Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20221114


Dossier : IMM‑9279‑21

Référence : 2022 CF 1546

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 14 novembre 2022

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

TOKUNBO ADESOYE AGUNREGE

SOFIAT MOJISOLA TOKUNBO‑AGUNREGE

FAREEDAH AYOMIKUN TOKUNBO

MUTMAINAH OPEYEMI TOKUNBO

FAWZIYAH BOLUWATIFE TOKUNBO

AL‑AMEEN OLUWATOBILOBA TOKUNBO

RAHEEM KOLADE ABDULRAHEEM

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

 

[1] Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire, au titre de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], d’une décision datée du 19 novembre 2021 par laquelle la Section d’appel des réfugiés [la SAR] a rejeté l’appel qu’ils avaient interjeté à l’encontre d’une décision de la Section de la protection des réfugiés [la SPR]. Pour les motifs exposés ci‑dessous, je rejetterai la présente demande de contrôle judiciaire.

I. Le contexte

[2] Les demandeurs, un couple et leurs cinq enfants mineurs, sont des citoyens du Nigéria originaires de Lagos. Ils affirment que, pour des raisons qui leur sont inconnues, ils sont devenus la cible d’un groupe violent de ritualistes connu au Nigéria sous le nom de secte Badoo. Les demandeurs affirment que des membres de la secte Badoo ont tenté de s’introduire dans leur maison au Nigéria à trois occasions distinctes, qu’ils ont tenté d’enlever les demandeurs mineurs à l’école et qu’ils ont fait des appels téléphoniques de menaces aux demandeurs après que ces derniers eurent signalé les introductions par effraction à la police. La SPR a rejeté la demande d’asile des demandeurs, ayant conclu que les demandeurs n’avaient pas réussi à établir l’identité des agresseurs et que leur allégation selon laquelle les agresseurs étaient des membres de la secte Badoo était conjecturale.

[3] Les demandeurs ont interjeté appel devant la SAR, laquelle a conclu que les demandeurs n’avaient pas réussi à démontrer l’existence d’un risque prospectif ni à établir que les villes de Benin City, d’Abuja et de Port Harcourt, proposées à titre de possibilités de refuge intérieur [PRI], étaient inadéquates à cette fin. C’est la décision de la SAR qui fait l’objet de la présente demande.

II. Les questions en litige et analyse

[4] Les demandeurs soutiennent que la SAR a enfreint leur droit à l’équité procédurale lorsqu’elle a rejeté leur demande visant la tenue d’une audience, et que la norme de contrôle qui s’applique aux questions d’équité procédurale est celle de la décision correcte. Dans ses motifs, la SAR a expliqué que la demande visant la tenue d’une audience avait été rejetée au motif que les nouveaux éléments de preuve admis (i) ne soulevaient aucune question importante en ce qui concerne la crédibilité des demandeurs et (ii) n’étaient pas déterminants quant à l’issue de la demande d’asile des demandeurs, étant donné la présence d’un certain nombre d’autres problèmes. Je ne suis pas d’accord avec les demandeurs. La SAR a agi dans les limites du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré au paragraphe 110(6) de la LIPR et elle n’a donc pas enfreint le droit des demandeurs à l’équité procédurale en rejetant leur demande visant la tenue d’une audience.

[5] Les demandeurs soutiennent également que la décision de la SAR était déraisonnable, du fait que celle‑ci a conclu qu’ils n’avaient pas (i) démontré l’existence d’un risque prospectif ni (ii) établi que les villes de Benin City, d’Abuja et de Port Harcourt, proposées à titre de PRI, étaient inadéquates à cette fin. La norme de la décision raisonnable s’applique à ces questions, ce qui signifie que la décision de la SAR doit être transparente, intelligible et justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 99).

[6] Tout d’abord, les demandeurs contestent le caractère raisonnable du choix de la SAR d’écarter des articles portant sur la situation dans le pays qu’ils avaient soumis pour corroborer leur affirmation selon laquelle la secte Badoo existe toujours et que ses membres continuent de commettre des meurtres rituels et des assassinats ciblés dans les villes partout au Nigéria. Les demandeurs soutiennent que, contrairement aux affirmations des autorités, la police n’a pas été en mesure d’arrêter ou de limiter les activités violentes de la secte Badoo.

[7] Cependant, la SAR a raisonnablement conclu que les articles soumis par les demandeurs n’étaient plus pertinents à la lumière des renseignements sur la secte Badoo figurant dans le cartable national de documentation mis à jour, qui faisait état de centaines d’arrestations de personnes soupçonnées d’être membres de la secte Badoo dans tout le Nigéria. En outre, le commissaire de police de Lagos avait aussi déclaré que le taux de criminalité avait considérablement baissé dans la ville. La SAR a également relevé que les récents meurtres rituels n’ont jamais été attribués à la secte Badoo.

