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Date : 20221007


Dossier : IMM‑2477‑21

Référence : 2022 CF 1383

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 7 octobre 2022

En présence de monsieur le juge Norris

ENTRE :

MAHER YUSUF ADAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. APERÇU

[1] Le 20 janvier 2019, le demandeur a été admis au Canada au titre d’un visa d’étudiant qui lui avait été délivré au nom d’Abdikaliq Abdirazak Ashkir, citoyen du Kenya, né le 20 novembre 1998. Un mois plus tard, le demandeur a présenté une demande d’asile au Canada. Toutefois, dans sa déclaration, il s’est identifié comme étant Maher Yusuf Adan, un ressortissant somalien né le 15 mars 1998. Le demandeur a reconnu avoir utilisé le passeport kényan au nom d’Abdikaliq Abdirazak Ashkir pour obtenir le visa d’étudiant et pour voyager du Kenya au Canada, mais il a déclaré qu’il n’était pas authentique.

[2] Le 14 novembre 2019, la demande d’asile du demandeur a été examinée par la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR). La question cruciale dont la SPR était saisie était celle de savoir si le demandeur avait établi son identité et sa nationalité somalienne. Dans une décision datée du 9 décembre 2019, la SPR a rejeté la demande d’asile au motif que le demandeur n’avait pas établi son identité et qu’il présentait un [traduction] « manque général de crédibilité ».

[3] Le demandeur en a appelé devant la Section d’appel des réfugiés (la SAR) de la CISR. Dans une décision datée du 23 mars 2021, la SAR a rejeté l’appel et confirmé la décision de la SPR selon laquelle le demandeur n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni qualité de personne à protéger. Tout comme la SPR, la SAR a conclu que le demandeur ne s’était pas acquitté du fardeau qui lui incombait d’établir, selon la prépondérance des probabilités, son identité et sa nationalité somalienne.

[4] Le demandeur sollicite maintenant le contrôle judiciaire de la décision de la SAR au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR). Il prétend que l’analyse de la SAR quant à la question de son identité est déraisonnable. Pour les motifs qui suivent, je conviens que la décision de la SAR est déraisonnable. Par conséquent, la demande doit être accueillie et l’affaire renvoyée à la SAR pour nouvelle décision.

II. LE CONTEXTE

A. La demande d’asile du demandeur

[5] Le demandeur a sollicité la protection du Canada parce qu’il craignait d’être persécuté en Somalie par Al‑Shabaab.

[6] Le demandeur prétend être né à Beled Hawo, une ville située à la frontière entre la Somalie et le Kenya, dans la région de Gedo, en Somalie. Il prétend également appartenir à la minorité des Madhiban.

[7] Al‑Shabaab a pris le contrôle de la région de Gedo en 2010. Selon le demandeur, son père et son frère ont été appréhendés par Al‑Shabaab en août 2011 et la famille n’en a plus jamais eu de nouvelles. Peu de temps après l’arrestation de son père, le demandeur a appris que celui‑ci avait été tué en tentant de fuir ses ravisseurs et de se rendre au Kenya. Un ami de la famille a également dit au demandeur que son frère s’était enfui à Mogadiscio.

[8] Le demandeur et sa mère craignaient pour leur vie. Ils sont donc restés au domicile de Maryam Hassan, membre de la famille du côté paternel, à Beled Hawo. La mère du demandeur a finalement décidé qu’il n’était pas sécuritaire pour eux de rester à Beled Hawo. Par conséquent, le 15 janvier 2012, elle est partie avec le demandeur pour Kismayo, une ville portuaire dans la région sud de la Somalie. Ils y vendaient des fruits et des légumes au marché local.

[9] En 2016, Al‑Shabaab avait étendu ses activités à Kismayo, de sorte que le demandeur s’est enfui à Nairobi, au Kenya, pour éviter d’être recruté de force par le groupe. La mère du demandeur a pris des dispositions pour qu’il soit reçu à Nairobi par son demi‑frère, Ismail Gedi (l’oncle du demandeur). Le demandeur est entré illégalement au Kenya avec l’aide d’un agent qui a soudoyé les agents frontaliers et s’est ensuite rendu à Nairobi. La mère du demandeur est restée à Kismayo.

[10] À Nairobi, le demandeur a vécu avec M. Gedi et a travaillé pour lui. L’oncle exploitait une entreprise de camionnage ainsi qu’un restaurant nommé Macluum, et le demandeur travaillait aux deux endroits. Le demandeur a également entamé une relation amoureuse avec la fille de M. Gedi, Zahra, en 2017. Cependant, l’épouse de M. Gedi s’est opposée à la relation puisque le demandeur appartenait à un clan inférieur. Elle a même menacé d’appeler les autorités pour que le demandeur soit renvoyé en Somalie. Par conséquent, le demandeur a été forcé de quitter la maison familiale de M. Gedi et d’abandonner son emploi au restaurant. M. Gedi a suggéré au demandeur de se rendre en Arabie saoudite pour faire le Hajj et peut‑être même s’y installer pour de bon. Selon l’exposé circonstancié contenu dans son formulaire Fondement de la demande d’asile (FDA), le demandeur n’avait pas de passeport ni de pièces d’identité, de sorte qu’en août 2018, avec l’aide d’un passeur, M. Gedi a obtenu pour le demandeur un passeport kényan au nom d’Abdulkalik (sic) Abdirazak Ashkir (date de naissance, 20 novembre 1998), au moyen d’un certificat de naissance kényan frauduleux. Un visa Hajj pour l’Arabie saoudite a également été obtenu.

[11] Le demandeur est entré en Arabie saoudite le 10 août 2018 et y est demeuré environ 25 jours. Au cours de cette période, le demandeur a appris qu’il ne serait pas autorisé à rester indéfiniment en Arabie saoudite et a donc décidé de retourner au Kenya. Selon l’exposé circonstancié contenu dans son formulaire FDA, après son retour au Kenya, le demandeur a communiqué avec son oncle et lui a dit qu’il n’avait pas pu rester en Arabie saoudite. Son oncle lui a dit que, compte tenu de la situation avec sa famille, il ne pouvait pas rester au Kenya. Son oncle a donc communiqué avec le même passeur que précédemment et a obtenu pour le demandeur un visa d’étudiant pour le Canada. L’oncle a payé environ 7 000 $ américains pour obtenir le visa. Le demandeur ne connaissait aucun des renseignements contenus dans la demande de visa d’étudiant (mis à part le fait que le même passeport kényan a été utilisé dans la demande).

[12] Le 19 janvier 2019, le demandeur a quitté le Kenya pour se rendre au Canada. Il est arrivé à Toronto le lendemain. Il a finalement réussi à retrouver une femme qu’il avait connue à Kismayo et qui l’a présenté à d’autres membres de la communauté somalienne.

