires devraient être évalués selon la norme de la prépondérance des probabilités. La jurisprudence suivante relative à la LIPR reflète ce principe. Dans la décision Almrei (Re), 2009 CF 1263, le juge Richard Mosley a déclaré ce qui suit :

[101] Je suis d’avis que l’expression « motifs raisonnables de croire » à l’article 33 sous‐entend un critère préliminaire pour établir les faits nécessaires à une décision d’interdiction de territoire auquel la preuve des ministres doit satisfaire au minimum, comme l’a affirmé le juge Robertson dans Moreno, précité. Lorsque les deux parties produisent une preuve considérable et que des versions concurrentes des faits sont présentées à la Cour, la norme du caractère raisonnable exige une évaluation de la preuve et des conclusions établissant les faits qui seront acceptés. La Cour ne peut conclure au caractère raisonnable d’un certificat si elle est convaincue que la prépondérance de la preuve infirme ce que prétendent les ministres.

[93] Dans la décision Jaballah (Re), 2010 CF 79, la juge Eleanor Dawson (maintenant juge à la Cour d’appel fédérale) a adopté un point de vue semblable :

[45] De plus, malgré la règle d’interprétation prévue à l’article 33 de la Loi, lorsque la preuve est contradictoire sur un point, la Cour doit trancher en déterminant quelle version des faits est la plus probable. Un certificat de sécurité ne peut être jugé raisonnable si la Cour est convaincue que la prépondérance des éléments de preuve crédibles va à l’encontre des allégations des ministres.

[94] Dans cet esprit, la contestation porte maintenant sur l’analyse de la question de savoir si la décision du ministre est raisonnable compte tenu des éléments de preuve dont le juge dispose (voir le paragraphe 16(4) de la LSDA et le paragraphe 117 de la décision Brar 2020).

[95] À la lumière des principes mentionnés précédemment, il convient d’examiner les éléments de preuve publics déposés par les deux parties et de tirer les conclusions qui s’imposent. Je ferai d’abord une description de la décision du délégué du ministre, puis je passerai aux éléments de preuve publics présentés.

C. La décision du ministre faisant l’objet du contrôle

[96] La décision du 21 décembre 2018 est un document de neuf pages qui comporte une lettre d’une page où il est conclu qu’il existe des motifs raisonnables de soupçonner que 1) l’appelant participera ou tentera de participer à un acte qui menacerait la sûreté des transports, ou 2) se déplacera en aéronef dans le but de commettre certaines infractions de terrorisme. Par conséquent, le statut de l’appelant à titre de personne inscrite sous le régime de la LSDA est maintenu.

[97] Le document compte huit pages provenant d’un mémoire caviardé du GCPP qui avait été remis au délégué du ministre pour qu’il en prenne connaissance avant de prendre une décision. Le document renferme une fiche d’information, une chronologie du cas de recours sur cinq onglets (quatre d’entre eux sont liés à la demande de M. Brar et aux échanges de correspondance publique, et l’onglet 5 porte sur un mémoire confidentiel du SCRS), les considérations des deux parties (y compris les observations de l’appelant et un résumé caviardé du mémoire du SCRS), une analyse et les options qui s’offrent au délégué du ministre.

[98] J’examinerai maintenant la divulgation publique des renseignements ainsi que la preuve qui pèse contre M. Brar telle qu’elle évolue tout au long du processus d’appel.

D. L’ampleur des éléments de preuve publics découlant de la procédure d’appel

[99] La procédure d’appel a permis à l’appelant d’avoir accès à des renseignements de plus que ceux qui lui avaient été fournis dans le cadre de la demande de recours administratif. Le 10 août 2018, l’appelant a reçu une réponse du BRPPP après avoir envoyé sa demande de recours administratif (conformément à l’article 15 de la LSDA) le 8 juin 2018. C’était la première fois que M. Brar prenait connaissance d’un résumé public de certaines des allégations formulées contre lui. En lui répondant, le BRPPP souhaitait que M. Brar comprenne raisonnablement ce qui serait ensuite présenté au délégué du ministre et voulait lui donner la possibilité de répondre aux allégations par des observations écrites. Il ressortait clairement du document que des renseignements confidentiels seraient [traduction] « réservés uniquement au délégué du ministre ». Les allégations et les commentaires qui figurent dans le dossier d’appel révisé du 12 octobre 2021 aux pages 121 à 126 ont été résumés ainsi par l’avocat de M. Brar :

1. M. Brar est le fils de Lakhbir Brar, avec qui il est en contact et qui est le leader de l’International Sikh Youth Federation, une entité inscrite au Canada en vertu du paragraphe 83.05(1) du Code criminel.

2. M. Brar est revenu du Pakistan le 19 avril 2018, où il a rendu visite à son père.

3. Un article du 17 avril 2018 publié dans News18, une source médiatique indienne, identifie M. Brar comme un [traduction] « extrémiste khalistanais canadien » et montre une photo de son passeport et de son visa pakistanais pour le pèlerinage. L’article mentionne une rencontre ayant eu lieu à Lahore entre les leaders du groupe Lashkar-e-Tayyiba et des militants sikhs.

4(a). M. Brar a des liens avec Parvkar Singh Dulai dont il est un partenaire d’affaires. Ce dernier est un [traduction] « ardent sympathisant du Khalistan » qui, selon un article publié en avril 2007 [Globe and Mail], était l’organisateur du défilé du Vaisakhi tenu en 2007 à Surrey, en Colombie-Britannique, au cours duquel un hommage a été rendu au fondateur de Babbar Khalsa, Talwinder Singh Parmar.

4(b). Selon un article paru dans les médias le 19 novembre 2017, Jagtar Singh Johal (arrêté en Inde le 4 novembre 2017 pour le rôle qu’il aurait joué dans plusieurs meurtres notoires) a été lié à un accusé dans le meurtre de Rulda Singh commis en 2009. M. Johal s’est rendu au Canada en août 2016 et a rencontré M. Dulai à Surrey, en Colombie-Britannique.

5. M. Brar est soupçonné de faciliter des activités terroristes.

[100] M. Brar a déposé ses observations le 3 décembre 2018, et la décision de maintenir son statut de personne inscrite conformément à l’article 15 de la LSDA a été rendue le 21 décembre 2018. Cette décision a été communiquée à M. Brar le ou vers le 2 janvier 2019. M. Brar a ensuite interjeté appel de cette décision le 18 avril 2019.

[101] Un dossier d’appel a été préparé conformément aux Règles des Cours fédérales (DORS/98-106, paragraphes 343(1) à (5)) et il renfermait plus de renseignements que ce qui avait auparavant été communiqué. Parmi les nombreux documents du dossier d’appel se trouvaient ceux déposés par l’appelant à l’appui de sa demande de radiation. Il comportait également dix documents provenant de Sécurité publique Canada, dont la décision du délégué du ministre de maintenir le nom de M. Brar sur la liste de la LSDA. Les neuf autres documents, en partie caviardés, sont énumérés ci-dessous et se trouvent aux pages 33 à 78 et 358 à 378 du dossier d’appel révisé :

Un document de sept pages daté du 23 avril 2018 : la décision du président du GCPP d’inscrire, dans des circonstances urgentes, le nom de M. Brar sur la liste de la LSDA;

Deux rapports d’incident datés du 24 avril 2018 : un pour le vol d’Air Canada de Vancouver à Toronto et un autre pour le vol de WestJet de Vancouver à Toronto. Chaque rapport d’incident mentionne qu’une directive de refus d’embarquement a été donnée au transporteur aérien concerné;

Deux ensembles de notes manuscrites non signées sur une feuille d’appel de la LSDA datée du 24 avril 2018 et décrivant la chronologie de la communication de la directive de refus d’embarquement à M. Brar pour les deux compagnies aériennes;

Un document de 12 pages présentant la recommandation formulée le 10 mai 2018 par le GCPP d’inscrire de nouveau le nom de M. Brar sur la liste et mentionnant que le sous-ministre adjoint principal de Sécurité publique Canada a accepté la recommandation le 18 mai 2018;

Un document de 13 pages présentant la recommandation formulée le 16 août 2018 par le GCPP d’inscrire de nouveau le nom de M. Brar sur la liste et mentionnant que le sous-ministre adjoint principal de Sécurité publique Canada a accepté la recommandation le 20 août 2018;

Un document de 10 pages présentant la recommandation formulée le 14 février 2019 par le GCPP d’inscrire de nouveau le nom de M. Brar (entre autres personnes) sur la liste, ce qui a été approuvé par le sous-ministre adjoint principal de Sécurité publique Canada;

Un document de 10 pages en date du 14 février 2019 recommandant la mise à jour de la liste de la LSDA, sur laquelle figurait le nom de M. Brar et qui a été approuvée par le sous-ministre adjoint principal;

Un document de 11 pages présentant la recommandation formulée le 15 mai 2019 par le GCPP d’inscrire de nouveau le nom de M. Brar (entre autres personnes) sur la liste, ce qui a été approuvé par le sous-ministre adjoint principal de Sécurité publique Canada à la même date.

[102] Conformément à l’alinéa 16(6)a) de la LSDA, le ministre a demandé à la Cour de tenir des audiences ex parte et à huis clos pour entendre des renseignements ou d’autres éléments de preuve dont la divulgation pourrait porter atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui. Pendant plusieurs jours d’audiences, deux témoins ont été interrogés et contre-interrogés en présence de l’avocat du ministre et des amis de la cour. Tout au long des audiences, la Cour a transmis des communications à l’appelant, à ses avocats et à l’avocat du ministre pour résumer les instances au fur et à mesure de leur déroulement.

[103] En plus du résumé public des audiences qui a été communiqué à l’appelant (communication publique no 7) le 3 novembre 2020, trois autres communications publiques ont été transmises entre le 25 septembre 2020 et le 2 décembre 2020. Voici un résumé de ce qui a été communiqué :

Communication publique (aucun numéro attribué), 25 septembre 2020

Une conférence de gestion de l’instance ex parte et à huis clos a eu lieu le 22 septembre 2020 dans les affaires Brar c Canada (T-669-19) et Dulai c Canada (T-670-19).

L’avocat du procureur général du Canada et les amis de la cour ont présenté une mise à jour sur l’état d’avancement des deux appels. Le 31 août 2020, le procureur général du Canada a reçu l’opinion des amis de la cour sur chacun des caviardages effectués pour des raisons de sécurité nationale. L’avocat du procureur général et les amis de la cour se sont rencontrés à trois reprises depuis pour discuter des caviardages. Ces réunions ont été productives – l’avocat du procureur général et les amis de la cour se sont en grande partie entendus sur les caviardages qui sont litigieux et ceux qui ne le sont pas ainsi que sur les caviardages qui peuvent faire l’objet d’un décaviardage.

Les amis de la cour ont informé la Cour, par suite de la directive orale donnée par la Cour en date du 11 mai 2020 et à la lumière des paragraphes 247 à 249 des récents motifs, qu’aucune autre mesure n’était nécessaire à l’égard des renseignements que le procureur général du Canada a retirés.

Le 10 septembre 2020, l’avocat du procureur général a déposé un affidavit ex parte de remplacement relativement aux caviardages revendiqués par le SCRS. Le déposant précédent du SCRS n’est plus disponible. De plus, l’avocat du procureur général déposera un autre affidavit ex parte d’ici le 25 septembre 2020 provenant du SCRS qui portera, entre autres, sur la crédibilité et la fiabilité des renseignements caviardés à la lumière des motifs rendus par le juge Noël le 30 juin 2020. Cet autre affidavit sera souscrit par le même déposant qui a souscrit l’affidavit de remplacement.

Les amis de la cour ont indiqué qu’ils citeraient probablement de deux à quatre témoins pour chaque appel, ce qui sera déterminé sous peu. L’avocat du procureur général du Canada vérifiera la disponibilité des témoins éventuels et discutera de la planification avec les amis de la cour. Ensuite, l’avocat du procureur général et les amis de la cour informeront conjointement la Cour. En ce qui concerne les audiences, elles auront lieu en octobre et, si nécessaire, au début de novembre.

L’avocat du procureur général a proposé que chaque témoin reçoive les résumés proposés comme aide-mémoire. Les amis de la cour ont expliqué qu’ils ne s’opposent pas nécessairement à ce que les résumés proposés soient soumis aux témoins. Ils ont soutenu qu’il revient ultimement à la Cour de déterminer si un résumé proposé porte atteinte à la sécurité nationale et que la Cour pourrait trancher cette question avec ou sans preuve supplémentaire du témoin sur un résumé proposé.

Enfin, l’avocat du procureur général et les amis de la cour ont informé la Cour de leur position commune portant que des arguments écrits et oraux sont nécessaires après les deux audiences.

Communication publique no 6, 7 octobre 2020

Une audience ex parte et à huis clos a eu lieu le 5 octobre 2020 dans les affaires Brar c Canada (T-669-19) et Dulai c Canada (T-670-19). Les amis de la cour ont présenté à la Cour une liste de caviardages à l’égard desquels ils sont arrivés à une entente avec l’avocat du procureur général. Dans certains cas, ils ont convenu de décaviarder les renseignements. Dans d’autres cas, ils ont convenu de résumer les renseignements caviardés. Dans d’autres cas encore, ils ont convenu qu’aucun décaviardage ni aucun résumé ne pouvait être effectué pour des raisons de sécurité nationale. Ces questions devront être traitées à l’occasion d’autres instances ex parte et à huis clos.

La Cour a accepté les décaviardages et les résumés convenus jusqu’à présent. Les renseignements décaviardés et les résumés seront transmis aux appelants, tout comme les autres renseignements décaviardés et résumés de renseignements caviardés par suite des audiences à venir.

Lors des audiences à venir, les amis de la cour et l’avocat du procureur général prévoient présenter à la Cour d’autres décaviardages et résumés convenus. Les questions qui ne peuvent faire l’objet d’une entente entre les amis de la cour et l’avocat du procureur général seront tranchées par la Cour à la suite des audiences à venir.

Communication publique no 8, 2 décembre 2020

L’interrogatoire et le contre-interrogatoire ex parte et à huis clos des témoins cités par le ministre dans l’affaire Dulai c Canada (T-670-19) se sont déroulés sur une période de trois (3) jours en novembre, soit les 16, 17 et 23 novembre 2020. Le ministre a présenté des éléments de preuve sur l’atteinte à la sécurité nationale que porterait la divulgation des caviardages contestés et des résumés proposés ainsi que sur la fiabilité et la crédibilité des renseignements caviardés.

Au début de l’audience, l’avocat du procureur général et les amis de la cour ont consenti à une ordonnance qui rendrait admissible en preuve dans les deux appels le dossier de preuve découlant des audiences tenues les 14, 15, 16, 19 et 20 octobre 2020 dans l’affaire Brar et le dossier de preuve découlant des audiences tenues dans l’affaire Dulai, sous réserve de tout argument susceptible d’être présenté relativement au poids, à la pertinence et à l’admissibilité de la preuve (l’ordonnance en matière de preuve). Ainsi, les interrogatoires et les contre-interrogatoires dans l’affaire Dulai ont été plus efficaces.

L’audience a débuté le 16 novembre 2020, à 9 h 45. L’avocat du procureur général a commencé par déposer quatre (4) tableaux : i) un tableau confidentiel énumérant tous les caviardages et résumés contestés, ii) un tableau confidentiel détaillant les caviardages et résumés proposés et non contestés ainsi que les décaviardages consentis par l’avocat du procureur général, iii) un tableau confidentiel contenant seulement les caviardages et résumés du SCRS qui sont contestés, organisés de manière à orienter l’interrogatoire du témoin du SCRS, et iv) un tableau confidentiel dressant la liste des extraits de la transcription des audiences tenues dans l’affaire Brar qui se rapportent aux présentes audiences.

L’audience a repris le matin du 17 novembre 2020, à 9 h 30. Les amis de la cour ont poursuivi le contre-interrogatoire du témoin du SCRS, et les questions ont porté sur la fiabilité et la crédibilité des renseignements caviardés et sur l’atteinte à la sécurité nationale que porterait la divulgation de certains renseignements ou résumés. Ces derniers ont produit plusieurs pièces sur divers sujets. Le contre-interrogatoire s’est terminé vers la fin de la journée, après quoi l’avocat du procureur général a mené un court réinterrogatoire du témoin du SCRS.

