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Date : 20220419


Dossier : IMM-3621-21

Référence : 2022 CF 558

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 19 avril 2022

En présence de madame la juge Furlanetto

ENTRE :

ANITA AHMADNEJAD

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La demanderesse, Mme Anita Ahmadnejad, sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle un agent des visas [l’agent] a rejeté sa demande de permis d’études au motif qu’elle ne répondait pas aux critères du paragraphe 216(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227. L’agent n’était pas convaincu que la demanderesse quitterait le Canada à la fin de son séjour compte tenu du but de sa visite.

[2] Pour les motifs qui suivent, je conclus que la décision était raisonnable et que la demande doit être rejetée.

I. Contexte

[3] La demanderesse est une ressortissante iranienne. En février 2021, elle a présenté une demande de permis d’études pour poursuivre et terminer sa dernière année d’études secondaires au Canada. Elle s’est vu offrir une place au pensionnat Convoy International Secondary Academy pour la période d’avril 2021 à avril 2022. Sa mère a prépayé les droits de scolarité et l’équivalent de cinq mois de logement et de repas. La demanderesse a indiqué qu’elle voulait terminer sa 12e année au Canada pour renforcer la demande d’admission qu’elle comptait présenter auprès d’une université canadienne l’année suivante. Une cousine de la mère de la demanderesse, qui est une infirmière autorisée au Canada, a accepté de se porter responsable de la demanderesse pendant son séjour au Canada.

[4] Le 1er avril 2021, la demande de permis d’études de la demanderesse a été rejetée. L’agent a indiqué qu’il n’était pas convaincu que la demanderesse quitterait le Canada à la fin de son séjour compte tenu du but de sa visite. Selon les notes consignées dans le Système mondial de gestion des cas [le SMGC], les motifs de la décision de l’agent étaient les suivants :

[traduction]
J’ai tenu compte des facteurs positifs présentés par la demanderesse, y compris les déclarations et les autres éléments de preuve. Cependant, j’ai accordé moins de poids aux facteurs positifs pour les motifs suivants : le plan d’études de la demanderesse semble vague et mal documenté. Le choix du programme d’études moyennant un tel coût semble illogique et redondant à la lumière du parcours scolaire déclaré par la demanderesse principale. Dans l’ensemble, la demanderesse principale n’a pas réussi à me convaincre que le programme d’études est raisonnable étant donné le coût élevé des études internationales au Canada par rapport aux éventuels avantages professionnels, aux autres possibilités d’études similaires accessibles localement et à sa situation personnelle. Au vu du plan d’études de la demanderesse, la famille de celle-ci ne semble pas suffisamment bien établie pour que les études proposées constituent une dépense raisonnable. La demande est rejetée.

II. Questions en litige et norme de contrôle

[5] Je conviens avec les parties que la norme de contrôle applicable à la décision de l’agent est celle de la décision raisonnable : Musadiq c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 316 [Musadiq] au para 10; Nimely c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 282 [Nimely] au para 5. Aucune des situations qui réfuteraient la présomption selon laquelle les décisions administratives sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable ne s’applique : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] aux para 9-10.

[6] La demanderesse affirme que l’agent a rejeté sa demande de permis d’études pour deux raisons : le but de sa visite et ses moyens financiers. Le défendeur soutient que la lettre de refus donne une seule raison pour le rejet de la demande, soit que l’agent n’était pas convaincu que la demanderesse quitterait le Canada à la fin de son séjour compte tenu du but de sa visite. Il affirme que l’agent a jugé que le coût des études au Canada était injustifié compte tenu du but de la visite. Les moyens financiers ne constituaient pas un motif de rejet en soi. Je suis d’accord avec le défendeur.

[7] Il ressort clairement de la lettre de refus et des notes du SMGC que l’agent a fondé sa décision sur son évaluation du but de la visite. Je suis donc d’avis que l’unique question en litige est celle de savoir si l’évaluation du but de la visite effectuée par l’agent était raisonnable.

[8] Pour évaluer cette question, la Cour doit comprendre le raisonnement qui a mené à la décision et déterminer si la décision est « fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle » qui est « justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » : Vavilov, aux para 85-86; Société canadienne des postes c Syndicat des travailleuses et travailleurs des postes, 2019 CSC 67 aux para 2, 31.

[9] En l’espèce, la Cour doit partir du principe que la décision d’un agent des visas concernant un permis d’études commande une retenue considérable : Musadiq, au para 38; Nimely, au para 7. Les agents des visas ne sont pas tenus de fournir des motifs exhaustifs compte tenu du volume élevé de demandes qu’ils doivent traiter : Nimely, au para 7. Cependant, les motifs doivent tout de même être adaptés aux observations et aux éléments de preuve présentés au décideur : Patel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 77 aux para 15 et 17.

[10] La décision est raisonnable si, lorsqu’elle est lue dans son ensemble et que le contexte administratif est pris en compte, elle possède les caractéristiques de la justification, de la transparence et de l’intelligibilité : Vavilov, aux para 91-95, 99-100.

III. Analyse

[11] La demanderesse soutient que l’agent a eu tort de conclure que le plan d’études était [traduction] « vague et mal documenté » et « illogique et redondant ». Elle affirme que les raisons pour lesquelles elle voulait étudier au Canada étaient décrites dans le plan d’études et que l’agent n’a pas tenu compte de cet élément de preuve.

[12] Le plan d’études de la demanderesse indique que son [traduction] « objectif est de terminer sa 12e année au Canada, l’un des pays les plus progressistes du monde, afin d’ajouter de la valeur à sa formation scolaire en étudiant dans l’un des meilleurs milieux d’enseignement. » La demanderesse mentionne qu’elle [traduction] « estime que de terminer son programme d’études secondaires au Canada sera la clé pour renforcer la demande d’admission qu’elle compte présenter l’année prochaine dans l’une des plus grandes universités canadiennes ».