B. La preuve de l’identité du demandeur devant la SPR

(1) Le passeport kényan

[13] Le demandeur a remis un passeport kényan au nom d’Abdikaliq Abdirazak Ashkir (date de naissance : 20 novembre 1998) à Citoyenneté et Immigration Canada le 22 février 2019.

[14] Une copie du passeport est versée au dossier de la SPR. Le passeport a été délivré le 8 août 2018. Le demandeur convient que sa photographie figure dans le passeport. Le passeport contient également un visa Hajj daté du 10 août 2018 et un timbre d’entrée pour le Kenya daté du 3 septembre 2018 (ce qui correspond vraisemblablement au moment où le demandeur est revenu du Hajj). Le passeport contient également un visa d’étudiant canadien délivré à Nairobi le 9 janvier 2019.

(2) La demande de visa d’étudiant

[15] Les documents présentés à l’appui de la demande de visa d’étudiant canadien par Abdikaliq Abdirazak Ashkir font également partie du dossier dont disposait la SPR. En plus du formulaire de demande rempli daté du 20 septembre 2018, de nombreux autres documents à l’appui sont fournis, y compris une lettre de préadmission du Braemar College de Toronto, les dossiers scolaires d’Abdikaliq Abdirazak Ashkir, une copie certifiée conforme de la page de photos du passeport kényan d’Abdikaliq Abdirazak Ashkir, une référence d’emploi de l’hôpital Madina de Nairobi pour Abdikaliq Abdirazak Ashkir, une lettre d’Abdirizak Ashkir Musse (qui est identifié comme le père du demandeur) s’engageant à financer entièrement les études du demandeur au Canada, une copie certifiée de la page photo du passeport kényan de M. Musse, les dossiers bancaires de M. Musse, les dossiers de propriété immobilière et la preuve que M. Musse est copropriétaire de l’hôpital Madina. Une copie certifiée conforme de la page photo du passeport kényan de Safia Hashi Noor (qui est identifiée comme étant la mère du demandeur), ainsi qu’une copie du certificat de naissance kényan d’Abdikaliq Abdirazak Ashkir (identifiant les parents comme étant Abdirizak Ashkir Musse et Safia Hashi Noor) sont également fournies.

(3) Autre preuve d’identité

[16] Comme il a déjà été mentionné, le demandeur nie être Abdikaliq Abdirazak Ashkir, un ressortissant du Kenya. Il soutient plutôt qu’il est Maher Yusuf Adan, un ressortissant de la Somalie.

[17] Le demandeur n’a fourni aucune pièce d’identité principale (p. ex., un passeport ou un certificat de naissance) pour établir son identité en tant que Maher Yusuf Adan. Il n’a pas non plus présenté de pièces d’identité secondaires (p. ex., relevés d’études et d’emploi ou dossiers médicaux) pour corroborer son allégation portant qu’il s’agit de sa véritable identité. Il a plutôt présenté les documents suivants à la SPR :

  • Une lettre datée du 15 octobre 2019 (traduite en anglais) qui est censée provenir de la mère du demandeur, Asha Mohamed Musse. On peut notamment y lire ceci (dans la version traduite) : [traduction] « Maher Aden est mon fils et il est né le 15 mars 1998 à Belet Hawa, en Somalie. » (Je note entre parenthèses que la graphie du nom de famille du demandeur est « Aden » dans la traduction, mais la graphie dans la version originale semble être « Adan ». De plus, le nom de famille de la mère semble avoir été mal orthographié dans la traduction où l’on peut lire « Mused », alors qu’il est écrit « Musse » dans l’original.) Aucun document corroborant l’identité de l’auteure de la lettre n’a été fourni.

  • Une lettre datée du 1er novembre 2019 (traduite en anglais) qui semble provenir de Maryan Hassan. Mme Hassan déclare dans la lettre qu’en 2011, elle a accueilli [traduction] « Maher et sa mère, Asha Muse », chez elle à Belet Hawa « lorsqu’ils ont fui les forces Al‑Shabaab ». (Encore une fois, il semble y avoir des divergences dans l’orthographe des noms entre l’original et la traduction.) Mme Hassan ne dit pas exactement à quel moment les deux sont restés avec elle, ni pendant combien de temps. Selon Mme Hassan, après que le demandeur et sa mère eurent quitté son domicile, ils se sont rendus à Kismayo. Mme Hassan ne dit pas comment elle sait cela. Aucun document corroborant l’identité de l’auteure de la lettre n’a été fourni.

  • Un affidavit en anglais de Zakaria Abkidakir Gabay, signé à Nairobi, au Kenya, le 22 octobre 2019. M. Gabay explique que lui et Maher Yusef Aden (sic) ont travaillé ensemble au restaurant Macluum au Kenya pendant une période non spécifiée. Selon M. Gabay, le demandeur [traduction] « est arrivé de Somalie » et appartient au clan « Madhibaan » (sic). M. Gabay ne dit pas comment il a pris connaissance de l’un ou l’autre de ces renseignements. Une copie de la pièce d’identité kényane de M. Gabay a été fournie.

  • Un affidavit d’Hafso Abdulkadir Mohamed a été souscrit à Toronto le 4 novembre 2019. Mme Mohamed est une citoyenne somalienne née en décembre 2000. Elle est également citoyenne canadienne naturalisée. Elle déclare avoir rencontré pour la première fois « Maher Yusuf Adan (né en 1998) » dans le district Alanley de Kismayo, dans le Bas‑Juba, en Somalie, en décembre 2015. Sa mère et lui vendaient des fruits et légumes frais dans un marché, et Mme Mohamed discutait avec lui de temps à autre. Elle l’a vu pour la dernière fois à Kismayo en août 2016. Elle l’a ensuite vu à Nairobi, au Kenya, en août 2017, au restaurant Macluum. À l’époque, Mme Mohamed était en processus de parrainage par son père pour obtenir la citoyenneté canadienne. Elle a donné au demandeur le numéro de téléphone de son frère au Canada afin qu’il puisse communiquer avec celui‑ci après son arrivée au Canada. En janvier 2019, une fois arrivé au Canada, le demandeur a renoué avec Mme Mohamed par l’intermédiaire de son frère. Elle lui a offert un endroit où rester pendant qu’il s’installait au Canada. Mme Mohamed affirme que le demandeur est membre de la minorité des Madhiban, mais elle ne dit pas comment elle le sait ni comment elle connaît l’année de naissance du demandeur ou son nom exact. Une copie du permis de conduire de l’Ontario de Mme Mohamed a été fournie.

  • Une lettre de la Loyan Foundation à Toronto datée du 1er novembre 2019, indiquant que, à la suite de l’évaluation de [traduction] « M. Adan, Mahaer Yusuf, né le 15 mars 1998 », il est possible de confirmer que le demandeur est un ressortissant somalien appartenant à la minorité « du sous‑clan Muse Dherj de Madhiban, appartenant aux clans somaliens ».