[104] À la fin de cette audience, une décision devait être rendue quant à la validité des caviardages auxquels le ministre a procédé à l’égard de renseignements figurant dans les documents du dossier d’appel révisé. À cette fin, la Cour a mené d’importants travaux pour déterminer les caviardages qui devraient être confirmés, les caviardages qui devraient faire l’objet d’un décaviardage partiel ou total ainsi que les caviardages qui visaient des renseignements devant être résumés. Le 5 octobre 2021, une ordonnance publique mise à jour et ses motifs ont été publiés, qui comprenaient une annexe publique et deux annexes confidentielles :

  1. Annexe publique A – Décaviardages et décaviardages partiels;

  2. Annexe confidentielle B – Caviardages et résumés non contestés;

  3. Annexe confidentielle C – Caviardages et résumés contestés.

[105] Le 12 octobre 2021, le dossier d’appel révisé a été déposé et reflétait les décisions rendues dans l’ordonnance mise à jour et ses motifs publiés le 5 octobre 2021, qui figurent aux pages 33 à 78 et 302 à 378 du dossier d’appel révisé. Un lecteur attentif ne peut que conclure que l’étendue de la divulgation est plus grande et que plus de détails sont fournis à l’appelant lorsqu’il compare les pages 33 à 78, 302 à 327 et 346 à 366 des versions originale et révisée du dossier d’appel. J’ajouterai que les renseignements supplémentaires sont importants et permettent à l’appelant d’avoir une meilleure connaissance des motifs pour lesquels son nom a été inscrit sur la liste.

[106] Le résumé des allégations formulées contre l’appelant est un autre indicateur de l’étendue des renseignements qui lui sont divulgués. La Cour a ajouté le tableau suivant au paragraphe 90 de l’ordonnance modifiée et ses motifs datés du 5 octobre 2021. Le tableau se rapporte aux allégations divulguées publiquement et renvoie aux documents annexés à la décision rendue par le délégué du ministre le 21 décembre 2018 et au mémoire joint au sommaire du cas du sous-ministre adjoint principal daté du 16 août 2018, lorsque le nom de M. Brar a été de nouveau inscrit sur la liste :

Allégation

Référence dans la décision [1]

Allégations divulguées

  1. M. Brar est soupçonné de faciliter des activités terroristes. Il est impliqué dans des activités d’extrémistes sikhs au Canada et à l’étranger.

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Onglet E, sommaire du cas d’août 2018, page 3

  1. M. Brar est un extrémiste sikh établi au Canada qui a participé et qui continuera de participer à des activités terroristes. Il a notamment collecté des fonds pour financer des attaques terroristes à l’étranger; il a encouragé l’extrémisme, y compris la radicalisation des jeunes, dans le but de réaliser l’indépendance du Khalistan; et il a participé à la planification et à la facilitation d’attaques, y compris l’achat d’armes, qui seront menées en Inde.

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  1. M. Brar fait l’objet d’une enquête menée par le SCRS en raison de son association à l’extrémisme sikh et du fait qu’il agit comme contact opérationnel international pour son père, Lakhbir Singh Brar (alias RODE), le leader établi au Pakistan de l’International Sikh Youth Federation (l’ISYF), qui est une entité terroriste inscrite au Canada.

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  1. M. Brar est associé à l’ISYF.

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  1. M. Brar a des liens étroits avec des extrémistes sikhs établis au Canada et à l’étranger, dont Gurjeet Singh Cheema et M. Dulai.

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  1. M. Brar a des liens étroits avec M. Dulai dont il est un partenaire d’affaires. M. Dulai a été décrit comme un ardent sympathisant du Khalistan.

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  1. M. Brar et Gurjeet Singh Cheema planifiaient une attaque terroriste à partir de l’Inde. Plus précisément, il a été révélé que, pendant sa visite au Pakistan en 2015, M. Brar a planifié l’attaque à la demande de l’Interservices Intelligence Directorate (la Direction inter-services des renseignements ou l’ISI) du Pakistan, et que sa tâche était de rendre disponibles des armes et des munitions en Inde.

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  1. Selon des renseignements datant du début de 2018, M. Brar faisait partie d’un groupe de personnes liées à l’ISI et collaborant avec elle pour contrecarrer les efforts de sensibilisation et de réconciliation du gouvernement indien à l’égard de la communauté. Dans un article du 17 avril 2018, M. Brar avait été identifié comme un extrémiste khalistanais canadien ayant reçu un visa pakistanais pour un pèlerinage sikh en avril 2018. L’article faisait référence à une rencontre à Lahore entre les leaders du groupe Lashkar-e-Tayyiba (LeT) et des militants sikhs, et affirmait que le Pakistan nourrissait un sentiment pro-Khalistan et anti-Inde. Il mentionnait également que l’ISI collaborait étroitement avec les terroristes pakistanais qui appuyaient les Khalistanais à l’international. Le Pakistan a nié les allégations de l’Inde. Dans l’article figurait une photo du visa et d’une page du passeport de M. Brar ayant pour titre [traduction] « Preuve no 6 de visas pakistanais pour des extrémistes khalistanais canadiens ».

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  1. Selon des renseignements datant de novembre et de décembre 2017, M. Brar serait un extrémiste sikh bien connu au Canada. Il serait impliqué dans des activités contre l’Inde. M. Brar est décrit comme le président de l’aile jeunesse de l’ISYF au Canada. Il serait étroitement associé à plusieurs éléments radicaux sikhs établis au Canada. Pendant sa visite au Pakistan en 2015, M. Brar avait demandé à Cheema de prendre des dispositions pour obtenir des armes et des munitions en Inde. On sait que M. Brar s’est rendu au Pakistan à l’automne 2016, puis en 2017. Il aurait recueilli des fonds auprès de membres de la communauté sikhe canadienne afin de rénover quelques gurdwaras au Pakistan et il est soupçonné d’avoir détourné une grande partie de ces fonds pour des activités contre l’Inde.

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  1. En avril 2007, des médias ont présenté M. Dulai comme étant l’organisateur du défilé du Vaisakhi à Surrey, en Colombie-Britannique, au cours duquel un hommage a été rendu au défunt fondateur de Babbar Khalsa (BK), Talwinder Singh Parmar. (La Cour suprême de la C.-B. a conclu que Parmar était à l’origine du complot ayant mené à l’explosion des deux avions d’Air India, le 23 juin 1985.)

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  1. M. Brar a participé à une collecte de fonds, lesquels ont été envoyés à son père et à une autre personne au Pakistan pour qu’ils soient distribués à des familles terroristes au Pendjab.

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  1. M. Brar et d’autres personnes ont discuté de l’incarcération de plusieurs personnes au Pendjab et du fait qu’elles avaient besoin de soutien financier et juridique, y compris d’une aide financière destinée à Jagtar Singh Johal.

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  1. M. Brar s’est rendu au Pakistan à la fin du mois de mars 2018, où il a visité son père, puis est revenu au Canada le 19 avril 2018.

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  1. En 2016, M. Brar s’est souvent rendu aux États-Unis par voie terrestre.

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  1. M. Brar est arrivé à l’aéroport international Pearson de Toronto le 19 novembre 2016, le 13 janvier 2017, le 27 juillet 2017 et le 14 novembre 2017.

Onglet E, sommaire du cas d’août 2018, page 7

  1. M. Brar a rempli un rapport d’incident relativement à un voyage de Toronto à Abou Dhabi. Il affirme que le 24 octobre 2017, des agents l’ont informé que le département de la Sécurité intérieure (le DHS) leur avait dit qu’il ne pouvait pas voyager.

Onglet E, sommaire du cas d’août 2018, page 7

[107] Dans le cadre du contrôle administratif, M. Brar a obtenu communication de six allégations (réponse du BRPPP datée du 10 août 2018). Les seize allégations présentées ci-dessus permettent à M. Brar de mieux comprendre les motifs invoqués contre lui. Une lecture attentive de ces allégations permet de constater que les motifs ayant mené à l’inscription de son nom sur la liste sont très graves.

[108] La production de résumés liés aux renseignements en bonne partie caviardés est également utile à M. Brar. J’invite les lecteurs à les consulter. Les résumés peuvent parfois indiquer qu’une partie des renseignements ne concerne pas M. Brar (voir p 67-69 et 361-366 du dossier d’appel révisé) ou donner une idée de la teneur des renseignements caviardés (voir p 61-62 et 375-376 du dossier d’appel révisé), sans menacer la sécurité nationale. Ce ne sont là que quelques-uns des nombreux exemples.

[109] De plus, des audiences publiques ont eu lieu à Vancouver en avril 2022 où, pour la première fois, l’appelant a eu l’occasion d’être entendu en personne.

E. Les principes de droit liés à la divulgation de renseignements touchant la sécurité nationale dans des procédures judiciaires civiles et administratives

[110] La CSC a reconnu à de nombreuses reprises que des raisons de sécurité nationale peuvent limiter l’étendue de la divulgation de renseignements à l’intéressé (voir Charkaoui I, au para 58). Cependant, pour restreindre la divulgation pour des raisons de sécurité nationale, il faut faire preuve de prudence, et la restriction doit respecter les principes de justice fondamentale. L’ancienne juge en chef McLachlin résume cet équilibre délicat au paragraphe 43 de l’arrêt Harkat :

[43] Il peut s’avérer impossible de communiquer tous les renseignements et éléments de preuve à la personne visée. Par contre, les exigences fondamentales de la justice en matière de procédure doivent être respectées « d’une autre façon adaptée au contexte, compte tenu de l’objectif du gouvernement et des intérêts de la personne touchée » : Charkaoui I, par. 63. L’autre procédure doit remplacer pour l’essentiel la divulgation complète. L’équité procédurale n’exige pas que le processus soit parfait; la conception d’un processus répondant aux préoccupations en matière de sécurité nationale implique nécessairement certains compromis : Ruby c. Canada (Solliciteur général), 2002 CSC 75, [2002] 4 R.C.S. 3, par. 46.

[111] Comme je l’ai déjà mentionné, il convient de souligner que lorsque des considérations de divulgation touchant la sécurité nationale entrent en ligne de compte dans les instances, l’équité procédurale ne nécessite pas un processus parfait. Le régime d’appel de la LSDA reflète cette réalité. En l’espèce, une grande partie des renseignements divulgués se rapporte aux motifs justifiant la décision du délégué du ministre. Par conséquent, M. Brar était mieux placé pour répondre à la preuve qui pèse contre lui.

[112] Pendant les audiences publiques, l’expression « quantité minimale incompressible de renseignements » a été utilisée plusieurs fois, et elle a été utilisée encore plus souvent lors des audiences à huis clos. L’ancienne juge en chef McLachlin a analysé le concept aux paragraphes 55 à 56 de l’arrêt Harkat dans le contexte de la LIPR :

[55] Le législateur a modifié le régime établi par la LIPR dans l’intention de le rendre conforme aux exigences de l’art. 7 exposées dans Charkaoui I, et il faut l’interpréter en fonction de cette intention : R. c. Ahmad, 2011 CSC 6, [2011] 1 R.C.S. 110, par. 28-29. L’exigence de ce régime voulant que la personne visée soit « suffisamment informée » (« reasonably informed ») de la thèse du ministre doit être considérée comme une reconnaissance de l’obligation de fournir à la personne visée une quantité minimale incompressible de renseignements.

[56] Suivant le régime établi par la LIPR, la personne visée est « suffisamment informée » si elle a reçu elle-même suffisamment de renseignements pour pouvoir donner des instructions utiles à ses avocats publics, mais aussi des indications et des renseignements utiles à ses avocats spéciaux qui permettront à ces derniers de contester l’information et la preuve invoquées par le ministre lors des audiences à huis clos. En effet, l’aptitude de la personne visée à réfuter la thèse du ministre dépend de l’efficacité des avocats spéciaux, laquelle dépend à son tour de la réception d’indications et de renseignements utiles par ceux-ci. Comme l’a dit la Chambre des lords du Royaume-Uni en parlant de la divulgation prévue par le régime britannique des avocats spéciaux, la personne visée

[traduction] doit obtenir suffisamment de renseignements au sujet des allégations formulées contre elle pour être en mesure de donner des instructions efficaces relativement à ces allégations. [...] Lorsque [...] les documents publics contiennent uniquement des affirmations générales et que l’affaire [...] est fondée exclusivement ou à un degré décisif sur des documents secrets, les exigences d’un procès équitable ne sont pas respectées, aussi convaincante que puisse être la cause fondée sur les documents secrets. (Secretary of State for the Home Department c. A.F. (No. 3), [2009] UKHL 28, [2009] 3 All E.R. 643, par. 59, lord Phillips of Worth Matravers)

[113] Cependant, même avant l’arrêt Harkat, d’autres arrêts importants tels que Charkaoui I et R c Ahmad, 2011 CSC 6 [Ahmad], ont examiné les limites imposées à la divulgation de renseignements touchant la sécurité nationale :

[7] Comme nous l’avons affirmé dans Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9, [2007] 1 R.C.S. 350, la Cour « a reconnu à de nombreuses reprises que des considérations relatives à la sécurité nationale peuvent limiter l’étendue de la divulgation de renseignements à l’intéressé » (par. 58). Nous avons toutefois pris soin dans cet arrêt de souligner aussi l’importance du principe de justice fondamentale voulant qu’« une personne dont la liberté est menacée ait la possibilité de connaître la preuve produite contre elle et d’y répondre » (par. 61). L’affaire Charkaoui relevait du droit de l’immigration. Dans les affaires criminelles, il est à plus forte raison essentiel que le tribunal veille à l’équité du procès. Néanmoins, selon l’interprétation que nous faisons de l’art. 38, l’effet net est le suivant : les secrets d’État seront protégés lorsque le procureur général du Canada juge vital qu’ils le soient, avec cependant pour résultat que, s’il se voit refuser les moyens de présenter une défense pleine et entière et si, de l’avis du juge, des mesures moindres ne sauraient suffire à garantir un procès équitable, l’accusé sera libre. Tout en insistant sur cette protection essentielle du droit de l’accusé à un procès équitable, nous signalons par ailleurs que, malgré les critiques sérieuses formulées à l’égard du fonctionnement de ces dispositions, elles permettent une souplesse considérable du point de vue de la conciliation des droits de l’accusé et de la nécessité pour l’État d’empêcher la divulgation de renseignements. (Ahmad, au para 7)

[114] Le concept de quantité minimale incompressible de renseignements est défini comme permettant à la personne visée de recevoir suffisamment de renseignements pour connaître et réfuter la preuve qui pèse contre lui (Harkat, au para 56). Cela dit, lorsque certains renseignements sont caviardés, une personne inscrite affirmera fort probablement toujours que d’autres renseignements doivent lui être divulgués. La tension entre la divulgation de renseignements suffisants pour permettre à la personne inscrite de répondre à la preuve qui pèse contre elle et la préservation des intérêts en matière de sécurité nationale est exacerbée par les enjeux importants des deux parties.

[115] Selon certains, la divulgation est insuffisante tant que des renseignements demeurent caviardés. Cependant, la CSC a clairement indiqué qu’un certain compromis est nécessaire. L’appelant devrait vouloir connaître les sources des renseignements le concernant ainsi que les détails des renseignements confidentiels. Comme la divulgation de tels renseignements pourrait menacer la sécurité nationale, des solutions de rechange à leur divulgation doivent être envisagées.

[116] J’ajouterai que l’avocat de l’appelant a demandé à maintes reprises à la Cour de divulguer des détails sur les sources de renseignements. Toutefois, comme il est cité en partie au paragraphe 56 de l’arrêt Harkat, le processus peut être équitable même sans les sources. Dans Secretary of State for the Home Department (Respondent) c AF (Appellant) (FC), [2009] UKHL 28, lord Phillips of Worth Matravers l’a bien souligné lorsqu’il a écrit ce qui suit au paragraphe 59 :

[traduction]

59. [...] Cela établit que le contrôlé doit obtenir suffisamment de renseignements au sujet des allégations formulées contre lui pour être en mesure de donner des instructions efficaces relativement à ces allégations. Pourvu que cette exigence soit remplie, un procès peut être équitable même si le contrôlé n’obtient pas les détails ou les sources des éléments de preuve constituant le fondement des allégations. Cependant, lorsque les documents publics contiennent uniquement des affirmations générales et que la preuve à l’encontre du contrôlé est fondée exclusivement ou à un degré décisif sur des documents secrets, les exigences d’un procès équitable ne seront pas respectées, aussi convaincante que puisse être la preuve fondée sur les documents secrets.

