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Date : 20221102


Dossier : T‐230‐22

Référence : 2022 CF 1497

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 2 novembre 2022

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

SADEQ AL‐HUSSEINI

demandeur

et

ALTAIF INC., aussi appelé ALTAIF FOREIGN EXCHANGE SIMPLIFIED

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La présente demande est présentée en vertu de l’article 14 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, LC 2000, c 5 [la LPRPDE]. M. Sadeq Al‐Husseini [le demandeur] prétend que Altaif Inc. [la défenderesse, ou Altaif] a porté atteinte à ses droits à la vie privée. Le demandeur sollicite un jugement déclaratoire à cet effet et des dommages‐intérêts de 20 000 $.

Contexte

[2] Le 15 septembre 2020, dans le cadre d’une procédure de divorce entre le demandeur et son ex‐épouse, le juge Howard de la Cour de la famille de la Cour supérieure de justice de, a rendu une ordonnance portant sur diverses questions, y compris la vente et le partage du produit de la vente du foyer conjugal, une pension alimentaire provisoire pour les enfants et, plus important encore aux fins de la présente demande, sur ce qui suit :

[traduction]

une ordonnance de production de dossiers de tiers concernant le transfert de fonds effectué par le père du défendeur [le demandeur en l’espèce] par l’intermédiaire de BABYLON MONETARY SERVICES INC. et ALTAIF CURRENCY EXCHANGE, au nom de SADEQ JAAFAR HUSSEIN AL‐HUSSEINI ou SADIK JAAFAR HUSSAIN AL‐HUSSAINI ou SADEQ IAAFAR AL‐HUSSEINI ou [caractères dans un autre alphabet] ou 238l431Ontario Inc., exerçant ses activités sous le nom d’Al Shark ou 1849601 Ontario Inc., exerçant ses activités sous le nom de Jeff’s Brothers, la communication devant être faite dans les 60 jours à l’avocat de la demanderesse, qui devra ensuite fournir sur le champ une copie des documents produits à l’avocat du défendeur.

[l’ordonnance de communication]

[3] À cet égard, le 14 décembre 2020, la défenderesse, une entreprise offrant des services de change et de transfert d’argent, a reçu une lettre de M. Zane Handysides, l’avocat qui représentait l’ex‐épouse du demandeur dans le cadre de la procédure de divorce. Cette lettre accompagnait l’ordonnance de communication et indiquait que la défenderesse était tenue par l’ordonnance de communication [traduction] « de produire tous les dossiers liés à tout transfert de fonds (transmis ou reçu) effectué au nom d’une ou de l’ensemble » des personnes ou entités figurant sur la liste.

[4] Dans une lettre datée du 7 janvier 2021, en réponse à l’ordonnance de communication, la défenderesse a indiqué qu’aucun des noms figurant sur la liste n’avait effectué de transfert de fonds (envoi ou réception) par l’intermédiaire d’Alaif Inc. (échange de devises et transfert d’argent) [traduction] « [m]ais que “SADWQ JAAFAR HUSSEIN AL‐HUSSEINI” avait mené (4) opérations de change avec la succursale d’Altaif Inc. à Windsor entre 2016 et 2017 ». La défenderesse a produit des documents relatifs au taux de change en dollars américains que le demandeur avait acheté d’Altaif au cours de cette période, documents qui étaient joints à sa lettre de réponse [les dossiers en cause].

[5] Le demandeur allègue que la divulgation des dossiers en cause contrevenait à son droit à la vie privée au titre de la LPRPDE, parce qu’elle comprenait des renseignements, notamment des dossiers sur les opérations de change, qui n’étaient pas visés par l’ordonnance de communication, laquelle exigeait seulement la divulgation des transferts de fonds. Selon les observations écrites de l’avocat du demandeur, les renseignements contenus dans les dossiers en cause [traduction] « sont maintenant révélés et ont été utilisés contre le demandeur dans les instances en droit de la famille dans lesquelles il est engagé contre son ex‐épouse ».

[6] Dans une lettre envoyée à la défenderesse et datée du 19 février 2021, l’avocat du demandeur affirme que la défenderesse avait commis une atteinte à la vie privée au titre de la LPRPDE et qu’il n’avait pas non plus relevé l’atteinte. Il demandait dans la lettre une indemnisation de 20 000 $ pour les dommages et y indiquait que s’il ne recevait aucune réponse d’ici deux semaines, une plainte officielle serait présentée auprès du commissaire à la protection de la vie privée.

[7] Le demandeur a ensuite porté plainte auprès du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada (le CPVP). En se fondant sur son évaluation des faits, le CPVP a finalement conclu que les renseignements personnels communiqués par la défenderesse avaient été fournis conformément à une ordonnance valide du tribunal et qu’il n’y avait donc pas eu de violation de la LPRPDE. Il a donc fermé son dossier au motif que la plainte n’était pas fondée.

[8] Le demandeur a présenté la demande en l’espèce en vertu de l’article 14 de la LPRPDE et sollicite un jugement déclarant que la défenderesse a violé son droit à la vie privée au titre de la LPRPDE. Il réclame, en se fondant sur l’article 16 de cette loi, 20 000$ au titre des dommages‐intérêts de 20 000 $, ainsi que les dépens.