[18] À l’audience devant la SPR, le demandeur a confirmé sous affirmation solennelle que le contenu de son formulaire FDA était complet, véridique et exact. De plus, il a déclaré être Maher Yusuf Adan, un ressortissant de la Somalie, et il a nié être Abdikaliq Abdirazak Ashkir, un ressortissant du Kenya. Il a également nié toute connaissance des documents utilisés pour obtenir le visa d’étudiant (à l’exception du passeport). En ce qui concerne le passeport, le demandeur a soutenu que même s’il avait été délivré de façon valide, il était frauduleux. (Dans l’exposé circonstancié contenu dans son formulaire FDA, le demandeur a déclaré que le passeport avait été obtenu avec un certificat de naissance kényan frauduleux.)

[19] Mme Mohamed a également témoigné. Elle a décrit ses divers contacts avec le demandeur, depuis Kismayo jusqu’à aujourd’hui. Lorsqu’on lui a demandé comment elle savait que le demandeur était né en Somalie, Mme Mohamed a répondu que la vie à Kismayo était très difficile, de sorte qu’elle ne croyait pas que quiconque n’était pas né à Kismayo viendrait y vivre. En ce qui concerne l’appartenance du demandeur à un clan (qui est différent du sien), elle a entendu d’autres personnes parler de sa famille comme étant [traduction] « la famille Madhiban ».

C. La décision de la SPR

[20] La SPR a conclu que le demandeur n’avait pas établi son identité et, de façon plus générale, qu’il n’était pas crédible. La SPR a fait remarquer qu’au moment d’évaluer l’allégation du demandeur portant qu’il est un ressortissant de la Somalie, elle a tenu compte des difficultés bien documentées qu’éprouvaient les ressortissants somaliens pour obtenir des documents officiels afin d’établir leur identité et leur nationalité. Néanmoins, il demeure que le demandeur doit établir son identité. Il [traduction] « doit avoir fait des efforts raisonnables pour fournir des documents établissant son identité et sa nationalité selon la prépondérance des probabilités ». La SPR a reconnu que [traduction] « bien que le demandeur puisse être d’origine ethnique somalienne, cela ne l’empêche pas d’avoir obtenu une autre nationalité ».

[21] La SPR a tiré les conclusions suivantes concernant les éléments de preuve fournis pour établir l’identité du demandeur :

  • Le témoignage de Mme Mohamed est insuffisant pour établir l’identité du demandeur parce que celle‑ci n’avait aucune connaissance de son identité avant leur rencontre à Kismayo. Le simple fait qu’ils se soient rencontrés à quelques reprises en Somalie pendant une courte période n’établit pas que le demandeur est citoyen de la Somalie. Dans la mesure où Mme Mohamed savait quoi que ce soit sur l’identité et l’appartenance nationale du demandeur, cette connaissance était fondée sur ce que le demandeur lui‑même lui avait dit. Elle n’avait aucune connaissance directe de ces renseignements, et ses connaissances n’étaient pas fondées sur une relation ou une association de longue date avec le demandeur en Somalie.

  • Il est peu probable que le demandeur ait vendu des fruits et légumes frais à Kismayo parce qu’il n’a pas été en mesure d’identifier la devise dans laquelle les ventes auraient été effectuées (le shilling somalien). Cela remet en question non seulement le fait que le requérant ait déjà vécu en Somalie, mais aussi sa crédibilité.

  • La SPR a accordé [traduction] « peu de poids » à la lettre de la Loyan Foundation quant à l’identité du demandeur. L’évaluation avait permis de déterminer que le demandeur pouvait parler le somali et qu’il connaissait la géographie, l’histoire, le patrimoine, la situation socio‑politique et politique de la Somalie, ainsi que la lignée et la culture de son clan. Cependant, la capacité de parler le somali [traduction] « n’établit pas en soi la nationalité ni l’identité ». De même, le simple fait qu’une personne connaisse la géographie, la culture et les coutumes du pays n’établit pas non plus que cette personne est de nationalité somalienne. En bref, selon la SPR, [traduction] « il n’y a rien dans cette lettre qui laisse entendre que les renseignements qu’il a fournis ne pouvaient être fournis que par un citoyen de la Somalie ou qui ferait pencher la balance en faveur de l’établissement de son identité en tant que citoyen de la Somalie ». La SPR a également souligné que la lettre n’expliquait pas comment les renseignements personnels du demandeur — son nom et sa date de naissance — avaient été déterminés.

  • Compte tenu de l’importance de l’appartenance à un clan en Somalie, il n’était pas raisonnable que le demandeur n’ait qu’une connaissance minimale du clan Madhiban dont il a parlé à l’audience. La SPR a donc conclu que le demandeur n’avait pas établi son appartenance alléguée à un clan. Le demandeur avait plutôt [traduction] « utilisé ce profil pour donner plus de poids à sa demande ».

  • L’affidavit de M. Gabay n’établit pas l’identité du demandeur.

  • Aucun document n’a été fourni pour confirmer l’identité de l’auteure de la lettre qui, selon les allégations, proviendrait de la mère du demandeur.

  • La lettre de Mme Hassan ne contient pas suffisamment de renseignements sur l’identité du demandeur.

  • Au vu du passeport kényan prétendument frauduleux (selon le demandeur) utilisé pour voyager et des autres documents prétendument frauduleux (encore une fois selon le demandeur) qui ont servi à obtenir le visa d’étudiant canadien, le demandeur [traduction] « a clairement accès à des documents frauduleux, y compris ceux qui comportent des caractéristiques de sécurité très sophistiquées. » Ainsi, et compte tenu du manque de crédibilité du demandeur, la SPR a accordé « peu de poids » aux lettres et à l’affidavit fournis pour établir son identité.

[22] En résumé, la SPR a conclu que le demandeur n’avait pas établi, au moyen d’éléments de preuve crédibles et dignes de foi, [traduction] « qui il est ou d’où il vient ». Bien qu’il puisse être d’origine ethnique somalienne, cela ne l’empêche pas d’avoir obtenu une autre nationalité. Comme le demandeur n’avait pas établi son identité, il n’était pas nécessaire d’examiner le bien‑fondé de sa demande.

D. L’appel devant la SAR

(1) Les motifs d’appel du demandeur

[23] Le demandeur a interjeté appel devant la SAR de la décision rejetant sa demande. Il n’a présenté aucun nouvel élément de preuve à l’appui de son appel et, par conséquent, n’a pas demandé d’audience devant la SAR.