[Non souligné dans l’original.]

[117] Dans l’arrêt Harkat, la CSC a déterminé que « [l]e choix du législateur d’une interdiction totale de divulguer les renseignements sensibles — plutôt qu’une approche qui prévoit une mise en balance — ne constitue donc pas une atteinte au droit à un processus équitable » (Harkat, au para 66). Dans cette affaire, l’appelant avait été en mesure d’obtenir des renseignements qui avaient été initialement caviardés, car les éléments de preuve qui ne satisfaisaient pas au critère pour être considérés comme portant atteinte à la sécurité nationale avaient été rendus publics au moyen de décaviardages et de résumés. M. Brar ne connaît peut-être pas tous les renseignements à l’appui des allégations, ni même toutes les allégations formulées contre lui, mais il sait ce qui lui est reproché, comme en témoignent le présent processus de divulgation et ses réponses aux allégations formulées contre lui. Divulguer plus de renseignements que ce qui l’est déjà porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui. Par conséquent, il était nécessaire de restreindre la divulgation, mais pas au point d’empêcher l’appelant d’avoir accès à suffisamment de renseignements pour comprendre la preuve qui pèse contre lui et donner des directives appropriées à son avocat. Comme je l’explique dans la décision concurrente portant sur les questions constitutionnelles, bien que ces dispositions créent un régime qui peut constituer un substitut imparfait à la divulgation complète en audience publique (Harkat, au para 77), ensemble, les résumés, la divulgation de renseignements supplémentaires, la participation des amis de la cour et la tenue d’audiences publiques ont donné lieu à une procédure équitable.

IX. Conclusion découlant de la procédure d’appel

[118] La Cour a déployé des efforts considérables pour veiller à ce que le présent appel se déroule aussi ouvertement que possible tout en respectant les obligations imposées par la loi en matière de sécurité nationale. Ainsi, comme je l’ai déjà mentionné, des motifs confidentiels sont rendus en même temps que les présents motifs publics pour traiter des documents confidentiels qui ne pouvaient pas être rendus publics et qui figurent à l’annexe C. Ces motifs confidentiels comprennent des tableaux présentant des commentaires confidentiels sur les décisions rendues relativement à chacune des allégations publiques figurant dans le tableau de l’annexe B des présents motifs, lequel comporte un nombre limité de commentaires non confidentiels.

[119] Je dois rappeler à l’appelant que j’ai pleinement assumé mon rôle de gardien lors des audiences publiques et lors des audiences ex parte et à huis clos. À cette fin, je devais m’assurer que la décision du ministre d’inscrire le nom de l’appelant sur la liste d’interdiction de vol était raisonnable. J’avais la responsabilité de veiller à ce que les processus soient équitables tout au long de l’instance. J’ai donc considéré le rôle et le mandat des amis de la cour de représenter les intérêts de l’appelant comme une autre façon de remplacer pour l’essentiel la divulgation totale et la participation en personne de l’appelant aux audiences à huis clos. Les deux amis de la cour ont agi efficacement et activement au nom de l’appelant. Ils ont exercé leurs fonctions avec professionnalisme, compétence et ténacité non seulement pendant les audiences à huis clos avec les témoins, mais également à l’étape confidentielle des observations écrites. Ils ont exprimé des points de vue différents de ceux du ministre, et ce, non seulement dans leur évaluation des caviardages effectués, mais également à l’égard de plusieurs questions de droit liées au caractère raisonnable de la décision avant et après les audiences publiques. À mon avis, les amis de la cour ont remplacé pour l’essentiel la divulgation complète et la participation à la partie confidentielle de l’appel.

[120] Ayant déjà traité avec des avocats spéciaux par le passé, j’estime qu’en l’espèce, le résultat aurait été le même, qu’ils aient été présents ou non. Je considère que le mandat de juin 2020 donné aux amis de la cour est équivalent au rôle que confère la loi aux avocats spéciaux. Je suis également d’avis que la participation d’avocats spéciaux n’aurait pas permis à l’appelant d’obtenir plus de renseignements confidentiels. Selon moi, dès qu’un renseignement est considéré comme touchant la sécurité nationale, il doit être protégé, qu’un ami de la cour ou qu’un avocat spécial soit présent ou non. De plus et comme il est question au paragraphe 214 de la décision constitutionnelle, traiter avec des avocats spéciaux peut être difficile, car leurs fonctions, responsabilités et pouvoir sont fixes et qu’ils ont peu de marge de manœuvre. Les avocats spéciaux dont les ressources sont illimitées peuvent présenter une multitude de requêtes, ce qui peut s’avérer chronophage et parfois inefficace.

[121] L’alinéa 16(6)e) de la LSDA prévoit que le juge désigné peut recevoir et admettre en preuve tout élément qu’il estime digne de foi et utile. J’ai reçu et examiné des éléments de preuve et, en raison de leur caractère sensible, ils ne peuvent être divulgués. Ces éléments de preuve ont été produits au dossier en réponse à des questions principalement posées par le témoin du SCRS pendant les audiences ex parte. Ils sont liés à certaines des allégations publiques ou à l’appelant. D’autres renseignements se trouvent dans les motifs confidentiels.

[122] L’alinéa 16(6)f) de la LSDA prévoit également que le juge peut s’appuyer sur des éléments de preuve qui n’ont pas été divulgués à l’appelant, même au moyen d’un résumé. Dans l’arrêt Harkat, l’ancienne juge en chef McLachlin a commenté une disposition de la LIPR semblable :

[39] D’après le régime établi par la LIPR, le juge peut fonder sa décision sur des renseignements ou éléments de preuve dont un résumé n’est pas fourni à la personne visée : al. 83(1)i). Le régime ne précise pas expressément si la décision peut reposer entièrement, ou seulement en partie, sur des renseignements et des éléments de preuve qui ne sont pas communiqués à la personne visée.

En l’espèce, les conclusions se rapportent à seize allégations publiques dont l’appelant a connaissance. Cependant, comme je l’ai déjà mentionné, il y a des renseignements concernant certaines de ces allégations, ou des situations comparables, qui ne peuvent tout simplement pas être divulgués, partiellement divulgués ou résumés. L’appelant ne connaît peut-être pas tous les détails, mais il connaît l’essentiel des allégations formulées contre lui et a eu la possibilité de répondre à chacune d’entre elles.

[123] Cela dit, je ne pouvais pas faire abstraction des renseignements qui sont demeurés confidentiels pour des raisons de sécurité nationale. Ces renseignements étaient liés d’une manière ou d’une autre à une ou plusieurs allégations dont l’appelant avait connaissance, ou ressemblaient à des actes comparables mentionnés dans les allégations connues. Durant les audiences ex parte et à huis clos, certains de ces renseignements ont été examinés en profondeur. Je tiens à établir clairement qu’aucune de mes conclusions n’est uniquement fondée sur des faits ou des allégations non divulgués. Par conséquent, l’appelant est au courant de l’essentiel de la preuve qui pèse contre lui. Dans son analyse, la Cour a examiné les deux ensembles d’allégations – divulguées et non divulguées – et toutes les conclusions sont liées aux seize allégations qui ont été rendues publiques. En fin de compte, j’ai rendu une décision sur la question de savoir si la conclusion du délégué du ministre était raisonnable en fonction des seize allégations publiques connues de M. Brar.

[124] Compte tenu de la doctrine de la quantité minimale incompressible de renseignements mentionnée dans l’arrêt Harkat, dont il était également question aux paragraphes 60 à 71 des motifs de la décision Brar 2021, les amis de la cour ont soutenu qu’il existait des tensions irréconciliables et que la Cour devrait ordonner le retrait de certains des renseignements caviardés. J’ai pris une décision différente pour les motifs suivants : les renseignements en question sont liés à l’appelant; les renseignements sont liés aux seize allégations publiques puisqu’ils se rapportent directement ou indirectement à elles; et les renseignements sont non seulement dignes de foi et utiles, mais également importants pour l’appel. M. Brar connaît l’essentiel des allégations formulées contre lui et est au courant de seize allégations précises.

[125] Compte tenu du processus de divulgation et des renseignements divulgués en conséquence, des seize allégations publiques, de l’examen des documents divulgués et des documents qui ne peuvent pas l’être pour des raisons de sécurité nationale, j’estime que l’appelant avait plus qu’une connaissance rudimentaire de l’essentiel de la preuve qui pèse contre lui. Sa réponse au contrôle administratif, son récent affidavit et son témoignage démontrent une compréhension approfondie des allégations formulées contre lui.

[126] Au début, et pendant environ deux mois, les amis de la cour pouvaient s’entretenir avec l’appelant et ses avocats de l’instance publique, les consulter à ce sujet et en discuter avec eux. Au fur et à mesure de l’avancement de l’instance, l’appelant pouvait en tout temps avoir une communication unilatérale avec les amis de la cour. Lorsqu’un problème se posait, les amis de la cour pouvaient le porter à la connaissance de la Cour. Les communications publiques et le dépôt du dossier d’appel révisé ont permis la divulgation d’autres renseignements, ce qui a permis à l’appelant d’acquérir plus de connaissances et de donner des directives à ses avocats et aux amis de la cour. Bien que je reconnaisse que l’appelant ne sait pas tout, je suis convaincu qu’il en sait beaucoup plus que moins et qu’il comprend l’essentiel de la preuve qui pèse contre lui.

[127] Je suis également convaincu que la sécurité nationale a été protégée pendant ce processus, puisqu’il s’agit de l’une de mes responsabilités judiciaires. Je l’ai fait en favorisant la transparence et la divulgation. En fin de compte, j’ai dû respecter la loi en sachant que j’avais atteint la limite de ce que je pouvais divulguer. Si je n’avais pas été convaincu que M. Brar connaissait l’essentiel de la preuve, j’aurais pris d’autres décisions appropriées.

[128] À la fin de l’instance, j’étais devant une multitude de points de vue contradictoires entendus lors des audiences publiques et lors des audiences ex parte et à huis clos, ce qui m’obligeait à prendre les bonnes décisions.

X. Le voyage du premier ministre en Inde

[129] L’appelant a soutenu que l’inscription de son nom sur la liste d’interdiction de vol découlait de pourparlers entre le premier ministre Trudeau et des hauts fonctionnaires indiens lors du voyage du premier ministre en Inde en février 2018. L’appelant mentionne des articles selon lesquels une enveloppe contenant une liste de noms de Canadiens aurait été remise au premier ministre lors de l’une des rencontres. Il a également été rapporté que la question du Khalistan et de l’Inde a été abordée (voir l’article « “Khalistan” issue figures in Amarinder-Trudeau meet; Capt hands over list of Canada-based radical », Outlook The News Scroll, 21 février 2018 dans l’affidavit de Dongju Zhao, à la p 322).

[130] Bien que les détails précis des rencontres entre le premier ministre Trudeau et les fonctionnaires indiens demeurent inconnus, il est de notoriété publique que les dirigeants mondiaux se réunissent et discutent d’une variété de thèmes d’intérêt commun, y compris les défis économiques tels que les exportations et les importations, les préoccupations sociales telles que les questions de défense ainsi que les questions de sécurité telles que le terrorisme. Il se peut que le premier ministre et ses homologues aient discuté de questions de sécurité nationale, comme on pourrait s’y attendre dans un cadre diplomatique. Cependant, la prétention de M. Brar selon laquelle l’inscription de son nom sur la liste est attribuable à une rencontre diplomatique n’est pas étayée. M. Brar était déjà dans la mire du SCRS avant que son nom soit inscrit sur la liste en avril 2018, comme il est indiqué à la page 35 du dossier d’appel révisé, entre autres. Un examen approfondi du dossier d’appel révisé révèle des documents provenant d’autres époques, et la version confidentielle comporte une chronologie complète, qui corrobore à nouveau le fait que d’autres facteurs ont été pris en compte pour l’inscription du nom de M. Brar sur la liste.

[131] Il serait erroné d’affirmer que le Canada répond systématiquement aux demandes de pays étrangers. Pour tenir une séance d’information en vue d’inscrire le nom d’une personne sur la liste d’interdiction de vol, une entité telle que le SCRS a besoin de renseignements, de connaissances et d’une documentation bien étayée. Une simple demande de la part d’un seul pays, assortie de ses propres documents, ne suffira pas. De nombreux renseignements variés provenant de diverses sources seront nécessaires et, en pratique, une corroboration sera requise pour que le Canada tire une conclusion indépendante.

[132] Je peux affirmer avoir demandé, et reçu, le rapport spécial non caviardé du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (le CPSNR) concernant les allégations relatives à la visite officielle du premier ministre en Inde en février 2018. J’ai également demandé à l’avocat du procureur général du Canada et aux amis de la cour de commenter certaines pages du rapport qui, selon moi, étaient pertinentes aux fins du présent appel.

[133] L’ensemble de la preuve dont je disposais, publique et confidentielle, me permet de conclure que d’autres facteurs ont mené à l’autorisation d’inscrire le nom de l’appelant sur la liste d’interdiction de vol. Je peux donc affirmer avec certitude qu’il n’y a eu aucune ingérence politique.

XI. La conclusion sur la question de savoir si la décision était raisonnable au titre de l’alinéa 8(1)a) de la LSDA

[134] Comme il est indiqué dans la communication no 11 datée du 11 juillet 2021 :

La Cour a demandé que ce résumé confirme qu’aucun renseignement ni élément de preuve visant l’un ou l’autre appelant ne se rapporte à l’alinéa 8(1)a) de la LSDA et que les deux inscriptions sur la liste sont liées à des renseignements et à des éléments de preuve se rapportant à l’alinéa 8(1)b).

[135] La preuve dans son ensemble ne permettait pas de conclure que M. Brar participerait ou tenterait de participer à un acte qui menacerait la sûreté des transports, conformément à l’alinéa 8(1)a) de la LSDA. Le 23 mars 2022, le procureur général du Canada a également reconnu que l’inscription du nom de M. Brar sur la liste était fondée sur des préoccupations liées à l’alinéa 8(1)b) plutôt qu’à l’alinéa 8(1)a) de la LSDA. Par conséquent, la première partie de la conclusion, qui porte sur la sûreté des transports, est manifestement déraisonnable, compte tenu de l’absence de preuve à l’appui d’une telle allégation.

[136] Je ferais remarquer que, selon les allégations publiques, les activités terroristes sont concentrées à l’étranger. Le régime législatif confère au ministre un pouvoir discrétionnaire sur les mécanismes à mettre en place pour assurer la sécurité des déplacements aériens qui ne va pas jusqu’à lui permettre d’interdire complètement tout déplacement aérien. Ce pouvoir discrétionnaire devrait être exercé en conséquence. Ainsi, au prochain examen qui a lieu après 90 jours, la demande devrait tenir compte de la conclusion déraisonnable tirée relativement à l’alinéa 8(1)a) de la LSDA et des diverses directives relatives à l’embarquement qui s’appliquent aux inscriptions en vertu du paragraphe 9(1) de la LSDA.

XII. Les conclusions sur la question de savoir si la décision était raisonnable au titre des sous-alinéas 8(1)b)(i) et (ii) de la LSDA

[137] Malgré ma conclusion concernant l’alinéa 8(1)a) de la LSDA, je conclus néanmoins que la décision de maintenir le nom de l’appelant sur la liste d’interdiction de vol est raisonnable, car il existe des motifs raisonnables de soupçonner que M. Brar se déplacera en aéronef dans le but de commettre un fait – acte ou omission – qui constitue une infraction visée aux articles 83.18, 83.19 ou 83.2 du Code criminel ou à l’alinéa c) de la définition de « infraction de terrorisme » à l’article 2 de cette loi ou, s’il était commis au Canada, constituerait une des infractions mentionnées au sous-alinéa (i).

[138] Je tire cette conclusion après avoir examiné l’ensemble des faits publics et confidentiels, des affidavits déposés et des observations de tous les avocats, y compris les amis de la cour, et après avoir entendu le témoignage de l’appelant à Vancouver. J’ai lu et entendu la réponse de l’appelant à chacune des seize allégations publiques et j’ai examiné la décision du délégué du ministre et les documents s’y rapportant. De plus, j’ai examiné attentivement les documents confidentiels concernant chaque allégation, j’ai relu le témoignage du témoin du SCRS et j’ai tenu compte des observations écrites du ministre et des amis de la cour.

