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Date : 20040531

Dossier : T-1519-03

Référence : 2004 CF 793

ENTRE :

                                                     ROBERT CURTIS HORTON

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

[1]                Le caporal Robert Curtis Horton, de la Gendarmerie royale du Canada (la GRC), était l'unique membre du Service des chiens policiers (le SCP) à Victoria (Colombie-Britannique) pendant la période visée par son grief. Il sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue au deuxième niveau par un arbitre le 15 avril 2003.

LES FAITS


[2]                Le caporal Horton est membre de la GRC depuis plus de 23 ans. Il semble avoir agi à titre de maître-chien au sein du SCP depuis 1980. Il estimait être en astreinte en tout temps. En 1992, la GRC a mis à l'essai, pour une période de deux ans, un programme d'astreinte volontaire qui permettait d'indemniser les membres qui étaient en astreinte en dehors des heures régulières. D'une façon générale, le Bulletin AM-1885 prévoyait une heure de congé régulier pour chaque période de disponibilité de huit heures accumulée en dehors des heures régulières, jusqu'à un maximum de deux jours par mois. Le caporal Horton participait à ce programme.

[3]                Le Bulletin AM-1885 a été annulé par le bulletin AM-2104 le 30 août 1995. La nouvelle politique énoncée dans le Bulletin AM-2104 établissait une catégorie appelée [traduction] « Astreinte, niveau II » (AN-II); elle prévoyait que certains membres de la GRC devaient être indemnisés lorsqu'ils étaient en astreinte en dehors des heures régulières au moyen de congés, de paiements en espèces, ou d'une combinaison des deux. Les documents administratifs connexes indiquaient apparemment que les Services généraux seraient autorisés à être placés dans la catégorie AN-II. Or, aucune mention de ce genre n'était faite à l'égard du SCP.


[4]                Le caporal Horton affirme avoir initialement vu une copie du Bulletin AM-2104 le 6 octobre 1995 et avoir immédiatement rédigé une note de service dans laquelle il énonçait les raisons pour lesquelles, en sa qualité de maître-chien au sein du SCP, il devrait être admissible au placement dans la catégorie AN-II; il a demandé qu'on lui fasse savoir s'il y était admissible. Il a remis la note de service en mains propres à l'officier responsable, l'inspecteur Cheney. Il a affirmé que moins de 15 minutes pus tard, l'inspecteur Cheney l'a rencontré et l'a informé qu'il ne serait pas rémunéré lorsqu'il était en astreinte en dehors des heures régulières, et ce, en raison d'une pénurie de fonds. Toutefois, l'inspecteur Cheney ne s'opposait pas à ce qu'il continue à prendre les deux jours additionnels de congé chaque mois. Le caporal Horton a fait savoir qu'il n'avait pas droit aux jours de congé selon la nouvelle politique et qu'il noterait le nombre d'heures d'astreinte accumulé. Le caporal Horton a déclaré que l'inspecteur Cheney lui avait remis la note de service et qu'il était parti.

[5]                Le caporal Horton n'a rien fait d'autre, à part de comptabiliser son temps, jusqu'au 19 décembre 1997. Ce jour-là, il a soumis par écrit une demande formelle au nouvel officier responsable, l'inspecteur Betker, afin d'obtenir une indemnité d'astreinte. Selon les fiches de temps, le caporal Horton avait accumulé 7 439,5 heures d'astreinte en dehors de ses heures régulières de travail. Il a donc réclamé 929,9 heures du mois de septembre 1995 au 31 décembre 1997. L'inspecteur Betker a refusé la demande.


[6]                Le 14 janvier 1998, le caporal Horton a présenté un grief par suite de la décision de l'inspecteur Betker. Il alléguait que, du mois de septembre 1995 au mois de décembre 1997, il avait volontairement été disponible avec son chien pendant [traduction] « les heures creuses » pour les appels d'urgence. La GRC ainsi que d'autres services locaux de police avaient souvent recours à lui. Le caporal Horton a affirmé qu'au mois de novembre 1997, l'inspecteur Betker a demandé à la municipalité de Victoria de fournir une équipe cynophile pour l'aider, mais que lorsqu'il avait demandé une indemnité d'astreinte, on lui avait opposé un refus.