[24] Dans ses observations écrites, le demandeur a contesté la décision de la SPR selon laquelle il n’avait pas établi son identité au moyen d’éléments de preuve crédibles suffisants. Plus précisément, il a soutenu que la SPR avait commis une erreur en n’accordant pas plus de poids au témoignage de Mme Mohamed; en tirant une conclusion défavorable du défaut de mentionner les shillings somaliens, alors que la devise est souvent simplement appelée « Somali lacag », ce qui peut se traduire par « argent somalien » – le terme même que le demandeur a utilisé dans son témoignage; en soumettant le demandeur à une norme de connaissance déraisonnable à l’égard de son clan, étant donné l’appartenance patrilinéaire au clan et vu que le demandeur était jeune lorsque son père avait été tué et qu’il était encore jeune lorsqu’il avait quitté la Somalie pour le Kenya afin de vivre avec les membres de la famille de sa mère; en omettant de tenir compte du fait que M. Gabay n’aurait pas affirmé dans une déclaration sous serment que le demandeur était Somalien et membre du clan Madhiban si ces faits n’étaient pas véridiques; et en concluant que les lettres de la mère du demandeur et de Mme Hassan étaient frauduleuses. Le demandeur a exhorté la SAR à infirmer la conclusion de la SPR concernant son identité et à conclure plutôt qu’il avait établi son identité et son appartenance nationale.

[25] Le demandeur a également exhorté la SAR à casser la décision finale de la SPR et à y substituer la décision selon laquelle il a qualité de réfugié au sens de la Convention ou, subsidiairement, à renvoyer l’affaire à la SPR afin qu’elle statue de nouveau sur la demande d’asile.

(2) L’intervention du ministre

[26] Le ministre est intervenu dans l’appel en vertu de l’alinéa 171a.4) de la LIPR. De plus, conformément au paragraphe 110(3) et à l’alinéa 171a.5) de cette même loi, le ministre a présenté des éléments de preuve documentaire et des observations écrites. Le ministre a également demandé la tenue d’une audience devant la SAR en vertu du paragraphe 110(6) de la LIPR parce que la preuve documentaire qu’il avait présentée soulevait de graves questions quant à la crédibilité du demandeur et portait sur des questions qui étaient au cœur de la décision relative à la demande d’asile (c.‑à‑d. l’identité et la crédibilité) et que, si cette preuve était acceptée, elle justifierait le maintien du rejet de la demande.

[27] La preuve documentaire présentée par le ministre et la pertinence de celle‑ci (selon les observations du ministre) étaient les suivantes :

  • a)Documents du ministère des Transports de l’Ontario montrant que le 30 avril 2019, le demandeur avait présenté un permis de conduire kényan au nom de Maher Yusuf Adan à l’appui d’une demande de permis de conduire de l’Ontario. Même si l’on s’attend à ce qu’un demandeur d’asile produise des pièces d’identité qu’il a en sa possession, le demandeur a omis de produire ce document (qui était vraisemblablement encore en sa possession au moment de l’audience de la SPR en novembre 2019). De plus, l’existence du permis de conduire kényan révèle que le témoignage du demandeur devant la SPR, selon lequel aucun document ne lui avait jamais été délivré en son véritable nom, était faux. De plus, l’éventuelle inauthenticité du permis kényan soulève de graves questions quant à la crédibilité du demandeur, puisqu’il l’a présentée à un ministère provincial.

  • b)Courriels échangés entre l’avocat du ministre et le directeur des admissions du Braemar College confirmant que l’école avait d’abord reçu la demande d’admission au nom d’Abdikaliq Abdirazak Ashkir le 20 août 2018. Le demandeur se trouvait alors encore en Arabie saoudite (selon son exposé circonstancié). Or, le demandeur avait également déclaré dans son exposé qu’il n’avait pas parlé à son oncle de l’obtention d’un visa d’étudiant pour le Canada avant son retour au Kenya (c.‑à‑d. après le 3 septembre 2018, selon le timbre d’entrée dans le passeport qu’il a utilisé). Ces courriels ont également permis d’établir qu’Uniserv Education, un important service de consultation en éducation apparemment réputé, avait agi à titre de mandataire du demandeur relativement à la demande d’admission au Braemar College dans le cadre du processus d’obtention du visa d’étudiant et non pas, comme l’avait indiqué le demandeur, à titre de « passeur ».

  • c)Les renseignements publiés par le gouvernement du Kenya révèlent que, pour obtenir un passeport kényan, il ne suffit pas de présenter un certificat de naissance, comme l’avait indiqué le demandeur.

  • d)Confirmation que le demandeur s’est présenté au centre de réception des demandes de visa à Nairobi (au Kenya) le 26 septembre 2018 pour faire prendre ses empreintes digitales et qu’il s’est présenté à un examen médical le 13 décembre 2018. Le fait que le demandeur n’a pas mentionné ces démarches qu’il avait personnellement entreprises relativement aux dispositions mises en œuvre pour qu’il puisse se rendre au Canada a soulevé des questions au sujet de sa crédibilité en général.

  • e)Renseignements concernant les étapes habituellement suivies dans le processus d’admission d’une personne au Canada au moyen d’un visa d’étudiant, y compris l’entrevue et la production de documents pertinents. Il est peu probable que le demandeur ait pu entrer au Canada à titre d’étudiant sans avoir été au fait des renseignements contenus dans la demande de visa, sans avoir présenté les documents requis (p. ex. une lettre d’admission de l’école en question) et sans avoir convaincu un agent des services frontaliers, lors d’une entrevue en anglais, qu’il était un véritable étudiant. Dans son témoignage devant la SPR, le demandeur a allégué qu’il n’était pas au courant des renseignements utilisés pour obtenir le visa d’étudiant, ce qui n’était donc pas crédible.

(3) La réponse du demandeur

[28] En réponse à l’intervention du ministre, le demandeur a fourni un affidavit souscrit le 17 décembre 2020 et des observations écrites supplémentaires. L’affidavit contient, en grande partie, des arguments. Les principales affirmations factuelles sont résumées ci‑après.

[29] Premièrement, le demandeur affirme que son oncle avait pris des dispositions pour qu’il obtienne le permis de conduire du Kenya pendant qu’il travaillait pour lui à Nairobi. Le permis a été délivré peu de temps après son arrivée. Le demandeur ne sait pas s’il s’agit d’un permis authentique ou non, mais il porte son véritable nom.

[30] Le demandeur a expliqué qu’il n’avait pas présenté le permis kényan dans le cadre de sa demande d’asile parce qu’il ne considérait pas qu’il s’agissait d’une pièce d’identité, puisqu’elle avait été [traduction] « obtenue irrégulièrement » et qu’elle ne prouvait pas sa nationalité. Le demandeur n’explique pas pourquoi il a déclaré à la SPR qu’il n’avait jamais reçu de document portant son nom réel. Le demandeur n’explique pas non plus pourquoi il a jugé qu’il était approprié d’utiliser un permis de conduire « obtenu irrégulièrement » pour obtenir un permis de conduire de l’Ontario, outre le fait qu’on lui a dit qu’il serait plus facile d’obtenir un permis de cette façon et que ses connaissances et ses capacités de conduite étaient évaluées en Ontario de toute façon.