Dispositions législatives applicables

Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, LC 2000, c 5

SECTION 1Protection des renseignements personnels

Obligation de se conformer aux obligations

5 (1) Sous réserve des articles 6 à 9, toute organisation doit se conformer aux obligations énoncées dans l’annexe 1.

[...]

Communication à l’insu de l’intéressé ou sans son consentement

7 (3) Pour l’application de l’article 4.3 de l’annexe 1 et malgré la note afférente, l’organisation ne peut communiquer de renseignement personnel à l’insu de l’intéressé ou sans son consentement que dans les cas suivants :

[...]

c) elle est exigée par assignation, mandat ou ordonnance d’un tribunal, d’une personne ou d’un organisme ayant le pouvoir de contraindre à la production de renseignements ou exigée par des règles de procédure se rapportant à la production de documents;

[...]

SECTION 2Recours

Audience de la Cour

Demande

14 (1) Après avoir reçu le rapport du commissaire ou l’avis l’informant de la fin de l’examen de la plainte au titre du paragraphe 12.2(3), le plaignant peut demander que la Cour entende toute question qui a fait l’objet de la plainte – ou qui est mentionnée dans le rapport – et qui est visée aux articles 4.1.3, 4.2, 4.3.3, 4.4, 4.6, 4.7 ou 4.8 de l’annexe 1, aux articles 4.3, 4.5 ou 4.9 de cette annexe tels qu’ils sont modifiés ou clarifiés par les sections 1 ou 1.1, aux paragraphes 5(3) ou 8(6) ou (7), à l’article 10 ou à la section 1.1.

[...]

Réparations

16 La Cour peut, en sus de toute autre réparation qu’elle accorde :

a) ordonner à l’organisation de revoir ses pratiques en vue de se conformer aux sections 1 et 1.1;

b) lui ordonner de publier un avis énonçant les mesures prises ou envisagées pour corriger ses pratiques, que ces dernières aient ou non fait l’objet d’une ordonnance visée à l’alinéa a);

c) accorder au plaignant des dommages‐intérêts, notamment en réparation de l’humiliation subie.

Procédure sommaire

17 (1) Le recours prévu aux articles 14 ou 15 est entendu et jugé sans délai et selon une procédure sommaire, à moins que la Cour ne l’estime contre‐indiqué.

[...]

ANNEXE 1 Principes énoncés dans la norme nationale du Canada intitulée Code type sur la protection des renseignements personnels, CAN/CSA‐Q830‐96

4.3 Troisième principe – Consentement

Toute personne doit être informée de toute collecte, utilisation ou communication de renseignements personnels qui la concernent et y consentir, à moins qu’il ne soit pas approprié de le faire.

Note : Dans certaines circonstances, il est possible de recueillir, d’utiliser et de communiquer des renseignements à l’insu de la personne concernée et sans son consentement. Par exemple, pour des raisons d’ordre juridique ou médical ou pour des raisons de sécurité, il peut être impossible ou peu réaliste d’obtenir le consentement de la personne concernée. Lorsqu’on recueille des renseignements aux fins du contrôle d’application de la loi, de la détection d’une fraude ou de sa prévention, on peut aller à l’encontre du but visé si l’on cherche à obtenir le consentement de la personne concernée. Il peut être impossible ou inopportun de chercher à obtenir le consentement d’un mineur, d’une personne gravement malade ou souffrant d’incapacité mentale. De plus, les organisations qui ne sont pas en relation directe avec la personne concernée ne sont pas toujours en mesure d’obtenir le consentement prévu. Par exemple, il peut être peu réaliste pour une œuvre de bienfaisance ou une entreprise de marketing direct souhaitant acquérir une liste d’envoi d’une autre organisation de chercher à obtenir le consentement des personnes concernées. On s’attendrait, dans de tels cas, à ce que l’organisation qui fournit la liste obtienne le consentement des personnes concernées avant de communiquer des renseignements personnels.

4.3.1

Il faut obtenir le consentement de la personne concernée avant de recueillir des renseignements personnels à son sujet et d’utiliser ou de communiquer les renseignements recueillis. Généralement, une organisation obtient le consentement des personnes concernées relativement à l’utilisation et à la communication des renseignements personnels au moment de la collecte. Dans certains cas, une organisation peut obtenir le consentement concernant l’utilisation ou la communication des renseignements après avoir recueilli ces renseignements, mais avant de s’en servir, par exemple, quand elle veut les utiliser à des fins non précisées antérieurement.

4.3.2

Suivant ce principe, il faut informer la personne au sujet de laquelle on recueille des renseignements et obtenir son consentement. Les organisations doivent faire un effort raisonnable pour s’assurer que la personne est informée des fins auxquelles les renseignements seront utilisés. Pour que le consentement soit valable, les fins doivent être énoncées de façon que la personne puisse raisonnablement comprendre de quelle manière les renseignements seront utilisés ou communiqués.

[...]

4.5 Cinquième principe – Limitation de l’utilisation, de la communication et de la conservation

Les renseignements personnels ne doivent pas être utilisés ou communiqués à des fins autres que celles auxquelles ils ont été recueillis à moins que la personne concernée n’y consente ou que la loi ne l’exige. On ne doit conserver les renseignements personnels qu’aussi longtemps que nécessaire pour la réalisation des fins déterminées.