[139] Tout en gardant à l’esprit qu’il ne s’agit pas d’une affaire criminelle, mais plutôt d’une décision administrative prise conformément à la LSDA, j’ai tiré cette conclusion en tenant compte du fait que la décision de maintenir le nom de l’appelant sur la liste est fondée sur la norme des motifs raisonnables de soupçonner. À la lumière des faits discernables en litige dans le présent appel, il est possible que certains scénarios et situations qui se sont produits par le passé se répètent. Comme il ressort des éléments de preuve, au fil du temps, l’appelant a adopté un type de comportement qui, selon la norme des motifs raisonnables de soupçonner, le lie aux sous-alinéas 8(1)b)(i) et (ii) de la LSDA.

[140] Sans menacer la sécurité nationale, je peux affirmer avec assurance que la Cour dispose d’un portrait clair de la situation : d’un côté, l’appelant nie les allégations formulées contre lui et, de l’autre côté, il existe des éléments de preuve qui fournissent des explications contradictoires et sérieuses. Par conséquent, selon la norme des soupçons raisonnables, j’ai évalué la fiabilité et la crédibilité de chaque partie, et j’ai examiné la preuve corroborante indépendante. Par suite de cet exercice rigoureux, onze allégations, plus précisément les allégations nos 1, 2 (en partie), 3, 5, 6, 7, 8, 9 (en partie), 11, 12 et 13 ont toutes été considérées comme étant plausibles à la lumière des faits discernables dans la preuve (voir l’annexe B). Ces onze allégations satisfont aux critères déclenchant l’application des sous-alinéas 8(1)b)(i) et (ii) de la LSDA. Les autres allégations n’ont pas été retenues en raison d’un manque de preuve et/ou de corroboration. Pour ce qui est des allégations non divulguées à l’appelant, elles ont été traitées dans les motifs confidentiels. Dans ce contexte, je réitère que toute décision concernant le caractère raisonnable de la décision du délégué du ministre est fondée sur mes conclusions à l’égard des allégations publiques. Aucune de mes conclusions ne repose uniquement sur des renseignements dont l’appelant n’avait pas connaissance. Par souci d’exhaustivité, le présent jugement comprend trois annexes :

  1. L’annexe A – l’historique complet des procédures judiciaires publiques des deux appels;

  2. L’annexe B – un tableau public des seize allégations publiques avec quelques commentaires;

  3. L’annexe C – des motifs confidentiels et complémentaires, qui comprennent un tableau confidentiel des seize allégations publiques accompagnées de commentaires confidentiels ainsi qu’un autre tableau confidentiel portant sur des renseignements caviardés non divulgués.

[141] Pour des raisons de sécurité nationale, je ne suis pas en mesure d’en révéler plus dans le cadre de la présente instance. J’aimerais étoffer ma conclusion dans les motifs publics, mais le faire impliquerait de commenter des renseignements confidentiels.

XII. La LSDA doit être améliorée

[142] Étant donné que ces appels (celui en l’espèce et celui de M. Dulai jugé en même temps) sont les premiers appels fondés sur la LSDA à être entendus, tous ceux qui y ont participé, y compris la Cour, ont dû réfléchir à des éléments de la loi qui seraient susceptibles d’améliorer la procédure en vue d’atteindre les objectifs de la LSDA et d’assurer officiellement l’équité procédurale dans la loi. Voici quelques suggestions à examiner pour ceux qui souhaiteraient pousser la réflexion plus loin :

  1. En vertu de la LSDA, les étapes menant à l’inscription du nom d’une personne sur la liste, ainsi que l’inscription en soi, sont confidentielles. Cependant, aucune disposition dans la loi ne traite de la confidentialité dans le cadre des appels. Actuellement, dans le contexte de la LSDA, le nom d’un appelant n’est pas protégé, à moins qu’une requête en confidentialité soit déposée et accueillie en vertu de l’article 151 des Règles des Cours fédérales, à la section « Dépôt de documents confidentiels ». Pour les motifs exposés dans la présente décision et les motifs liés aux questions constitutionnelles, notamment la stigmatisation associée au mot « terroriste », il faudrait veiller à ce que la loi protège, d’une manière ou d’une autre, l’identité des appelants, sous réserve du principe de la publicité des débats judiciaires;

  2. Dans sa décision rendue en vertu de l’article 15 de la LSDA, le ministre devrait donner certaines explications pour justifier l’inscription d’une personne sur la liste et indiquer expressément si c’est l’alinéa 8(1)a) ou 8(1)b) de la LSDA qui s’applique, ou les deux;

  3. Afin d’assurer l’équité dans la procédure d’appel prévue par la LSDA, la loi devrait rendre obligatoire la nomination d’un ami de la cour (ou de plusieurs) ou d’une entité comparable dont le ou les rôles et le ou les mandats sont équivalents à ceux attribués en l’espèce (pour obtenir plus de précisions sur cette question, voir la section intitulée « Le rôle et le mandat des amis de la cour » à la page 97 des motifs liés aux questions constitutionnelles).

XIII. Conclusion

[143] Je conclus que la décision du délégué du ministre est raisonnable relativement aux sous-alinéas 8(1)b)(i) et (ii) de la LSDA, mais déraisonnable relativement à l’alinéa 8(1)a). Étant donné que les motifs prévus aux sous-alinéas 8(1)b)(i) et (ii) suffisent pour maintenir le nom de l’appelant sur la liste d’interdiction de vol, la décision de maintenir son statut de personne inscrite est raisonnable. Lors du prochain examen du dossier de l’appelant après 90 jours, en plus de déterminer s’il existe encore des motifs pour inscrire le nom de M. Brar sur la liste en vertu du paragraphe 8(2), le ministre devrait également tenir compte de mes conclusions pour déterminer quelles directives prévues à l’article 9, le cas échéant, devraient s’appliquer à M. Brar, notamment en ce qui concerne les vols nationaux.

[144] J’ai rendu les décisions relativement aux sous-alinéas 8(1)b)(i) et (ii) en sachant que mes motifs ne pourraient pas être aussi publics que je le souhaitais. Je l’ai fait en étant conscient que, contrairement à la situation dans l’affaire Harkat, le présent appel ne soulève pas de questions telles que l’emprisonnement, la mise en liberté sous condition ou le risque de torture en cas de retour dans le pays d’origine. En effet, dans le présent appel, la difficulté imposée à l’appelant est l’incapacité à prendre l’avion. Il ne s’agit pas de minimiser les difficultés découlant du fait d’être inscrit sur la liste, mais plutôt de mettre les choses en perspective. Retirer des renseignements, comme l’ont demandé les amis de la cour, ne permettrait pas de présenter adéquatement la preuve qui pèse contre l’appelant et pourrait rendre la LSDA inefficace. J’estime donc que cela ne respecterait pas l’objectif de la loi et ne serait pas dans l’intérêt de la justice. Même si l’appelant n’a peut-être pas obtenu autant de renseignements sur les sources et de détails pour chaque allégation que ce qu’il aurait voulu, il a été entendu et il a été en mesure de répondre à la preuve qui pèse contre lui et de donner des instructions adéquates à son avocat. Malgré les contraintes liées à la sécurité nationale, la procédure a été équitable.

[145] En raison des doubles procédures – audiences publiques et audiences confidentielles –, interjeter appel de l’inscription de deux personnes sur la liste de la LSDA est complexe. Afin de garantir une procédure équitable dans l’intérêt des parties et de la justice, je conseille au juge désigné en chef de veiller à ce que le juge affecté à ces affaires ait amplement le temps d’assumer ses fonctions. Ce fut le cas dans le présent appel, ce que je salue.


JUGEMENT dans le dossier T-669-19

LA COUR STATUE :

  1. L’appel est accueilli en partie.
  2. La décision du délégué du ministre d’ajouter le nom de l’appelant sur la liste d’interdiction de vol en vertu des sous-alinéas 8(1)b)(i) et (ii) de la LSDA est raisonnable.
  3. La décision du délégué du ministre d’ajouter le nom de l’appelant sur la liste d’interdiction de vol en vertu de l’alinéa 8(1)a) de la LSDA est déraisonnable. Ainsi, au prochain examen après 90 jours, la présente décision doit être prise en considération, et les diverses directives relatives à l’embarquement sur des vols nationaux qui pourraient viser des personnes inscrites en vertu du paragraphe 9(1) de la LSDA doivent être examinées.
  4. Le présent jugement comprend les annexes suivantes :

L’annexe A – l’historique complet des procédures judiciaires publiques des deux appels;

L’annexe B – un tableau public des seize allégations publiques avec des commentaires;

L’annexe C – des motifs confidentiels et complémentaires, qui comprennent un tableau confidentiel des seize allégations publiques accompagnées de commentaires confidentiels ainsi qu’un autre tableau confidentiel portant sur des renseignements caviardés non divulgués.

  1. L’appelant a demandé les dépens du présent appel (dossier d’appel révisé, à la p 5). Aucuns dépends ne sont adjugés.

« Simon Noël »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sophie Reid-Triantafyllos

Annexe A

Historique des procédures des deux appels (M. Brar et M. Dulai)

[1] À la suite du dépôt des avis d’appel de M. Brar et de M. Dulai, la Cour a ordonné à l’intimé de signifier et de déposer pour chaque appel un dossier d’appel public, dont les parties ont convenu du contenu. Ces dossiers d’appel contenaient de nombreux éléments caviardés par l’intimé en vue de protéger la confidentialité de renseignements ou d’éléments de preuve qui, selon lui, pourraient porter atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui s’ils étaient divulgués.

[2] Par la suite, le 7 octobre 2019, la Cour a ordonné que l’intimé dépose auprès du greffe désigné de la Cour, et ce pour chaque appel, un dossier d’appel non caviardé contenant et identifiant clairement les renseignements qui, d’après lui, pourraient porter atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui s’ils étaient divulgués. La Cour a également ordonné à l’intimé de déposer auprès du greffe désigné des affidavits confidentiels expliquant pourquoi certains éléments ont été caviardés et, également, de déposer et de signifier des affidavits publics expliquant la nature des caviardages d’une manière qui ne porterait pas atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui. Pendant la préparation des dossiers d’appel confidentiels non caviardés et des affidavits, l’intimé a enlevé le caviardage de plusieurs passages, ce qui a permis de divulguer des renseignements supplémentaires aux appelants.

[3] L’intimé a également informé la Cour et les parties que, conformément à l’alinéa 16(6)g) de la LSDA, il retirait certains renseignements confidentiels du dossier d’appel en réponse à l’appel qu’avait interjeté M. Dulai en vertu de la loi. La Cour a admis que la loi prévoyait le retrait de renseignements et elle a rendu une ordonnance autorisant le retrait des renseignements en question et le remplacement des pages pertinentes dans le dossier d’appel non caviardé et confidentiel. Cependant, elle a également ordonné qu’elle conserverait, en tant que cour supérieure d’archives, trois copies du dossier d’appel contenant les renseignements retirés, et ce, sous scellé et dans un endroit distinct au greffe désigné, du moins jusqu’à ce qu’elle ait réglé la question de la conservation des renseignements retirés.

[4] En réponse à l’inclusion des renseignements caviardés dans les dossiers d’appel, la Cour a nommé deux amis de la cour dans une ordonnance datée du 7 octobre 2019. La Cour a tout d’abord ordonné que les amis de la cour aient accès aux renseignements confidentiels à compter du 9 décembre 2019, à la suite de quoi il leur serait interdit de se livrer à des communications bilatérales avec les appelants et leurs avocats, à moins d’avoir obtenu son autorisation. À la demande des amis de la cour, ce délai a été prolongé au 20 janvier 2020 afin qu’ils puissent communiquer de manière plus efficace et utile avec les appelants, compte tenu du décaviardage de certains passages par l’intimé.

[5] Le 16 janvier 2020, une conférence de gestion de l’instance a été tenue ex parte et à huis clos en vue de discuter des prochaines étapes concernant les renseignements confidentiels dont il est question en l’espèce. Un résumé public de cette conférence a été fourni peu après aux appelants. Lors de cette conférence, l’intimé et les amis de la cour ont soulevé de nombreuses questions de droit concernant les renseignements retirés (uniquement dans le cas de M. Dulai), le rôle des amis de la cour dans le cadre des deux appels, la disjonction du processus d’appel entre le « volet relatif à la divulgation » et le « volet relatif au fond », de même que le rôle du juge désigné. La Cour a proposé que les amis de la cour et l’intimé se rencontrent pour parler des questions soulevées et qu’ils correspondent avec elle au sujet des questions de droit préliminaires à trancher avant de poursuivre l’instruction des appels.

[6] Indépendamment de la position de l’intimé selon laquelle la Cour se devait de traiter, à titre préliminaire, de la norme de contrôle applicable aux présents appels, question que la Cour a considérée comme prématurée à ce stade, les appelants, l’intimé et les amis de la cour se sont entendus sur une liste de questions de droit préliminaires lors d’une conférence de gestion de l’instance tenue le 13 février 2020. Cette liste de questions préliminaires a par la suite été entérinée par la Cour dans le cadre de son ordonnance du 18 février 2020.

[7] Le 16 avril 2020, une audience publique tenue par téléconférence a eu lieu et les parties et les amis de la cour ont alors formulé de vive voix des observations sur ces questions de droit.

[8] Le 20 juin 2020, la Cour a rendu des motifs détaillés dans la décision Brar c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2020 CF 729 [Brar 2020] pour répondre aux questions de droit préliminaires soulevées dans les présents appels. Ces motifs portaient sur la tâche qui incombe au juge désigné dans les appels interjetés sous le régime de la LSDA, le rôle et les pouvoirs des amis de la cour dans ces appels, la procédure qui s’applique au retrait de renseignements par le ministre sous le régime de la LSDA, la possibilité de tenir des audiences ex parte et à huis clos sur le fond, et l’objet de telles audiences sous le régime de la LSDA. Pour en savoir davantage sur le déroulement des faits jusqu’au moment du prononcé de ces motifs, voir les paragraphes 22 à 28 de la décision Brar 2020.

[9] Le 15 juillet 2020, une conférence de gestion de l’instance publique a eu lieu pour discuter des prochaines étapes des appels.

[10] Le 17 juillet 2020, en remplacement de l’ordonnance datée du 7 octobre 2019 désignant les amis de la cour, une ordonnance a été rendue afin de mieux refléter les motifs de la Cour datés du 30 juin 2020 et d’énoncer les prochaines étapes des appels.

[11] Le 10 septembre 2020, le procureur général a déposé un affidavit ex parte au nom du SCRS afin de remplacer celui du déposant précédent qui n’était pas disponible pour comparaître. De plus, le 25 septembre 2020, à la lumière des motifs rendus dans la décision Brar 2020, l’avocat du procureur général a déposé un autre affidavit ex parte souscrit par le même déposant.

[12] Le 22 septembre 2020, une conférence de gestion de l’instance ex parte a eu lieu à huis clos pour discuter de l’état d’avancement des appels. Un résumé public de la discussion qui s’est tenue a été communiqué aux appelants (dans la communication publique no 5).

[13] Le 5 octobre 2020, une audience ex parte et à huis clos a eu lieu. L’avocat du procureur général et les amis de la cour ont présenté à la Cour les décaviardages dont ils avaient convenu et les résumés de renseignements caviardés qu’ils proposaient en préparation à l’audience ex parte et à huis clos sur les caviardages contestés. La Cour a approuvé les décaviardages et les résumés proposés. Le 7 octobre 2020, un résumé public de l’audience a été communiqué aux appelants (dans la communication publique no 6).

[14] L’interrogatoire et le contre-interrogatoire ex parte et à huis clos des témoins cités par le procureur général dans l’appel de M. Brar se sont déroulés sur une période de six jours, soit les 14, 15, 16, 19, 20 et 22 octobre 2020. L’avocat du procureur général a présenté des éléments de preuve sur l’atteinte à la sécurité nationale que porterait la divulgation des caviardages contestés et des résumés proposés par les amis de la cour ainsi que sur la fiabilité et la crédibilité des renseignements caviardés. Les amis de la cour ont remis en question les raisons justifiant les caviardages et les résumés proposés par l’avocat du procureur général et ont interrogé les déposants à l’aide d’éléments de preuve documentaire. Le 3 novembre 2020, le résumé public des audiences qui suit a été communiqué aux appelants (communication publique no 7) :

[traduction]

Le 14 octobre 2020

L’audience a commencé le 14 octobre 2020, à 10 h. Le ministre a appelé un témoin du SCRS qui a déposé deux (2) affidavits confidentiels dans le cadre de la présente instance, un le 10 septembre 2020 et un autre le 25 septembre 2020. Le premier affidavit traite principalement de l’atteinte à la sécurité nationale que porterait la divulgation des renseignements caviardés, et l’affidavit supplémentaire porte principalement sur la fiabilité et la crédibilité des renseignements caviardés.