[31] Deuxièmement, le demandeur affirme qu’il ne se souvient pas très bien des dates, mais qu’il a communiqué avec son oncle soit avant son retour au Kenya, soit immédiatement après son retour pour entamer le processus avec le passeur. Par conséquent, le demandeur convient qu’il est [traduction] « tout à fait possible que le passeur ou l’agent ait communiqué avec l’école le 20 août 2018 ».

[32] Troisièmement, le demandeur maintient sa position selon laquelle il ne savait rien des documents utilisés pour obtenir le visa d’étudiant. Selon le demandeur, le passeur [traduction] « a créé pour [lui] les documents scolaires à l’appui afin [qu’il] puisse obtenir un visa d’étudiant pour le Canada ». Toutefois, le demandeur ne traite d’aucune façon de ce qui s’est passé lorsqu’il est entré au Canada le 20 janvier 2019. Le demandeur reconnaît que ses empreintes digitales ont été prises et qu’il a subi un examen médical au Kenya, mais il n’explique pas pourquoi il n’a pas mentionné ces renseignements auparavant.

III. LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[33] Après avoir appliqué la norme de la décision correcte aux conclusions de la SPR, la SAR a estimé que cette dernière n’avait pas commis d’erreur en concluant que le demandeur n’avait pas établi son identité selon la prépondérance des probabilités. La SAR n’a trouvé aucune erreur dans l’évaluation faite par la SPR des éléments de preuve présentés pour établir l’identité du demandeur. De plus, après avoir effectué son propre examen indépendant du dossier, la SAR a trouvé d’autres motifs à l’appui des conclusions formulées par la SPR.

[34] La SAR a souligné que le ministre était intervenu et qu’il s’appuyait sur de nouveaux éléments de preuve documentaire auxquels le demandeur avait répondu. La SAR examine au passage certains de ces éléments de preuve. La SAR ne se penche aucunement sur la demande d’audience présentée par le ministre.

[35] En résumé, la SAR a évalué les éléments de preuve dont elle disposait de la façon exposée ci‑après.

Le témoignage d’Hafso Mohamed

[36] La SAR a convenu avec la SPR que la relation avec le demandeur décrite par Mme Mohamed et son manque de connaissance directe quant à la nationalité somalienne du demandeur, outre le fait qu’elle l’avait vu à Kismayo de décembre 2015 à août 2016, ne permettaient pas d’établir l’identité de celui‑ci.

[37] La SAR a également cerné trois aspects révélant la nature contradictoire des témoignages du demandeur et de Mme Mohamed : i) leurs interactions à Kismayo; ii) leurs interactions à Nairobi; et iii) la façon dont le frère de Mme Mohamed les a mis en contact après l’arrivée du demandeur au Canada. La SAR affirme ensuite ceci : « Comme la SPR n’a pas porté ces incohérences à l’attention de l’appelant ou de la témoin, elles ne sont pas déterminantes, mais elles appuient la conclusion de la SPR. »

[38] Fait intéressant, ni la SPR ni la SAR n’ont cru le récit de Mme Mohamed selon lequel elle avait rencontré le demandeur à Kismayo.

La lettre de la Loyan Foundation

[39] La SAR a souligné qu’une lettre comme celle de la Loyan Foundation devrait être évaluée à la lumière de ce qu’elle a pour but de démontrer, c’est‑à‑dire la nationalité du demandeur plutôt que son identité (citant la décision Mohamed c Canada, 2020 CF 186, au paragraphe 55). Selon la SAR, « bien que la lettre de la Loyan Foundation appuie de façon indépendante l’allégation de l’appelant au sujet de sa nationalité somalienne, elle n’était pas déterminante, car elle ne pouvait pas surmonter les problèmes de crédibilité soulevés par le témoignage de l’appelant, y compris son identité en matière de clan, les problèmes liés à l’authenticité et au contenu des autres documents à l’appui et l’insuffisance du fondement du témoignage de sa témoin. »

[40] La SAR a également estimé que la confirmation par la lettre de l’appartenance du demandeur au clan « n’a pas beaucoup de poids compte tenu [de ses ] connaissances très limitées […] au sujet de son clan ».

[41] La SAR a également relevé deux incohérences entre la lettre et l’exposé circonstancié contenu dans le formulaire FDA du demandeur. Premièrement, dans la lettre, le nom du demandeur est Mahaer Yusuf Adan au lieu de Maher Yusuf Adan. Deuxièmement, la lettre indique que le demandeur appartenait au sous‑clan minoritaire de Madhiban, Muse Dherj, alors que le demandeur avait identifié son clan comme étant Madhiban, Muse Deeriyo, dans l’exposé circonstancié contenu dans son formulaire FDA. Cependant, la SAR a également déclaré que, « [c]omme la SPR n’a pas porté ces incohérences à l’attention de l’appelant, elles ne sont pas déterminantes ».

Les autres documents à l’appui

[42] Pour étayer sa prétention relative à l’identité (et pour corroborer certains éléments de son exposé circonstancié), le demandeur a également fourni l’affidavit d’un ancien collègue de travail à Nairobi, ainsi que des lettres censées provenir de sa mère et de la femme chez qui le demandeur et sa mère avaient vécu pendant un certain temps en 2011. La SPR avait accordé « peu de poids » à ces documents au motif que leurs auteurs n’avaient pas été convoqués pour un interrogatoire à l’audience; au motif qu’il était possible d’obtenir des documents frauduleux en Somalie et que le demandeur avait avoué avoir utilisé ces documents; et en raison du [traduction] « manque de crédibilité du demandeur d’asile ». La SPR a également fait remarquer, en ce qui concerne les lettres de la mère du demandeur et de Mme Hassan (que la SPR a citées par erreur comme étant des affidavits), qu’aucun document n’avait été fourni pour confirmer l’identité des auteures des lettres.

[43] La SAR n’a rejeté aucune de ces conclusions. En fait, elle a expressément convenu que, comme la mère du demandeur n’avait pas fourni de confirmation de son identité, la lettre n’était pas authentique. De même, elle a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de renseignements sur l’identité de l’auteure de la lettre censée provenir de Mme Hassan. La SAR a ajouté que la conclusion selon laquelle les documents n’étaient pas crédibles ni authentiques est « renforcée » par la preuve selon laquelle le demandeur a omis de présenter son permis de conduire kényan à la SPR, un document que le demandeur lui‑même a admis avoir « obtenu irrégulièrement ».

[44] Après avoir examiné les documents, la SAR a estimé qu’il y avait d’autres motifs de douter de leur crédibilité et de conclure qu’ils n’étaient pas authentiques. En ce qui concerne la lettre de la mère du demandeur (citée également comme étant un affidavit), la SAR a conclu que sa crédibilité était compromise du fait que le nom de sa mère était orthographié différemment à différents endroits dans le dossier. En ce qui concerne l’affidavit de l’ancien collègue de travail, la SAR a souligné qu’il était intrinsèquement incohérent, puisque le déposant y est identifié comme étant à la fois un citoyen kényan et un résident permanent du Kenya. La SAR a également souligné que l’affidavit ne précisait aucune date pour l’un ou l’autre des événements mentionnés et que la [traduction] « mère non nommée [du déposant] est présentée comme la source d’une grande partie de ses renseignements ».

