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Date : 20221019


Dossier : IMM-7135-21

Référence : 2022 CF 1428

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 19 octobre 2022

En présence de madame la juge en chef adjointe Gagné

ENTRE :

MARY EBIERIN IRIAFE

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La demande d’asile au Canada de Mme Mary Ebierin Iriafe était pendante lorsque cette dernière a présenté une demande de résidence permanente au titre de la Politique d’intérêt public temporaire visant à faciliter l’octroi de la résidence permanente pour certains demandeurs d’asile qui travaillent dans le secteur de la santé durant la pandémie de COVID-19 [le programme offrant une voie d’accès]. Sa demande au titre du programme offrant une voie d’accès a été rejetée par un agent d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) au motif que son stage non rémunéré à la Résidence Snowdon de Montréal ne répondait pas aux exigences du programme puisqu’il n’était pas offert par un [TRADUCTION] « collège privé d’enseignement professionnel accrédité ».

[2] Selon le programme offrant une voie d’accès, l’étranger doit offrir des soins directs aux patients pendant des périodes minimales définies :

A travaillé au Canada dans une ou plusieurs professions désignées (voir l’annexe A) où l’étranger offrait des soins directs aux patients dans un hôpital, un établissement de soins de longue durée ou un foyer avec services public ou privé, ou encore pour un organisme où l’étranger offrait des services de soins de santé aux aînés à domicile ou en établissement ou aux personnes handicapées dans des résidences privées :

Ÿ pendant au moins 120 heures (équivalant à quatre semaines à temps plein) entre le 13 mars 2020 (date de publication des conseils aux voyageurs canadiens) et le 14 août 2020 (date de l’annonce de la politique d’intérêt public);

Ÿ pendant au moins six mois à temps plein (30 heures par semaine) ou 750 heures (s’il s’agissait d’un emploi à temps partiel) d’expérience au total (acquise au plus tard le 31 août 2021);

Ÿ pour plus de précision, les périodes de travail dans une profession désignée doivent être payées sauf si le demandeur effectuait un stage considéré comme une partie essentielle d’un programme de niveau postsecondaire ou d’une formation professionnelle dans le cadre d’un emploi dans une des professions désignées ou si le demandeur a effectué un stage dans une des professions désignées requis par un ordre professionnel.

[3] De juillet à août 2020, la demanderesse a suivi le processus d’attestation à titre de préposée aux bénéficiaires auprès de l’Académie Horizon, à Montréal. Une [TRADUCTION] « lettre de recommandation » produite en août 2020 contient les précisions suivantes sur le programme :

[TRADUCTION]

Cette formation englobe des volets théorique et pratique, un stage clinique (120 heures), ainsi qu’une formation RCR/DEA de la Croix-Rouge.

Ÿ La formation est d’une durée de 750 heures. L’étudiant(e) répond aux exigences de la formation. Il (elle) est en mesure de travailler conformément aux règles de sécurité et de fournir des services de qualité.

[4] Dans le cadre du programme, la demanderesse a effectué un stage non rémunéré. Une [TRADUCTION] « lettre de stage » datée de juin 2021 contient d’autres précisions :

[TRADUCTION]

MARY EBIERIN IRIAFE a terminé son stage non rémunéré dans le cadre de son attestation à titre de préposée aux bénéficiaires à la Résidence Snowdon, située à Montréal. Le stage est d’une durée minimale de 120 heures. Au cours de cette période, la stagiaire devait exécuter les tâches suivantes :

[La Cour a délibérément omis la description des tâches exécutées.]

Ÿ Date de début du stage : le 6 juillet 2020

Ÿ Date de fin du stage : le 31 juillet 2020

[5] Cette lettre décrit en détail les tâches exécutées par la demanderesse durant le stage, et ces dernières sont conformes aux exigences de la classification CNP 4412 (une profession désignée énoncée à l’annexe A du programme offrant une voie d’accès).

[6] Après avoir terminé son programme en août, la demanderesse a obtenu une attestation de [TRADUCTION] « réussite du programme de préposé aux bénéficiaires (cours, théorie, pratique) totalisant 750 heures ».

[7] À la lecture des motifs de l’agent, il est difficile d’établir clairement à quelle exigence particulière du programme offrant une voie d’accès la demanderesse n’a pas satisfait. L’agent mentionne le fait que le programme de stage non rémunéré n’était pas offert par un [TRADUCTION] « collège privé d’enseignement professionnel accrédité », sans toutefois préciser où on peut trouver pareille exigence dans la politique d’intérêt public temporaire liée au programme offrant une voie d’accès.

[8] Dans ses observations écrites et orales, le défendeur a offert une réponse à cette question. Or, sans pour autant me prononcer sur cette réponse potentielle, je tiens à souligner qu’elle était trop tardive.

[9] L’agent d’immigration n’a pas l’obligation de donner au demandeur la possibilité de répondre aux réserves à l’égard d’une demande qui découlent directement des exigences de la loi ou d’un règlement connexe (Hassani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1283 aux para 23-24). En revanche, si un agent a l’intention de fonder sa décision sur de l’information extrinsèque dont le demandeur n’est pas au courant, ce dernier devrait avoir l’occasion de dissiper chez l’agent les réserves découlant de cette preuve (Hakimi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 657 au para 22).

[10] Si l’agent avait des doutes sur la qualité ou la légitimité du programme spécialisé suivi par la demanderesse — qui ne constitue pas une exigence particulière du programme offrant une voie d’accès —, cette dernière avait le droit d’en être informée et d’y répondre.

[11] À mon avis, en ne donnant pas à la demanderesse la possibilité de répondre à ses réserves, l’agent a porté atteinte au droit de cette dernière à l’équité procédurale.

[12] Pour ce motif, la décision est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision.

[13] Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale à certifier, et les faits de l’espèce n’en soulèvent aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-7135-21

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de l’agent d’immigration du 27 septembre 2021 est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision;

  2. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Jocelyne Gagné »

Juge en chef adjointe

Traduction certifiée conforme

Mélanie Lefebvre


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-7135-21

 

INTITULÉ :

MARY EBIERIN IRIAFE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 4 OCTOBRE 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE EN CHEF ADJOINTE GAGNÉ

 

DATE :

lE 19 OCTOBRE 2022

 

COMPARUTIONS :

Idorenyin E. Amana

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Sean Doyle

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Amana Law Office

Cornwall (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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