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Date : 20221219


Dossier : IMM-798-22

Référence : 2022 CF 1753

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 19 décembre 2022

En présence de madame la juge Rochester

ENTRE :

JASPAL SINGH MAHLI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, Jaspal Singh Malhi, est un citoyen de l’Inde. Il sollicite le contrôle judiciaire de la décision datée du 7 janvier 2022 par laquelle la Section d’appel des réfugiés [la SAR] a rejeté son appel et confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés [la SPR], qui avait rejeté sa demande d’asile en concluant qu’il n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger au titre de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

[2] Le demandeur allègue qu’il craint la police du Pendjab et les membres du Congrès national indien et du parti Akali Dal (Badal). La question déterminante que devaient trancher la SPR et la SAR était celle de savoir s’il existait une possibilité de refuge intérieur [PRI] à Mumbai ou à Bengaluru.

[3] Le demandeur soutient que la SAR a rendu une décision déraisonnable pour les raisons suivantes : i) elle n’a pas fourni de motifs suffisants; ii) elle a fait une analyse microscopique et n’a pas tenu compte des éléments de preuve subjectifs et objectifs montrant qu’il pouvait être retrouvé dans les villes proposées comme PRI.

[4] Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

II. Question en litige et norme de contrôle applicable

[5] La question en litige dans la présente affaire consiste à savoir si la décision de la SAR est raisonnable.

[6] La norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, telle qu’elle a été énoncée dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]. Une décision raisonnable est une décision qui est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov, au para 85). Il incombe au demandeur, la partie qui conteste la décision, de démontrer le caractère déraisonnable de la décision de la SAR (Vavilov, au para 100). Pour pouvoir intervenir, la cour de révision doit être convaincue par la partie contestant la décision que celle‑ci « souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence », et que ces lacunes ou insuffisances reprochées « ne [sont] pas […] simplement superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision » (Vavilov, au para 100).

[7] Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable est empreint de déférence, mais demeure rigoureux (Vavilov, aux para 12‑13). Ainsi, il y a lieu de faire preuve de retenue, en particulier à l’égard des conclusions de fait et de l’appréciation de la preuve. À moins de circonstances exceptionnelles, la cour de révision ne devrait pas modifier les conclusions de fait. Ce n’est pas le rôle de la Cour, lors du contrôle judiciaire, d’apprécier à nouveau ou de réévaluer la preuve examinée par le décideur (Vavilov, au para 125). Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable n’est pas une « chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur ». La cour de révision doit uniquement être convaincue que le raisonnement du décideur « se tient » (Vavilov, aux para 102, 104).

III. Analyse

[8] La question soulevée par le demandeur porte sur l’analyse faite par la SAR dans le but de savoir s’il disposait d’une PRI viable. À ce titre, il est utile d’énoncer les principes et les critères applicables pour établir la viabilité d’une PRI. Il ne faut pas oublier que c’est au demandeur qu’il incombe de démontrer qu’une PRI proposée n’est pas viable.

[9] L’analyse d’une PRI repose sur le principe selon lequel la protection internationale ne peut être offerte aux demandeurs d’asile que dans les cas où le pays d’origine est incapable de fournir à la personne qui demande l’asile une protection adéquate partout sur son territoire (Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 350 au para 26). Il est bien établi que la protection internationale est une mesure de dernier recours, de sorte que si un demandeur d’asile peut se réinstaller en toute sécurité et raisonnablement dans son pays de nationalité, il doit le faire plutôt que de demander l’asile au Canada (Olusola c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 799 au para 7). Par conséquent, si un demandeur d’asile a une PRI viable, sa demande d’asile présentée au titre des articles 96 ou 97 sera irrecevable, indépendamment du bien‑fondé des autres aspects de la demande (ibid.).

[10] Le critère permettant d’évaluer la viabilité d’une PRI comporte deux volets. Les deux volets doivent être remplis pour pouvoir conclure qu’un demandeur d’asile dispose d’une PRI. Le premier volet consiste à établir, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur ne risque pas sérieusement d’être persécuté à l’endroit proposé comme PRI. Dans le contexte de l’article 97, il faut établir que le demandeur ne serait pas personnellement exposé à un danger ou à un risque au titre de l’article 97 à l’endroit proposé comme PRI. Le deuxième volet exige que les conditions qui existent à l’endroit proposé comme PRI soient telles qu’il ne serait pas déraisonnable, compte tenu de toutes les circonstances, y compris la situation personnelle du demandeur d’asile, qu’il y cherche refuge (Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1993 CanLII 3011 [CAF], [1994] 1 CF 589 [CAF] aux p 597‑598; Hamdan c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 643 aux para 10‑12; Leon c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 428 au para 9; Mora Alcca c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 236 au para 5 [Mora Alcca]; Souleyman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 708 au para 17).