[7]                En réponse, l'inspecteur Betker a déclaré que le SCP ne satisfaisait pas aux critères énoncés dans la politique. Ni le détachement ni le SCP n'étaient autorisés par la Division à se prévaloir de l'AN-II. En consultant son prédécesseur, l'inspecteur Cheney, l'inspecteur Betker a appris que ce dernier n'avait jamais autorisé que l'on ait recours à l'AN-II dans le cas du caporal Horton et que Horton n'avait jamais demandé à être rémunéré à l'égard de l'AN-II. L'inspecteur Betker a maintenu que, compte tenu du budget, il n'était pas justifiable d'avoir recours à l'AN-II dans le cas du caporal Horton et que l'on ne disposait pas des fonds nécessaires.

[8]                Le grief du 14 janvier 1998 a été déposé conformément à l'article 31 de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R-10 (la Loi). Le 27 novembre 2000, un Comité consultatif sur les griefs (le CCG) a recommandé le rejet du grief. Le comité, composé de trois membres, a conclu que même si la question n'avait pas été réglée au mois d'octobre 1995, lorsque le caporal Horton avait rencontré l'officier responsable, il était clair à ses yeux qu'il n'était pas autorisé à se prévaloir de l'AN-II. Le caporal Horton aurait dû avancer sa position auprès du commandant divisionnaire par l'entremise de son superviseur au sein du SCP pour obtenir des directives. Compte tenu de la preuve, le CCG a conclu que rien n'indiquait que le caporal Horton [traduction] « avait obtenu l'autorisation appropriée pour se placer dans la catégorie AN-II, si ce n'est qu'il s'y [était] placé de son propre chef » . Le CCG a recommandé le rejet du grief.


[9]                Le 26 juin 2001, le caporal Horton a demandé un autre examen. Il a allégué que le CCG avait omis d'aborder et d'examiner de la façon appropriée un certain nombre de questions et de les prendre en considération, lorsqu'il avait recommandé le rejet du grief. L'arbitre au premier niveau a défini son mandat comme consistant à déterminer si [traduction] « a) les politiques et procédures de la Gendarmerie avaient été suivies; b) si tous les renseignements pertinents applicables avaient été pris en considération; et c) si le membre avait été traité d'une façon équitable » . Elle a conclu que la politique relative à l'AN-II ne comprenait pas le SCP du Détachement des collectivités de l'Ouest. L'arbitre au premier niveau a souscrit aux recommandations du CCG; elle a conclu que l'inspecteur Betker avait interprété la politique correctement, et elle a déclaré s'être acquittée des trois aspects de son mandat. Elle a rejeté le grief le 23 janvier 2002.

[10]            Le 19 février 2002, le caporal Horton a demandé l'examen par un arbitre au deuxième niveau; il alléguait, entre autres choses, que les autorités locales pouvaient le placer en astreinte même si le service n'était pas désigné dans l'appendice. L'arbitre au deuxième niveau a abordé la question sous l'angle du [traduction] « délai de présentation du grief » . Il a d'abord examiné la question de la qualité pour agir; il s'est assuré que le caporal Horton avait la qualité requise pour présenter un grief. Il s'est ensuite arrêté à l'alinéa 31(2)a) de la Loi qui est ainsi libellé :

Un grief visé à la présente partie doit être présenté :


a) au premier niveau de la procédure applicable aux griefs, dans les trente jours suivant celui où le membre qui a subi un préjudice a connu ou aurait normalement dû connaître la décision, l'acte ou l'omission donnant lieu au grief; [...]

