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                                                                                                                              Date : 20051025

                                                                                                                Dossier : IMM-10334-04

                                                                                                            Référence : 2005 CF 1449

ENTRE :

SAMALAVATHY AMMA ARUMUGAM

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

INTRODUCTION

[1]                 Les motifs exposés ci-dessous font suite à l'audition d'une demande de contrôle judiciaire visant la décision rendue par la Section de la protection des réfugiés, par laquelle elle a annulé la décision de son prédécesseur, la Section du statut de réfugié (tous les deux des tribunaux de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié), qui avait accueilli la demande d'asile de la demanderesse. La décision visée par la demande de contrôle a été rendue le 24 novembre 2004.


LE CONTEXTE

[2]                La demanderesse est citoyenne du Sri Lanka; elle est originaire du Nord de ce pays et elle est tamoule. Avant d'arriver au Canada en octobre 1997, elle avait vécu un certain temps à Colombo. Elle a fait une demande d'asile, qui a été accueillie.

[3]                Le défendeur a obtenu des renseignements qui l'ont amené à croire que, si la demanderesse avait obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention, cette décision résultait « _..._ directement ou indirectement, de présentations erronées sur un fait important quant à un objet pertinent, ou de réticence sur ce fait » . Le défendeur a donc demandé à la Commission, en vertu de l'article 109 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés[1], d'annuler la décision dans laquelle la demanderesse s'était fait accorder le statut de réfugié au sens de la Conventions. Cette disposition se lit comme suit :

109. (1) La Section de la protection des réfugiés peut, sur demande du ministre, annuler la décision ayant accueilli la demande d'asile résultant, directement ou indirectement, de présentations erronées sur un fait important quant à un objet pertinent, ou de réticence sur ce fait.

109. (1) The Refugee Protection Division may, on application by the Minister, vacate a decision to allow a claim for refugee protection, if it finds that the decision was obtained as a result of directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter.

(2) Elle peut rejeter la demande si elle estime qu'il reste suffisamment dléments de preuve, parmi ceux pris en compte lors de la décision initiale, pour justifier l'asile.

(2) The Refugee Protection Division may reject the application if it is satisfied that other sufficient evidence was considered at the time of the first determination to justify refugee protection.


(3) La décision portant annulation est assimilée au rejet de la demande d'asile, la décision initiale étant dès lors nulle.

(3) If the application is allowed, the claim of the person is deemed to be rejected and the decision that led to the conferral of refugee protection is nullified.

[4]                À la suite de l'audience relative à la demande du défendeur, à laquelle la demanderesse a comparu sans avocat ou autre représentant, et au cours de laquelle elle a répondu aux questions posées par le représentant du défendeur et du président de l'audience, la Commission a accueilli la demande du défendeur et rendu la décision visée par la présente demande de contrôle.

LA DÉCISION FAISANT L'OBJET DU CONTRÔLE

[5]                La Commission a conclu que le défendeur s'était acquitté du fardeau de la preuve : il avait établi que, si la demanderesse avait obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention, cela avait résulté, directement ou indirectement, de présentations erronées sur un fait important quant à un objet pertinent, ou de réticence sur ce fait. Plus précisément, la Commission a conclu que la demanderesse avait dissimulé les allées et venues de son mari lorsqu'elle avait signé son Formulaire de renseignements personnels le 31 janvier 1998, dans lequel elle avait déclaré ne pas être au courant de ses allées et venues alors qu'elle savait fort bien qu'il se trouvait à Toronto; que la demanderesse avait dissimulé le fait qu'elle avait trois fils, qui avaient tous réussi à obtenir le statut de réfugié au sens de la Convention au Canada avant son arrivée; qu'elle avait dissimulé le fait que son mari avait vu sa demande d'asile au Canada rejetée; qu'elle avait présenté de manière trompeuse la persécution dont elle aurait été victime ainsi que son mari et sa fille dans le Nord du Sri Lanka à l'époque où elle et son mari résidaient à Colombo; que la demanderesse, de manière générale, n'avait pas de crédibilité.


[6]                En fin de compte, les seuls faits concernant la demanderesse qui n'ont pas été contestés sont ceux qui sont énoncés dans les présents motifs sous la rubrique « Contexte » .

[7]                La Commission a statué de manière très succincte sur la demande dont elle était saisie. Elle s'est exprimée en ces termes :

Le tribunal conclut au manque de crédibilité général de l'intimée [la demanderesse en l'espèce]. En conséquence, il estime qu'il n'y a pas suffisamment d'autres preuves pour déterminer que l'intimée a la qualité de réfugiée au sens de la Convention.