Le témoignage du demandeur

[45] La SAR était d’accord avec les conclusions défavorables de la SPR concernant la crédibilité du demandeur à l’égard des deux aspects précis contestés en appel. Premièrement, la SAR a convenu qu’une conclusion défavorable devrait être tirée du fait que le demandeur n’avait pas nommé la devise somalienne qu’il aurait manipulée au moment de vendre des produits au marché. Deuxièmement, la SAR a également convenu que l’allégation du demandeur selon laquelle il était membre du clan Madhiban n’était pas crédible. Le demandeur n’avait été en mesure de donner que peu de détails sur son clan, ce qui contredisait, selon la SAR, la preuve générale sur les conditions dans le pays démontrant l’importance de l’identité du clan en Somalie.

[46] Ayant conclu à l’absence d’erreurs de la part de la SPR et en se fondant sur sa propre évaluation de la preuve, la SAR a rejeté l’appel et confirmé la décision de la SPR selon laquelle le demandeur n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention.

IV. LA NORME DE CONTRÔLE APPLICABLE

[47] Les parties conviennent, tout comme moi, que le fond de la décision de la SAR doit être examiné selon la norme de la décision raisonnable : voir Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93, au paragraphe 35). Cela vaut aussi pour la conclusion relative à l’identité, laquelle est de nature factuelle (Denis c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1182, au paragraphe 5; voir également la jurisprudence antérieure à la création de la SAR concernant le contrôle des conclusions sur l’identité, comme les décisions Rahal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 319, au paragraphe 48, et Su c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 743, au paragraphe 5). Le fait qu’il s’agisse de la norme de contrôle appropriée a été renforcé par l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, au paragraphe 10.

[48] Conformément à l’analyse effectuée dans l’arrêt Vavilov, l’exercice de tout pouvoir public « doit être justifié, intelligible et transparent, non pas dans l’abstrait, mais pour l’individu qui en fait l’objet » (au paragraphe 95). Il ne suffit pas que la décision soit justifiable. Dans les cas où des motifs s’imposent, le décideur doit également, au moyen de ceux‑ci, justifier sa décision : voir l’arrêt Vavilov, au paragraphe 86. Par conséquent, le décideur administratif est dans l’obligation de « justifier, de manière transparente et intelligible pour la personne visée, le fondement pour lequel il est parvenu à une conclusion donnée » (Vavilov, au paragraphe 96).

[49] Une décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov, au paragraphe 85). La cour de révision est tenue de faire preuve de retenue à l’égard de la décision qui possède ces caractéristiques (ibid.). Il n’appartient pas à la cour de révision qui applique la norme de la décision raisonnable d’apprécier à nouveau la preuve que le décideur a prise en compte ou de modifier les conclusions de fait qu’il a tirées, à moins de circonstances exceptionnelles : voir Vavilov, au paragraphe 125. Par ailleurs, le contrôle selon la norme de la décision raisonnable n’est pas une simple formalité; ce type de contrôle demeure rigoureux : voir Vavilov, au paragraphe 13. Le caractère raisonnable d’une décision peut être compromis si le décideur « s’est fondamentalement mépris sur la preuve qui lui a été soumise ou n’en a pas tenu compte » (Vavilov, au paragraphe 126).

[50] Il incombe au demandeur de démontrer que la décision de la SAR est déraisonnable. Avant de pouvoir infirmer une décision pour ce motif, la cour de révision doit conclure que la décision « souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence » (Vavilov, au paragraphe 100).

V. ANALYSE

[51] L’identité est « un élément primordial de toute demande d’asile » (Hassan c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2019 CF 459, au paragraphe 27). La preuve d’identité est donc une exigence essentielle pour une personne qui demande l’asile. En l’absence d’une telle preuve, « il ne peut y avoir de fondement solide permettant de vérifier les allégations de persécution, ou même d’établir la nationalité réelle d’un demandeur » (Jin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 126, au paragraphe 26; voir aussi Liu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 831, au paragraphe 18, et Behary c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 794, au paragraphe 61). La preuve de l’identité du demandeur est d’une importance cruciale pour la demande. Sans cette preuve, il n’y a pas lieu de poursuivre l’examen des éléments de preuve ou de la demande : voir Elmi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 773, au paragraphe 4; Diallo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 878, au paragraphe 3; Liu, au paragraphe 18; Ibnmogdad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 321, au paragraphe 24; et Behary, au paragraphe 61. Bref, le demandeur d’asile doit prouver qu’il est bien celui qu’il prétend être. À tout le moins, cela comprend son identité et sa nationalité (ou absence de nationalité, selon le cas). Le défaut d’établir ces renseignements entraîne également le rejet de la demande d’asile.

[52] L’importance d’établir l’identité d’un demandeur d’asile se reflète à l’article 11 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012‑256 [les Règles] :

11 Le demandeur d’asile transmet des documents acceptables qui permettent d’établir son identité et les autres éléments de sa demande d’asile. S’il ne peut le faire, il en donne la raison et indique quelles mesures il a prises pour se procurer de tels documents.

11 The claimant must provide acceptable documents establishing their identity and other elements of the claim. A claimant who does not provide acceptable documents must explain why they did not provide the documents and what steps they took to obtain them.

[53] L’article 106 de la LIPR établit un lien explicite entre cette obligation de fournir des papiers d’identité acceptables (ou d’expliquer leur absence) et la crédibilité du demandeur d’asile. Il est ainsi libellé :

106 La Section de la protection des réfugiés prend en compte, s’agissant de crédibilité, le fait que, n’étant pas muni de papiers d’identité acceptables, le demandeur ne peut raisonnablement en justifier la raison et n’a pas pris les mesures voulues pour s’en procurer.

106 The Refugee Protection Division must take into account, with respect to the credibility of a claimant, whether the claimant possesses acceptable documentation establishing identity, and if not, whether they have provided a reasonable explanation for the lack of documentation or have taken reasonable steps to obtain the documentation.

[54] L’expression « papiers d’identité acceptables » n’est pas définie dans la LIPR. Les Règles ne font pas état non plus de la définition des « documents acceptables qui permettent d’établir [l’]identité » du demandeur d’asile. Il appartient à la SPR de trancher la question dans chaque cas (sous réserve, bien sûr, des appels à la SAR ou du contrôle judiciaire).

