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Date : 20221017


Dossier : IMM-5982-21

Référence : 2022 CF 1411

Ottawa (Ontario), le 17 octobre 2022

En présence de monsieur le juge McHaffie

ENTRE :

YADWINDERJEET SINGH SAHI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Il s’agit d’un appel d’une décision de la Section d’appel des réfugiés (SAR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. La SAR a conclu que Yadwinderjeet Singh Sahi, un citoyen de l’Inde, a une possibilité de refuge interne (PRI) à New Delhi et qu’il n’a donc pas la qualité ni de réfugié au sens de la Convention sur les réfugiés ni de personne à protéger, selon les articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 [LIPR], respectivement.

[2] M. Sahi prétend que la conclusion de la SAR qu’il ne risquait pas sérieusement d’être persécuté advenant une relocalisation à New Delhi est déraisonnable. Il maintient en particulier que la SAR a erré dans son analyse de la preuve au dossier reliée aux prétendus agents de persécution et leur accès au système de vérification des locataires comme moyen de le retrouver à New Delhi. Appliquant la norme de contrôle de la décision raisonnable, je conclus que la décision était raisonnable. La SAR a conclu que, malgré sa conviction, M. Sahi ne faisait que spéculer lorsqu’il affirmait que les auteurs des appels anonymes menaçants qu’il a reçus étaient des politiciens influents. Il était loisible à la SAR de tirer cette conclusion et les arguments de M. Sahi font essentiellement demande à cette Cour d’évaluer les éléments de preuve différemment. Or, ceci n’est pas le rôle de la Cour en contrôle judiciaire.

[3] La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

II. Question en litige et norme de contrôle

[4] M. Sahi soulève une seule question dans le cadre de cette demande :

Est-ce que la SAR a erré en déterminant que M. Sahi ne risquait pas sérieusement d’être persécuté advenant une relocalisation à New Delhi?

[5] Les parties sont d’accord que la norme de contrôle applicable aux conclusions de la SAR sur l’existence d’une PRI est celle de la décision raisonnable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 16–17, 23–25; Adeniji-Adele c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 418 au para 11; Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 807 aux para 16–17.

[6] Lorsqu’elle effectue un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la Cour doit centrer son attention sur la décision qu’a rendue le décideur et déterminer si la décision possède les qualités nécessaires de justification, de transparence et d’intelligibilité : Vavilov aux para 83–85, 99. Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles : Vavilov aux para 85, 99–107. La Cour doit se méfier d’apprécier à nouveau la preuve soumise à un décideur et de modifier les conclusions de fait à moins de circonstances exceptionnelles : Vavilov au para 125. Cela dit, le caractère raisonnable d’une décision peut être compromis si le décideur s’est fondamentalement mépris sur la preuve ou n’en a pas tenu compte : Vavilov au para 126.

III. Analyse

A. La décision de la SAR

[7] La demande d’asile de M. Sahi est fondée sur ses activités dans la région du Pendjab. Un prédicateur depuis 1999, M. Sahi a établi en 2014 une organisation laïque qui venait en aide aux personnes en besoin sans tenir compte de leur religion. À mesure qu’il devenait plus connu, il recevait des invitations à participer et à parler à des évènements interconfessionnels. Cette popularité n’a pas plu à certains fondamentalistes sikhs. Entre 2015 et 2018, M. Sahi a reçu plusieurs appels anonymes et menaçants des gens qui désapprouvaient de son travail interconfessionnel, qui l’accusaient de ne pas être un vrai sikh et qui lui disaient de cesser ses activités. Même si les appels étaient anonymes, M. Sahi soupçonne qu’ils avaient été faits par des politiciens influents qu’il avait rencontrés lors de ses activités. M. Sahi a quitté l’Inde en 2018 parce qu’il craignait ces gens. Ses craintes étaient exacerbées par les exemples d’autres prédicateurs qui ont été assassinés et le refus de la police de lui offrir de la protection.