[...]

4.6 Sixième principe – Exactitude

Les renseignements personnels doivent être aussi exacts, complets et à jour que l’exigent les fins auxquelles ils sont destinés.

[...]

4.7 Septième principe – Mesures de sécurité

Les renseignements personnels doivent être protégés au moyen de mesures de sécurité correspondant à leur degré de sensibilité.

4.7.1

Les mesures de sécurité doivent protéger les renseignements personnels contre la perte ou le vol ainsi que contre la consultation, la communication, la copie, l’utilisation ou la modification non autorisées. Les organisations doivent protéger les renseignements personnels quelle que soit la forme sous laquelle ils sont conservés.

Questions en litige

[9] La question déterminante dans la présente affaire est de savoir si la divulgation des dossiers en cause par la défenderesse a porté atteinte aux droits à la vie privée du demandeur protégés par la LPRPDE.

[10] Lors de sa comparution devant moi, l’avocat de la défenderesse a soulevé une question préliminaire, à savoir que la veille de l’audience, l’avocat du demandeur lui avait envoyé un nouveau recueil de la jurisprudence et de la doctrine sur lesquels il avait l’intention de se fonder à l’audience. L’avocat de la défenderesse a soutenu qu’étant donné qu’il n’avait pas eu l’occasion d’examiner les nouveaux textes à l’appui ni de préparer une réponse à leur égard, cela portait préjudice à son client. Cependant, il était prêt à aller de l’avant, en faisant valoir que le dépôt tardif pourrait être pris en compte lors de l’attribution des dépens. Je remarque que le demandeur n’avait pas fourni à la Cour son nouveau recueil de jurisprudence et de doctrine au moment de l’audience, mais qu’il l’a fait par la suite.

Y a‐t‐il eu violation des droits à la vie privée du demandeur au titre de la LPRPDE?

Position du demandeur

[11] Le demandeur soutient que la défenderesse a manqué à ses obligations en matière de protection de la vie privée en communiquant des renseignements qui dépassaient la portée de l’ordonnance de communication. Plus précisément, le demandeur soutient que l’ordonnance de communication exigeait la divulgation des transferts de fonds, mais que la défenderesse a fourni des relevés de compte pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2020, y compris les conversions de devises. Le demandeur affirme que les opérations de conversion de devises n’étaient pas des transferts et ne consistaient pas en des transferts de fonds à une autre personne. Il soutient que les conversions de devises ne relèvent pas de la portée du « transfert de fonds » tel qu’il est énoncé dans l’ordonnance de communication. Le demandeur soutient en outre que la défenderesse n’a pas répondu à l’ordonnance de communication, mais plutôt à la lettre de M. Handysides, qui, selon le demandeur, était d’une portée plus vaste que l’ordonnance de communication.

Position de la défenderesse

[12] La défenderesse soutient que les renseignements qu’elle a communiqués constituaient des « transferts de fonds » et qu’ils étaient donc visés par l’ordonnance de communication, et que la communication ne constituait pas une violation du droit à la vie privée du demandeur. La défenderesse soutient que les dossiers en cause démontrent que le demandeur a utilisé Altaif pour transférer des fonds entre ses comptes canadiens et américains. Par exemple, le 2 septembre 2016, le demandeur a déposé une traite bancaire de RBC d’un montant de 26 140 $ dans son compte Altaif en dollars canadiens. Il a ensuite échangé 20 000 $ US et transféré les 20 000 $ US dans son compte Altaif en dollars américains. Le 8 septembre 2016, une fois la retenue retirée sur la traite bancaire, le demandeur a retiré les 20 000 $ US de son compte en dollars américains. La défenderesse soutient que le fait de déposer des chèques de RBC, de la TD ou de BMO dans le compte Altaif en dollars canadiens du demandeur est une méthode de transfert de fonds de ces banques dans le compte Altaif en dollars canadiens du demandeur, tout comme les actes consistant à débiter son compte Altaif en dollars canadiens et à créditer son compte Altaif en dollars américains, et à retirer des dollars américains du compte Altaif en dollars américains.

Analyse

[13] Dans la décision Miglialo c Banque Royale du Canada, 2018 CF 525 [Miglialo], la Cour a décrit son rôle lorsqu’elle est appelée à trancher une demande fondée sur l’article 14 de la LPRPDE et ainsi que le fardeau de preuve dont le demandeur doit s’acquitter :

[21] Une demande aux termes de l’article 14 de la LPRPDE ne constitue pas un contrôle judiciaire du rapport du Commissaire, mais le rapport peut être déposé comme élément de preuve, comme ce fût le cas en l’espèce. La portée de la demande est prescrite par la loi. La Cour est limitée aux questions ayant fait l’objet de la plainte pour violation des principes ou auxquelles le rapport du Commissaire fait référence. Bien que la demande soit considérée comme une nouvelle action, elle doit être traitée sommairement. La Cour est engagée dans un processus de recherche des faits pour déterminer si la défenderesse a enfreint un ou plusieurs des principes (Randall c. Nubody’s Fitness Centres, 2010 CF 681 [Randall]). Une fois qu’une violation a été établie, la Cour a le pouvoir discrétionnaire, en vertu de l’article 16 de la LPRPDE, d’accorder des dommages-intérêts en se fondant sur certains principes considérés comme justes et appropriés dans les circonstances (Nammo c. TransUnion of Canada Inc., 2010 CF 1284 [Nammo]). Le fardeau de la preuve incombe à la demanderesse.

