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Date : 20221027


Dossier : IMM-7934-21

Référence : 2022 CF 1482

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 27 octobre 2022

En présence de madame la juge Pallotta

ENTRE :

ARSHDEEP SINGH HUNDAL

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Le demandeur, Arshdeep Singh Hundal, a déposé la présente demande de contrôle judiciaire aux termes du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

[2] M. Hundal est un étranger qui est entré au Canada en novembre 2014 muni d’un permis d’études. Le 17 août 2021, il a été reconnu coupable d'avoir conduit un moyen de transport avec une alcoolémie excessive, ce qui contrevient à l’alinéa 320.14(1)b) du Code criminel, LRC (1985), c C‑46. Le 20 août 2021, un agent de l'Agence des services frontaliers du Canada (l'ASFC) a transmis au ministre un rapport prévu au paragraphe 44(1) de la LIPR, selon lequel il estimait que M. Hundal était interdit de territoire au Canada au titre de l’alinéa 36(1)a) de la LIPR. Après une entrevue tenue le 20 octobre 2021, une autre agente de l'ASFC faisant office de déléguée du ministre (la déléguée) a jugé que M. Hundal était interdit de territoire et a pris une mesure de renvoi à son encontre aux termes du paragraphe 44(2) de la LIPR.

[3] M. Hundal allègue un manquement à l’équité procédurale à son égard puisqu’il n’a pas eu la possibilité de formuler des observations et qu’on ne lui a pas posé des questions pertinentes pendant la procédure fondée sur l’article 44 qui a conduit à la prise de la mesure de renvoi.

[4] La question de savoir si l’obligation d’équité procédurale à l’égard de M. Hundal a été respectée est assujettie à une norme s’apparentant à celle de la décision correcte : Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54 [Chemin de fer Canadien Pacifique]. La cour de révision doit établir si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances : Chemin de fer Canadien Pacifique, au para 54. L’obligation d’équité procédurale est « éminemment variable », intrinsèquement souple et tributaire du contexte (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 77, citant l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, [1999] 2 RCS 817 aux para 22-23, entre autres affaires), et il incombe à M. Hundal de démontrer que cette obligation n’a pas été respectée (Lopez Santos c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1281 au paragraphe 38).

[5] M. Hundal soutient que tous les agents prenant part à l’administration et à l’application de la LIPR ont une obligation d’équité procédurale. Selon le chapitre ENF 5 Rédaction des rapports en vertu du paragraphe 44(1), l’obligation d’équité procédurale suppose que soient respectés les droits d’une personne de savoir ce qu’il lui faut prouver et d’avoir l’occasion de présenter les preuves liées au dossier. M. Hundal prétend que, dans son cas, la procédure fondée sur l’article 44 s’est déroulée de façon mécanique, sans qu’il ait la possibilité de formuler des observations pour remettre en cause le bien-fondé d’établir un rapport visé au paragraphe 44(1) ou de prendre une mesure de renvoi à son encontre. Il affirme que ce rapport a été rédigé sans sa version des faits, qu’il n’a pas reçu de lettre dite d’équité procédurale et que la déléguée ne lui a pas posé des questions pertinentes lors de l’entrevue. Par exemple, elle ne lui a pas demandé d’explication et elle n’a pas cherché à savoir s’il souhaitait bénéficier d'une exception ou être autorisé à demeurer au Canada, ce qui montre qu’elle n’a pas pensé, ne serait-ce qu’un instant, à exercer son pouvoir discrétionnaire.

[6] Le défendeur soutient que l’obligation d’équité procédurale envers un étranger dans les procédures fondées sur l’article 44 se situe à l'extrémité inférieure du registre et que l’obligation a été respectée en l’espèce. M. Hundal a reçu des préavis suffisants, de multiples façons :

  • il a signé le rapport établi en vertu du paragraphe 44(1), qui énonce le fondement de l’opinion de l’agent;

  • il a reçu un avis de convocation qui a été mis à la poste plus d’un mois avant son entrevue prévue pour le 20 octobre 2021, et l’avis indiquait qu’il devrait apporter à l’entrevue tout document se rapportant aux affaires criminelles qui le concernent;

  • la convocation était accompagnée d’un avis précisant que l’entrevue avait pour but de déterminer si une mesure de renvoi devrait être prise contre lui, auquel était joint également le rapport établi en vertu du paragraphe 44(1) énonçant les allégations formulées contre lui.

[7] Selon le défendeur, rien ne permet de croire que M. Hundal n’a pas compris l’objet de l’entrevue ni les allégations formulées contre lui. M. Hundal a fait appel à un consultant en immigration pour l’aider, et il a participé à une entrevue de près d’une heure avec la déléguée, en compagnie du consultant en immigration qu’il avait choisi. Il a eu la possibilité de poser des questions, et il a formulé de brèves observations à l’intention de la déléguée. Compte tenu des pouvoirs discrétionnaires très limités dont elle est investie, la déléguée a respecté toutes les conditions requises de sorte que la procédure soit équitable pour M. Hundal, c’est-à-dire : (i) elle a expliqué à M. Hundal la nature et l’objet de la procédure; (ii) elle a lu intégralement le rapport établi en vertu du paragraphe 44(1); (iii) M. Hundal a reconnu pleinement la justesse des éléments de preuve et du contenu du rapport établi en vertu du paragraphe 44(1); il n’avait pas de questions à ce sujet ni rien à ajouter; (iv) M. Hundal a eu la possibilité de formuler des observations, ce qu'il a fait, quant à la question de savoir s’il y avait la moindre raison l'empêchant de retourner dans son pays d’origine, et il a eu la possibilité de poser d’autres questions, ce dont il s’est abstenu.

[8] Je souscris aux observations formulées par le défendeur. L’obligation d’équité dans les procédures fondées sur l’article 44 « ne se situe manifestement pas à l’extrémité supérieure du continuum » : Sharma c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CAF 319 au para 29. La mission des agents d’immigration et des délégués du ministre ne consiste qu’à « rechercher les faits », avec des pouvoirs discrétionnaires minimes lorsque les faits rendent incontournable la prise de la mesure : Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) c Cha) 2006 CAF 126 aux para 35-40 [Cha].

[9] En l’espèce, M. Hundal a reçu un préavis suffisant de l’entrevue avec la déléguée, il a été informé de l’objet de l’entrevue et il a été invité à apporter tout document ou élément de preuve relatif à sa condamnation. Il a eu la possibilité de retenir les services d’un représentant, et il s’est présenté à l’entrevue avec le représentant qu’il avait choisi. Il a bénéficié d’une possibilité suffisante de formuler des observations se rapportant à l’exercice des pouvoirs discrétionnaires limités de la déléguée.

[10] Comme le fait remarquer le défendeur, en dépit du fait que les dispositions de la LIPR sur l’interdiction de territoire ratissent large, M. Hundal a d’autres recours : Cha, au para 40.

[11] Pour les motifs mentionnés précédemment, M. Hundal n’a pas établi qu’il y avait eu manquement à l’équité procédurale à son égard. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[12] Aucune des parties n’a proposé de question aux fins de la certification. J’estime que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-7934-21

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier

« Christine M. Pallotta »

Juge

Traduction certifiée conforme

Line Niquet, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-7934-21

 

INTITULÉ :

ARSHDEEP SINGH HUNDAL c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 5 OCTOBRE 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE PALLOTTA

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 27 OCTOBRE 2022

 

COMPARUTIONS :

Lakhwinder Sandhu

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Christopher Ezrin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lakhwinder Sandhu

Avocat

Brampton (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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