[13] Le plan d’études ne fournit aucune information concernant le programme et les cours que la demanderesse choisirait et en quoi ils se distinguent, le cas échéant, de son programme de 12e année actuel. Il ne donne pas non plus d’information sur les critères que doivent remplir les étudiants internationaux pour être admis dans une université canadienne.

[14] Dans sa plaidoirie, la demanderesse a affirmé qu’il était impossible d’obtenir des renseignements auprès des universités sur les critères d’admission ou d’évaluation. Elle soutient qu’il est logique et évident d’estimer que le fait d’étudier au Canada améliorerait ses chances d’être admise dans une université canadienne. Toutefois, je ne suis pas d’avis que l’agent était tenu de faire de telles suppositions.

[15] Il incombe au demandeur d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il quittera le Canada à la fin du séjour autorisé : Nimely, au para 13. Il a aussi le fardeau de démontrer le bien-fondé de son plan d’études : Charara c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1176 au para 36. En l’espèce, la demanderesse cherche à terminer l’année d’études qu’elle a entamée dans une école secondaire de premier plan à Téhéran. L’agent pouvait raisonnablement s’attendre à trouver plus de renseignements dans le plan d’études qui démontrent que les études au Canada seraient nécessaires ou bénéfiques pour la demanderesse; surtout qu’elle fréquente déjà une école secondaire à Téhéran offrant un programme d’études internationales intégré, que son niveau de maîtrise de l’anglais est avancé et qu’elle a d’excellents résultats scolaires dans son programme actuel.

[16] De plus, comme la demanderesse cherche à continuer et, ultimement, à refaire la même année d’études, et qu’elle n’a déposé aucun élément de preuve démontrant que les cours ou le programme d’études seraient sensiblement différents ou plus avancés, il était aussi loisible à l’agent de conclure que le programme choisi semblait [traduction] « illogique et redondant » à la lumière du parcours scolaire de la demanderesse.

[17] La demanderesse soutient que l’agent n’a pas expliqué quelles étaient les autres possibilités d’études accessibles localement lorsqu’il a conclu qu’elle n’avait pas réussi à établir que le programme d’études était raisonnable compte tenu [traduction] « du coût élevé des études internationales au Canada par rapport aux éventuels avantages professionnels, aux autres possibilités d’études similaires accessibles localement et à sa situation personnelle ». Elle invoque la décision Yuzer c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 781 [Yuzer] à l’appui de sa position.

[18] Par contre, en l’espèce, il ressort clairement du dossier que la demanderesse était déjà inscrite à une école secondaire locale offrant un programme d’études internationales, qu’elle a décrite comme étant une école secondaire de premier plan dont le [traduction] « niveau d’excellence est inégalé », ce qui n’était pas le cas dans l’affaire Yuzer. De plus, la demanderesse ne cherchait pas à étudier au Canada parce que les programmes d’études ou d’anglais accessibles localement étaient inadéquats. Elle avait déjà atteint un niveau d’anglais avancé grâce à ses études.

[19] La demanderesse conteste également la déclaration de l’agent selon laquelle sa famille ne semblait pas être [traduction] « suffisamment bien établie » pour que les études proposées constituent une dépense raisonnable.

[20] Je conviens avec la demanderesse que lorsque l’existence de moyens financiers permettant de couvrir les coûts des études internationales a été établie, le choix de dépenser des sommes supérieures doit demeurer celui du demandeur : Motala c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 726 au para 17. Cependant, à mon avis, la déclaration de l’agent ne peut être lue isolément, mais doit être interprétée dans son contexte. Dans la présente affaire, où la preuve n’a pas permis d’établir le bénéfice du plan d’études, il était loisible à l’agent de soupeser les coûts élevés des études au Canada par rapport aux autres possibilités qui s’offraient localement à la demanderesse de même qu’à son école secondaire actuelle, et de conclure que le plan d’études proposé n’était pas raisonnable. La déclaration contestée découle de cette conclusion tirée préalablement. La déclaration repose effectivement sur la conclusion préalable relative au plan d’études de la demanderesse.

[21] Comme je l’ai mentionné, il ressort d’une lecture objective de la lettre de refus et des notes du SMGC que la demande n’a pas été rejetée sur la base des moyens financiers, mais au motif que le bien-fondé du but de la visite au Canada n’avait pas été établi. Je n’estime pas que l’agent a écarté les éléments de preuve de nature financière pour tirer cette conclusion. La principale réserve de l’agent était que le plan d’études proposé semblait illogique et redondant, et c’est sur cette base que l’agent a déclaré que les dépenses ne lui semblaient pas justifiées. Par conséquent, je ne suis pas d’avis qu’une erreur susceptible de contrôle découle de cette déclaration.

[22] Pour les motifs qui précèdent, je conclus que l’évaluation par l’agent du but de la visite est raisonnable et que la demande doit être rejetée.

[23] Les parties n’ont proposé aucune question à certifier et l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-3621-21

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Angela Furlanetto »

Juge

Traduction certifiée conforme

Philippe Lavigne-Labelle


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3621-21

 

INTITULÉ :

ANITA AHMADNEJAD c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 5 AVRIL 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS

LA JUGE FURLANETTO

 

DATE DES MOTIFS :

LE 19 AVRIL 2022

 

COMPARUTIONS :

Allen Chao-Ho Chang

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Nicole Rahaman

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dov Maierovitz

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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