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Date : 20221019

Dossier : IMM-2181-21

Référence : 2022 CF 1407

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 19 octobre 2022

En présence de monsieur le juge Andrew D. Little

ENTRE :

JUNYANG LI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Section d’appel des réfugiés (la « SAR ») sur le fondement de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la « LIPR »). Ayant tiré une conclusion sur sa crédibilité, la SAR a conclu que le demandeur n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

[2] Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

I. Les faits à l’origine de la présente demande

[3] Le demandeur est un citoyen de la Chine. Il a présenté une demande d’asile en vertu de la LIPR au motif qu’il craignait d’être ciblé par le Bureau de la sécurité publique de la Chine (le «PSB») depuis qu’il s’était opposé à l’expropriation, par le gouvernement, de l’appartement de ses parents sans indemnisation adéquate. Les aspects importants de sa demande sont les suivants.

[4] Le demandeur résidait avec ses parents dans un immeuble d’appartements à Huanren, dans la province du Liaoning.

[5] Le 1er septembre 2016, la famille a été avisée que l’immeuble serait démoli. On lui donnait deux semaines pour quitter l’appartement. On lui a offert une indemnisation et on lui a proposé de lui verser une subvention pendant la reconstruction de l’immeuble.

[6] La famille s’est rendu compte qu’un nouvel appartement coûterait beaucoup plus cher que l’indemnisation offerte. Elle a ensuite appris que le gouvernement n’entendait pas reconstruire l’immeuble, mais qu’il exigeait plutôt sa démolition pour faciliter la construction d’une autoroute.

[7] Le gouvernement local a envoyé des représentants recueillir le consentement de tous les résidents de l’immeuble de sorte qu’ils signent un accord d’expropriation de leur propriété. Ils ont tous refusé parce que l’indemnité offerte n’était pas assez élevée. Le demandeur a soutenu que le gouvernement avait par la suite employé des tactiques de harcèlement de plus en plus agressives pour obtenir le résultat souhaité.

[8] En novembre 2016, le demandeur a participé à une manifestation avec d’autres résidents locaux. Les représentants du gouvernement local ne sont pas venus les rencontrer. La police est arrivée et a menacé d’emprisonner les manifestants s’ils ne se dispersaient pas. Le demandeur et d’autres manifestants ont été arrêtés.

[9] En janvier 2017, le demandeur s’est joint à ses voisins pour une autre manifestation. La police les a interceptés alors qu’ils se rendaient vers le lieu de la manifestation. Elle les a avertis que leurs noms avaient été inscrits sur une liste et qu’ils seraient arrêtés s’ils continuaient à faire des manifestations ou à se plaindre.

[10] Le demandeur a prétendu que la police était allée chez ses parents plusieurs fois par mois pour le surveiller et l’avertir de ne plus prendre part à des manifestations et de ne pas se plaindre. Ils lui ont dit d’arrêter de causer des problèmes et de signer le contrat d’expropriation.

[11] En mai 2017, l’immeuble a été démoli.

[12] Après ces événements, la famille du demandeur avait peur pour son bien‐être et a organisé son départ de la Chine. Le 1er novembre 2017, il a obtenu un visa auprès d’un passeur et, le 17 décembre 2017, il est arrivé au Canada.

[13] Le demandeur a su par son père que la police continuait de le chercher en Chine. La police a demandé au père où le demandeur se trouvait et le père lui a dit qu’il était au Canada. Le père a également informé le demandeur que d’autres locataires avaient été arrêtés par la police locale.

[14] Le demandeur craint d’être arrêté par la police s’il retourne en Chine.

[15] La Section de la protection des réfugiés (la « SPR ») a rejeté la demande d’asile présentée par le demandeur au titre de la LIPR et a prononcé ses motifs oraux à la fin de l’audience le 17 juin 2019.

[16] Le demandeur a interjeté appel de cette décision à la SAR. Dans une décision du 5 mars 2021, la SAR a rejeté l’appel du demandeur.

II. La décision faisant l’objet du contrôle

[17] La SAR a conclu que la conclusion générale tirée par la SPR quant à la crédibilité du demandeur était correcte et que ce dernier n’était pas crédible. Bien que la SAR ait relevé des erreurs dans les motifs de la SPR, elle a estimé que ces erreurs n’étaient pas déterminantes en ce qui touche la décision globale.