[55] De concert, l’article 11 des Règles et l’article 106 de la LIPR imposent au demandeur d’asile le fardeau de fournir des documents acceptables établissant son identité. Évidemment, pour être en mesure de fournir de tels documents, le demandeur d’asile doit les avoir en sa possession. Si un demandeur d’asile ne possède pas de documents acceptables établissant son identité, il doit fournir une explication raisonnable ou démontrer que des mesures raisonnables ont été prises pour obtenir ces documents. Il s’agit d’un lourd fardeau : voir Su au paragraphe 4; Malambu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 763 au paragraphe 41; et Tesfagaber c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 988 au paragraphe 28.

[56] L’absence de papiers d’identité acceptables n’est pas nécessairement d’une importance cruciale pour la demande. Toutefois, le défaut du demandeur d’asile de produire des documents acceptables établissant son identité, sans fournir non plus d’explication raisonnable quant à l’absence de tels documents ou sans démontrer que des mesures raisonnables ont été prises pour les obtenir, risque, à tout le moins, d’avoir une incidence défavorable sur sa crédibilité (y compris, vraisemblablement, en ce qui concerne ses allégations quant à son identité). Si, en dernière analyse, il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve crédibles et dignes de foi de l’identité du demandeur, sa demande doit être rejetée.

[57] Les principes qui précèdent sont essentiels à la prise de décisions à l’égard des demandes d’asile. Aucun de ces principes n’est controversé ou imprécis. Toutefois, dans une affaire comme celle du demandeur, il importe de les appliquer avec prudence. En effet, comme la SAR l’a reconnu et la jurisprudence l’a bien établi, la Somalie est un pays « où les documents d’identité posent souvent problème et sont parfois difficiles à obtenir ou carrément inaccessibles » (citant la décision Warsame c Canada, 2019 CF 118, au paragraphe 18 [Sadaq Warsame]). Comme la SAR l’a également souligné :

La Somalie n’a pas de gouvernement d’État fonctionnel depuis 1991, et une grande partie du territoire n’est ni administré ni gouverné par une administration centrale. Cela signifie que, depuis les 17 dernières années, il est impossible pour les habitants de la Somalie d’obtenir des documents officiels comme des cartes d’identité, des passeports ou divers certificats.

[58] Vraisemblablement, compte tenu des conditions qui prévalaient en Somalie, ni la SPR ni la SAR n’ont tiré de conclusion défavorable quant à la crédibilité du demandeur selon l’article 106 de la LIPR (bien que les deux aient conclu que sa crédibilité laissait à désirer pour d’autres raisons).

[59] En l’absence de documents officiels corroborant son allégation relative à sa nationalité somalienne, le demandeur a présenté à l’appui une preuve circonstancielle de son identité. La SAR a convenu avec la SPR que la preuve fournie par le demandeur ne permettait pas d’établir son identité. À mon avis, la SAR a rendu une décision déraisonnable, principalement parce qu’elle a examiné à tort certains éléments de preuve clés isolément les uns des autres et, par conséquent, elle n’a pas tenu compte de l’effet cumulatif de la preuve circonstancielle relative à d’identité. Comme l’a conclu le juge Manson dans la décision Sadaq Warsame, « [a]ucun élément de preuve ne devrait être rejeté du simple fait qu’il s’agit d’un élément unique de l’ensemble de la preuve fournie. Il n’est pas approprié d’examiner un élément de preuve isolément; il faut plutôt examiner l’ensemble des éléments de preuve en fonction de leur objet et de leur contexte » (au paragraphe 18). À mon avis, c’est exactement cette erreur que la SAR a commise dans son évaluation de la lettre de la Loyan Foundation et du témoignage de Mme Mohamed.

[60] Les lettres ou affidavits provenant d’agents d’intégration qui connaissent des nationalités particulières peuvent être, dans les cas qui le justifient, des facteurs permettant d’établir l’identité, même si la preuve d’identité ne peut reposer sur un seul de ces documents (voir Warsame c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 920, au paragraphe 48 (Warsami Warsame); voir aussi Hassan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 383, au paragraphe 33 (Abdi Hassan). Une telle preuve peut être particulièrement importante lorsque, comme dans le cas de la Somalie, il est de notoriété publique qu’il est pratiquement impossible d’obtenir des pièces officielles de l’État (voir Warsami Warsame, au paragraphe 50). De même, la preuve directe de la rencontre d’une personne dans le pays dont elle prétend être ressortissante est pertinente à l’égard de la question de l’identité nationale de cette personne, même si elle ne constitue pas une preuve déterminante de sa nationalité : voir Abdi Hassan, au paragraphe 24.

[61] En l’espèce, la SAR aurait pu raisonnablement conclure, pour diverses raisons, que la lettre de la Loyan Foundation avait peu de valeur probante sur la question de l’identité nationale du demandeur. Bien que la lettre indique que la fondation utilise les [traduction] « politiques et lignes directrices en matière de recommandation » du Conseil canadien pour les réfugiés pour vérifier l’identité des personnes qui n’ont pas de pièces d’identité principales, elle n’explique pas en quoi consistent ces politiques et ces lignes directrices. L’évaluation fondée sur une vérification communautaire utilisée pour évaluer le demandeur est décrite dans la lettre en termes très généraux seulement. Il n’y a pas d’information sur les questions particulières posées au demandeur ni sur la façon dont il y a répondu. Il n’y a pas d’information sur la formation ou l’expérience de la personne qui a effectué l’évaluation; cette personne est plutôt simplement décrite comme un [traduction] « conseiller professionnel en établissement somalien ». La lettre fait en grande partie état de simples conclusions et ne contient aucune explication de la façon dont le conseiller en établissement a déterminé que la nationalité somalienne du demandeur avait été [traduction] « suffisamment établie ».

[62] Toutefois, la SAR n’a pas conclu, pour l’une ou l’autre de ces raisons, que la lettre avait une faible valeur probante quant à la question de l’identité nationale du demandeur. Au contraire, elle a conclu que la lettre appuyait effectivement « de façon indépendante » l’allégation du demandeur au sujet de sa nationalité somalienne. Donc, d’après moi, la SAR était convaincue que la lettre avait au moins une certaine valeur probante sur la question de l’identité nationale du demandeur. C’était une conclusion raisonnable. La lettre énonce l’opinion des membres d’une communauté particulière, à savoir des ressortissants de la Somalie, quant à l’appartenance du demandeur à cette communauté et fournit quelques explications (quoique limitées) sur la façon dont ils en sont arrivés à cette conclusion. Il est raisonnable de penser que, même s’ils commettent parfois des erreurs, les membres formés d’une collectivité donnée seront en mesure de déterminer avec exactitude l’appartenance à leur collectivité, à certains moments au moins (et probablement avec plus d’exactitude qu’une personne qui n’est pas membre de cette collectivité).

[63] Or, la SAR a conclu que la lettre « n’était pas déterminante, car elle ne pouvait pas surmonter les problèmes de crédibilité soulevés par le témoignage de l’appelant, y compris son identité en matière de clan, les problèmes liés à l’authenticité et au contenu des autres documents à l’appui et l’insuffisance du fondement du témoignage de sa témoin [c.‑à‑d. Mme Mohamed] ».