Le témoin a témoigné sur divers sujets, dont :

les aspects des activités du SCRS visés par la LSDA et le PPP;

les politiques et les procédures du SCRS liées au PPP, y compris les politiques et les procédures relatives à la préparation, à l’examen et à la mise à jour des sommaires de cas;

la menace que pose l’extrémisme khalistanais au Canada;

les raisons de la désignation de M. Brar en situation d’urgence;

les occasions ultérieures où le sommaire du cas de M. Brar a été examiné et/ou révisé, et que le nom de M. Brar a été de nouveau inscrit sur la liste, y compris les raisons pour lesquelles des changements ont été apportés au sommaire du cas de M. Brar;

l’atteinte à la sécurité nationale que porterait la divulgation de chaque caviardage et résumé contesté;

la fiabilité et la crédibilité des renseignements caviardés, y compris l’origine de certains de ces renseignements et la manière dont ils ont été évalués par le SCRS.

Le 15 octobre 2020

L’audience a repris le matin du 15 octobre 2020, à 9 h 30, et l’avocat du procureur général a terminé d’interroger le témoin du SCRS en fin de matinée. Immédiatement après l’interrogatoire principal, les amis de la cour ont commencé leur contre-interrogatoire du témoin du SCRS, qui s’est poursuivi jusqu’à la fin de la journée. Ce jour-là, pendant le contre-interrogatoire, les amis de la cour ont posé des questions sur un éventail de sujets, notamment sur les politiques, les procédures et les pratiques du SCRS relativement au PPP ainsi que sur la fiabilité et la crédibilité des renseignements caviardés.

Durant le contre-interrogatoire, l’avocat du procureur général a rappelé à la Cour et aux amis de la cour que l’avocat public de l’appelant jouerait un rôle important et a objecté que le rôle des amis de la cour ne devrait pas reproduire celui de l’avocat public. La Cour a souscrit à ces commentaires et a donné des directives en ce sens aux amis de la cour. Ces derniers ont produit plusieurs pièces sur divers sujets.

Le 16 octobre 2020

À compter de 9 h 30 le 16 octobre 2020, les amis de la cour ont continué à contre-interroger le témoin du SCRS pendant une partie de la matinée. Après quoi, l’audience a été ajournée jusqu’au lundi.

Le 19 octobre 2020

L’audience a repris le matin du 19 octobre 2020, à 9 h 30, et les amis de la cour ont poursuivi leur contre-interrogatoire du témoin du SCRS jusqu’à la fin de la journée. Le contre-interrogatoire a encore porté sur la fiabilité et la crédibilité des renseignements caviardés.

Le 20 octobre 2020

Le contre-interrogatoire du témoin du SCRS s’est poursuivi le matin du 20 octobre 2020. Les questions ont porté entre autres sur l’atteinte à la sécurité nationale que porterait la divulgation de certains renseignements ou résumés. Après le dîner, l’avocat du procureur général a mené son réinterrogatoire du déposant du SCRS, qui s’est terminé au milieu de l’après-midi.

Le 22 octobre 2020

L’audience a débuté le 22 octobre 2020, à 9 h 30, et le ministre a appelé un témoin de SPC. Ce dernier a témoigné sur divers sujets, dont :

le PPP, le GCPP et le BRPPP;

les documents préparés relativement à l’inscription du nom de M. Brar sur la liste;

l’atteinte à la sécurité nationale que porterait la divulgation de certains renseignements.

Au milieu de l’après-midi de cette même journée, les amis de la cour ont terminé de contre-interroger le déposant de SPC au sujet du PPP, du GCPP, du BRPPP et des documents relatifs à l’inscription du nom de M. Brar sur la liste.

[15] L’interrogatoire et le contre-interrogatoire ex parte et à huis clos des témoins du ministre dans l’affaire de M. Dulai se sont déroulés les 16, 17 et 23 novembre 2020. Au début de l’audience, l’avocat du procureur général et les amis de la cour ont consenti à une ordonnance qui rendrait admissible en preuve le dossier de preuve découlant des audiences dans les affaires Brar et Dulai, sous réserve de tout argument susceptible d’être présenté relativement au poids, à la pertinence et à l’admissibilité de la preuve. Au début de l’audience, l’avocat du procureur général et les amis de la cour ont consenti à une ordonnance qui rendrait admissible en preuve le dossier de preuve découlant des audiences dans les affaires Brar et Dulai, sous réserve de tout argument susceptible d’être présenté relativement au poids, à la pertinence et à l’admissibilité de la preuve. Ainsi, les interrogatoires et les contre-interrogatoires dans l’affaire Dulai ont été plus efficaces. Le 2 décembre 2020, un résumé public des audiences a été communiqué aux appelants (communication publique no 8) :

[traduction]

Le 16 novembre 2020

L’audience s’est ouverte le 16 novembre 2020, à 10 h. L’avocat du procureur général a commencé par déposer quatre (4) tableaux : i) un tableau confidentiel énumérant tous les caviardages et résumés contestés, ii) un tableau confidentiel détaillant les caviardages et résumés proposés et non contestés ainsi que les décaviardages consentis par le procureur général, iii) un tableau confidentiel contenant seulement les caviardages et résumés du SCRS qui sont contestés, organisés de manière à orienter l’interrogatoire du témoin du SCRS, et iv) un tableau confidentiel dressant la liste des extraits de la transcription des audiences tenues dans l’affaire Brar qui se rapportent aux présentes audiences.

Le ministre a appelé le même témoin du SCRS qu’il avait appelé dans l’appel Brar. Ce témoin a déposé deux (2) affidavits confidentiels dans la présente instance, un le 10 septembre 2020 et un autre le 25 septembre 2020. Le premier affidavit traite principalement de l’atteinte à la sécurité nationale que porterait la divulgation des renseignements caviardés, et l’affidavit supplémentaire porte principalement sur la fiabilité et de la crédibilité des renseignements caviardés.

Compte tenu de l’ordonnance en matière de preuve, l’interrogatoire et le contre-interrogatoire du témoin du SCRS dans le présent appel ont été plus courts que dans l’appel Brar. Cela étant dit, le témoin a témoigné sur divers sujets, dont :

la menace que pose l’extrémisme khalistanais;

les raisons de la désignation de M. Dulai en situation d’urgence;

les occasions ultérieures où le sommaire du cas de M. Dulai a été examiné et/ou révisé, et que le nom de M. Dulai a été de nouveau inscrit sur la liste, y compris les raisons pour lesquelles des changements ont été apportés au sommaire du cas de M. Dulai;

l’atteinte à la sécurité nationale que porterait la divulgation de chaque caviardage et résumé contesté;

la fiabilité et la crédibilité des renseignements caviardés, y compris l’origine de certains de ces renseignements et la manière dont ils ont été évalués par le SCRS.

L’avocat du procureur général a terminé son interrogatoire du témoin du SCRS vers midi, après quoi les amis de la cour ont commencé leur contre-interrogatoire de ce même témoin jusqu’à la fin de la journée. Ce jour-là, le contre-interrogatoire a porté sur la fiabilité et la crédibilité des renseignements caviardés et a permis d’examiner le processus par lequel M. Dulai a été désigné pour figurer sur la liste de la LSDA et a été maintenu sur cette liste.

Le 17 novembre 2020

L’audience a repris le matin du 17 novembre 2020, à 9 h 30. Les amis de la cour ont poursuivi le contre-interrogatoire du témoin du SCRS, et les questions ont porté sur la fiabilité et la crédibilité des renseignements caviardés et sur l’atteinte à la sécurité nationale que porterait la divulgation de certains renseignements ou résumés. Ces derniers ont produit plusieurs pièces sur divers sujets. Le contre-interrogatoire s’est terminé vers la fin de la journée, après quoi l’avocat du procureur général a mené un court réinterrogatoire du témoin du SCRS.

Le 23 novembre 2020

L’audience a repris le 23 novembre 2020, à 10 h. Le ministre a appelé un témoin de SPC, qui avait également témoigné dans l’appel Brar. Compte tenu de l’ordonnance en matière de preuve, l’interrogatoire et le contre-interrogatoire du témoin de SPC dans le présent appel ont été plus courts que dans l’appel Brar.

Pendant la première moitié de la matinée, l’avocat du procureur général a mené l’interrogatoire principal, qui a porté principalement sur les documents préparés relativement à l’inscription du nom de M. Dulai sur la liste. Les amis de la cour ont terminé leur contre-interrogatoire du déposant de SPC à midi, qui a porté sur les documents relatifs à l’inscription du nom de M. Dulai sur la liste et le processus d’inscription sur la liste de la LSDA.

[16] Le 16 décembre 2020, une conférence de gestion de l’instance publique réunissant tous les avocats a eu lieu pour tenir les appelants au courant des prochaines étapes dans les appels. De plus, l’avocat du procureur général a déposé un dossier de requête ex parte visant à radier du dossier certains éléments de preuve découlant des audiences tenues ex parte et à huis clos.

[17] Le 8 janvier 2021, à la suite des audiences ex parte et à huis clos, l’avocat du procureur général et les amis de la cour ont déposé des observations confidentielles concernant les caviardages.

[18] Le 14 janvier 2021, la Cour a transmis la communication publique no 9 aux appelants pour les informer de l’état d’avancement des appels compte tenu de la situation liée à la COVID-19 et, surtout, des récents décrets pris par les provinces du Québec et de l’Ontario relativement à la pandémie. L’avocat du procureur général et les amis de la cour ont ensuite informé la Cour que, selon eux, les audiences en personne dans les présentes affaires devraient être reportées jusqu’à la levée du décret ordonnant de rester à domicile.

[19] Le 4 février 2021, une conférence de gestion de l’instance ex parte a eu lieu en présence de l’avocat du procureur général et des amis de la cour pour discuter de l’état d’avancement des appels. J’ai également soulevé une question de droit, à savoir si les principes énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Harkat quant à l’obligation de fournir à l’appelant des résumés de renseignements qui lui permettent d’être informé de la thèse du ministre s’appliquent au régime d’appel établi par la LSDA. J’ai demandé à l’avocat du procureur général et aux amis de la cour de me présenter leurs commentaires et d’autres observations sur cette question.

[20] Le 5 février 2021, un résumé public de la discussion a été communiqué à l’appelant (communication publique no 10).

[21] Le 9 février 2021, les avocats des appelants ont demandé l’autorisation de présenter à la Cour des observations sur cette question de droit, ce qu’elle a accepté. Les avocats des appelants, l’avocat du procureur général et les amis de la cour ont déposé leurs observations écrites le 19 février 2021. Le procureur général a déposé sa réponse le 24 février 2021.

[22] Toujours le 24 février 2021, les amis de la cour ont déposé des observations écrites ex parte concernant la requête de l’avocat du procureur général visant à radier du dossier certains éléments de preuve.

[23] Le 3 mars 2021, une conférence de gestion de l’instance ex parte a eu lieu en présence de l’avocat du procureur général et des amis de la cour pour discuter de la possibilité d’ajourner l’audience ex parte et à huis clos prévue le 4 mars 2021. Une communication publique a été envoyée à toutes les parties pour expliquer la proposition de la Cour, que l’avocat du procureur général et les amis de la cour ont acceptée. La Cour proposait d’ajourner l’audience prévue pour le lendemain pour des raisons liées à la COVID-19 et de tenir une conférence de gestion de l’instance ex parte et à huis clos le 9 mars 2021 pour discuter des questions juridiques précises pour lesquelles la Cour demandait des observations.

[24] Une audience ex parte et à huis clos a eu lieu les 16 et 17 juin 2021 afin que l’avocat du procureur général et les amis de la cour puissent présenter leurs observations sur la divulgation, la norme de la personne suffisamment informée et la requête en radiation du procureur général. Le 21 juillet 2021, un résumé public de l’audience a été communiqué aux appelants (communication publique no 1) :

[traduction]

Le 16 juin 2021

L’audience a commencé le 16 juin 2021, à 9 h 30, et l’avocat du procureur général et les amis de la cour ont présenté des observations sur la divulgation et l’obligation d’informer suffisamment les appelants.

Observations du procureur général sur la divulgation et la norme de la personne suffisamment informée

Au début de l’instance, l’avocat du procureur général a déposé les documents suivants :

un tableau mis à jour pour chaque dossier contenant les réclamations de confidentialité et résumés contestés;

un tableau mis à jour pour chaque dossier contenant les résumés et les caviardages dont l’avocat du procureur général et les amis de la cour ont convenu;

un tableau mis à jour pour chaque dossier contenant les décaviardages consentis par le procureur général;

un tableau dressant pour chaque dossier la liste de toutes les allégations portées contre les appelants qui ont été divulguées, partiellement divulguées, résumées ou tenues confidentielles;

une copie de la décision sur la demande de recours présentée pour chaque dossier, où il est fait état des résumés et caviardages dont il a été convenu ainsi que des décaviardages consentis par le procureur général

L’avocat du procureur général a présenté des observations sur le critère applicable en matière de divulgation dans les appels interjetés au titre de l’article 16 de la LSDA. Il a soutenu que les renseignements dont la divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui ne devraient pas être divulgués. Il a également fait valoir que la LSDA ne permet pas à la Cour de mettre en balance les divers intérêts qui pourraient entrer en jeu lors de l’évaluation de l’opportunité de divulguer des renseignements, notamment la question de savoir si l’appelant est suffisamment informé. L’avocat du procureur général a ensuite passé en revue le tableau dressant la liste des réclamations de confidentialité et des résumés contestés afin de mettre en évidence les raisons pour lesquelles le fait de décaviarder ou de résumer les renseignements visés par ces demandes porterait atteinte à la sécurité nationale.

L’avocat du procureur général a ensuite présenté des observations sur la norme de la personne suffisamment informée et a soutenu qu’à ce stade-ci, les appelants sont suffisamment informés. Il a souligné que le régime permet de ne pas divulguer ou résumer certains renseignements et que l’évaluation visant à déterminer si les appelants sont suffisamment informés repose sur les faits et doit être effectuée tout au long des appels. Il a insisté sur le fait que le seuil établi au paragraphe 8(1) de la LSDA, soit « des motifs raisonnables de soupçonner », doit guider la Cour lorsqu’elle examine si les appelants sont suffisamment informés.

Les observations des amis de la cour sur la divulgation et la tension irréconciliable

Les amis de la cour ont présenté des observations sur deux questions.

Premièrement, ils ont soutenu que, dans l’arrêt Harkat, 2014 CSC 37, la Cour suprême du Canada a indiqué que (dans les cas où les renseignements ou les éléments de preuve caviardés ne peuvent pas être décaviardés ou résumés sans porter atteinte à la sécurité nationale, mais qu’ils font tout de même partie de la quantité minimale incompressible de renseignements que l’appelant doit recevoir pour connaître la preuve qui pèse contre lui et y répondre) le ministre doit retirer les renseignements ou les éléments de preuve dont la non-divulgation empêche l’appelant d’être suffisamment informé : arrêt Harkat, au para 59. Les amis de la cour ont fait valoir que cette situation, considérée dans l’arrêt Harkat comme une tension irréconciliable, se présente dans l’appel Brar et dans l’appel Dulai. En outre, ils ont soutenu que, compte tenu du désaccord du ministre avec eux sur la présence de tensions irréconciliables dans ces appels, ce dernier ne retirera pas d’éléments de preuve de son propre chef. Il revient donc à la Cour de décider s’il existe ou non des tensions irréconciliables dans les appels.

À cette fin, les amis de la cour ont présenté un projet d’ordonnance que la Cour devrait rendre si elle convient avec eux que l’un des appels, ou les deux, présente une tension irréconciliable. L’ordonnance indiquerait les renseignements ou les éléments de preuve précis qui donnent lieu à la tension irréconciliable et enjoindrait au ministre de retirer ces renseignements ou ces éléments de preuve dans un délai déterminé (les amis de la cour ont proposé un délai de 60 jours), à défaut de quoi la Cour sera incapable de décider si l’inscription du nom de l’appelant sur la liste est raisonnable et elle devra accueillir l’appel.