[11]            L'arbitre au deuxième niveau s'est ensuite posé la question suivante : [traduction] « À quel moment le caporal Horton s'est-il initialement rendu compte, ou aurait dû se rendre compte, que la demande qu'il avait faite en vue d'être rémunéré pour ses heures d'astreinte serait refusée? » L'arbitre a indiqué qu'en ce qui concerne le rejet de la demande par l'inspecteur Betker, le 19 décembre 1997, le délai de prescription aurait été respecté. Toutefois, en se fondant sur un examen de la documentation et en particulier sur les déclarations du caporal Horton, l'arbitre au deuxième niveau a conclu que le caporal Horton aurait dû savoir, lorsqu'il a rencontré l'inspecteur Cheney pour discuter de l'affidavit le 6 octobre 1995, qu'il ne serait pas fait droit à une demande relative aux heures d'astreinte.

[12]            L'arbitre a conclu que, lors de cette rencontre, le caporal Horton [traduction] « s'était fait dire, en des termes fort clairs, qu'il ne serait pas rémunéré pour les heures d'astreinte [...] [et qu'] il considérait sans aucun doute l'inspecteur Cheney comme la personne possédant le pouvoir délégué nécessaire pour autoriser l'astreinte » . L'arbitre au deuxième niveau a conclu que la réponse de l'inspecteur Betker, au mois de décembre 1997, n'aurait pas dû surprendre le caporal Horton étant donné [traduction] qu' « on lui avait déjà dit plus de deux ans plus tôt qu'il ne serait pas rémunéré » . Le grief au deuxième niveau a été rejeté pour le motif qu'il avait été [traduction] « présenté en dehors du délai prévu par la Loi sur la GRC » .


POINTS LITIGIEUX

[13]            Le caporal Horton soulève trois questions :

a)         Quelle est la norme de contrôle pertinente?

b)          L'arbitre au deuxième niveau a-t-il commis une erreur de droit en décidant que le grief était prescrit?

c)          La GRC a-t-elle omis d'observer un principe de justice naturelle en retardant la procédure applicable aux griefs?

LA NORME DE CONTRÔLE

[14]            Le Caporal Horton affirme que la norme de contrôle applicable dans le cas où la décision est fondée sur un délai de prescription prévu par la loi est différente de celle qui s'applique au grief lui-même. La norme de contrôle devrait être celle de la décision correcte parce que l'arbitre au deuxième niveau n'est pas dans une meilleure position que la cour pour trancher les questions de prescription. Il soutient que l'arbitre au deuxième niveau n'a pas interprété la politique ou n'a pas rendu une décision au fond et qu'une interprétation erronée pourrait créer un précédent dans l'avenir.


[15]            Le défendeur rétorque que, selon une analyse pragmatique et fonctionnelle, la norme de la décision raisonnable devrait s'appliquer. Selon lui, il faut faire preuve d'une certaine retenue en vertu du paragraphe 32(1) de la Loi. Selon le défendeur, la nature de la question est importante lorsqu'il s'agit de déterminer l'expertise relative. La question de savoir [traduction] « à quel moment le caporal Horton s'est initialement rendu compte, ou aurait dû se rendre compte, que la demande qu'il avait faite en vue d'être rémunéré pour ses heures d'astreinte serait refusée » est une question de fait. Le défendeur, qui se fonde sur l'arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, dit que la Cour devrait hésiter à réexaminer cette conclusion. Il maintient que l'objet de la Loi est polycentrique, mais que la disposition particulière en question ne l'est pas et qu'il s'agit donc d'un facteur neutre. La nature du problème indique qu'il faut faire preuve d'un degré élevé de retenue.

[16]            À mon avis, l'arbitre au deuxième niveau devait déterminer, sur le plan juridique, si le grief avait été déposé dans le délai imparti. En rendant cette décision, il devait d'abord déterminer, en tant que question de fait, à quel moment le caporal Horton a connu ou aurait normalement dû connaître la décision, l'acte ou l'omission donnant lieu au grief : alinéa 31(2)a) de la Loi. La détermination de la première question suit inévitablement la détermination de la deuxième question. Or, une analyse pragmatique et fonctionnelle relative à la deuxième question étaye la position du défendeur selon laquelle, eu égard aux circonstances, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable.