[18] Selon la SAR, le demandeur a déclaré dans son témoignage qu’il existait une citation à comparaître qui montrait que le BSP le pourchassait en Chine. Toutefois, il n’y avait aucune mention d’une citation à comparaître dans le formulaire de fondement de la demande d’asile (le formulaire FDA). À l’audience de la SPR, l’explication du demandeur concernant cette omission était qu’il avait voulu garder la citation à comparaître secrète parce qu’il croyait que celle‐ci lui causerait des ennuis au Canada.

[19] La SAR a estimé que la crainte du demandeur d’avoir des ennuis au Canada n’expliquait pas de façon raisonnable l’omission dans le formulaire FDA. Dans son formulaire FDA, le demandeur a divulgué le fait qu’il aurait été détenu par les autorités en Chine, que son nom aurait été inscrit sur une liste de la police et que le PSB aurait continué à se rendre chez lui. La SAR a conclu que le demandeur « n’[avait] pas expliqué adéquatement pourquoi il se sentait à l’aise de divulguer cette information, mais non la citation à comparaître ».

[20] Elle a conclu que l’allégation importante selon laquelle le PSB avait délivré une citation à comparaître était au cœur de la demande d’asile du demandeur et de son allégation selon laquelle il était une personne qui intéressait le PSB. Il ne s’agissait « pas d’une précision, d’un détail mineur ou d’une allégation secondaire ». La SAR a fait remarquer que le demandeur avait bénéficié de l’aide d’un interprète et d’un conseil pour préparer son formulaire FDA. Il a confirmé sous serment que son formulaire FDA lui avait été traduit et que les renseignements qu’il contenait étaient complets, vrais et exacts. La SAR a fait référence à des décisions dans lesquelles la Cour a conclu que le défaut de mentionner un mandat d’arrestation, ou une citation à comparaître, visait un événement important qui aurait dû être mentionné et qu’une inférence défavorable tirée du fait de cette omission était justifiée.

[21] La SAR a conclu que le demandeur n’avait pas expliqué de façon raisonnable cette omission, ce qui avait miné sa crédibilité quant aux principales allégations de sa demande d’asile, notamment que le PSB le pourchassait. En l’absence d’autres éléments de preuve tendant à corroborer que le PSB avait délivré une citation à comparaître en vue de l’arrestation du demandeur, la SAR a conclu que ce dernier n’avait pas établi de façon crédible qu’il avait reçu une citation à comparaître.

[22] La SAR a jugé que l’omission importante dans le formulaire FDA était aussi un motif indépendant pour exiger la corroboration de l’allégation faite par le demandeur. Elle a conclu que des éléments de preuve corroborants étaient raisonnablement accessibles en Chine, notamment une citation à comparaître du PBS, un contrat d’achat pour l’appartement des parents ainsi qu’une entente écrite avec son père selon laquelle il signerait l’accord d’expropriation.

[23] Selon la SAR, les explications du demandeur concernant son défaut de fournir ces documents étaient déraisonnables. La SAR a d’abord conclu que le demandeur était représenté par un conseil quand il a rempli son formulaire FDA. Ce formulaire, la LIPR et les Règles de la SPR indiquent clairement que les demandeurs d’asile sont tenus d’obtenir et de fournir des documents pouvant appuyer leur demande d’asile. La SAR a estimé que le demandeur n’était pas crédible lorsqu’il a affirmé qu’il ignorait qu’il devait fournir des documents avant son audience, et qu’il n’avait fait aucun effort au cours des 18 mois qui avaient précédé l’audience pour corroborer sa demande d’asile. Deuxièmement, la SAR n’a pas admis que la crainte du demandeur d’avoir des ennuis au Canada expliquait de façon raisonnable son défaut de fournir la citation à comparaître, étant donné qu’il se sentait suffisamment à l’aise de mentionner cette information dans l’exposé circonstancié de son formulaire FDA. Elle a fait remarquer que le demandeur n’avait pas dit que c’était trop dangereux pour lui d’apporter la citation à comparaître lorsqu’il a quitté la Chine ou qu’il ne pouvait pas demander à ses parents en Chine de lui en envoyer une copie après son arrivée au Canada. Ainsi, la SAR a estimé que le demandeur n’avait pas corroboré ses allégations quant à l’expropriation de la terre et au fait que le PSB le pourchassait.