Deuxièmement, les amis de la cour ont examiné les réclamations de confidentialité et résumés contestés dans chaque appel. Dans certains cas, ils ont soutenu que les caviardages du procureur général n’étaient pas nécessaires (car les renseignements ou les éléments de preuve ne portaient pas atteinte à la sécurité nationale). Dans d’autres cas, ils ont convenu que la divulgation des renseignements caviardés porterait atteinte à la sécurité nationale, mais ont proposé un résumé qui éviterait une telle atteinte tout en permettant à l’appelant d’être suffisamment informé de la preuve à laquelle il doit répondre. Dans d’autres cas encore, ils ont fait valoir que les renseignements ou les éléments de preuve ne pouvaient pas être décaviardés ou résumés sans qu’il soit porté atteinte à la sécurité nationale, mais qu’ils devaient être divulgués pour que l’appelant soit suffisamment informé. Dans ces cas, les amis de la cour ont demandé à la Cour de déclarer que la tension irréconciliable décrite précédemment existe.

Les amis de la cour ont souligné que la norme applicable est celle du « risque sérieux d’atteinte » et que, tout au long de l’instance, il incombe au juge de garantir que le ministre ne vise pas trop large lorsqu’il invoque la confidentialité.

Autres questions

Les parties ont discuté d’autres questions procédurales, notamment le format et le délai pour présenter un dossier d’appel révisé après la décision de la Cour sur la divulgation, le délai pour interjeter appel de cette décision et faire surseoir à l’ordonnance s’il est interjeté appel, et d’éventuels caviardages dans la liste des pièces.

Le 17 juin 2021

L’audience a repris le 17 juin 2021, à 9 h 30, et la Cour a entendu les arguments de l’avocat du procureur général et ceux des amis de la cour concernant la requête en radiation du procureur général. Après la pause de mi-journée, le procureur général a retiré sa requête en radiation.

En après-midi, la Cour a discuté avec les amis de la cour et l’avocat du procureur général de la possibilité de préparer un autre résumé des éléments de preuve présentés lors des audiences ex parte et à huis clos en vue d’ajouter aux résumés fournis dans la communication publique no 7 (T-669-19) et la communication publique no 8 (T-670-19) d’une manière qui ne porterait pas atteinte à la sécurité nationale. L’avocat du procureur général et les amis de la cour ont accepté de préparer un projet de résumé à cet égard.

La Cour a demandé que ce résumé confirme qu’aucun renseignement ou élément de preuve visant l’un ou l’autre appelant ne se rapporte à l’alinéa 8(1)a) de la LSDA et que les deux inscriptions sont liées à des renseignements et à des éléments de preuve se rapportant à l’alinéa 8(1)b).

[25] Après l’audience de juin, les questions liées à la liste caviardée des pièces et à la divulgation d’autres renseignements au moyen de résumés revenaient constamment. Les appelants en ont été informés dans la communication publique no 12. En ce qui concerne la liste des pièces, il a plus tard été convenu qu’une version caviardée serait communiquée après que l’avocat du procureur général et les amis de la cour auront pris connaissance des décisions sur les caviardages en litige rendues à l’issue des audiences ex parte et à huis clos. En ce qui a trait au résumé des renseignements supplémentaires, les avocats des appelants et de l’intimé se sont engagés à le soumettre au plus tard le 31 août 2021. Tout de suite après que la Cour l’eut reçu, examiné, puis approuvé, le résumé a été communiqué à titre de communication publique no 13, le 31 août 2021, à la suite d’une audience ex parte tenue à huis clos le même jour.

[26] Dès lors, toutes les questions en suspens ont été mises en délibéré en vue de rendre une ordonnance et des motifs le plus rapidement possible. Le 5 octobre 2021, deux ordonnances ont donc été rendues (dans les décisions Brar 2021 et Dulai 2021). La délivrance des ordonnances a été annoncée dans la communication publique no 16.

[27] Le 12 octobre 2021, un dossier d’appel révisé a été déposé et mis à la disposition de toutes les parties. Ce dossier a permis d’élargir la portée de la divulgation du fait que davantage de renseignements ont été révélés aux appelants.

[28] Le 1er novembre 2021 s’est tenue une conférence de gestion de l’instance par téléconférence pour discuter de toutes les questions en suspens, y compris la possibilité qu’ont les appelants et le ministre d’être entendus conformément à l’alinéa 16(6)d) de la LSDA. Puis, le 1er décembre 2021, la Cour a rendu une ordonnance concernant les dates de dépôt des affidavits et des observations ainsi que le calendrier des audiences prévues pour 2022.

[29] Le 7 décembre 2021, et à la demande du juge présidant l’audience, une conférence de gestion de l’affaire ex parte et à huis clos a eu lieu pour discuter des prochaines étapes et d’autres questions liées au calendrier. La Cour a demandé que des observations ex parte et à huis clos supplémentaires soient déposées relativement aux éléments de preuve confidentiels et publics versés au dossier qui étayent les allégations dans chaque appel. Un calendrier a été établi et la Cour a réservé quelques jours en mai 2022 pour tenir une audience ex parte et à huis clos après les audiences publiques, au besoin. Cette information a été confirmée dans la communication publique no 17, transmise le 8 décembre 2021.

[30] Le 31 janvier 2022, la Cour a reçu d’autres affidavits de M. Dulai, dont des documents personnels qui, de l’avis de son avocat, pourraient mettre en danger la sécurité de M. Dulai s’ils étaient rendus publics. Par conséquent, dans une lettre datée du 31 janvier 2022, l’avocat de M. Dubai a demandé de déposer une version « publique » de l’affidavit dans laquelle les renseignements sensibles seraient caviardés.

[31] Le 2 février 2022, l’avocat du procureur général a déposé ses observations écrites confidentielles.

[32] Le 7 février 2022, la Cour a donné une directive de vive voix en réponse à la lettre de M. Dulai et à la réponse de l’avocat du procureur général datée du 4 février 2022. La Cour a déclaré qu’elle était satisfaite de la proposition dont les parties avaient convenu, à savoir que M. Dulai envoie une liste des caviardages proposés à l’avocat du procureur général à des fins de discussion et que les parties arrivent à une entente.

[33] Le 25 février 2022, les amis de la cour ont déposé leurs observations écrites confidentielles.

[34] Le 1er mars 2022, l’avocat du procureur général a déposé ses affidavits publics pour chaque dossier (M. Brar et M. Dulai).

[35] Le 9 mars 2022, l’avocat du procureur général a déposé une réponse confidentielle en réponse aux observations confidentielles des amis de la cour.

[36] Le 17 mars 2022, une conférence de gestion de l’instance publique par téléconférence a eu lieu pour discuter des détails des audiences publiques prévues à Vancouver.

[37] Le 21 mars 2022, les deux appelants ont déposé leurs observations écrites concernant les allégations portées contre eux.

[38] Le 23 mars 2022, l’avocat du procureur général a produit une lettre en réponse à la conférence de gestion de l’instance et à la communication publique no 11, dans lesquelles il a été confirmé que les deux inscriptions (M. Brar et M. Dulai) étaient fondées sur l’alinéa 8(1)b) de la LSDA et non sur l’alinéa 8(1)a).

[39] Le 5 avril 2022, l’avocat du procureur général a présenté des observations confidentielles dans lesquelles il mentionne les éléments de preuve confidentiels, le cas échéant, sur lesquels il s’appuie pour étayer chacune des allégations publiques contre les appelants figurant dans l’ordonnance publique modifiée et les motifs du 5 octobre 2021.

[40] Le 11 avril 2022, l’avocat du ministre a déposé ses observations publiques.

[41] Le 14 avril 2022, les amis de la cour ont déposé des observations confidentielles en réponse aux observations confidentielles de l’avocat du procureur général.

[42] Les audiences publiques se sont déroulées sur une période de quatre jours (du 19 au 22 avril 2022) à Vancouver, en Colombie-Britannique. M. Brar et M. Dulai étaient présents et ont témoigné, tout comme Mme Lesley Soper du ministère de la Sécurité publique du Canada. Les avocats des appelants et de l’intimé étaient présents. Les deux amis de la cour étaient également présents. Ces audiences ont eu lieu afin de donner aux appelants et au ministre la possibilité d’être entendus. Les paragraphes qui suivent présentent un résumé des audiences :

[traduction]

Le 19 avril 2022

L’audience a commencé le 19 avril 2022, à 9 h 30 (HNP). Les deux appelants étaient présents et ont été interrogés par leurs avocats respectifs. L’avocat du ministre a également interrogé M. Dulai.

Lors de l’interrogatoire, chaque appelant a été soumis à un examen de ses antécédents et a été interrogé au sujet des allégations précises formulées contre lui.

Dans les deux cas, les appelants ont répondu à toutes les questions et ont témoigné des effets qu’a eu sur eux, leur famille et leur entreprise l’inscription de leur nom sur la liste.

Tous deux ont catégoriquement nié être impliqués dans des activités liées au terrorisme, que ce soit dans leur pays ou à l’étranger.

Le 20 avril 2022

L’audience a commencé le 20 avril 2022, à 9 h 30 (HNP).

L’avocat du ministre a appelé son témoin Mme Lesley Soper, de Sécurité publique Canada.

Les avocats des deux appelants ont interrogé Mme Soper. Plusieurs questions lui ont été posées au sujet de ses quatre affidavits, avec une attention particulière sur son travail et son rôle.

Dans le cas de M. Dulai, des questions ont été soulevées au sujet de la mise à jour administrative et de la directive modifiée qui ont eu lieu en avril 2018, des rapports des médias et des renseignements obtenus à la suite des mauvais traitements allégués.

Dans le cas de M. Brar, des questions ont été posées sur la nature de la conclusion du groupe consultatif, le processus décisionnel et l’organisme responsable de la désignation. De plus, l’avocat de M. Brar a soulevé des doutes quant à la crédibilité et à la fiabilité des sources utilisées pour justifier l’inscription de M. Brar sur la liste.

L’avocat de M. Dulai a présenté des observations portant sur l’équité procédurale en common law et sur l’article 7 de la Charte. Il a affirmé que le délégué du ministre a porté atteinte au droit de M. Dulai à l’équité procédurale au cours du processus de recours administratif en ne lui donnant pas un préavis suffisant de la preuve à réfuter avant d’exiger sa réponse, et en omettant de motiver sa décision de maintenir le nom de M. Dulai sur la liste d’interdiction de vol. En conséquence, M. Dulai demande à la Cour de rendre un jugement déclaratoire à cet effet.

L’avocat de M. Dulai a également fait valoir qu’une tension irréconciliable subsiste entre le droit de M. Dulai à une quantité minimale incompressible de renseignements et les préoccupations liées à la sécurité nationale au stade de l’appel. L’avocat a expliqué que certains renseignements ne peuvent pas être divulgués à M. Dulai pour des raisons de sécurité nationale. M. Dulai n’est donc pas en mesure de connaître la preuve à réfuter et ne peut se défendre en conséquence. L’avocat soutient que le seul moyen de remédier à cette tension irréconciliable est d’enjoindre le ministre à retirer les renseignements ne pouvant pas être divulgués. Si cette réparation n’est pas accordée, l’instance restera inéquitable, ce qui, du même coup, enfreindra les principes de justice naturelle et les droits de M. Dulai garantis par l’article 7 de la Charte.

L’avocat de M. Dulai a également soulevé des préoccupations concernant le choix des témoins pour les audiences publiques. Malgré le fait que Mme Soper n’a joué aucun rôle dans l’inscription de M. Dulai sur la liste, elle a été le témoin retenu pour l’audience, de sorte que tous les détails concernant le témoin du SCRS sont demeurés hors de portée pour l’appelant. Par conséquent, l’appelant ne peut être convaincu que la prétendue ingérence étrangère n’est pas liée à l’inscription de M. Dulai sur la liste ni que la décision n’était pas politique. Des droits importants sont en jeu lorsque l’étiquette de terroriste est en cause, ce qui pose problème.

L’avocat de M. Dulai a déclaré que ce dernier avait peur de parler librement et qu’il était inquiet à l’idée qu’un pays contre lequel il milite [l’Inde] puisse tirer les ficelles. M. Dulai a dû exposer toute sa vie devant la Cour en partie parce qu’il ne dispose pas de ce dont il a besoin pour répondre aux allégations portées contre lui. Dans ces circonstances, le niveau élevé d’équité procédurale auquel a droit M. Dulai est élevé.

Le 21 avril 2022

L’audience a commencé le 20 avril 2022, à 9 h 30 (HNP).

L’avocat de M. Dulai a poursuivi ses observations en faisant valoir que la preuve qui pèse contre son client était fondée dans une mesure déterminante sur des renseignements non divulgués et que, selon le paragraphe 59 de l’arrêt Harkat, « le ministre doit retirer les renseignements ou les éléments de preuve dont la non-divulgation empêche la personne visée d’être suffisamment informée ».

Son avocat a également déclaré que puisque M. Dulai était incapable de donner des instructions pertinentes à son avocat, les amis de la cour n’étaient pas en mesure de représenter les intérêts de M. Dulai.

L’avocat a affirmé que la norme de contrôle en l’espèce était celle de la décision correcte, ce à quoi le juge a souscrit.

L’avocat a examiné la plupart des allégations contre M. Dulai et a fourni des explications visant à jeter un doute sur la crédibilité des sources et/ou l’authenticité de l’intention sous-tendant ces allégations.

En résumé, l’avocat de M. Dulai croit que le gouvernement indien a M. Dulai dans son collimateur et qu’il tente de le discréditer parce qu’il est une personnalité bien connue qui pourrait représenter une menace pour le gouvernement.

L’avocat de M. Brar a souligné, au début de ses observations, qu’il ne donnerait pas suite à la question constitutionnelle modifiée de la portée excessive ni à celle liée à l’article 6 de la Charte. Il a affirmé que si la Cour jugeait que M. Brar n’avait pas reçu la quantité minimale incompressible de renseignements, elle devait alors faire abstraction du caractère raisonnable de la décision.

Selon l’avocat de M. Brar, l’article 7 de la Charte s’applique au cas de son client puisqu’il a été étiqueté comme terroriste et que cela met en jeu le droit à la sécurité de sa personne. Le fait d’être étiqueté comme terroriste par le gouvernement canadien soumet M. Brar à un stress psychologique. M. Brar a l’impression d’être suivi. Les allégations et les accusations sont d’ordre criminel. Elles sont parmi les plus graves dans notre société moderne. Le simple fait d’être accusé de pareil crime est sans commune mesure avec le stress ordinaire de la vie en société.

L’avocat de M. Brar a fait valoir que lorsque l’article 7 entre en jeu – ce qui, selon lui, est le cas en l’espèce – la personne visée doit connaître la preuve qui pèse contre elle et avoir l’occasion d’y répondre. Bien que M. Brar ne conteste pas le rôle des amis de la cour dans la présente affaire, la participation de ces derniers n’est valable que si M. Brar reçoit suffisamment de renseignements pour donner des instructions tant à l’avocat public qu’aux amis de la cour. Les sources confidentielles doivent être vérifiées pour s’assurer de leur fiabilité.

L’avocat de M. Brar a souscrit à la norme de contrôle établie par la Cour, c’est-à-dire celle de la décision correcte, qui n’impose aucune retenue. Il s’est toutefois dit en désaccord avec l’affirmation selon laquelle M. Brar a reçu la quantité minimale incompressible de renseignements. Il soutient que les observations écrites de l’intimé ne tiennent pas compte des nouveaux renseignements dont dispose la Cour. Le fait que le fond ne peut être apprécié que dans le cadre d’une audience ex parte et à huis clos vient renforcer la position selon laquelle M. Brar n’a pas reçu la quantité minimale incompressible de renseignements. L’avocat affirme que la communication publique no 13 renvoie à des éléments de preuve supplémentaires (sur la crédibilité et la fiabilité des renseignements) qui ont été ajoutés et dont l’appelant n’a pas connaissance. Il reste à savoir pourquoi la preuve du SCRS est préférée à celle de M. Brar.

L’avocat de M. Brar a passé en revue les allégations portées contre lui et a souligné que le récit semble avoir changé au fil du temps, notamment que certains renseignements ont été retirés. Par exemple, l’allégation relative aux activités visant à former des jeunes se trouve dans les deux premiers sommaires du cas, mais n’est pas incluse dans le suivant. Ces actions ont été ultérieurement attribuées à M. Cheema. L’appelant ne connaît pas les sources de ces allégations, mais s’interroge sur le raisonnement justifiant le retrait de certaines d’entre elles. L’avocat fait valoir que si les sources ont été jugées non fiables, alors la crédibilité des autres éléments de preuve fournis par ces sources est discutable.