[17]            Le premier facteur, à savoir le mécanisme d'examen prévu par la loi, milite en faveur d'une certaine retenue parce que la décision est définitive et exécutoire et, qu'à l'exception d'un contrôle judiciaire demandé en vertu de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, dans sa forme modifiée, cette décision n'est pas susceptible d'appel ou de révision en justice : Millard c. Canada (Procureur général) (2000), 253 N.R. 187 (C.A.F.).


[18]            Le deuxième facteur se rapporte à l'expertise. Il peut ici être présumé que le décideur possède un certain degré d'expertise à l'égard de la procédure applicable aux griefs. Mais ce qui est encore plus important et qui vient s'ajouter à la nature de la question, l'arbitre au deuxième niveau est chargé de déterminer le fondement factuel sur lequel repose la décision finale. Ce facteur milite également en faveur de la retenue.

[19]            Le troisième facteur, l'objet de la législation et en particulier de la disposition en cause, indique une moins grande retenue. L'objet des dispositions de la Loi relatives aux griefs est de régler les différends ou les questions touchant les conditions de travail des membres de la GRC. La question se rapporte ici aux droits individuels du membre et on ne peut pas dire qu'elle est de nature polycentrique.

[20]            Le dernier facteur se rapporte à la nature du problème. Comme il en a déjà été fait mention, il s'agit d'une question de fait, à savoir à quel moment le caporal Horton a connu ou aurait normalement dû connaître la décision, l'acte ou l'omission. Si je me trompe sur ce point, il s'agit tout au plus d'une question mixte de fait et de droit qui est davantage axée sur les faits. D'une façon ou de l'autre, ce facteur milite en faveur de la retenue.

[21]            Si je soupèse ces facteurs, je suis convaincue que la norme de contrôle pertinente est celle de la décision raisonnable.


APPLICATION DE LA NORME DE CONTRÔLE DE LA DÉCISION RAISONNABLE

[22]            Le caporal Horton affirme que l'alinéa 31(2)a) de la Loi incorpore la règle de la « possibilité de découverte » , dont le but est d'atténuer la rigueur de l'application stricte des délais de prescription. Il déclare que l'arbitre au deuxième niveau a utilisé la disposition en question pour abréger le délai de prescription applicable, ce qui pourrait mener à des résultats absurdes. Ainsi, le membre qui prévoit être congédié plus de 30 jours avant de l'être réellement ne peut pas présenter de grief à la suite de son congédiement. Selon le caporal Horton, l'arbitre a confondu le bien-fondé du grief et le délai de prescription et le grief n'aurait pas dû être rejeté sans qu'il soit tenu compte des arguments.

[23]            Le défendeur maintient que le principe de la possibilité de découverte n'a pas été violé, et ce, pour trois raisons. Premièrement, le caporal Horton n'était pas atteint d'une incapacité ou n'était pas dans l'ignorance au sujet de la décision. Deuxièmement, le caporal Horton a reçu une décision en 1995, mais il n'en a pas tenu compte. Troisièmement, le caporal Horton a découvert, en 1995, qu'il ne serait pas rémunéré pour les heures d'astreinte.


[24]            Le principe de la possibilité de découverte a été élaboré dans le contexte du droit de la responsabilité délictuelle et a été établi par la loi dans la plupart des ressorts canadiens à l'égard des délais de prescription. Normalement, il s'applique aux victimes de délits qui sont atteintes d'une incapacité (sur le plan juridique ou personnel) pendant une partie du délai de prescription, ou qui subissent un préjudice qui n'est pas immédiatement apparent au moment où le délit est commis : K.E.G. c. G.R. (1992), 64 B.C.L.R. (2d) 275 (C.S.). L'effet de ce principe peut s'étendre à un délai de prescription, mais son objet est d'éviter qu'une personne, qui n'était pas au courant ou qui n'aurait pas pu être au courant du préjudice subi, soit privée d'une cause d'action. Autrement dit, il vise à atténuer l'effet des délais de prescription rigoureux dans le cas d'une personne qui aurait par ailleurs une cause d'action légitime.

