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Date : 19990216


Dossier : IMM-624-98

OTTAWA (Ontario), le mardi 16 février 1999.

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE REED

ENTRE :


MOHAMUD ALI SHIRE,


demandeur,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


ORDONNANCE

     VU l"audition de la demande de contrôle judiciaire à TORONTO (Ontario), le jeudi 11 février 1999;

     ET par les motifs d"ordonnance exposés aujourd"hui;

     LA COUR ORDONNE

     Que la présente demande soit rejetée.


B. Reed

                                         juge

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.


Date : 19990216


Dossier : IMM-624-98

ENTRE :


MOHAMUD ALI SHIRE,


demandeur,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE REED

[1]      Le demandeur cherche à obtenir une ordonnance annulant une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié. La Commission a conclu que le demandeur n"était pas un réfugié au sens de la Convention au motif qu"une possibilité de refuge intérieur s"offrait à lui dans le nord-est de la Somalie, une région que contrôle le clan auquel il appartient (le clan des Darod-Majertan).

[2]      La revendication du statut de réfugié au sens de la Convention déposée par le demandeur était fondée sur ce qu"il a vécu dans le sud de la Somalie il y a sept ans, alors qu"il avait 12 ans. Son père avait protégé un ami hawiye lorsque des membres du clan des Darod-Majertan avaient attaqué la région dans laquelle ils vivaient tous les deux (Kismayo). Le demandeur dit que son père a par la suite eu la réputation d"être un traître de son clan et qu"il a cherché refuge pour lui-même et les membres de sa famille au Kenya ( l"ami hawiye et les membres de la famille de ce dernier s"y sont aussi rendus). De là, tous les membres de la famille du demandeur, à l"exception de celui-ci, ont déménagé en Tanzanie. L"ami hawiye et le demandeur sont demeurés au Kenya. Je dois également souligner que la mère du demandeur était une Hawiye. Si le demandeur dit la vérité (et la Commission n"a pas conclu qu"il manquait de crédibilité), lui-même et les membres de sa famille ont beaucoup souffert en raison du conflit qui règne entre Hawiye et Darod-Majertan. Ils ont souffert d"abord aux mains des Hawiye, puis aux mains des Darod-Majertan.

[3]      Le demandeur soutient que la conclusion de la Commission selon laquelle une possibilité de refuge intérieur s"offrait à lui dans le nord-est de la Somalie est une conclusion abusive et arbitraire que la Commission a tirée sans tenir compte des éléments de preuve dont elle disposait, étant donné que ce sont des personnes appartenant au clan des Darod-Majertan qui considéraient son père comme un traître à Kismayo, et que l"on s"attend maintenant à ce qu"il vive en sécurité parmi les membres de ce clan, dans le nord-est du pays. Il a témoigné qu"" ils " sauraient qui il est quand il leur expliquerait son lignage et son appartenance au clan, ce qu"il serait tenu de faire, et qu"" ils " sauraient qu"il est le fils d"un homme considéré comme un traître.

[4]      La Commission n"a pas fait une analyse détaillée. Elle a dit que [TRADUCTION] " le revendicateur craint d"être persécuté par le clan de son père, le clan des Darod-Majertan, étant donné que ce dernier était considéré comme un traître parce qu"il avait protégé un ami hawiye ". La Commission a ajouté : [TRADUCTION] " Cela était peut-être vrai à Kismayo en 1991, alors que le revendicateur avait 13 ans. Cependant, je n"estime pas que ce serait le cas aujourd"hui, en particulier dans une autre région de la Somalie ". La Commission a ensuite décrit le nord-est du pays comme étant une région stable contrôlée par les Darod-Majertan et dont l"économie était en croissance, malgré certains échecs. Elle a conclu qu"une possibilité de refuge intérieur dans le nord-est du pays s"offrait au demandeur et que cela constituait un choix réaliste.