L’avocat de M. Brar a déclaré qu’en tant que tel, il n’y a rien de mal à mener des activités contre l’Inde ou à agir comme contact opérationnel pour quelqu’un, contrairement à ce qui est avancé dans les allégations. Il y a d’autres facteurs à prendre en compte dans le cas de M. Brar, comme le fait que son père puisse faire de lui une cible pour le gouvernement indien, en plus de ses activités de sensibilisation aux enjeux sociaux dans la communauté. L’interdiction visant le consulat déclarée en décembre 2017 dans laquelle M. Brar était mentionné comme personne-ressource pourrait également jouer contre lui.

Enfin, l’avocat de M. Brar a émis l’hypothèse selon laquelle il pourrait y avoir un lien entre le moment du voyage du premier ministre Trudeau en Inde et l’inscription de M. Brar sur la liste, ce qui laisserait entendre une possible ingérence étrangère.

Le 22 avril 2022

L’audience a commencé le 22 avril 2022, à 9 h 30 (HNP).

L’avocat du ministre de la Sécurité publique du Canada a informé la Cour qu’il s’appuierait sur ses observations écrites et que trois points seraient abordés, à savoir la norme de contrôle, l’article 7 de la Charte et l’article 6.

Il a tout à bord affirmé que ni l’un ni l’autre des appelants n’avait avancé d’arguments fondés sur son droit à la liberté, et que la position du ministre était que l’article 7 (liberté) ne s’appliquait pas et n’avait pas été interprété comme le droit de choisir un moyen de transport.

En ce qui a trait au droit à la sécurité de sa personne, l’avocat du ministre a fait valoir que selon la jurisprudence récente (Moretto c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CAF 261), une étiquette ne peut pas, en soi, faire jouer l’article 7 de la Charte. Le ministre est d’avis que le témoignage des appelants selon lequel ils ont été attristés, effrayés et frustrés doit être examiné dans une perspective plus large et qu’il n’est pas suffisant pour satisfaire au critère nécessaire à l’application de l’article 7.

L’avocat du ministre prétend que les appelants ont reçu la quantité minimale incompressible de renseignements pendant l’instruction de l’appel. Les appelants ont montré qu’ils connaissaient les allégations qui pesaient contre eux par la précision avec laquelle ils ont abordé les différentes questions. L’avocat ajoute que les deux amis de la cour ont également agi en tant que solutions de rechange pour remplacer pour l’essentiel les droits niés.

L’avocat du ministre soutient que la norme de contrôle dans ces deux cas devrait être celle de la décision raisonnable et non pas celle de la décision correcte, comme convenu avec la Cour le jour précédent. L’avocat fait valoir que dans le contexte de la LSDA, la cour qui reçoit de nouveaux renseignements concernant la crédibilité doit se repencher sur la décision et examiner si elle est raisonnable ou non. Dans le cadre d’un appel interjeté en vertu de la loi, la cour doit appliquer la norme prévue. Même si le juge dispose de plus de renseignements, la cour doit tout de même décider si la décision est toujours défendable.

L’avocat a fait valoir que si la décision est raisonnable, mais qu’elle n’est pas celle que le juge aurait prise, elle est tout de même raisonnable, car le juge n’a pas à se livrer à une analyse de novo. À la lumière de l’ensemble du dossier, la question est de savoir si la décision est raisonnable et défendable. C’est ce qu’on appelle le caractère raisonnable d’une décision.

L’avocat du ministre a déclaré qu’il n’était pas nécessaire de faire une distinction entre l’alinéa 8(1)a) et l’alinéa 8(1)b) dans le cadre d’un appel au titre de la LSDA puisque le résultat était le même, soit l’inscription sur la liste. Or, le juge n’était pas de cet avis.

En ce qui concerne l’article 6 de la Charte, l’avocat du ministre soutenait que la LSDA ne portait pas atteinte au paragraphe 6(2) (interprovincial) parce que la loi ne donne pas lieu à un traitement différent entre les personnes. L’avocat a soutenu que les appelants ont la possibilité de se rendre dans d’autres provinces, mais pas par avion. Cela ne donne pas lieu à un traitement différent. La Charte ne protège pas le type de moyen de transport. De plus, les appelants ont témoigné avoir voyagé. Bien que le temps de déplacement ait été plus long, ils ont quand même voyagé.

Lorsque le juge a demandé si une violation de l’article 6 de la Charte pouvait être sauvegardée par l’article premier dans ce cas particulier, l’avocat du ministre a répondu que l’analyse pertinente était celle de l’arrêt Doré, et non celle de l’article premier (Oakes). L’avocat a ajouté que les effets de toute violation des droits garantis par l’article 6 sont proportionnés et équilibrés en fonction des considérations liées à la sécurité nationale et que l’absence de motifs ne constitue pas un manquement à l’équité procédurale. Le ministre s’est appuyé sur la recommandation comme s’il s’agissait de motifs.

L’avocat du procureur général, qui était présent à l’audience, a affirmé que les appelants avaient été suffisamment informés et avaient reçu la quantité minimale incompressible de renseignements. Il a ajouté que si les appelants ne peuvent jamais tout savoir, ils en savent certainement assez à la lumière de leurs observations et de celles des amis de la cour. Le paragraphe 16(6) ne serait pas nécessaire s’ils savaient tout. L’arrêt Harkat doit être appliqué au cas par cas.

L’avocat du procureur général a précisé qu’il ferait valoir dans des observations ex parte qu’il a été satisfait au critère des motifs raisonnables de soupçonner. Sa prétention s’appuie sur des renseignements confidentiels, mais aussi sur certaines réponses que les appelants ont données publiquement.

Pour leur part, les amis de la cour ont fait valoir qu’ils avaient explicitement relevé des allégations non divulguées qui n’étaient pas comprises dans la quantité minimale incompressible de renseignements. Ils soutiennent qu’il reste des allégations auxquelles les appelants sont incapables de répondre, ce qui les empêche donc de donner des instructions valables à leur avocat et aux amis de la cour. Selon eux, la Cour devrait faire une déclaration comme dans l’arrêt Harkat à l’égard des allégations particulières, de manière à enjoindre au ministre de trouver un moyen de divulguer davantage de renseignements ou, à défaut, de retirer les allégations.

[43] Le 27 avril 2022, une conférence de gestion de l’instance ex parte et à huis clos a eu lieu devant la Cour fédérale, à Ottawa. Les amis de la cour et l’avocat du procureur général étaient présents. La conférence de gestion de l’instance visait à discuter de différents sujets en lien avec les étapes finales des appels prévus par la loi.

[44] La communication publique no 19 transmise le 28 avril 2022 contenait des directives formulées à la suite à la conférence de gestion de l’instance ex parte et à huis clos tenue la veille.

[45] Le 29 avril 2022, Sadaf Kashia, une avocate de Edelmann & Co. Law Corporation, cabinet spécialisé dans les questions complexes concernant l’immigration américaine et canadienne, a présenté des observations sur les circonstances dans lesquelles des personnes peuvent se voir refuser l’admission aux États-Unis et sur la manière dont cette information permet de comprendre ce qui peut être inféré de la décision du 27 mai 2017, par laquelle M. Dulai s’est vu refusé l’admission à bord du vol.

[46] Le 6 mai 2022, la Cour a transmis la communication publique no 20 dans laquelle elle précise qu’elle a reçu le rapport non caviardé du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR) sur le voyage du premier ministre en Inde en février 2018, et que seul le juge examinera le rapport à ce moment. Une consultation supplémentaire devait être entreprise si la Cour était d’avis qu’il était nécessaire de divulguer des renseignements additionnels.

[47] Le 16 mai 2022, la Cour a transmis la communication publique no 21 dans laquelle elle indique avoir examiné le rapport du CPSNR, précisant que les parties du rapport concernant les questions relatives aux appels seraient mises à la disposition de l’avocat du procureur général et des amis de la cour afin qu’ils puissent donner leurs commentaires, le cas échéant.

[48] Les amis de la cour ont déposé des observations écrites confidentielles le 18 mai 2022.

[49] Le ministre a déposé des observations écrites confidentielles sur le rapport du CPSNR le 18 mai 2022.

[50] Les deux amis de la cour ainsi que le ministre ont déposé des réponses écrites confidentielles le 24 mai 2022.

[51] Le 25 mai 2022, la Cour a transmis la communication publique no 22 dans laquelle elle souligne avoir lu les observations confidentielles finales et les réponses du ministre et des amis de la cour et avoir décidé de mettre les deux appels en délibéré sans autre audience ex parte et à huis clos.


Annexe B

ALLÉGATIONS PUBLIQUES ET RÉPONSES – M. Brar

Seize allégations publiques

 

Déclarations de M. Brar en réponse aux seize allégations publiques

Observations du ministre au sujet des allégations

Commentaires de la Cour concernant les allégations

Référence :

Dossier d’appel révisé de M. Brar, 12 octobre 2021.

Référence :

Affidavit de M. Brar, 27 janvier 2022.

Référence : Brar – Mémoire des faits et du droit du défendeur, 11 avril 2022.

[vide]

1. M. Brar est soupçonné de faciliter des activités terroristes. Il est impliqué dans des activités d’extrémistes sikhs au Canada et à l’étranger.

Dossier d’appel révisé : p 9 et 72.

51. Je n’ai jamais participé à des activités terroristes, ni facilité de telles activités, que ce soit au Canada ou à l’étranger. Je n’ai jamais fait partie d’une organisation terroriste ni facilité des activités terroristes. Je n’ai jamais participé à une collecte de fonds pour financer des attaques terroristes à l’étranger ou ailleurs. Je n’ai jamais encouragé l’extrémisme. Je n’ai jamais pris part à la radicalisation de jeunes et ne l’ai jamais encouragée. Bien que je sois favorable à l’indépendance du Khalistan, je n’ai jamais participé à des activités extrémistes pour l’appuyer. Je n’ai jamais planifié ni facilité des attaques en Inde par l’achat d’armes ou autrement. Je n’ai jamais contribué financièrement, que ce soit directement ou indirectement, à des mouvements extrémistes.

[vide]

Allégation examinée

2. M. Brar est un extrémiste sikh établi au Canada qui a participé et qui continuera de participer à des activités terroristes. Il a notamment collecté des fonds pour financer des attaques terroristes à l’étranger; il a encouragé l’extrémisme, y compris la radicalisation des jeunes, dans le but de réaliser l’indépendance du Khalistan; et il a participé à la planification et à la facilitation d’attaques, y compris l’achat d’armes, qui seront menées en Inde.

Dossier d’appel révisé : p 12.

51. Je n’ai jamais participé à des activités terroristes, ni facilité de telles activités, que ce soit au Canada ou à l’étranger. Je n’ai jamais fait partie d’une organisation terroriste ni facilité des activités terroristes. Je n’ai jamais participé à une collecte de fonds pour financer des attaques terroristes à l’étranger ou ailleurs. Je n’ai jamais encouragé l’extrémisme. Je n’ai jamais pris part à la radicalisation de jeunes et ne l’ai jamais encouragée. Bien que je sois favorable à l’indépendance du Khalistan, je n’ai jamais participé à des activités extrémistes pour l’appuyer. Je n’ai jamais planifié ou facilité des attaques en Inde par l’achat d’armes ou autrement. Je n’ai jamais contribué financièrement, que ce soit directement ou indirectement, à des mouvements extrémistes.

[vide]

Cette allégation est examinée en partie. L’allégation selon laquelle M. Brar a radicalisé des jeunes n’est pas étayée par la preuve.

3. M. Brar fait l’objet d’une enquête de la part du SCRS en raison de son association à l’extrémisme sikh et du fait qu’il agit comme contact opérationnel international pour son père, Lakhbir Singh Brar (alias RODE), le leader établi au Pakistan de l’International Sikh Youth Federation (l’ISYF), qui est une entité terroriste inscrite au Canada.

Dossier d’appel révisé : p 9.

19. À ma connaissance, mon père était l’un des leaders d’une organisation qui s’appelait l’International Sikh Youth Federation (l’ISYF). Il est demeuré un membre actif au sein de l’ISYF jusqu’en 2002. Pour autant que je sache, il ne participe plus aux activités de l’ISYF depuis. Mon père a maintenant 69 ans. En 2018, il a subi une opération à cœur ouvert.

27. Bien que le terme « extrémiste sikh » ne soit défini dans aucun des documents que j’ai examinés dans le dossier d’appel, selon ma compréhension, le terme renvoie aux Sikhs qui ont des opinions radicales ou fanatiques et qui ont recours à la violence ou prônent son utilisation pour atteindre ces objectifs. Lorsque les termes « extrémiste sikh » ou « extrémisme sikh » sont utilisés dans cet affidavit, je leur attribue cette définition.

 

28. Je ne suis pas et je n’ai jamais été sciemment associé à des extrémistes sikhs. Je ne sais pas ce que signifie l’expression « contact opérationnel international », mais mon père, comme je l’ai déjà mentionné, n’est pas le leader de l’ISYF et, à ma connaissance, il ne participe plus aux activités de l’ISYF depuis 2002.

58. Le dossier d’appel indique à plusieurs endroits que j’ai fait l’objet d’une enquête de la part du SCRS. En raison de mon père, je suis entré en contact avec divers agents du SCRS de façon régulière tout au long de mon enfance et jusqu’à ce que mon père quitte le Canada en 1991. Selon moi, la première fois qu’un agent du SCRS a communiqué avec moi, c’était au milieu des années 1990. J’étais alors adulte et vivais à Brampton. Après ce premier contact, divers agents du SCRS me parlaient pour obtenir de l’information sur ce qui se passait dans ma communauté. À une occasion, un agent m’a demandé de travailler avec le SRCS. J’ai accepté, mais l’agent n’a jamais donné suite à sa demande. J’estime qu’entre le milieu des années 1990 et 2018, j’ai été approché par des agents du SCRS et je leur ai parlé à 15 ou 20 occasions différentes. Ces conversations ne m’ont jamais donné l’impression de faire l’objet d’une enquête.

a. Il est le fils de Lakhbir Singh Brar, qui réside au Pakistan et qui était le leader de l’International Sikh Youth Federation (l’ISYF) de 1996 à 2002, qui est une entité terroriste inscrite au Canada depuis 2003 (p 22).

Allégation examinée

4. M. Brar est associé à l’ISYF.

Dossier d’appel révisé : p 73.

20. Je n’ai jamais été un membre de l’ISYF au Canada ou à l’étranger.

a. Il est le fils de Lakhbir Singh Brar, qui réside au Pakistan et qui était le leader de l’International Sikh Youth Federation (l’ISYF) de 1996 à 2002, qui est une entité terroriste inscrite au Canada depuis 2003 (p 22).

Cette allégation n’est pas examinée, puisqu’elle n’est pas corroborée.

5. M. Brar a des liens étroits avec des extrémistes sikhs établis au Canada et à l’étranger, dont Gurjeet Singh Cheema et M. Dulai.

Dossier d’appel révisé : p 9 et 73.

 

30. À ma connaissance, je n’ai aucun lien avec des extrémistes sikhs établis au Canada et à l’étranger.

32. Je n’ai aucun lien avec une personne nommée Gurjeet Singh Cheema. Je connais une personne qui s’appelle Gurjeet Singh Cheema en raison de ma participation au sein de l’Ontario Sikhs and Gurdwara Council. Je crois qu’il est associé à l’un des temples qui font partie de l’Ontario Sikhs and Gurdwara Council ou qu’il en est membre. Je ne le connais pas personnellement.

d. M. Brar a rencontré Parvkar Singh Dulai lors d’un défilé du Vaisakhi à Toronto, et ils sont devenus des associés en décembre 2017 dans une entreprise de location de voitures (p 22).

e. Il connaît un homme qui s’appelle Gurjeet Singh Cheema en raison de sa participation au sein de l’Ontario Sikhs and Gurdwara Council (p 22).

Allégation examinée

6. M. Brar a des liens étroits avec M. Dulai dont il est un partenaire d’affaires. M. Dulai a été décrit comme un ardent sympathisant du Khalistan.

Dossier d’appel révisé : p 10 et 15.