[25]            Le principe de la possibilité de découverte a été incorporé dans la Loi sur la GRC dans le contexte du droit administratif. Je note la préoccupation exprimée par le caporal Horton lorsqu'il dit que l'application du principe par l'arbitre au deuxième niveau pourrait avoir pour effet d'abréger les délais de prescription, mais à mon avis, cette préoccupation ne résiste pas à l'analyse. Le fait qu'une décision est prévue n'influe pas sur le moment où il y a réellement prise de décision. L'arbitre au deuxième niveau n'a pas conclu que le caporal Horton prévoyait qu'une décision défavorable serait rendue au mois d'octobre 1995. Il a plutôt conclu que le caporal Horton était en fait au courant de la décision défavorable antérieure, de sorte que la deuxième décision [traduction] « n'aurait pas dû le prendre par surprise » . Dans la présente demande, il s'agit de savoir si cette décision était raisonnable.

[26]            Dans l'arrêt Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, le juge Iacobucci, au nom de la Cour, a dit ce qui suit, aux paragraphes 46, 47 et 55 :

[46] Le niveau de déférence requis dans le contrôle judiciaire d'une mesure administrative selon la norme de la décision raisonnable fait appel à l'autodiscipline. Une cour sera souvent obligée d'accepter qu'une décision est raisonnable même s'il est peu probable qu'elle aurait fait le même raisonnement ou tiré la même conclusion que le tribunal. [...]


[47] [...] La norme de la décision raisonnable consiste essentiellement à se demander « si, après un examen assez poussé, les motifs donnés, pris dans leur ensemble, étayent la décision » . [...] ... La déférence requise découle de la question puisqu'elle impose à la cour de révision de déterminer si la décision est généralement étayée par le raisonnement du tribunal ou de l'instance décisionnelle, plutôt que de l'inviter à refaire sa propre analyse. [...]

[55] La décision n'est déraisonnable que si aucun mode d'analyse, dans les motifs avancés, ne pouvait raisonnablement amener le tribunal, au vu de la preuve, à conclure comme il l'a fait. Si l'un quelconque des motifs pouvant étayer la décision est capable de résister à un examen assez poussé, alors la décision n'est pas déraisonnable et la cour de révision ne doit pas intervenir. Cela signifie qu'une décision peut satisfaire à la norme du raisonnable si elle est fondée sur une explication défendable, même si elle n'est pas convaincante aux yeux de la cour de révision.

[27]            Un examen un peu plus poussé des documents dont disposait l'arbitre au deuxième niveau m'amène à conclure qu'il était loisible à l'arbitre de conclure que le caporal Horton [traduction] « aurait dû savoir qu'il ne serait pas fait droit à une demande relative aux heures d'astreinte lorsqu'il a rencontré l'inspecteur Cheney le 6 octobre 1995 pour discuter de la question » . Le dossier révèle un certain nombre de déclarations du caporal Horton qui pouvaient avec raison amener l'arbitre à tirer cette conclusion. Plus précisément, je note ce qui suit dans les arguments du caporal Horton :

[traduction]

-          Lorsque j'ai initialement vu une copie du Bulletin AM-2104, le 6 octobre 1995, j'ai immédiatement rédigé une note de service à l'intention de l'officier responsable, l'inspecteur P.N. Cheney, Détachement des collectivités de l'Ouest, et je lui ai remis cette note en mains propres dans son bureau au cours de l'après-midi, ce jour-là.