[64] À mon avis, la SAR a commis une erreur susceptible de contrôle en examinant la lettre de la Loyan Foundation isolément plutôt qu’en fonction de son objet et de son contexte. De plus, elle a imposé un seuil erroné en demandant si la lettre était « déterminante » quant à la question de l’identité. Bien que la SAR ait le droit de déterminer le poids à accorder à la lettre, elle doit le faire de façon raisonnable. En soi, la capacité du demandeur de parler somalien et sa connaissance de la culture, de l’histoire et de la géographie somaliennes (comme le confirme la lettre de la Loyan Foundation) peuvent ne pas constituer une preuve déterminante de son identité en tant que ressortissant somalien (parce que les personnes d’autres nationalités peuvent aussi acquérir ces connaissances). De même, le témoignage de Mme Mohamed selon lequel elle avait rencontré le demandeur alors qu’il vivait en Somalie ne constitue peut‑être pas, en soi, une preuve déterminante de la nationalité somalienne du demandeur (parce que des étrangers peuvent aussi vivre en Somalie). Toutefois, ces deux éléments de preuve peuvent revêtir une importance accrue lorsqu’ils sont considérés ensemble. Le fait que le demandeur parle somalien, le fait qu’il connaît bien la Somalie et le fait qu’il y a déjà vécu, pris conjointement, pourraient avoir une plus grande valeur probante quant à la question de son identité que n’importe lequel de ces faits pris isolément. C’est la nature même de la preuve circonstancielle. La SAR n’a toutefois pas tenu compte de l’effet combiné de ces éléments de preuve, comme elle était tenue de le faire (voir Sadaq Warsame, au paragraphe 18; voir aussi Hassan, au paragraphe 33).

[65] À cet égard, il est important de souligner que la SAR ne semble pas avoir mis en doute la crédibilité de Mme Mohamed. Elle a plutôt conclu que son témoignage ne permettait pas d’établir l’identité du demandeur parce qu’elle n’était pas directement au fait de la nationalité du demandeur. Pour en arriver à cette conclusion, la SAR a encore une fois commis une erreur en examinant les éléments de preuve isolément. De plus, la SAR a également souligné ce qu’elle a estimé être des incohérences entre le témoignage de Mme Mohamed et celui du demandeur qui, bien qu’elles ne soient pas « déterminantes », appuyaient la conclusion relative à l’insuffisance de la preuve. À l’audition de la présente affaire, l’avocat du défendeur a admis à juste titre que les conclusions de la SAR à cet égard pourraient ne pas être défendables, même selon la norme de la décision raisonnable. À mon avis, ces conclusions de la SAR concernant les incohérences relevées dans la preuve ne sont pas transparentes, intelligibles ou justifiées.

[66] La SAR a également estimé que la conclusion de la Loyan Foundation concernant l’appartenance du demandeur au clan « n’[avait] pas beaucoup de poids compte tenu des connaissances très limitées de l’appelant au sujet de son clan ». Je conviens avec le demandeur que cette conclusion est déraisonnable.

[67] L’analyse de la SAR repose sur la prémisse implicite selon laquelle, si le demandeur était vraiment membre du clan Madhiban, il en saurait davantage sur ce clan. Toutefois, cette prémisse n’est pas raisonnablement étayée par les motifs de la SAR ni par quelque autre élément figurant au dossier. La déclaration générale de la SAR selon lequel l’appartenance à un clan est importante dans la société somalienne est peut‑être vraie, mais elle ne signifie pas que le demandeur en question aurait dû en savoir plus au sujet de son clan que ce qu’il a indiqué. La question que la SAR ne pose pas et à laquelle elle ne répond pas est la suivante : dans quelle mesure cette personne en particulier, compte tenu de sa situation particulière (c.‑à‑d. son âge, ses études, les circonstances dans lesquelles il a grandi, etc.) devrait‑elle raisonnablement connaître son clan? En l’absence de ce seuil de référence, il était déraisonnable pour la SAR de juger que le demandeur n’avait que des connaissances « très limitées » du clan Madhiban, puis en déduire que la conclusion de la Loyan Foundation quant à l’appartenance à son clan ne méritait pas beaucoup de poids et que la prétention du demandeur quant à l’appartenance à un clan n’était pas crédible.

[68] À cet égard, bien qu’il ne s’agisse pas d’un aspect particulièrement important, il convient de souligner que la SAR semble avoir mal compris le témoignage de l’ancien collègue de travail du demandeur, M. Gabay. La SAR souligne « que le témoignage [du] collègue au sujet de l’appartenance au clan de l’appelant est fondé sur [traduction] “ce que [sa] mère [lui avait] raconté”, sans aucune explication quant à la raison pour laquelle sa mère serait une source de renseignements fiable. » Cependant, ce n’est pas ce que M. Gabay a dit. Ce qu’il a dit, c’est que sa connaissance du clan Madhiban et de la façon dont ses membres sont traités en Somalie lui a été transmise par sa mère. Il n’a pas dit que sa mère lui avait parlé de l’appartenance du demandeur au clan.

[69] Enfin, la SAR a tiré des conclusions défavorables quant à l’authenticité de certains des documents présentés par le demandeur à l’appui de son allégation portant qu’il est de nationalité somalienne – c.‑à‑d. l’affidavit de M. Gabay et les lettres censées provenir de Mme Hassan et de la mère du demandeur. La SAR a également tiré une conclusion défavorable très ferme à l’égard de la crédibilité du demandeur. Le demandeur conteste ces conclusions qu’il estime déraisonnables, mais il n’est ni nécessaire ni opportun de trancher cette question. La principale erreur que j’ai déjà mentionnée justifie, à elle seule, le renvoi de l’affaire à la SAR. Lors de son réexamen, il incombera à la SAR de rendre ses propres conclusions, à la lumière de l’ensemble du dossier dont elle dispose, sur la valeur probante, le cas échéant, de ces documents et sur la crédibilité du demandeur.

VI. CONCLUSION

[70] Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la Section d’appel des réfugiés est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre décideur pour nouvelle décision.

[71] Les parties n’ont soulevé aucune question grave de portée générale à certifier au titre de l’alinéa 74d) de la LIPR. Je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM‑2477‑21

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. La décision rendue le 23 mars 2021 par la Section d’appel des réfugiés est annulée, et l’affaire est renvoyée à un autre décideur pour qu’il rende une nouvelle décision.

  3. Aucune question de portée générale n’est énoncée.

« John Norris »

Juge

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑2477‑21

 

INTITULÉ :

MAHER YUSUF ADAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 14 mars 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE NORRIS

 

DATE DES MOTIFS :

Le 7 octobre 2022

 

COMPARUTIONS :

Pantea Samei

 

Pour le demandeur

 

Pavel Filatov

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lewis & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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