[5]      L"argument du demandeur est que l"analyse de la question de savoir pourquoi il lui serait raisonnable d"aller vivre dans le nord-est du pays est fondée sur un renvoi sous-entendu au laps de temps écoulé (depuis 1991) et sur le fait que le nord-est du pays est contrôlé par le clan auquel il appartient. Il soutient qu"une telle analyse est abusive et qu"elle ne tient pas compte de son témoignage selon lequel il serait persécuté dans le nord-est du pays parce qu"il y serait identifié comme étant le fils d"un traître du clan.

[6]      Le demandeur a été invité à expliquer, lors de l"audition devant la Commission, pourquoi il lui serait incapable de vivre dans le nord-est du pays, pourquoi les gens se préoccuperaient des activités auxquelles son père s"était adonné il y a si longtemps, et qui le persécuterait. Il a répondu en disant [TRADUCTION] " quiconque a pu en entendre parler. . . ".

         [TRADUCTION] Quiconque -- ce qu"il pourrait se produire, c"est que quiconque a pu entendre parler de l"incident dirait que je suis le fils de la personne qui a protégé l"homme hawiye, et je serais obligé de m"identifier auprès de quiconque je croiserais dans cette région en décrivant le sous-clan auquel j"appartiens et mes affiliations.         
         . . .         
         Je ne pourrais vivre parmi eux car je ne pourrais changer de nom, et ils me demanderaient mon nom, mon lignage, la tribu à laquelle j"appartiens. On découvrirait alors mon identité, ce que mon père a fait, et la relation qui existait entre mon père et cet homme [hawiye].         

Ces extraits illustrent bien ses réponses.

[7]      À la fin de l"audition, l"avocat du demandeur a fait des observations devant les membres de la formation : il les a notamment enjoints d"apprécier la preuve documentaire et le témoignage du demandeur en ce qui concerne sa crainte de retourner dans son pays, afin de déterminer si une possibilité de refuge intérieur viable s"offrait à lui dans le nord-est du pays :

         [TRADUCTION] . . . les membres de la formation doivent donc apprécier la preuve documentaire et le témoignage du demandeur en ce qui concerne sa crainte de retourner dans le nord-est du pays, compte tenu du clan auquel il appartient et compte tenu du fait qu"il est issu d"un mariage mixte, et ils doivent déterminer si une possibilité de refuge intérieur raisonnable s"offre à lui.         

[8]      Ayant lu la décision de la Commission en tenant compte de l"ensemble de la preuve, je n"estime pas que l"on puisse soutenir que la Commission a tiré une conclusion de façon abusive ou arbitraire lorsqu"elle a rejeté les craintes du demandeur en raison du laps de temps écoulé et du fait qu"elle considérait qu"il pouvait s"installer dans une autre région géographique du pays. Je n"estime pas que la Commission a omis de tenir compte de son témoignage. Elle a analysé de façon assez détaillée ce qu"impliquait le fait d"être issu d"un " mariage mixte ", et elle a conclu que cela n"était pas une raison de craindre d"être persécuté. Elle a traité de l"inquiétude du demandeur selon laquelle il se pourrait que quelqu"un vivant dans le nord-est du pays soit au courant de l"incident survenu à Kismayo en 1991 et, par conséquent, incite le clan à le persécuter.

[9]      Il incombe au demandeur d"établir que la Commission a omis de tenir compte de son témoignage. Or, je ne suis pas convaincue que la Commission a fait une telle omission. La Commission n"était pas disposée à tirer les mêmes conclusions que le demandeur pour ce qui est de la question de savoir ce qu"il se produirait si celui-ci s"installait dans le nord-est du pays. Les membres de la formation ne sont pas tenus d"accepter les suppositions du demandeur à cet égard, en particulier compte tenu du fait qu"elles s"appuient sur des déclarations générales dénuées de tout fondement factuel.

[10]      Par les motifs qui précèdent, la demande est rejetée.


B. Reed

                                         juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 16 février 1999.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              IMM-624-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      MOHAMUD ALI SHIRE c. MCI

LIEU DE L"AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

DATE DE L"AUDIENCE :          le 11 février 1999

MOTIFS DE L"ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MADAME LE JUGE REED

EN DATE DU :              16 février 1999

ONT COMPARU :

David Yerzy                                  POUR LE DEMANDEUR

Jeremiah Eastman                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

David Yerzy                                  POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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