[24] La SAR a conclu que la SPR avait eu raison de conclure qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve crédibles pour établir le bien‐fondé de la demande d’asile du demandeur. Après avoir fait une évaluation indépendante du dossier, la SAR a conclu que le demandeur n’avait pas expliqué de façon raisonnable son défaut de fournir des éléments de preuve corroborant les principales allégations de sa demande d’asile, qui était fondée sur l’ expropriation de l’appartement de ses parents, laquelle avait mené à sa recherche par le PSB.

[25] Enfin, la SAR a souscrit à l’opinion du demandeur, qui affirmait que la SPR avait commis certaines erreurs dans son analyse. Elle a cassé les conclusions en cause et indiqué qu’elle ne s’appuierait pas sur celles‐ci dans son évaluation indépendante.

[26] La SPR a conclu, en résumé, que les allégations du demandeur n’étaient pas crédibles. Le demandeur n’avait pas établi de façon crédible les principaux aspects de sa demande d’asile, notamment l’expropriation et le fait que le PSB le pourchassait. Il n’était pas exposé à une possibilité sérieuse de persécution ou à une menace à sa vie, ou à un risque de traitements cruels et inusités ou d’être soumis à la torture. Sa demande d’asile a été rejetée pour des motifs de crédibilité au titre de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la LIPR.

[27] Par la présente demande de contrôle judiciaire, le demandeur conteste la décision de la SAR.


III. L’analyse

A. L’équité procédurale

[28] Lors de l’audience devant la Cour, le demandeur a avant tout fait valoir que la SAR avait suivi un raisonnement [traduction] « entièrement différent » de celui de la SPR pour tirer une conclusion défavorable sur sa crédibilité. Il a avancé que la SAR était parvenue à sa conclusion en se fondant sur une question différente de celle analysée par la SPR, qu’il n’avait pas soulevé cette question dans ses observations présentées en appel à la SAR et qu’il ne pouvait donc pas s’attendre à devoir présenter des arguments à ce sujet en appel.

[29] Il a renvoyé à la décision He c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1316 (He) et à la décision Canada (Citoyenneté et Immigration) c Alazar, 2021 CF 637 (Alazar). Dans la décision Alazar, le juge Norris a dit :

[87] Comme je l’ai déjà expliqué, pour trancher l’appel dont elle est saisie, la SAR a compétence pour examiner des questions que la SPR n’avait pas abordées dans sa décision. De plus, l’examen de la SAR ne se limite pas aux questions soulevées en appel. Toutefois, lorsque, comme en l’espèce, le dossier se démarque radicalement de la décision de la SPR et des moyens d’appel formulés par les défendeurs, force est de constater que la SAR n’a pas respecté les exigences de l’équité procédurale en tranchant l’appel en se fondant sur les éléments qu’elle avait retenus sans aviser d’abord le ministre qu’une nouvelle question était en jeu et sans lui donner la possibilité de se faire entendre.

[30] Le demandeur a soutenu que la décision de la SAR [traduction] « se démarquait radicalement de la décision de la SPR et des moyens d’appel [qu’il avait] formulés ». Selon lui, la SAR pouvait s’appuyer sur l’omission relevée dans son formulaire FDA pour tirer une conclusion sur sa crédibilité, mais elle ne pouvait le faire qu’après l’avoir avisé de la question et lui avoir accordé une possibilité d’y répondre. En ne le faisant pas, elle avait manqué à l’équité procédurale. Autrement dit, le demandeur a soutenu que, puisqu’il n’avait pas contesté en appel les conclusions tirées par la SPR quant à sa crédibilité, la SAR était obligée de l’aviser avant de pouvoir tirer une conclusion défavorable à cet égard.

[31] En revanche, le défendeur a soutenu que la SAR n’avait pas privé le demandeur de l’équité procédurale et qu’elle n’avait commis aucune erreur susceptible de contrôle dans ses conclusions quant à la crédibilité. Il a fait remarquer que la SPR et la SAR avaient toutes deux examiné la question de l’omission relevée dans le formulaire FDA et que les deux avaient tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité à cet égard. De plus, les deux avaient conclu que l’explication que le demandeur avait donnée quant à son omission de mentionner la citation à comparaître était déraisonnable. Le défendeur a également fait observer que la SAR a conclu que l’omission importante dans le formulaire FDA du demandeur soulevait de sérieux doutes sur sa crédibilité. Selon lui, cette omission constituait un motif indépendant et suffisant pour exiger la corroboration, comme l’a conclu la SAR.