[8] Les demandeurs n’ont pas non plus dissipé les réserves de la SAR concernant le risque prospectif que leur fait courir la secte Badoo, bien que la SAR leur ait expressément demandé, dans une lettre, de fournir des observations à ce sujet. Les articles soumis à la SAR en réponse à cette lettre constituent des éléments de preuve généraux relatifs aux meurtres de type rituel au Nigéria, qui ne sont pas pertinents aux fins de la demande d’asile des demandeurs, étant donné qu’elle est explicitement fondée sur le risque de préjudice aux mains d’agresseurs particuliers de la secte Badoo.

[9] La preuve des demandeurs établit simplement qu’ils pourraient être exposés à un risque de préjudice en raison de la violence rituelle générale au Nigéria, tout comme le reste de la population générale au Nigéria, et non qu’ils sont spécifiquement exposés à un risque de préjudice particulier aux mains de la secte Badoo. La conclusion de la SAR selon laquelle les demandeurs n’ont pas réussi à établir un risque de préjudice individualisé aux mains de la secte Badoo est raisonnable (Prophète c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CAF 31 au para 7).

[10] En définitive, la question déterminante porte sur la conclusion de la SAR quant à l’existence d’une PRI dans les villes de Benin City, d’Abuja et de Port Harcourt, chose que les demandeurs n’ont pas réussi à réfuter. La SAR a raisonnablement conclu que les demandeurs n’ont pas réussi à démontrer, selon la prépondérance des probabilités, soit (i) qu’il existe une possibilité sérieuse qu’ils soient persécutés dans les endroits proposés comme PRI, soit (ii) que les conditions dans les endroits proposés comme PRI sont telles qu’il serait déraisonnable pour eux d’y chercher refuge (Idowu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1052 au para 6).

[11] En ce qui concerne le premier volet du critère relatif à la PRI, les demandeurs n’ont pas réussi à démontrer l’existence d’un risque prospectif, car rien ne prouve que les membres de la secte Badoo continuent de s’intéresser à eux. En ce qui concerne l’argument des demandeurs selon lequel ils pourraient être repérés n’importe où au Nigéria à l’aide des médias sociaux, de leur carte SIM, de leurs données de téléphones cellulaires ou de leur carte d’identité nationale, la SAR a raisonnablement conclu que les demandeurs n’ont présenté aucune preuve donnant à penser que les membres de la secte Badoo pourraient accéder à ces renseignements pour les repérer.

[12] La SAR a également relevé que les demandeurs eux‑mêmes ont admis que non seulement de nombreux membres de la secte Badoo avaient été arrêtés, mais que le chef de cette secte est recherché par la police, ce qui l’a menée à conclure que, contrairement à ce que prétendent les demandeurs, il est peu probable que la secte Badoo ait des liens avec la police ou une influence sur cette dernière qui lui permettrait d’accéder à des renseignements sur l’emplacement des demandeurs.

[13] En ce qui concerne le deuxième volet du critère relatif à la PRI, l’argument des demandeurs selon lequel ils auraient des difficultés à trouver un emploi et un logement n’est pas convaincant. La SAR a raisonnablement conclu que les études supérieures des demandeurs, leurs bons antécédents professionnels au Nigéria et leur expérience de travail au Canada les aideraient à trouver un emploi et un logement dans les endroits proposés comme PRI. De simples difficultés pour les demandeurs qui se réinstallent dans une PRI proposée ne rendent pas cette dernière déraisonnable. En l’espèce, les demandeurs n’ont pas soulevé d’autres conditions ou circonstances faisant en sorte qu’il serait déraisonnable pour eux de chercher refuge dans les PRI proposées.

III. Conclusion

[14] La décision de la SAR de rejeter l’appel des demandeurs était raisonnable. Je rejetterai la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune question de portée générale n’est soulevée.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑9279‑21

LA COUR STATUE que :

  1. La demande est rejetée.

  2. Aucune question à certifier n’a été soulevée, et je conviens que la présente affaire n’en soulève aucune.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Alan S. Diner »

Juge

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑9279‑21

 

INTITULÉ :

TOKUNBO ADESOYE AGUNREGE, SOFIAT MOJISOLA TOKUNBO‑AGUNREGE, FAREEDAH AYOMIKUN TOKUNBO, MUTMAINAH OPEYEMI TOKUNBO, FAWZIYAH BOLUWATIFE TOKUNBO, AL‑AMEEN OLUWATOBILOBA TOKUNBO, RAHEEM KOLADE ABDULRAHEEM c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 8 novembre 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

le juge DINER

 

DATE DES MOTIFS :

le 14 novembre 2022

 

COMPARUTIONS :

Roy C. Amadi

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Prathima Prashad

 

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Roy C. Amadi

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.