Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20221206


Dossiers : IMM‑1101‑22

IMM-1102-22

Référence : 2022 CF 1685

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 6 décembre 2022

En présence de madame la juge Sadrehashemi

Dossier : IMM-1101-22

ENTRE :

SADA KHEZERLOUY AGHDAM

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

Dossier : IMM-1102-22

ET ENTRE :

SANAZ MOUSAVI

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Les demandeurs, Sada Khezerlouy Aghdam (le demandeur mineur) et Sanaz Mousavi (la mère du demandeur mineur), ont chacun présenté une demande pour séjourner temporairement au Canada. Le demandeur mineur a sollicité un permis d’études pour aller à une école secondaire publique de premier cycle à l’Île‑du‑Prince‑Édouard (l’Î.‑P.‑É.), alors que la mère du demandeur mineur a sollicité un visa de résident temporaire (visa de visiteur) afin d’accompagner son fils. Les deux demandes ont été rejetées par un agent (l’agent) du Centre de traitement des demandes d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) à Ottawa.

[2] Les demandeurs contestent ces décisions au moyen de demandes de contrôle judiciaire distinctes, mais liées. Le 23 juin 2022, la Cour a ordonné que les deux demandes de contrôle judiciaire (dossiers IMM‑1101‑22 et IMM‑1102‑22) soient instruites conjointement le 30 novembre 2022.

[3] Les parties conviennent que la décision de l’agent de rejeter la demande de visa de visiteur de la mère du demandeur mineur est entièrement fondée sur sa décision de rejeter la demande de permis d’études du demandeur mineur. Si je conclus que cette dernière décision n’est pas raisonnable, il en va de même pour la première.

[4] Je souscris à l’argument des demandeurs selon lequel la conclusion tirée par l’agent concernant leurs moyens financiers n’est pas raisonnable. La décision de rejeter la demande de permis d’études repose en grande partie sur cette conclusion. Par conséquent, les deux demandes doivent être renvoyées à un autre décideur pour qu’il rende une nouvelle décision.

[5] Pour les motifs exposés ci-après, j’accueillerai les deux demandes de contrôle judiciaire.

II. Contexte

[6] Le demandeur mineur, âgé de 12 ans, et sa mère sont des citoyens iraniens. La mère du demandeur mineur est médecin et professeure adjointe en gynécologie en Iran, et l’époux de celle‑ci est également médecin et professeur adjoint. Le 26 janvier 2022, le demandeur mineur a sollicité un permis d’études pour fréquenter une école publique de Charlottetown, à l’Î.‑P.‑É. Dans la demande, il était indiqué que le demandeur mineur habiterait dans la province avec son tuteur, un ami de la famille, pendant l’année scolaire. La mère du demandeur mineur avait quant à elle sollicité un visa de visiteur afin d’accompagner son fils au Canada. Elle l’aiderait à s’installer, puis retournerait en Iran.

[7] De 2017 au 2 février 2022, le demandeur mineur et sa mère détenaient chacun un visa de visiteur pour entrées multiples au Canada. En 2018, la mère du demandeur mineur est venue au Canada. Lorsque l’agent a examiné les demandes faisant l’objet du présent contrôle, la mère du demandeur mineur avait présenté une demande de résidence permanente à l’Î.‑P.‑É. au titre du Programme des candidats des provinces, dans la catégorie des gens d’affaires (Business Impact).

[8] Le 2 février 2022, l’agent a rejeté les demandes de permis d’études et de visa de visiteur, car il n’était pas convaincu que les demandeurs quitteraient le Canada à la fin de la période de séjour autorisée compte tenu de la raison de leur visite (Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227, art 216(1)). Le principal motif donné par l’agent pour justifier sa décision se limite à ce qui suit :

[traduction]

La raison de la visite ne semble pas raisonnable compte tenu de la situation socioéconomique du demandeur. Selon les documents versés au dossier concernant les moyens financiers du parent, et compte tenu du but de la visite, je suis d’avis que le projet d’études au Canada n’est une dépense ni raisonnable ni abordable.

III. Question en litige et norme de contrôle

[9] La seule question en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire est celle de savoir s’il était raisonnable pour l’agent de douter que les demandeurs quittent le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. Les deux parties conviennent que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. La Cour suprême du Canada confirme, dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 (Vavilov), que la norme de la décision raisonnable est la norme de contrôle qui s’applique par présomption lorsqu’une décision administrative est examinée sur le fond. La présente affaire ne soulève aucune question qui justifierait de déroger à cette présomption.

IV. Analyse

[10] La principale conclusion de l’agent est que le projet d’études n’était une [traduction] « dépense ni raisonnable ni abordable » étant donné la « situation socioéconomique » des demandeurs, conclusion à laquelle il est parvenu sans tenir compte des éléments de preuve présentés par ceux‑ci. L’agent avait notamment à sa disposition des lettres d’emploi des parents du demandeur mineur, des relevés bancaires, y compris une longue liste de transactions, indiquant des économies considérables pour les deux parents, de même que des copies des titres de plusieurs propriétés. Par ailleurs, les parents du demandeur mineur avaient déjà payé la totalité des droits de scolarité pour l’année en question.

[11] La façon dont l’agent est parvenu à la conclusion que le projet d’études n’était une [traduction] « dépense ni raisonnable ni abordable » en raison de la « situation socioéconomique » des demandeurs est incertaine. Les éléments de preuve au dossier ne peuvent expliquer cette conclusion. Les motifs doivent faire état d’une « analyse rationnelle », de sorte que la personne visée par la décision puisse en comprendre le fondement (Vavilov au para 103; voir également Patel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 77 au para 17; Samra c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 157 au para 23; et Rodriguez Martinez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 293 aux para 13 et 14).

[12] Le défendeur fait valoir que la conclusion de l’agent portant que le projet d’études n’était une dépense ni raisonnable ni abordable est fondée sur l’existence, du point de vue de l’agent, d’options locales plus abordables. Abstraction faite des arguments invoqués par les demandeurs sur la question de savoir s’il était raisonnable pour l’agent de soulever l’existence d’autres options locales, la conclusion de l’agent était, en tout état de cause, fondée sur son point de vue de la [traduction] « situation socioéconomique » des demandeurs. L’agent n’a pas expliqué ce qu’il entendait par [traduction] « situation socioéconomique » ni comment son examen des éléments de preuve l’a amené à conclure que le projet d’études n’était une « dépense ni raisonnable ni abordable » pour les demandeurs.

[13] Les demandes de contrôle judiciaire seront accueillies. Aucune des parties n’a proposé de question à certifier, et je conviens que la présente affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans les dossiers IMM-1101-22 et IMM-1102-22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. Les décisions d’IRCC du 2 février 2022 concernant les demandes de permis d’études et de visa de visiteur sont annulées.

  2. L’affaire est renvoyée à un autre décideur d’IRCC pour qu’il rende une nouvelle décision.

  3. Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

« Lobat Sadrehashemi »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mélanie Lefebvre


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIERS :

IMM‑1101‑22 ET IMM‑1102‑22

 

DOSSIER :

IMM‑1101‑22

 

INTITULÉ :

SADA KHEZERLOUY AGHDAM c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

ET DOSSIER :

IMM‑1102‑22

 

INTITULÉ :

SANAZ MOUSAVI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 30 NOVEMBRE 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE SADREHASHEMI

 

DATE DES MOTIFS :

LE 6 DÉCEMBRE 2022

 

COMPARUTIONS :

Richard Kurland

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Samson Rapley

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kurland, Tobe

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.