[32] L’examen par la Cour des questions d’équité procédurale n’appelle aucune déférence à l’égard du décideur. La question est de savoir si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances : Gordillo c Canada (Procureur général), 2022 CAF 23 au para 63; Chemin de fer Canadien Pacifique c Canada (Office des transports), 2021 CAF 69 aux para 46‐47; Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, [2019] 1 RCF 121, en particulier aux para 49 et 54; Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1999 RCS 817.

[33] Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que le demandeur n’a pas démontré que la SAR avait enfreint les principes d’équité procédurale.

[34] Dans la décision Corvil c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2019 CF 300 au para 13, le juge LeBlanc a énoncé les principes suivants :

[13] Il va de soi que lorsqu’elle examine une question qui n’a été soulevée ni devant la SPR ni par l’une des parties en appel, la SAR doit au préalable en aviser les parties et leur donner l’occasion d’y répondre (Ching c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 725 au para 71 [Ching]). Toutefois, il est maintenant bien établi que lorsque la crédibilité du demandeur d’asile est au cœur de la décision de la SPR et des motifs d’appel devant la SAR, cette dernière est habilitée à tirer des conclusions indépendantes à cet égard, et ce, sans avoir à interroger le demandeur à ce sujet ou encore à lui donner autrement la possibilité de présenter des observations. Ce faisant, la SAR doit se garder cependant d’ignorer les éléments de preuve contradictoires figurant au dossier ou encore de tirer de telles conclusions à partir d’éléments de preuve que le demandeur ignorait [renvois omis].

[35] Dans la décision Oluwaseyi Adeoye c Canada (Citoyenneté et Immigration) (Oluwaseyi Adeoye), 2018 CF 246, le juge Favel a déclaré ce qui suit :

[13] En l’espèce, la Section d’appel des réfugiés n’a pas soulevé de nouvelle question en appel parce que la crédibilité de la demanderesse était déjà en cause devant la Section de la protection des réfugiés. Il n’y a pas de problème d’équité procédurale lorsque la Section d’appel des réfugiés invoque un autre fondement pour remettre en cause la crédibilité de la demanderesse au moyen du dossier de la preuve dont était saisie la Section de la protection des réfugiés (Sary c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 178 aux paragraphes 27 à 32). La demanderesse avait déjà été informée que la crédibilité était une question à trancher selon la décision originale de la Section de la protection des réfugiés.

[36] Ces principes ont été régulièrement approuvés et appliqués : Adekanbi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 38 au para 20; Han c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1390 au para 32; Lopez Santos c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1281 au para 46; Adefule c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1227 aux para 23‐27); Farah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 116 au para 16; Koffi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 4 au para 38.

[37] En l’espèce, le demandeur a témoigné à l’audience de la SPR au sujet de son omission de mentionner la citation à comparaître dans son formulaire FDA lorsqu’il a répondu à des questions du membre de la SPR. Dans les motifs qu’elle a exposés de vive voix, la SPR a conclu que l’explication du demandeur au sujet de cette omission [traduction] « [avait] évolué ». Elle a déclaré qu’à l’audience, après lui avoir fait remarquer que la citation à comparaître n’avait pas été mentionnée dans son exposé circonstancié, le demandeur avait expliqué qu’il voulait garder cette information secrète. Elle a conclu que cette explication [traduction] « n’était tout simplement pas crédible ». En appel, la SAR a conclu que cette omission soulevait des « doutes importants » quant à la crédibilité du demandeur, si bien qu’elle a conclu qu’il s’agissait là d’un motif suffisant pour exiger des éléments de preuve corroborant les allégations du demandeur selon lesquelles le PSB le pourchassait.