[22] Cela signifie que dans les circonstances de l’espèce, la demanderesse doit établir les dommages subis et démontrer qu’ils découlent de la violation (Biron c. RBC Banque Royale, 2012 CF 1095 [Biron], au paragraphe 38). En l’espèce, la demanderesse affirme qu’il y a eu utilisation non autorisée de ses renseignements financiers et que ces renseignements ont été divulgués. RBC reconnaît qu’il y a eu une utilisation non autorisée le 24 février 2013. Par conséquent, la demanderesse doit démontrer qu’il y a eu divulgation des renseignements si elle veut l’emporter sur ce point. Il incombe également à la défenderesse de satisfaire la Cour relativement aux préjudices qu’elle prétend avoir subis en raison de la violation.

[23] La demanderesse doit non seulement s’acquitter du fardeau de la preuve, mais également satisfaire à la norme de preuve, qui est, en droit civil, la prépondérance des probabilités (F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53; [2008] 3 RCS 41, au paragraphe 40). Dans McDougall et dans Canada (Procureur général) c. Hôtels Fairmont Inc., 2016 CSC 56; [2016] 2 RCS 720, au paragraphe 36, la Cour suprême a conclu que « la preuve doit toujours être claire et convaincante »; en l’espèce, je crains que les éléments de preuve n’aient pas ces qualités.

[14] Dans la présente affaire, il n’y a pas de rapport du Commissaire à l’information du Canada, car la plainte du demandeur a été jugée non fondée à la lumière de l’ordonnance de communication valide.

[15] À cet égard, l’alinéa 7(3)c) de la LPRPDE prévoit qu’une organisation peut communiquer des renseignements personnels à l’insu de la personne ou sans son consentement, si la communication est exigée par ordonnance d’un tribunal ayant le pouvoir de contraindre la production de renseignements.

[16] Essentiellement, la question déterminante en l’espèce est de savoir ce que constitue un « transfert de fonds » tel qu’il est énoncé dans l’ordonnance de communication, et si sa définition se limite aux transferts entre particuliers ou comprend les transferts entre divers comptes détenus par une seule personne.

[17] La jurisprudence sur l’interprétation des ordonnances judiciaires est d’une utilité limitée dans de telles circonstances. Dans l’arrêt Campbell c Campbell, 2016 SKCA 39 [Campbell], la Cour d’appel de la Saskatchewan a résumé les principes concernant l’interprétation des ordonnances des tribunaux :

[traduction]

15 Ces principes ont été énoncés dans un certain nombre d’affaires. Dans Sutherland c Reeves, 2014 BCCA 222, 61 BCLR (5th) 308 (CA C-B), le juge en chef Bauman a déclaré ce qui suit :

[31] Premièrement, les ordonnances des tribunaux ne sont pas interprétées en vase clos. La Cour a récemment décrit la bonne façon d’interpréter les ordonnances des tribunaux (Yu c Jordan, 2012 BCCA 367 au para 53, juge Smith) :

[53] À mon avis, l’interprétation de l’ordonnance judiciaire n’est pas régie par les opinions subjectives d’une ou de plusieurs parties quant à sa signification après le prononcé de l’ordonnance. Une ordonnance, qu’elle soit rendue par consentement ou suivant un processus adjudicatif, est plutôt une décision judiciaire. Par conséquent, c’est le tribunal, et non les parties, qui détermine le sens de son ordonnance. À mon avis, la bonne façon d’interpréter les dispositions d’une ordonnance judiciaire consiste à examiner les actes de procédure de l’action pour laquelle l’ordonnance est rendue, le libellé de l’ordonnance elle‐même et les circonstances dans lesquelles l’ordonnance a été accordée.

[Soulignement ajouté.]

Par conséquent, en plus d’examiner le libellé de l’ordonnance, il est nécessaire d’examiner les actes de procédure et les circonstances connexes. Il serait fautif de tenir compte de ces facteurs, mais d’interpréter ensuite une ordonnance type générique plutôt que l’ordonnance précise que le juge Willcock a rendue en réponse aux actes de procédure et aux circonstances qui l’entourent.

[18] Ces principes ont été appliqués par les tribunaux de diverses administrations (p. ex. Weinrich Contracting Ltd c Wiebe, 2022 ABCA 176 au para 25; Garnier c Garnier, 2021 NSSC 116 aux para 23 à 25; S(I) c B(D), 2016 NBBR 167 au para 189).

[19] En l’espèce, cependant, ce n’est pas la Cour fédérale qui a rendu l’ordonnance de communication, mais plutôt la Cour de la famille de la Cour supérieure de justice de l’Ontario. En outre, la Cour ne dispose pas des actes de procédure sous‐jacents du litige de droit de la famille, ce qui ne l’aide pas. Par conséquent, la Cour se limite à examiner le libellé de l’ordonnance de communication elle‐même et les circonstances générales dans lesquelles l’ordonnance de communication a été accordée (Campbell, au para 15, citant Sutherland c Reeves, 2014 BCCA 222 au para 31 [Sutherland]).

