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Date : 20221019


Dossier : IMM-2260-22

Référence : 2022 CF 1417

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 19 octobre 2022

En présence de madame la juge Rochester

ENTRE :

ZEINAB YAGHOOBI HASANALIDEH

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La demanderesse, Zeinab Yaghoobi Hasanalideh, est une citoyenne iranienne. Elle sollicite le contrôle judiciaire de la décision datée du 21 février 2022 par laquelle un agent des visas d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada [l’agent] a rejeté sa demande de permis d’études [la décision]. L’agent n’était pas convaincu qu’elle quitterait le Canada à la fin de son séjour, compte tenu de ses liens au Canada et en Iran et de la raison de sa visite.

[2] La demanderesse soutient que : a) la décision n’est pas raisonnable à la lumière de la jurisprudence; b) l’agent s’est servi d’une simple déclaration pour échafauder un raisonnement à partir du refus souhaité; c) l’agent n’a pas tenu compte des éléments de preuve démontrant les liens étroits et l’établissement de la demanderesse en Iran; d) les motifs de refus de l’agent comportent des erreurs manifestes sur le plan rationnel; e) l’agent a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire et a rejeté de manière arbitraire la demande de la demanderesse; f) les faits ne permettent pas de penser que les conclusions de l’agent sont fondées sur une analyse rationnelle et intelligible; g) l’agent a tenu un rôle de conseiller en orientation de carrières et outrepassé sa compétence; h) l’agent n’a pas tenu compte de la preuve qui lui a été présentée; i) l’agent était indûment préoccupé par le coût disproportionné des études au Canada; j) aucun élément de preuve n’appuie la conclusion de l’agent selon laquelle on ne pouvait pas faire confiance à la demanderesse pour ce qui est du respect du droit canadien.

[3] Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.

II. Question en litige et norme de contrôle

[4] La question que doit trancher la Cour est de savoir si la décision était raisonnable. Lorsqu’elle effectue un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la Cour doit déterminer si la décision est « fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] aux para 85-86). Il incombe à la demanderesse de démontrer le caractère déraisonnable de la décision (Vavilov, au para 100). Avant de pouvoir intervenir, la cour de révision doit être convaincue par la partie qui conteste la décision que celle-ci « souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence » et que ces lacunes ou insuffisances reprochées sont plus que « simplement superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision » (Vavilov, au para 100).

[5] Je constate que le mémoire de la demanderesse mentionnait la question suivante : [traduction] « Y a-t-il eu un manquement à l’équité procédurale? » Or, cette question n’a pas été traitée dans le mémoire. Au cours des plaidoiries, la demanderesse a été interrogée sur la nature des manquements à l’équité procédurale reprochés. À la lumière de la réponse fournie, je conclus que la seule question que doit trancher la Cour est de savoir si la décision était raisonnable.

III. Analyse

[6] Je suis d’avis que l’appréciation des liens familiaux de la demanderesse par l’agent constitue la question déterminante. La lettre de refus indique ceci : [traduction] « Je ne suis pas convaincu que vous quitterez le Canada à la fin de votre période de séjour conformément au paragraphe 216(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, compte tenu de vos liens familiaux au Canada et dans votre pays de résidence ». Les notes de l’agent consignées dans le Système mondial de gestion des cas [le SMGC], qui font partie de la décision, indiquent ce qui suit : [traduction] « La demanderesse est mariée, son époux ne l’accompagne pas. Elle déclare avoir des liens familiaux étroits dans son pays d’origine, mais ces liens ne sont pas suffisamment établis. Je crains que les liens avec l’Iran ne soient pas suffisamment importants pour la motiver à quitter le Canada ».

[7] Il ressort du dossier que la demanderesse n’a pas de liens familiaux au Canada. Quant à ses liens familiaux en Iran, l’époux de la demanderesse réside dans ce pays et a l’intention d’y demeurer pendant qu’elle étudie au Canada. Les parents de la demanderesse résident en Iran et elle est enfant unique. En plus de ses liens familiaux dans son pays d’origine, la demanderesse est copropriétaire d’un immeuble résidentiel en Iran et a exercé diverses fonctions au sein du ministère de l’Énergie depuis avril 2015. Quant à l’époux de la demanderesse, il est employé comme ingénieur par une entreprise privée depuis décembre 2016.

[8] Les motifs écrits fournis par un organisme administratif ne doivent pas être jugés au regard d’une norme de perfection (Vavilov, au para 91), mais ils doivent tout de même être intelligibles et justifiés (Vavilov, au para 96). Compte tenu des faits dans la présente affaire, du dossier dont disposait l’agent et du contenu des notes consignées dans le SMGC, je conclus que le fait que l’agent ait invoqué les [traduction] « liens familiaux [de la demanderesse] au Canada et dans [son] pays de résidence » pour rejeter sa demande de permis d’études constituait une erreur susceptible de contrôle puisque cette décision n’est ni intelligible ni justifiée (Seyedsalehi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1250 au para 10; Rahmati c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 778 au para 18).

[9] Le défendeur soutient qu’il ressort des notes consignées dans le SMGC que les liens familiaux n’étaient pas une considération centrale sous-tendant la décision bien qu’ils soient mentionnés dans la lettre de refus. Le défendeur s’appuie sur la décision Ocran c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 175, dans laquelle mon collègue le juge Andrew D. Little a conclu qu’une unique erreur n’était pas suffisante pour rendre déraisonnable l’ensemble de la décision de l’agent, qui avait donné trois autres raisons pour expliquer pourquoi il n’était pas convaincu que la demanderesse quitterait le Canada à la fin de ses études (aux para 46-48).

[10] Compte tenu du dossier dans la présente affaire et du fait que les liens familiaux étaient l’un des deux seuls motifs donnés par l’agent, je conclus que cette question était suffisamment déterminante pour rendre l’ensemble de la décision déraisonnable.

IV. Conclusion

[11] Pour les motifs qui précèdent, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen. Aucune question de portée générale n’a été soumise aux fins de certification et je suis d’accord que l’affaire n’en soulève aucune.

 


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-2260-22

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire de la demanderesse est accueillie.

  2. La décision est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision.

  3. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Vanessa Rochester »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2260-22

INTITULÉ :

ZEINAB YAGHOOBI HASANALIDEH c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 6 octobrE 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ROCHESTER

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 19 OctobrE 2022

COMPARUTIONS :

Samin Mortazavi

POUR LA DEMANDERESSE

Ratib Islam

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pax Law Corporation

Avocats et notaires

North Vancouver (Colombie-Britannique)

pour la demanderesse

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

pour le défendeur

 

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