[11] Il appartient au demandeur d’asile de prouver que la PRI est déraisonnable et non au défendeur ou à la SAR d’expliquer pourquoi elle le serait (Jean Baptiste c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1106 au para 21). Comme l’indique le juge LeBlanc dans la décision Mora Alcca, il s’agit d’un fardeau très exigeant :

[14] Je suis conscient que le fardeau de démontrer qu’une PRI est déraisonnable dans un cas donné, fardeau qui incombe au demandeur d’asile, est très exigeant. En effet, il lui faut démontrer rien de moins que l’existence de conditions qui mettraient en péril sa vie et sa sécurité là où il pourrait se relocaliser. La preuve qu’il doit apporter à cet égard doit être réelle et concrète.

[Renvois omis.]

[12] Pour démontrer qu’une ville proposée comme PRI est déraisonnable, le demandeur doit fournir une preuve réelle et concrète de l’existence de conditions qui mettraient en péril sa vie et sa sécurité s’il s’y réinstallait.

A. Le défaut de fournir des motifs suffisants

[13] La première question soulevée par le demandeur porte sur le fait que la SAR n’aurait pas fourni des motifs suffisants. À cet égard, le demandeur soulève deux sous‑questions.

[14] Le demandeur allègue que la SAR a commis une erreur en ne lui fournissant pas de motifs suffisants pour expliquer pourquoi les descentes effectuées par la police en avril 2019 et en janvier 2021 n’étaient pas suffisantes pour établir la motivation des agents de persécution. Le demandeur affirme en outre que la SAR aurait commis une erreur en minimisant et en ignorant les éléments de preuve relatifs à ces deux descentes contenus dans un affidavit du sarpanch du village. La SAR a tiré les conclusions suivantes :

[7] Je n’accepte pas l’argument du représentant selon lequel la SPR n’a pas tenu compte du témoignage [du demandeur] selon lequel la police avait effectué des descentes chez lui pour l’arrêter en avril 2019 et en janvier 2021. L’information [du demandeur] à propos de ces prétendues descentes venait du sarpanch du village, qui a rédigé un affidavit dans lequel il a essentiellement répété les allégations soulevées dans l’exposé circonstancié contenu dans le formulaire Fondement de la demande d’asile [du demandeur] et dans lequel il est affirmé : [traduction] « La police le cherche toujours pour l’arrêter et a effectué des descentes le 30 avril 2019 et le 5 janvier 2021. » L’affidavit ne contient aucune information quant à la façon dont le sarpanch a appris l’existence de ces descentes. De plus, je remarque que [le demandeur] a produit un témoignage incohérent à propos des personnes avec qui il cohabitait dans son village natal avant de quitter l’Inde. Il a d’abord affirmé qu’il vivait avec un ami, puis il a dit qu’il vivait avec son père, sa mère et son frère, malgré le fait que, dans son exposé circonstancié, il a prétendu que sa mère avait quitté son père en 2015 parce que celui‑ci était violent et qu’elle n’avait jamais été revue par la suite. Quoi qu’il en soit, même si j’acceptais comme crédible pour la présente décision le fait que la police a décidé d’effectuer des descentes au domicile [du demandeur] plus d’un an après son arrestation de 2018, puis deux années plus tard, ces descentes ne suffisent pas pour établir que la police du Pendjab serait motivée à trouver [le demandeur] et à le persécuter dans les villes proposées comme PRI s’il devait y retourner aujourd’hui.

[15] Le défendeur soutient que le fardeau de la preuve reposait sur le demandeur et que la SAR avait tout à fait compétence pour conclure que celui‑ci n’avait pas démontré qu’une personne avec son profil ne pouvait pas vivre en toute sécurité dans les villes proposées comme PRI. Le défendeur souligne que le demandeur a été arrêté à deux reprises, une première fois en 2016 puis une deuxième en 2018, en raison de ses activités politiques (auxquelles il a renoncé depuis), mais que rien ne prouve que la police a déposé un premier rapport d’information contre lui ou l’a accusé de quelque crime que ce soit.

[16] En ce qui concerne l’affidavit du sarpanch, le défendeur soutient que la SAR a souligné à juste titre les problèmes liés à cet élément de preuve et qu’elle a finalement conclu que, même s’il était accepté sans réserve, il serait tout de même insuffisant pour établir que la police du Pendjab était motivée à retrouver le demandeur et à le persécuter dans l’une des villes proposées comme PRI.