[20] Comme mentionné précédemment, l’ordonnance de communication exigeait [traduction] « la communication de dossiers de tiers concernant le transfert de fonds effectué par le père du défendeur [le demandeur en l’espèce] par l’intermédiaire de BABYLON MONETARY SERVICES INC. et ALTAIF CURRENCY EXCHANGE, au nom de SADEQ JAAFAR HUSSEIN AL‐HUSSEINI ou SADIK JAAFAR HUSSAIN AL‐HUSSAINI ou SADEQ IAAFAR AL‐HUSSEINI ou [caractères dans un autre alphabet] ou 238l431Ontario Inc., exerçant ses activités sous le nom d’Al Shark, ou 1849601 Ontario Inc., exerçant ses activités sous le nom de Jeff’s Brothers ».

[21] Le demandeur s’appuie sur la décision Riverin c R, [1995] ACI no 1675 au para 9 [Riverin], pour faire valoir que « une personne effectue un transfert de biens à une autre personne si elle fait l’action ou signe l’acte par lequel elle se départit du bien et simultanément l’accorde à cette autre personne ». Par conséquent, les conversions de devises ne sont pas des transferts de fonds ni d’actifs à une autre personne. La défenderesse soutient que la décision Riverin n’est pas applicable en l’espèce, parce qu’elle portait sur le transfert d’un immeuble et qu’elle n’a donc rien à voir avec le transfert de fonds.

[22] Je suis d’accord avec la défenderesse pour dire que la décision Riverin ne nous aide pas vraiment à dégager le sens du terme « transfert de fonds » en l’espèce. Cette décision traitait du transfert de biens dans le contexte du paragraphe 160(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 63. Plus précisément, le transfert d’un immeuble par la signature d’un acte de cession en cas de défaut de paiement d’un prêt pour lequel le bien cédé constituait la garantie et lorsque le transfert a été réputé avoir eu lieu aux fins d’une cotisation au titre de l’impôt sur le revenu. De même, je ne suis pas d’accord avec l’observation du demandeur selon laquelle l’arrêt R c Daoust, 2004 CSC 6 est utile en l’espèce, car il portait sur l’interprétation du terme « transfert de possession » de biens au sens du paragraphe 462.31(1) du Code criminel, LRC 1985, c C‐46.

[23] La défenderesse soutient qu’un « transfert de fonds » est le mouvement d’argent d’un compte à un autre, en renvoyant à Cantore c R, 2010 CCI 367 [Cantore]. Cantore était également une affaire relative à la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e suppl.). Dans cette affaire, le vérificateur a utilisé la méthode de comptabilité des dépôts pour déterminer le revenu de l’appelant, mais il n’a examiné qu’un seul des comptes bancaires personnels de l’appelant et a supposé que chaque dépôt dans ce compte représentait une source de revenus. La Cour canadienne de l’impôt a conclu que le vérificateur n’avait pas examiné tous les comptes bancaires de l’appelant, même si les dossiers bancaires du compte examinés par le vérificateur indiquaient que le demandeur transférait souvent des fonds entre ses divers comptes bancaires. Cette omission de la part du vérificateur a entraîné une grave lacune, en ce sens que le vérificateur a traité les transferts de fonds dans le compte de l’appelant à partir de ses autres comptes et de ses emprunts bancaires comme des revenus bruts :

[18] En l’espèce, l’appelant doit soit présenter une preuve prima facie qui démolit les hypothèses sur lesquelles le ministre s’est fondé pour établir les nouvelles cotisations, ce qui ferait passer la charge de la preuve au ministre, soit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les dépôts traités comme un revenu brut par le ministre ne provenaient pas d’une source de revenus, y compris de gains en capital. Toutefois, lorsque la vérificatrice prend un raccourci grossier pour des raisons qui ne sont toujours pas expliquées devant la Cour, cela influera sur le type de preuve que l’appelant devra soumettre pour s’acquitter du fardeau juridique. En l’espèce, l’intimée n’a pas examiné tous les comptes bancaires de l’appelant pour veiller à éliminer les virements faits entre ses comptes. Il suffit donc que l’appelant démontre que les dépôts effectués dans le compte bancaire particulier que l’ARC a analysé ont été effectués au moyen de virements de fonds provenant d’autres comptes de l’appelant. La raison est liée à la nature des hypothèses émises par le ministre. En effet, dans ce cas‐ci, le ministre a supposé que tous les dépôts effectués dans l’unique compte bancaire du contribuable qu’il a décidé d’analyser provenaient de sources de revenus externes. L’appelant peut démontrer le contraire en prouvant qu’un dépôt donné provenait de fonds détenus dans un autre compte bancaire. En règle générale, un virement de fonds entre les comptes bancaires d’un contribuable ne peut pas constituer un revenu. En l’espèce, la preuve d’un pareil virement serait suffisante pour constituer une preuve prima facie qui démolirait l’hypothèse du ministre selon laquelle un dépôt particulier constituait un revenu brut. La charge passerait alors au ministre, qui serait tenu de présenter une preuve pour établir que les fonds virés de l’autre compte constituaient un revenu brut non déclaré. Si le ministre avait analysé tous les comptes de l’appelant et s’il avait éliminé tous les dépôts pouvant être rattachés à des virements de fonds entre les comptes bancaires de l’appelant, ce dernier aurait alors dû démontrer que les dépôts ne provenaient pas de sources de revenus.

