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Date : 20221201


Dossier : T-1460-22

Référence : 2022 CF 1654

Montréal (Québec), le 1 décembre 2022

En présence de l'honorable monsieur le juge Lafrenière

Dossier : T-1460-22

ENTRE :

JOSEPH AWID

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, M. Joseph Awid, sollicite le contrôle judiciaire de la décision d’une agente de l’Agence du revenu du Canada [ARC], qui a déterminé, à la suite d’un deuxième examen, que M. Awid n’était pas admissible à la Prestation canadienne de la relance économique [PCRE].

[2] Pour les motifs qui suivent, je conclus que la décision de l’agente n’est pas déraisonnable, et que la demande doit être rejetée.

II. Contexte et faits

[3] La PCRE a été introduite par la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique, LC 2020, c 12, art 2 [Loi] afin de fournir une aide financière aux salariés et aux travailleurs indépendants qui ont été directement touchés par la pandémie de la COVID-19 et qui n’avaient pas droit aux prestations d’assurance-emploi.

[4] M. Awid a reçu en 2020 et en 2021 des prestations de PCRE sur la foi des demandes qu’il a soumises à l’ARC. Il a affirmé dans ses demandes avoir gagné un montant exact de 5 000$ de revenu d’entreprise net en 2019 en échange de services rendus à une boucherie, Boucher Grill, en plus d’un revenu d’emploi de 212,72$.

[5] Le 16 novembre 2021, le dossier de PCRE de M. Awid est assigné à un agent afin de vérifier s’il remplissait les critères d’admissibilité prévus par la Loi.

[6] Le 19 novembre 2021, après un premier examen, l’ARC informe M. Awid qu’il n’était pas éligible aux prestations de PCRE pour les périodes allant du 27 septembre 2020 au 7 novembre 2020, puis du 6 décembre 2020 au 24 avril 2021.

[7] Le 15 juin 2022, un deuxième examen est entrepris par une agente de l’ARC suite à la demande de M. Awid.

[8] Dans le cadre de son examen, l’agente a consulté les informations disponibles au registre informatique de l’ARC et les documents fournis par M. Awid, y compris :

  1. Une facture adressée à 9317-3920 Quebec inc (Boucher Grill) visant l’année 2019 et portant comme entête les coordonnées de M. Awid;

  2. Un reçu signé par M. Awid et daté du 27 décembre 2019; et

  3. Une lettre datée du 27 décembre 2019 et portant comme entête les coordonnées de la société 9317-3920 Québec inc.

[9] L’agente a donné la chance à M. Awid de fournir d’autres pièces justificatives pour démontrer son revenu de boucher de 2019, mais il n’a pas été en mesure de fournir quelconque pièce supplémentaire.

[10] Après un second examen, l’agente confirme que M. Awid n’était pas admissible aux prestations. Le motif invoqué dans la lettre de refus est que : « vous n’avez pas gagné au moins 5 000$ (avant impôts) de revenus d’emploi ou de travail indépendant en 2019, en 2020 ou au cours des 12 mois précédant la date de votre première demande ».

[11] Pour conclure en ce sens, l’agente s’est fondée sur les faits suivants :

  1. En 2018 et en 2019, pour ces deux années consécutives, le demandeur déclare à l’ARC avoir gagné exactement 5 000$

  2. 5 000$ par année de revenu d’entreprise net;

  3. Le demandeur indique avoir gagné cette rémunération en tant que travailleur autonome comme boucher chez Boucher Grill pendant la période du 10 janvier 2019 au 31 décembre 2019;

  4. Ce revenu de 5 000$ est le seul revenu d’entreprise que le demandeur déclare pour son année 2019, et il n’a donc logiquement pas d’autre client que la boucherie;

  5. Le demandeur indique avoir reçu comme rémunération seulement des sommes en argent comptant, et ne jamais avoir encaissé ces sommes dans un compte de banque;

  6. Le demandeur n’a pas reçu de relevé fiscal T4 ou T4A relativement à ses revenus de boucher de 2019;

  7. M. Awid n’a pas fourni de preuve de dépôt bancaire démontrant sa rémunération de boucher en 2019;

  8. M. Awid n’a pas fourni quelconque livre ou registre comptable démontrant cette rémunération gagnée en 2019;

[12] En somme, les diverses pièces fournies par M. Awid ne sont pas considérées comme probantes par l’agente pour démontrer un revenu de 5 000$ gagné en 2019.

[13] M. Awid conteste cette décision.

III. Question en litige

[14] La norme de contrôle judiciaire applicable en l’espèce est la norme de la décision raisonnable telle qu’établi par la Cour suprême du Canada: Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux paras 16-17. La question en litige est donc de savoir si la décision de l’ARC quant à l’admissibilité de M. Awid aux prestations de PCRE est raisonnable.