                                                                                           [non souligné dans l'original]

LA QUESTION EN LITIGE

[8]                 La demanderesse a instamment fait valoir que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle parce qu'elle n'a pas respecté l'obligation qui lui était imposée par le paragraphe 109(2) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés: lorsqu'il est établi qu'il y a eu des présentations erronées sur un fait important ou une réticence sur ce fait, elle doit décider s'il reste « _..._ suffisamment dléments de preuve _..._ » parmi ceux pris en compte lors de la décision initiale, justifiant l'octroi du statut de réfugié au sens de la Convention. À l'appui de cette prétention, elle s'appuie sur les motifs du juge Evans, qui s'est exprimé en ces termes au nom de la Cour dans l'arrêt Coomaraswamy c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration)[2], aux paragraphes [40 et 41] :


Par exemple, après que les éléments de preuve fournis par les appelants adultes et qui étaient fondés sur de fausses indications ont été écartés, la seule preuve dont disposait la Commission lors de l'audience sur la reconnaissance du statut de réfugié pour appuyer leurs revendications du statut de réfugié se rapportait aux conditions générales du pays, à leur sexe, à leur état matrimonial et à leur âge et au fait qu'ils étaient des Tamouls qui avaient à une époque vécu dans le Nord. Pour ce qui est des enfants, le reste de la preuve qui les concernait n'indiquait que leur sexe, leur âge, leur lien de parenté et probablement leur citoyenneté. _..._

En l'absence de preuve indiquant que les appelants avaient été persécutés au Sri Lanka, il était loisible à la Commission, selon la preuve dont elle disposait, de conclure qu'en 1996, la persécution des Tamouls du Nord du Sri Lanka n'était pas suffisamment attestée pour conclure que tous les Tamouls avaient une crainte fondée de persécution dans toutes les parties du Sri Lanka. Il n'était également pas déraisonnable de conclure qu'aucun des appelants n'avait le profil de Tamouls qui étaient particulièrement à risque au Sri Lanka à cette époque.

ANALYSE

[9]         Tout ce qu'a dit le juge Evans dans ce passage est directement applicable à la demanderesse au moment où elle a obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention en 1997. Les seuls éléments de preuve parmi ceux dont avait été saisi le tribunal qui lui a accordé le statut de réfugié au sens de la Convention, et qui restaient après qu'il eut été constatéque des faits avaient été présentés de manière erronée ou incomplète, avaient trait à la situation générale dans le pays, au sexe de la demanderesse, à son état matrimonial, à son âge et au fait qu'elle était une Tamoule qui avait déjà vécu dans le Nord. Toutes les preuves indiquant que la demanderesse avait subi des actes de persécution au Sri Lanka dans les années immédiatement antérieures à sont arrivée au Canada ont été « écartées » .

[10]            Nul doute qu'il aurait été préférable que la Commission analyse de manière plus complète les autres éléments de preuve restant après qu'eurent été écartés les éléments de preuve présentés de manière erronée ou incomplète dont avait été saisi le tribunal ayant statué initialement; cependant, je ne peux tout simplement pas conclure que la manière rapide dont la Commission a étudié la preuve restante donne lieu à une erreur susceptible de contrôle.


[11]            Même si la conclusion que je viens de tirer est erronée, je conclus néanmoins que le rejet de la présente demande de contrôle judiciaire est justifié au regard du bref extrait suivant des motifs du juge Stone qui s'est exprimé au nom de la Cour dans l'arrêt Yassine c. Ministre de l'emploi et de l'Immigration [3] :

La conclusion défavorable quant à la crédibilité étant bien fondée, la demande ne pouvait qu'être refusée. Il serait inutile de renvoyer l'affaire à la Section du statut de réfugié dans ces circonstances.

[12]            Je conclus que l'on peut en dire tout autant en l'espèce et qu'il serait inutile de renvoyer l'affaire à la Commission simplement pour qu'elle fasse une analyse plus complète.

CONCLUSION

[13]            La présente demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée. À la clôture de l'audition de la présente affaire, les parties ont été informées de son issue. Il leur a été demandé si elles voulaient demander que soit certifiée une question, et nulle ne l'a fait. La Cour conclut que la présente affaire ne soulève aucune question grave de portée générale qui serait déterminante si un appel était interjeté de ma décision. Par conséquent, aucune question ne sera certifiée.

« Frederick E. Gibson »

Juge

Ottawa (Ontario)

le 25 octobre 2005

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L.



COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-10334-04

INTITULÉ :                                       SAMALAVATHY AMMA ARUMUGAM

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 20 OCTOBRE 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE GIBSON

DATE DES MOTIFS :                       LE 25 OCTOBRE 2005   

COMPARUTIONS :

Krassina Kostadinov                                                             POUR LA DEMANDERESSE

A. Leena Jaakkimainen                                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman & Associates

Toronto (Ontario)                                                                    POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada                                            POUR LE DÉFENDEUR



[1]    L.C. 2001, ch.27.

[2]     [2002] 4 C.F 501 (C.A.F.).

[3]    (1994), 172 N.R. 309, au paragraphe 10.

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