-          L'inspecteur Cheney a déclaré croire que la Division ne serait pas prête à me rémunérer étant donné la pénurie de fonds.

-          Le 6 octobre 1995, il est devenu évident ce jour-là qu'il [l'inspecteur Cheney] n'était pas prêt à m'appuyer en transmettant ma note de service originale par les voies appropriées, conformément à la directive prévue dans le Bulletin AM-2104.


-          Le fait que l'inspecteur Cheney ne m'appuyait pas dans les efforts que je faisais pour obtenir une indemnité équitable et juste, mais qu'il affirmait simplement que la Division ne disposait pas de suffisamment de fonds et qu'elle ne m'indemniserait pas financièrement était plutôt démoralisant.

-          À coup sûr, il [l'inspecteur Cheney] possédait le pouvoir délégué voulu pour autoriser l'astreinte - niveau II.

-          [En soumettant son grief à l'arbitre au premier niveau, le caporal Horton a noté] que l'inspecteur P.N. Cheney, officier responsable, DCO, n'avait pas autorisé [s]on placement dans la catégorie Astreinte - niveau II, même s'il était clairement autorisé à le faire [...]

-          À un moment donné, lorsqu'il a refusé de transmettre la demande formelle que j'avais faite à l'égard de l'astreinte niveau II, l'inspecteur Cheney a offert de me dédommager pour les heures d'astreinte au moyen de congés, mais lorsque j'ai insisté pour qu'il consigne la chose par écrit, il a refusé.

-          [Dans les arguments présentés à l'arbitre au deuxième niveau] Il n'est pas nécessaire d'obtenir l'autorisation par la voie hiérarchique pour la « disponibilité volontaire » . Si, dans le cadre des délibérations, on ne souscrit pas à cette position, j'estime avoir adéquatement établi que l'autorisation avait été donnée et qu'elle continue à s'appliquer même si les deux officiers responsables ont opposé leur refus.

[28]            Si j'applique la règle de l'autodiscipline exigée par l'arrêt Ryan, précité, je ne puis conclure qu'il n'était pas raisonnablement loisible à l'arbitre au deuxième niveau de rendre la décision à laquelle il est arrivé - à savoir que le caporal Horton savait au mois d'octobre 1995 qu'il ne serait pas indemnisé pour l'astreinte - niveau II. Par conséquent, après avoir tiré sa conclusion, l'arbitre a correctement décidé que le délai de prescription prévu à l'alinéa 32(2)a) de la Loi avait commencé à courir au mois d'octobre 1995 et que le grief du caporal Horton avait été [traduction] « présenté en dehors du délai prévu par la Loi sur la GRC » .


RETARD ET JUSTICE NATURELLE

[29]            La seule demande que le caporal Horton fait à ce sujet est qu'en plus d'annuler la décision, il soit ordonné que l'affaire soit tranchée au fond en temps opportun. Étant donné que le caporal Horton n'a pas réussi à faire annuler la décision rendue par l'arbitre au deuxième niveau, je n'ai pas à examiner cet argument. Il est préférable de remettre la détermination de la question du temps que prend la GRC pour examiner un grief à un moment où elle pourra avoir une incidence sur le résultat.

[30]            La demande de contrôle judiciaire sera rejetée et une ordonnance sera rendue en ce sens. Le défendeur n'a pas demandé les dépens et aucuns dépens ne sont adjugés.

   « Carolyn A. Layden-Stevenson »

                                                                                                     Juge                            

Ottawa (Ontario)

Le 31 mai 2004

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                    T-1519-03

INTITULÉ :                                                   ROBERT CURTIS HORTON

c.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                             CALGARY (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 19 MAI 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DES MOTIFS :                                  LE 31 MAI 2004

COMPARUTIONS :

D. Robb Beeman POUR LE DEMANDEUR

Barry Benkendorf POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

D. Robb Beeman POUR LE DEMANDEUR

Calgary (Alberta)

Morris RosenbergPOUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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