[24] Bien que cette affaire ne soit pas elle non plus particulièrement pertinente en l’espèce, elle n’appuie pas le point de vue du demandeur, fondé sur l’arrêt Riverin, selon lequel les transferts entre comptes d’une même personne ne sont pas des transferts de fonds, du moins dans le contexte de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[25] À mon avis, il est encore plus significatif que l’ordonnance de communication exige [traduction] « la communication de dossiers de tiers concernant le transfert de fonds effectué par le père du défendeur [le demandeur en l’espèce] » et ne stipule pas que le transfert de fonds doit avoir été fait d’une personne à une autre, comme le demandeur le soutient.

[26] Cela est lié aux circonstances de la délivrance de l’ordonnance de communication, qui ne doit pas être interprétée en vase clos (Campbell, au para 15, citant Sutherland, au para 31). Il n’est pas contesté que l’ordonnance de communication a été accordée dans le cadre d’une instance de droit de la famille (divorce) entre le demandeur et son ex‐épouse. La défenderesse soutient que l’un des objectifs de l’ordonnance de communication était d’obliger le demandeur à être plus transparent et à divulguer des renseignements financiers afin que les parties aient les chiffres nécessaires pour les calculs afférents à la demande de partage du patrimoine ou de pension alimentaire de l’ex‐épouse. La défenderesse soutient que l’ordonnance de communication viserait tout transfert où le demandeur s’est transféré des fonds, car de tels transferts pourraient faire ressortir les efforts du demandeur en vue de cacher des biens ou de contrecarrer la demande de son ex‐épouse.

[27] Le demandeur n’a soumis aucune observation sur cette question. Il ne conteste pas non plus que les transferts relevés par la défenderesse ont bien eu lieu.

[28] À mon avis, compte tenu du contexte dans lequel l’ordonnance de communication a été délivrée, il semble clair que le juge Howard de la Cour de la famille de la Cour supérieure de justice de l’Ontario a demandé à ce que les transferts de fonds effectués par le demandeur par l’entremise de tiers soient communiqués aux fins d’évaluation pour le partage des biens matrimoniaux. La communication de tous ces transferts serait nécessaire pour évaluer de façon juste et exacte la valeur des biens et leur partage. J’aimerais également souligner que le juge Howard aurait pu limiter la portée des transferts de fonds concernés par la communication, mais qu’il a choisi de ne pas le faire (c.‐à‐d. les transferts à destination ou en provenance de comptes ou de personnes en particulier).

[29] En l’absence d’une telle délimitation de la portée de ce qui devait être communiqué, et compte tenu du fait que l’objectif de l’ordonnance de communication semble être d’assurer un partage juste et approprié des biens matrimoniaux, à mon avis, l’ordonnance de communication peut raisonnablement être interprétée comme visant tous les transferts, y compris les transferts que le demandeur a effectués à lui-même au moyen d’autres comptes et les retraits connexes par le demandeur.

[30] J’accepte également l’argument de la défenderesse selon lequel il était raisonnable de croire que la conversion de devises constituait un « transfert de fonds », parce qu’elle emportait le dépôt de fonds par le demandeur sous forme de traites bancaires de diverses banques canadiennes dans son compte Altaif en dollars canadiens (transfert des fonds et crédit au compte), puis la conversion et le transfert des fonds dans son compte Altaif en dollars américains (transfert des fonds et débit au compte) avant de retirer ces fonds du compte en dollars américains (transfert des fonds du compte en dollars américains au demandeur personnellement).

[31] Dans la mesure où le demandeur soutient également que les documents produits par la défenderesse n’étaient pas visés par l’ordonnance de communication parce qu’ils comprenaient des états de compte du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2020, je ne suis pas d’accord. Premièrement, l’ordonnance de communication ne limitait pas la communication à une période précise dans le temps. De toute façon, comme l’indique Mahdi Al Saady, président‐directeur général d’Altaif Inc., dans son affidavit souscrit le 28 mars 2022, les états de compte font état, dans le haut des documents, d’une plage de dates allant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2020, car il s’agit de la plage par défaut qu’utilise le système interne d’Altaif. Cependant, les dossiers qui ont été produits portaient sur les années 2016 et 2017. L’affidavit de M. Al Saady précise également que, selon les dossiers de la défenderesse, Altaif a seulement fait affaire avec le demandeur entre 2016 et 2017; par conséquent, il n’y aurait pas de dossiers en dehors de cette période. Je remarque que les relevés de compte ne font état que des opérations effectuées en 2016 et en 2017. À mon avis, ce point n’est d’aucune importance.

[32] Lorsqu’il a comparu devant moi, le demandeur a également soutenu que la communication de la défenderesse allait au‐delà des exigences de l’ordonnance de communication, contrevenant ainsi à la LPRPDE, parce que les dossiers comprenaient d’autres renseignements comme ses numéros de compte, ses soldes de compte et son permis de conduire. Toutefois, la défenderesse a simplement produit ce qu’elle croyait qu’elle devait produire : les dossiers qui étaient effectivement en sa possession.