[8] La SAR, à l’instar de la Section de la protection des réfugiés (SPR), a conclu que M. Sahi avait une PRI à New Delhi. Il existe une PRI dans une autre partie du pays d’origine d’un demandeur si, à la fois (1) le demandeur ne serait pas exposé à la persécution ou à un danger ou un risque au titre de l’article 97 de la LIPR dans la PRI proposée; et (2) en toutes les circonstances, les conditions dans la PRI sont telles qu’il ne serait pas déraisonnable pour le demandeur d’y chercher refuge : Limones Munoz c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CF 1051 au para 41, citant Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 589 (CA) aux pp 597–598 et Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 CF 706 (CA).

[9] Quant au premier volet de l’analyse, la SAR a déterminé que les agents de persécution étaient probablement des sikhs conservateurs qui trouvaient M. Sahi déloyal à la religion sikhe. Ceci dit, elle a conclu qu’étant donné le caractère anonyme des appels, la croyance de M. Sahi que les agents étaient des politiciens influents n’était que de la spéculation. La SAR a noté que M. Sahi habitait près de New Delhi entre 2016 et 2018, et qu’il n’avait pas été approché par les agents de persécution pendant cette période, même s’il avait continué à recevoir des appels menaçants. La SAR a approuvé la conclusion de la SPR que M. Sahi ne se retrouve probablement pas dans les bases de données de la police comme personne d’intérêt. La SAR a donc conclu que même si les sikhs conservateurs avaient la motivation de le poursuivre à New Delhi, ils n’auraient pas la capacité de le retrouver, et que M. Sahi ne sera pas à risque dans cette ville.

[10] Quant au deuxième volet de l’analyse, la SAR a souligné la conclusion de la SPR que M. Sahi pouvait raisonnablement s’installer à New Delhi, et elle a noté que M. Sahi n’a pas contesté cette conclusion devant la SAR.

B. La décision est raisonnable

[11] M. Sahi argumente que la SAR a erré dans son analyse de la preuve, surtout en lien avec la question de la capacité des agents de persécution de le retrouver à New Delhi. Il se réfère à des éléments de preuve reliés à l’assassinat d’un autre prédicateur religieux, au fait qu’il y a un système de vérification de locateur en place à New Delhi, ainsi qu’à son témoignage au sujet des politiciens.

[12] Je suis d’accord avec les prétentions du Ministre que M. Sahi n’a pas établi que la décision de la SAR est déraisonnable. Comme l’a confirmé la Cour suprême dans l’arrêt Vavilov, la Cour en contrôle judiciaire doit s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve prise en compte par le décideur : Vavilov au para 125. Ayant considéré la preuve devant la SAR et son analyse, je trouve que ses conclusions sont étayées par le dossier et que sa décision possède les caractéristiques de justification, de transparence et d’intelligibilité. Il était loisible à la SAR de conclure que la preuve n’établit pas l’allégation de M. Sahi selon laquelle les auteurs des appels menaçants étaient des politiciens influents. Contrairement aux arguments de M. Sahi, cela ne signifie pas que la SAR a exigé de manière déraisonnable qu’il identifie le ou les auteur(s) des appels anonymes. Il est simplement une conclusion que l’allégation n’a pas été prouvée par la prépondérance des probabilités. Cette conclusion était raisonnable.

[13] De même, la SAR a considéré l’existence des bases de données de l’état, mais elle a conclu que les agents de persécution n’étaient pas en mesure d’utiliser ces bases de données pour le retrouver. M. Sahi ne s’est pas acquitté de la charge de démontrer qu’il s’agit d’une conclusion déraisonnable en vue des éléments de preuve.

[14] Malgré les prétentions de M. Sahi, je conclus donc que la décision était raisonnable.

IV. Conclusion

[15] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les parties n’ont pas soulevé de question à certifier. Je suis d’accord qu’aucune ne se pose en l’espèce.


JUGEMENT dans le dossier IMM-5982-21

LA COUR STATUE que

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Nicholas McHaffie »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5982-21

INTITULÉ :

YADWINDERJEET SINGH SAHI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 6 JUIN 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS:

LE JUGE MCHAFFIE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 17 Octobre 2022

 

COMPARUTIONS :

Sohona Sara Siddiky

 

Pour LE DEMANDEUR

 

Margarita Tzavelakos

 

Pour LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sohona Sara Siddiky

Montréal (Québec)

 

Pour lE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour lE DÉFENDEUR

 

 

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