 

44. J’ai rencontré pour la première fois Parvkar Dulai lors d’un défilé du Vaisakhi à Toronto. En décembre 2017, nous avons décidé de devenir associés. La succursale de mon entreprise de location de voitures (Yellow Car Rental) située à Vancouver est détenue en copropriété avec M. Dulai.

45. Comme moi, M. Dulai est un sikh pratiquant et est favorable à l’indépendance du Khalistan. Je ne suis pas au courant d’un lien que pourrait avoir M. Dulai avec le terrorisme ou des entités terroristes et je ne crois pas qu’il entretienne de tels liens. Si j’étais au courant d’un tel lien, je ne me serais pas associé à lui.

d. M. Brar a rencontré Parvkar Singh Dulai lors d’un défilé du Vaisakhi à Toronto, et ils sont devenus des associés en décembre 2017 dans une entreprise de location de voitures (p 22).

Allégation examinée

7. M. Brar et Gurjeet Singh Cheema planifiaient une attaque terroriste à partir de l’Inde. Plus précisément, il a été révélé que, pendant sa visite au Pakistan en 2015, M. Brar a planifié l’attaque à la demande de l’Interservices Intelligence Directorate (la Direction inter-services des renseignements ou l’ISI) du Pakistan, et que sa tâche était de rendre disponibles des armes et des munitions en Inde.

Dossier d’appel révisé : p 9, 10 et 16.

 

32. Je n’ai aucun lien avec une personne nommée Gurjeet Singh Cheema. Je connais une personne qui s’appelle ainsi en raison de ma participation au sein de l’Ontario Sikhs and Gurdwara Council. Je crois qu’il est associé à l’un des temples qui font partie de l’Ontario Sikhs and Gurdwara Council ou qu’il en est membre. Je ne le connais pas personnellement.

33. Je n’ai jamais planifié une attaque terroriste, que ce soit à partir de l’Inde ou d’ailleurs. Je n’ai jamais rien fait à la demande de l’ISI. Je n’ai jamais rendu disponibles des armes ou des munitions à qui que ce soit, où que ce soit.

35. Comme je l’ai déjà mentionné, je n’ai jamais planifié une attaque terroriste à partir de l’Inde. Je ne connais personne du nom de Mann Singh ou Sher Singh. Je ne les ai donc pas endoctrinés, ni qui que ce soit d’autre, et je ne les ai pas incités, ni qui que ce soit d’autre, à perpétrer des attaques terroristes. Je n’ai jamais fourni d’armes ou de munitions à personne, ni donné de formation théorique sur le maniement de ces armes. Je ne suis pas retourné en Inde depuis que j’ai quitté le pays avec ma famille pour immigrer au Canada en 1987.

b. M. Brar se rend au Pakistan assez régulièrement (p 22).

e. Il connaît un homme qui s’appelle Gurjeet Singh Cheema en raison de sa participation au sein de l’Ontario Sikhs and Gurdwara Council (p 22).

Allégation examinée

8. Selon des renseignements datant du début de 2018, M. Brar faisait partie d’un groupe de personnes liées à l’ISI et collaborant avec elle pour contrecarrer les efforts de sensibilisation et de réconciliation du gouvernement indien à l’égard de la communauté. Dans un article du 17 avril 2018, M. Brar avait été identifié comme un extrémiste khalistanais canadien ayant reçu un visa pakistanais pour un pèlerinage sikh en avril 2018. L’article faisait référence à une rencontre à Lahore entre les leaders du groupe Lashkar-e-Tayyiba (LeT) et des militants sikhs, et affirmait que le Pakistan nourrissait un sentiment pro-Khalistan et anti-Inde. Il mentionnait également que l’ISI collaborait étroitement avec les terroristes pakistanais qui appuyaient les Khalistanais à l’international. Le Pakistan a nié les allégations de l’Inde. Dans l’article figurait une photo du visa et d’une page du passeport de M. Brar ayant pour titre [traduction] « Preuve no 6 de visas pakistanais pour des extrémistes khalistanais canadiens ».

Dossier d’appel révisé : p 10.

23. J’ai examiné l’article du 17 avril 2018 publié dans News18, qui se trouve aux pages 80 à 82 du dossier d’appel déposé dans le présent appel. Je ne sais pas comment le média indien a obtenu une copie de mon passeport et de mon visa.

24. Pendant mon séjour au Pakistan, je n’ai jamais rencontré personne que je savais être le leader, ou un membre, du groupe Lashkar-e-Tayyiba ou d’un autre groupe de militants.

37. Je n’ai jamais collaboré avec l’ISI pour contrecarrer les efforts de sensibilisation et de réconciliation du gouvernement indien à l’égard de la communauté.

b. M. Brar se rend au Pakistan assez régulièrement (p 22).

c. Il s’est rendu au Pakistan du 31 mars 2018 au 19 avril 2018 (p 22).

Allégation examinée

9. Selon des renseignements datant de novembre et de décembre 2017, M. Brar serait un extrémiste sikh bien connu au Canada. Il serait impliqué dans des activités contre l’Inde. M. Brar est décrit comme le président de l’aile jeunesse de l’ISYF au Canada. Il serait étroitement associé à plusieurs éléments radicaux sikhs établis au Canada. Pendant sa visite au Pakistan en 2015, M. Brar avait demandé à Cheema de prendre des dispositions pour obtenir des armes et des munitions en Inde. On sait que M. Brar s’est rendu au Pakistan à l’automne 2016, puis en 2017. Il aurait recueilli des fonds auprès de membres de la communauté sikhe canadienne afin de rénover quelques gurdwaras au Pakistan et il est soupçonné d’avoir détourné une grande partie de ces fonds pour des activités contre l’Inde.

Dossier d’appel révisé : p 10, 14 et 15.

 

Formation et munitions

35. Comme je l’ai déjà mentionné, je n’ai jamais planifié une attaque terroriste à partir de l’Inde. Je ne connais personne du nom de Mann Singh ou Sher Singh. Je ne les ai donc pas endoctrinés, ni qui que ce soit d’autre, et je ne les ai pas incités, ni qui que ce soit d’autre, à perpétrer des attaques terroristes. Je n’ai jamais fourni d’armes ou de munitions à personne, ni donné de formation théorique sur le maniement de ces armes. Je ne suis pas retourné en Inde depuis que j’ai quitté le pays avec ma famille pour immigrer au Canada en 1987.

Président de l’ISYF

39. Je ne suis pas non plus et n’ai jamais été un membre, et encore moins le président de l’aile jeunesse de l’ISYF au Canada ou ailleurs. Selon ma compréhension, l’ISYF n’existe plus, et ce, depuis de nombreuses années.

 

Collecte de fonds

41. Je n’ai jamais participé à une collecte de fonds pour rénover des gurdwaras au Pakistan. Je sais que plusieurs comités l’ont fait, mais je ne siège personnellement à aucun de ces comités. Je ne sais pas ce que l’on entend par « activités contre l’Inde », mais comme je n’ai pas recueilli des fonds afin de rénover des gurdwaras au Pakistan, je peux dire que je n’ai jamais détourné ces fonds pour des activités contre l’Inde.

42. La seule fois où je me souviens d’avoir envoyé de l’argent à l’étranger au cours des dix dernières années était pour payer des factures envoyées par Amarjeet Kaur au Pendjab. Mme Kaur gérait ma publicité et mes annonces Google pour mon entreprise, Yellow Car Rental. Des factures envoyées par Mme Kaur sont jointes à l’annexe C de cet affidavit.

b. M. Brar se rend au Pakistan assez régulièrement (p 22).

e. Il connaît un homme qui s’appelle Gurjeet Singh Cheema en raison de sa participation au sein de l’Ontario Sikhs and Gurdwara Council (p 22).

Cette allégation est examinée en partie. L’allégation selon laquelle M. Brar est le président de l’aile jeunesse de l’ISYF au Canada n’est pas étayée par la preuve.

10. En avril 2007, des médias ont présenté M. Dulai comme étant l’organisateur du défilé du Vaisakhi à Surrey, en Colombie-Britannique, au cours duquel un hommage a été rendu au défunt fondateur de Babbar Khalsa (BK), Talwinder Singh Parmar. (La Cour suprême de la C.-B. a conclu que Parmar était à l’origine du complot ayant mené à l’explosion des deux avions d’Air India, le 23 juin 1985.)

Dossier d’appel révisé : p 11.

DULAI

d. M. Brar a rencontré Parvkar Singh Dulai lors d’un défilé du Vaisakhi à Toronto, et ils sont devenus des associés en décembre 2017 dans une entreprise de location de voitures (p 22).

Cette allégation n’est pas examinée. Elle concerne M. Dulai et n’a qu’une valeur informative.

11. M. Brar a participé à une collecte de fonds, lesquels ont été envoyés à son père et à une autre personne au Pakistan pour qu’ils soient distribués à des familles terroristes au Pendjab.

Dossier d’appel révisé : p 11 et 14.

 

41. Je n’ai jamais participé à une collecte de fonds pour rénover des gurdwaras au Pakistan. Je sais que plusieurs comités l’ont fait, mais je ne siège personnellement à aucun de ces comités. Je ne sais pas ce que l’on entend par « activités contre l’Inde », mais comme je n’ai pas recueilli des fonds afin de rénover des gurdwaras au Pakistan, je peux dire que je n’ai jamais détourné ces fonds pour des activités contre l’Inde.

 

42. La seule fois où je me souviens d’avoir envoyé de l’argent à l’étranger au cours des dix dernières années était pour payer des factures envoyées par Amarjeet Kaur au Pendjab. Mme Kaur gérait ma publicité et mes annonces Google pour mon entreprise, Yellow Car Rental. Des factures envoyées par Mme Kaur sont jointes à l’annexe C de cet affidavit.

[vide]

Allégation examinée

12. M. Brar et d’autres personnes ont discuté de l’incarcération de plusieurs personnes au Pendjab et du fait qu’elles avaient besoin de soutien financier et juridique, y compris d’une aide financière destinée à Jagtar Singh Johal.

Dossier d’appel révisé : p 11 et 15.

 

47. Je ne connais pas Jagtar Singh Johal et je ne l’ai jamais rencontré. Cependant, je connais son nom et je sais qu’il existe de nombreuses allégations selon lesquelles il a été torturé par le gouvernement indien pendant qu’il était sous sa garde. J’ai ouvertement soutenu le mouvement mondial visant à tenir le gouvernement indien responsable du traitement réservé à M. Johal et de la violation de ses droits fondamentaux.

48. Je n’ai jamais recueilli de fonds pour le compte de M. Johal. Je n’ai jamais envoyé d’argent à mon père à une quelconque fin. La seule fois où j’ai fourni une contribution financière à mon père était en lien avec son opération à cœur ouvert en 2018. J’ai payé pour l’opération et les médicaments, mais cet argent a été versé directement à l’hôpital et non à mon père.

f. M. Brar a rencontré le frère de Jagtar Singh Johal en 2018, alors qu’il était en visite à Toronto pour militer en faveur de la remise en liberté de son frère en Inde. M. Brar, Shamsher Singh et M. Johal ont rencontré le député Raj Grewal et le leader actuel du NPD, Jagmeet Singh, pour défendre la remise en liberté de M. Johal (p 22).

Allégation examinée

13. M. Brar s’est rendu au Pakistan à la fin du mois de mars 2018, où il a visité son père, puis est revenu au Canada le 19 avril 2018.

Dossier d’appel révisé : p 12.

21. En mars 2018, ma femme et moi nous sommes rendus au Pakistan. Le but de notre voyage était de visiter des sites religieux et d’aider mon père pendant qu’il subissait une opération à cœur ouvert. C’était la première fois que ma femme se rendait au Pakistan.

22. Nous sommes entrés au pays le 31 mars 2018 munis de visas pour le pèlerinage, comme je l’avais déjà fait par le passé. Nous avons loué un logement à Rawalpindi. Nous avons visité les gurdwaras Nankana Sahib et Panja Sahib. Mon père ne nous a pas accompagnés pour visiter les gurdwaras, puisqu’il était en attente de son opération dans un hôpital d’Islamabad. Mon père est resté à l’hôpital après son opération pendant environ 10 jours, au cours desquels ma femme et moi lui avons souvent rendu visite. Nous sommes restés au Pakistan jusqu’au 19 avril 2018, date à laquelle nous sommes revenus au Canada.

c. Il s’est rendu au Pakistan du 31 mars 2018 au 19 avril 2018 (p 22).

Allégation examinée. M. Brar a reconnu avoir fait ce voyage en mai 2018. Cette visite demeure importante.

14. En 2016, M. Brar s’est souvent rendu aux États-Unis par voie terrestre.

Dossier d’appel révisé : p 75.

9. Avant avril 2018, je voyageais souvent par avion au Canada dans le cadre de mes activités commerciales. Je voyageais aussi régulièrement à l’étranger. Au cours des trois années précédant avril 2018, je me suis rendu au Pakistan, en République dominicaine, à Cuba et au Mexique. Je me suis rendu aux Émirats arabes unis pour rendre visite à ma famille, notamment à mes oncles et tantes maternels et paternels ainsi qu’à mes cousins, et je me rends régulièrement aux États-Unis par voie terrestre.

[vide]

Cette allégation n’est pas examinée. M. Brar a reconnu qu’il s’est rendu aux États-Unis en 2016; il s’agit d’un fait bien documenté qui ne soulève aucune controverse.

 

15. M. Brar est arrivé à l’aéroport international Pearson de Toronto le 19 novembre 2016, le 13 janvier 2017, le 27 juillet 2017 et le 14 novembre 2017.

Dossier d’appel révisé : p 76.

[vide]

[vide]

Cette allégation n’est pas examinée. Elle ne soulève aucune controverse et n’a donc qu’une valeur informative.

16. M. Brar a rempli un rapport d’incident relativement à un voyage de Toronto à Abou Dhabi. Il affirme que le 24 octobre 2017, des agents l’ont informé que le DHS leur avait dit qu’il ne pouvait pas voyager.

Dossier d’appel révisé : p 76.

53. Je me rendais à Lahore en passant par Abu Dhabi en octobre 2017 avec M. Dulai et quelques autres membres de notre communauté pour assister aux célébrations d’anniversaire de Guru Nanak. Nous le faisions presque chaque année depuis de nombreuses années. M. Dulai a été signalé par le DHS et n’était pas autorisé à voyager. La compagnie aérienne avait déjà délivré ma carte d’embarquement, mais lorsqu’elle a découvert que je voyageais avec M. Dulai, elle a procédé à son annulation. J’ai déposé une plainte, puis je me suis rendu à Lahore deux jours plus tard sans aucun problème.

g. En octobre 2017, M. Brar, M. Dulai et d’autres membres de leur communauté ont prévu se rendre à Abu Dhabi. Le DHS des États-Unis n’a pas permis à M. Dulai de monter à bord de l’avion, et il a également annulé la carte d’embarquement de M. Brar. M. Brar s’est rendu à Lahore, au Pakistan, deux jours plus tard (p 22).

Cette allégation n’est pas examinée. Elle a seulement une valeur informative.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-669-19

INTITULÉ :

BHAGAT SINGH BRAR c CANADA (MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE)

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO)

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

LES 5, 14-16, 19, 20, 22 OCTOBRE 2020

LES 16 ET 17 JUIN 2021

LE 31 AOÛT 2021

LE 23 SEPTEMBRE 2021

LE 7 DÉCEMBRE 2021

LES 19-22, 27 AVRIL 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE S. NOËL

DATE DES MOTIFS :

LE 10 AOÛT 2022

COMPARUTIONS :

Karin Blok

Eric Purtzki

POUR L’APPELANT

Helen Park

Courtenay Landsiedel

Stephanie Morin

Nathalie Benoit

Michelle Lutfy

POUR L’INTIMÉ

Gib van Ert

Colin Baxter

 

AMIS DE LA COUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Fowler Blok Law

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR L’APPELANT

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

Ottawa (Ontario)

 

POUR L’INTIMÉ

Conway Baxter Wilson LLP/s.r.l.

Ottawa (Ontario)

Olthuis Van Ert

Ottawa (Ontario)/

Vancouver (Colombie-Britannique)

AMIS DE LA COUR

 



[1] Référence au mémoire du sous-ministre adjoint, demande de recours dans le dossier no 6343-02-13 (PGC0007) et au sommaire du cas daté du 16 août 2018 joint au mémoire figurant à l’onglet E (PGC0004), où les renseignements se trouvaient dans le sommaire du cas joint, mais pas dans le mémoire.

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