IV. Analyse

[15] Le paragraphe 3(1) de la Loi prévoyait les critères d’admissibilité pour recevoir la PCRE. Pour être éligible à la PCRE, un résident canadien devait, notamment, avoir eu des revenus, pour l’année 2019, 2020 ou au cours des douze mois précédant la date à laquelle il présentait sa demande, s’élevant à au moins cinq mille dollars (5 000$) et provenant notamment d’un emploi ou d’un travail qu’il exécutait pour son compte.

[16] M. Awid soutient qu’il a effectivement gagné un montant exact de 5 000$ de revenu d’entreprise net pour son année 2019.

[17] Pour sa part, le défendeur soutient que M. Awid n’a pas rencontré son fardeau de preuve pour démontrer qu’il a effectivement gagné le montant exact de 5 000$ de revenu d’entreprise net en 2019, ce qui le rend inéligible à la prestation de PCRE. J’abonde dans ce sens.

[18] À mon avis, le dossier démontre que l’agente a tenu compte de tous les documents fournis par M. Awid, ainsi que des explications de celui‑ci quant aux raisons pour lesquelles ces documents ne démontrent pas son revenu pendant la période pertinente. D’après elle, il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve présentés par M. Awid pour lui permettre de conclure qu’il a gagné 5 000$ ou plus de revenu de travailleur autonome en 2019, en 2020, ou dans les 12 mois précédant ses demandes de PCRE.

[19] Compte tenu de l’ensemble de la preuve, il n’était pas déraisonnable pour l’agente de conclure que les documents fournis par M. Awid ne constituaient pas des pièces justificatives suffisantes pour appuyer ses prétentions quant à l’existence du revenu de travailleur autonome allégué.

[20] Les critères de l’article 3 de la Loi sur les PCRE sont cumulatifs; un demandeur doit satisfaire tous les critères pour être admissible. Il est de la responsabilité des demandeurs de PCRE de s’assurer qu’ils respectent les critères et qu’ils sont en mesure de démontrer qu’ils respectent effectivement les critères.

[21] Afin de contrôler adéquatement l’admissibilité des demandeurs de PCRE, l’ARC est autorisée par l’article 6 de la Loi à exiger des renseignements auprès des demandeurs, et ces derniers sont obligés de fournir lesdits renseignements à l’ARC.

[22] En vertu du paragraphe 230(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e suppl) [LIR] et de la jurisprudence applicable, il en va de l’intérêt public que les contribuables canadiens qui exploitent une entreprise respectent leurs responsabilités de travailleur autonome en tenant rigoureusement leurs livres et registres pour démontrer leurs revenus, leurs dépenses d’entreprise, et tout autre élément financier et fiscal pertinent : Njenga c. R., 96 DTC 6593, [1997] 2 CTC 8 (CAF).

[23] Le régime fiscal canadien est un régime de déclaration volontaire et d’autocontrôle. Ce régime d'autocontrôle est un privilège dont ne devaient pas abuser les contribuables. Il va sans dire que les contribuables canadiens qui exploitent une entreprise ont le droit à des avantages fiscaux ou financiers seulement s’ils ont respecté leurs responsabilités de travailleur autonome en vertu du paragraphe 230(1) LIR.

[24] Bien qu’il soit possible que M. Awid ait réellement travaillé comme travailleur autonome en 2019 et gagné 5 000$ pile, il demeure qu’il était incapable de démontrer de manière convaincante les revenus exacts provenant de ce travail autonome. Il n’a pas été en mesure de fournir à l’ARC le moindre registre de ses heures travaillées comme travailleur autonome en 2019, ou des paiements qu’il a reçus à ce titre en 2019. De plus, aucun effort n’a été fait par M. Awid pour conserver un registre de ses revenus de travailleur autonome en 2019.

[25] La décision de l’agente de refuser l’éligibilité de M. Awid à la PCRE est fondée sur une analyse cohérente et rationnelle et elle est justifiée au regard de l’absence de preuve documentaire de M. Awid pour soutenir sa position ainsi que les divers éléments affectant l’exactitude et la vraisemblance de ses allégations.

V. Conclusion

[26] M. Awid ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait d’établir que la décision rendue par l’agente au terme du deuxième examen est déraisonnable. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[27] À l’audience, le défendeur a indiqué qu’il ne demandait pas de dépens étant donné la bonne foi de M. Awid. Par conséquent, aucuns dépens ne sont adjugés.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-1460-22

LA COUR STATUE que

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Roger R. Lafrenière »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1460-22

 

INTITULÉ :

JOSEPH AWID c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 28 novembre 2022

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE LAFRENIÈRE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 1 décembre 2022

 

COMPARUTIONS :

M. Joseph Awid

Pour le demandeur

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Me Simon Dufour

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Montréal(Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

 

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