[33] Et, dans la mesure où le demandeur soutient que la défenderesse aurait dû lui demander son avis ou communiquer avec son avocat pour avoir l’avis de ce dernier, je ne souscris pas à sa prétention. L’ordonnance de communication exigeait expressément que la défenderesse soumette des documents à M. Handysides. Nulle part dans l’ordonnance de communication n’a‐t‐il été mentionné que la défenderesse devait communiquer avec le demandeur ou avec son avocat.

[34] Il n’est pas non plus nécessaire d’examiner les observations du demandeur selon lesquelles la défenderesse a suivi les instructions de M. Handysides et non l’ordonnance de communication, car j’ai conclu que les dossiers en cause étaient bel et bien visés par l’ordonnance de communication.

[35] Par conséquent, à mon avis, la divulgation des dossiers en cause par la défenderesse n’a pas porté atteinte aux droits à la vie privée du demandeur protégés par la LPRPDE, parce que ces dossiers étaient visés par l’ordonnance de communication. Cette conclusion est déterminante quant à l’issue de la présente demande.

La divulgation était‐elle la cause directe des pertes du demandeur?

[36] À la lumière de ma conclusion, il n’est pas nécessaire de traiter de cette question. Toutefois, même si ma compréhension de la portée de l’ordonnance de communication devait être erronée, le demandeur n’a pas établi qu’il a subi un préjudice des suites de la divulgation.

[37] Le demandeur soutient que la divulgation des renseignements lui a causé de grandes difficultés, puisque l’information avait été utilisée par M. Handysides dans l’instance en droit de la famille pour présenter le demandeur comme une personne qui tente de mentir à la Cour, et qu’avec la communication des dossiers en cause, qui dépassait la portée de l’ordonnance de communication, les renseignements [traduction] « sont maintenant révélés ». De plus, M. Handysides a accusé le demandeur d’avoir envoyé à l’étranger des dizaines de milliers de dollars dans le but de les cacher au gouvernement canadien. Le demandeur a acheté une maison de 300 000 $ US aux États‐Unis, et M. Handysides a tenté d’induire la Cour de famille en erreur en lançant de fausses accusations contre le demandeur pour obtenir l’ordonnance de communication. Le demandeur soutient que son litige juridique avec cette ex‐épouse est [traduction] « compromis en raison de cette divulgation ».

[38] Pour avoir droit à des dommages‐intérêts, le demandeur doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que le préjudice qu’il a subi a été causé par la violation de la LPRPDE (Miglialo, aux para 22 à 23). Je prends acte de l’argument formulé par le demandeur selon lequel il n’est pas tenu de produire une « preuve solide » de préjudice pour qu’on donne gain de cause quant à sa demande d’indemnité présentée au titre l’article 16 de la LPRPDE. À cet égard, il s’appuie sur la décision Chitrakar c Bell TV, 2013 CF 1103 [Chitrakar]. Cependant, la décision Miglialo est un exposé plus récent du droit sur ce point (voir aussi Blum c Mortgage Architects Inc., 2015 CF 323 au para 19 [Blum]; Montalbo c Banque Royale du Canada, 2018 CF 1155 au para 61) et, dans Chitraka, le commissaire à la protection de la vie privée a conclu que la plainte du demandeur était fondée, et la Cour a jugé que le comportement de Bell était outrageux.

[39] À mon avis, le demandeur n’a pas établi que la divulgation de ses renseignements personnels lui a occasionné le préjudice qu’il a allégué. Je tiens d’abord à souligner que, si la Cour de la famille de la Cour supérieure de justice de l’Ontario était d’avis que la divulgation de la défenderesse en réponse à l’ordonnance de communication dépassait la portée de cette ordonnance, il lui serait loisible de ne pas tenir compte de l’information. Dans ce cas, le demandeur ne subirait aucun préjudice.

[40] De plus, les observations du demandeur et son affidavit à l’appui ne fournissent aucun détail sur le préjudice allégué. Par exemple, le demandeur ne démontre pas comment M. Handysides aurait utilisé l’information pour le dépeindre comme un menteur, comme il le soutient. De plus, si le demandeur était d’avis que M. Handysides a induit la Cour de la famille en erreur afin d’obtenir l’ordonnance de communication, alors l’endroit approprié pour aborder cette question était et est devant ce tribunal ou au moyen d’une plainte au Barreau. Cela dit, dans son affidavit, le demandeur semble plus préoccupé par le fait que les renseignements [traduction] « sont maintenant révélés » en ce qui concerne ses opérations en devises étrangères et qu’il pourrait maintenant devoir des comptes à rendre à cet égard dans son instance de divorce. Même si c’est le cas, il est loisible au demandeur, dans cette instance, d’expliquer pourquoi les opérations en devises étrangères n’ont pas d’incidence sur le partage des biens matrimoniaux. Si la Cour de la famille devait accepter cette explication, la divulgation par la défenderesse ne lui aura occasionné aucun préjudice.

