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Date : 20221020


Dossier : IMM-9243-21

Référence : 2022 CF 1438

Ottawa (Ontario), le 20 octobre 2022

En présence de l'honorable monsieur le juge Gleeson

ENTRE :

MICHEAL OLUSEGUN ADEBAYO ADEYEMI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, M. Michael Olusegun Adebayo Adeyemi, citoyen du Nigéria, est arrivé au Canada en avril 2018 et a ensuite déposé une demande d’asile. Il allègue qu’il craint pour sa vie au Nigéria aux mains des nomades-éleveurs Fulani. La Section de la protection des réfugiés [SPR] a déterminé que le demandeur n’était pas crédible en lien avec certains aspects de son récit et qu’il avait une Possibilité de refuge intérieur [PRI] à Lagos. La SPR a conclu que le demandeur n’est pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

[2] Dans sa décision du 17 novembre 2021, la Section d’appel des réfugiés [SAR] a rejeté l’appel du demandeur en concluant que la question déterminante était celle de la PRI. Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision de la SAR en vertu de l’article 72 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 [LIPR].

[3] Je ne suis pas convaincu que l’intervention de la Cour est justifiée. La demande est rejetée pour les raisons qui suivent.

II. Contexte de l’affaire

[4] Le demandeur a déclaré qu’il travaillait comme vérificateur pour l’Assemblée législative de l’état d’Oyo ainsi que comme agriculteur de subsistance et commercial sur un terrain situé dans le village de Fiditi.

[5] En novembre 2016, ses travailleurs de ferme l’ont informé d’une invasion par les nomades Fulani et leur bétail. En répondant à l’invasion, le demandeur et ses travailleurs ont blessé quelques animaux. Il a porté plainte à la police.

[6] En décembre 2016, la ferme du demandeur a été incendiée. Selon le récit du demandeur, les nomades ont été retrouvés sur les lieux par la police. Dans les jours suivants, ils sont revenus à la ferme pour retrouver le demandeur, qui, craignant les nomades, avait quitté les lieux après l’incendie pour rester à sa maison située à Ayegun, Ibadan.

[7] En février 2017, les nomades auraient été vus dans son quartier à Ayegun, selon le demandeur. Celui-ci s’est donc enfui d’Ayegun, mais il n’a pas porté d’autre plainte à la police. Il est resté dans une maison d’hôtes de l’Assemblée législative d’Oyo et a obtenu un visa pour les États-Unis. Il est arrivé aux États-Unis en juin 2017 et au Canada en avril 2018.

III. Question en litige et norme de contrôle applicable

[8] L’instance ne soulève qu’une seule question en litige : la décision de la SAR sur la viabilité de la PRI est-elle raisonnable?

[9] Une décision raisonnable possède plusieurs caractéristiques, telles que la justification, la transparence et l’intelligibilité (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 99 [Vavilov]). De plus, une décision raisonnable est « fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov, ci-dessus, au para 85).

  1. Analyse

[10] Le demandeur allègue que la SAR n’a pas complété une analyse autonome de la preuve et a échoué en n'évaluant pas la crainte subjective et objective de la demande d’asile. De plus, il allègue que la SAR a ignoré les éléments objectifs, tels que les menaces et l’attaque à la ferme, qui appuient la crainte du demandeur qu’il risque sérieusement d’être persécuté à Lagos. Je ne suis pas d’accord.

[11] La SAR a bien compris son rôle, soit d’examiner l’ensemble de la preuve et de déterminer si la décision de la SPR est correcte (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93 au para 78). La décision reflète une analyse indépendante des questions identifiées par le demandeur.

[12] Le concept de la PRI est inhérent à la définition de réfugié au sens de la Convention (Henao c Canada (Citoyenneté et de l'Immigration), 2020 CF 84 au para 11). Une fois que la question de la PRI est soulevée, le fardeau de preuve incombe au demandeur d’établir selon la prépondérance des probabilités : 1) qu’il risque sérieusement d’être persécuté dans la PRI; ou 2) qu’il serait déraisonnable pour le demandeur de s’y installer, compte tenu de ses circonstances particulières. Le fardeau pour établir qu’une PRI serait déraisonnable est lourd, le demandeur doit présenter une preuve réelle et concrète de l’existence de conditions qui mettraient en péril sa vie et sa sécurité (Adebayo c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2019 CF 330 au para 53; Olusola c Canada (Citoyenneté et de l'Immigration) 2020 CF 799 aux para 8-9).

[13] La SAR a raisonnablement conclu que le demandeur n'avait pas réussi à démontrer que les Fulani possédaient les moyens ou la motivation pour le localiser et le cibler à Lagos.

[14] La SAR a examiné et rejeté le témoignage du demandeur selon lequel les Fulani étaient motivés à le localiser, l'ayant cherché à sa résidence à Ayegun après que sa ferme ait été incendiée. En rejetant ce témoignage, la SAR a expressément conclu qu'elle ne croyait pas que les Fulani avaient poursuivi le demandeur jusqu'à sa résidence à Ayegun, notant que cette information importante et hautement pertinente avait été omise du récit du demandeur. Je suis convaincu que la conclusion de la SAR à cet égard faisait partie des issues possibles pouvant se justifier par la preuve et que la SAR a exposé de manière transparente les raisons pour lesquelles elle est parvenue à cette conclusion.

[15] Le demandeur soutient que le Cartable national de documentation [CND] contient des preuves qui établissent que les Fulani ont la capacité de le localiser à Lagos, citant l'onglet 7.31 du CND : Réponses aux demandes d'information, Nigéria : information sur les pasteurs fulani, y compris sur leurs motifs, leurs modes de fonctionnement et méthodes de recrutement; les incursions des pasteurs fulani dans les écoles de Benin City en octobre 2016 (2016 août 2018). Je ne trouve pas de fondement pour étayer cet argument pour deux raisons. Premièrement, la SAR a spécifiquement examiné les preuves documentaires en notant qu'elles indiquaient que les attaques des Fulani étaient de nature locale et se concentraient dans les zones agricoles et que ces conflits relevaient plutôt de problèmes de voisinage. Deuxièmement, la SAR a examiné l'onglet 7.31 et a noté à juste titre que les conflits avec les Fulani se produisaient dans la Middle Belt du Nigéria. La SAR ne s’est pas trompée dans son interprétation de la preuve écrite objective.

[16] Pour le deuxième volet, le demandeur n’a pas présenté d’éléments qui soutiennent la prétention que ses conditions de vie à Lagos comporteraient un risque pour lui. En l’absence de la preuve précise sur sa situation personnelle, la SAR n’a pas erré dans son analyse.

V. Conclusion

[17] La décision de la SAR est raisonnable, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a aucune question d’importance générale à certifier.


JUGEMENT au dossier IMM-9243-21

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée.

  3. blanc

« Patrick Gleeson »

blanc

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-9243-21

 

INTITULÉ :

MICHEAL OLUSEGUN ADEBAYO ADEYEMI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 21 septembre 2022

 

JUGEMENT ET motifs :

LE JUGE GLEESON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 20 OCTOBRE 2022

 

COMPARUTIONS :

Me Claudia Aceituno

Pour le demandeur

 

Me Sean Doyle

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Claudia Aceituno

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Pour le défendeur

 

 

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