[38] À mon avis, la SAR n’était pas tenue, sur le plan de l’équité procédurale, d’aviser le demandeur qu’elle utiliserait ainsi l’omission. La SPR avait soulevé la question pertinente et importante de la crédibilité. Elle a tiré une conclusion défavorable à cet égard étant donné l’omission constatée dans le formulaire FDA du demandeur. Même si la conclusion tirée par la SAR est présentée comme un « motif supplémentaire » de remettre en question la crédibilité du demandeur, comme le prévoit la décision Oluwaseyi Adeoye, ce motif (c.-à-d. l’omission dans le formulaire FDA) était très étroitement lié à celui sur lequel repose la conclusion défavorable tirée par la SPR quant à la crédibilité (à savoir l’explication donnée par le demandeur au sujet de cette omission). De même, j’estime que le raisonnement de la SAR ne se « démarquait pas radicalement » de celui de la SPR. La SAR a essentiellement utilisé la même conclusion quant à la crédibilité que celle tirée par la SPR pour corriger le raisonnement juridique de la SPR sur la nécessité d’une preuve corroborante et son utilisation.

[39] Les préoccupations soulevées dans l’analyse faite par la juge Elliott dans la décision He étaient très différentes. La juge a conclu qu’il y avait « des différences considérables » entre les analyses de la SPR et de la SAR dans cette affaire; deux des questions analysées l’avaient été selon des « approches extrêmement différentes » qui étaient essentiellement contraires; et la preuve examinée par la SAR n’était pas au cœur de la décision de la SPR. Aucune de ces circonstances ne s’applique en l’espèce : He, aux para 23-33, 42-48 et 79-80.

[40] Je reconnais que, dans ses observations présentées en appel à la SAR, le demandeur n’a pas contesté expressément la conclusion défavorable quant à la crédibilité qui était fondée sur l’omission. La SAR l’a reconnu dans ses motifs. À mon avis, ce choix n’empêchait pas la SAR de rendre la décision qu’elle a rendue en l’espèce, puisqu’elle a relevé une erreur dans le raisonnement de la SPR et qu’elle l’a corrigée. Compte tenu de la jurisprudence mentionnée ci‐dessus, du fait que l’omission a été soulevée à l’audience de la SPR et dans la décision de la SPR, et du double rôle que joue la SAR en tant que tribunal d’appel et décideur indépendant, je ne puis conclure en l’espèce que la Cour devrait intervenir pour cause de manquement à l’équité procédurale : Huruglica c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 93, [2016] 4 RCF 157, aux para 56, 78-79 et 103.

[41] Je conclus donc que la SAR n’a pas privé le demandeur de son droit à l’équité procédurale Le demandeur aurait dû connaître la preuve qu’il avait à réfuter en appel.


B. Le caractère raisonnable de la décision de la SAR

[42] Dans son argumentation écrite, le demandeur a également soutenu que la SAR avait commis une erreur en évaluant l’explication raisonnable qu’il avait donnée concernant l’absence de documents corroborants.

[43] Les parties ont reconnu que la norme de contrôle applicable à la décision de fond de la SAR est celle de la décision raisonnable, telle qu’elle est énoncée dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, [2019] 4 RSC 653, 2019 CSC 65. Le contrôle selon cette norme consiste en un examen empreint de déférence et rigoureux visant à déterminer si la décision administrative est transparente, intelligible et justifiée : Vavilov, aux para 12, 13 et 15. Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et être justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti : Vavilov, en particulier aux para 85, 99, 101, 105-106 et 194.

[44] Le demandeur n’a pas relevé de problème dans le raisonnement suivi par la SAR et n’a pas non plus prétendu que la SAR n’avait pas respecté une contrainte juridique ou factuelle à laquelle elle était assujettie. Le demandeur s’est plutôt opposé à la conclusion de la SAR et a demandé à la Cour de l’infirmer. Ce n’est pas là le rôle de la Cour dans un contrôle judiciaire : Vavilov aux para 99-101 et 125-126. En l’absence d’une erreur susceptible de contrôle, la position du demandeur ne peut être retenue.

IV. Conclusion

[45] Par conséquent, la demande est rejetée. Aucune des parties n’a proposé de question aux fins de certification.

JUGEMENT dans le dossier IMM-2181-21

LA COUR STATUE :

  1. La demande est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée au titre de l’alinéa 74d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

« Andrew D. Little »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claudia De Angelis


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2181-21

 

INTITULÉ :

JUNYANG LI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 MARS 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE A. D. LITTLE

 

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

LE 19 OCTOBRE 2022

 

COMPARUTIONS :

Vakkas Bilsin

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Hillary Adams

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kevin MacLean

Lewis & Associates

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

 

Hillary Adams

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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