[41] Le demandeur n’offre pas non plus de preuve ni d’explication concernant son affirmation selon laquelle son litige juridique avec cette ex‐épouse est [traduction] « compromis » en raison de cette divulgation. Si l’on suppose qu’il signifie par là que le partage des biens matrimoniaux tiendra compte de ses opérations en devises étrangères, alors, à mon avis, cela a trait à la détermination d’un partage équitable, et non au fait de compromettre sa cause.

[42] Il est également important de noter que le demandeur soutient que son instance de droit de la famille n’est pas réglée et que, par conséquent, la question du préjudice est encore bien générale, puisqu’il n’a pas encore vu les conséquences de l’atteinte alléguée à la vie privée. Autrement dit, à ce stade de l’instance, la violation alléguée n’a causé aucun préjudice.

[43] À mon avis, dans ces circonstances, le demandeur n’a pas établi qu’il a effectivement subi le préjudice allégué, ou que la divulgation par la défenderesse de ses renseignements personnels lui occasionnera un tel préjudice. Par conséquent, même s’il y avait eu violation de la LPRPDE, je refuserais d’exercer mon pouvoir discrétionnaire d’accorder des dommages‐intérêts fondés sur l’article 16 de la LPRPDE.

[44] Même si je n’en étais pas arrivé à cette conclusion, je constate que le demandeur n’a présenté aucune justification à l’appui de sa réclamation en dommages-intérêts de 20 000 $. De plus, la Cour a jugé par le passé que la LPRPDE lui confère le pouvoir discrétionnaire d’accorder des réparations, mais que l’octroi de dommages-intérêts ne devrait pas se faire à la légère, mais plutôt seulement dans les circonstances les plus flagrantes (Randall c Nubodys Fitness Centres, 2010 CF 681 au para 55 [Randall]; voir aussi Miglialo, aux para 41 et 48; Townsend c Financière Sun Life, 2012 CF 550 aux para 30 à 34; Nammo c Transunion of Canada Inc., 2010 CF 1284 au para 71; Biron c Banque Royale du Canada, 2012 CF 1095 aux para 37 à 43; Blum, aux para 11 à 20). Le demandeur n’a pas démontré que la défenderesse a agi de façon outrageuse, de mauvaise foi ni d’une manière qui dénote un mépris du droit à la vie privée du demandeur, et que ses actes nécessitent qu’elle doive se justifier, que des mesures dissuasives lui soient imposées ou que le demandeur soit indemnisé. M. Al Saady a été contre‐interrogé sur son affidavit et a expliqué pourquoi la défenderesse croyait qu’elle agissait conformément à l’ordonnance de communication lorsqu’elle a fait la divulgation et, plus précisément, pourquoi la défenderesse considérait les opérations en devises comme des « transferts de fonds », et qu’elles étaient donc visées par l’ordonnance de communication. À mon avis, cette explication et cette croyance étaient raisonnables.

Conclusion

[45] La demande présentée par le demandeur en vertu de l’article 14 de la LPRPDE est rejetée. La défenderesse n’a pas violé les droits à la vie privée du demandeur au titre de la LPRPDE, parce que les documents divulgués étaient visés par l’ordonnance de communication.

Dépens

[46] Les deux parties ont demandé des dépens, mais ni l’une ni l’autre n’a présenté d’observations quant au montant.

[47] Le paragraphe 400(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‐106, confère à la Cour le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens, de les répartir et de désigner les personnes qui doivent les payer. Dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire, la Cour peut tenir compte des facteurs énoncés au paragraphe 400(3) des Règles, notamment le résultat de l’instance, l’importance et la complexité des questions en litige, le fait que l’intérêt public dans la résolution judiciaire de l’instance justifie une adjudication particulière des dépens, la conduite d’une partie qui a eu pour effet d’abréger ou de prolonger inutilement la durée de l’instance, et toute autre question que la Cour juge pertinente. La Cour peut fixer tout ou partie des dépens en se reportant au tarif B et adjuger une somme globale au lieu ou en sus des dépens taxés (paragraphe 400(4) des Règles).

[48] En l’espèce, je suis d’avis que l’adjudication des dépens à la défenderesse, la partie qui a eu gain de cause, conformément à la colonne III du tarif B, est appropriée (article 407 des Règles). Le dépôt tardif, par la défenderesse, de son recueil supplémentaire de la jurisprudence et de la doctrine ne lui a servi à rien et n’a été d’aucune utilité à la Cour, mais ne justifie pas une modulation des dépens.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T‐230‐22

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande fondée sur l’article 14 de la LPRPDE présentée par le demandeur est rejetée;

  2. La défenderesse a droit aux dépens, conformément à la colonne III du tarif B.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‐230‐22

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

SADEQ AL‐HUSSEINI c. ALTAIF INC., AUSSI CONNUE SOUS LE NOM D’ALTAIF FOREIGN EXCHANGE SIMPLIFIED

 

LEU DE L’AUDIENCE :

Par vidéoconférence au moyen de Zoom

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 27 octobre 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE :

Le 2 novembre 2022

 

COMPARUTIONS :

Nicholas Harris

 

Pour le demandeur

 

Roland Hung

 

Pour LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Colautti Landry Partners

Société professionnelle

Windsor (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Torkin Manes LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour le DÉFENDERESSE

 

 

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