[17] J’ai examiné le dossier de preuve dont disposait la SAR, y compris l’affidavit du sarpanch, et je ne suis pas convaincue que la SAR a commis une erreur susceptible de contrôle dans son appréciation de la preuve relative à la question de savoir si la police du Pendjab était motivée à retrouver le demandeur dans les villes proposées comme PRI. Les conclusions de la SAR sur les PRI sont essentiellement factuelles, reposent sur son évaluation de la preuve, relèvent de son champ d’expertise et commandent donc un degré élevé de retenue de la part de la Cour (Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 459 au para 23). À mon avis, il n’était pas déraisonnable pour la SAR de conclure que le demandeur n’était pas exposé à une possibilité sérieuse que la police du Pendjab le poursuive dans les villes proposées comme PRI.

[18] Bien que le demandeur soulève un certain nombre d’objections quant à la façon dont l’affidavit du sarpanch a été traité par la SAR, je conclus qu’elles sont en fin de compte sans importance. La SAR a exprimé des réserves au sujet de l’affidavit, mais elle a néanmoins convenu, aux fins de la décision, que les deux descentes avaient bien eu lieu. Elle a cependant jugé que ces descentes ne suffisaient pas à prouver que la police du Pendjab avait la motivation nécessaire pour retrouver le demandeur.

[19] Quant à l’absence alléguée de motifs pour appuyer la conclusion concernant la motivation de la police du Pendjab dans le paragraphe susmentionné, il ne s’agit pas d’une erreur susceptible de contrôle, à mon avis. S’il est vrai que la SAR aurait pu fournir plus de détails dans ce paragraphe, j’estime que la décision, lorsqu’elle est prise dans son ensemble, y compris l’examen approfondi de la question de la motivation des agents de persécution dans les paragraphes qui suivent, est raisonnable à la lumière du dossier dont elle disposait et qu’on y trouve la justification exigée par l’arrêt Vavilov.

[20] Le demandeur allègue également que la décision n’est pas justifiée en raison du libellé du paragraphe suivant, et plus particulièrement de la référence à des décisions par lesquelles l’existence de PRI a été confirmée en dépit d’allégations d’arrestations et de torture par la police du Pendjab :

[9] Je ne suis pas non plus d’accord avec le représentant [du demandeur] pour dire que les allégations [du demandeur] selon lesquelles il s’est fait arrêter deux fois, en 2016 et de nouveau en 2018, suffisent pour établir qu’il ne peut vivre en sécurité nulle part en Inde. Dans un très grand nombre de cas, tant la Section d’appel des réfugiés (SAR) que la Cour fédérale ont confirmé des décisions de la SPR dans des cas comme la présente affaire, où [le demandeur] prétendait que la police du Pendjab l’avait arrêté, torturé et soupçonné d’être associé à des terroristes. Dans chaque cas, il est nécessaire d’examiner tous les éléments de preuve pour déterminer si [le demandeur] s’est acquitté du fardeau qui lui incombe d’établir qu’il y a une possibilité sérieuse que les prétendus agents de persécution le trouvent et le persécutent dans les villes proposées comme PRI. Dans la présente affaire, je ne suis pas d’accord avec le représentant [du demandeur] pour dire que les arrestations [du demandeur] en 2016 et en 2018 suffisent pour établir que la police ou tout membre du Congress Party ou de l’Akali Dal Badal Party auraient les moyens ou la motivation de suivre et de persécuter [le demandeur] dans les villes proposées comme PRI s’il y retournait aujourd’hui.

[21] Le demandeur soutient que la SAR a renvoyé à la jurisprudence sans toutefois nommer de décisions. Par conséquent, il n’est pas en mesure de bien comprendre l’analyse effectuée par la SAR.

[22] Le défendeur soutient qu’il était loisible à la SAR de mentionner des principes généraux et que, si le demandeur croyait que la déclaration était erronée, il lui incombait de le démontrer. Le défendeur fait en outre valoir que le renvoi à la jurisprudence ne faisait pas partie de l’analyse et que la SAR a clairement expliqué pourquoi elle rejetait les allégations.

[23] Je garde à l’esprit les directives données par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Vavilov, à savoir que la cour de révision ne doit pas se pencher sur la décision contestée avec l’intention de se lancer dans une « chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur » (au para 102), mais plutôt se demander si « la décision dans son ensemble est transparente, intelligible et justifiée » (au para 15).

[24] Le paragraphe dans son ensemble répondait aux observations présentées par le demandeur en appel selon lesquelles il lui était tout simplement impossible d’être en sécurité dans les villes proposées comme PRI parce qu’il avait été arrêté à deux reprises. En guise d’introduction, la SAR a noté que des conclusions contraires avaient été tirées dans un grand nombre d’affaires. Elle a ensuite énoncé ce qu’elle doit faire dans chaque cas, à savoir examiner tous les éléments de preuve afin de déterminer si le demandeur s’est acquitté du fardeau qui lui incombait d’établir qu’il existait une possibilité sérieuse qu’il soit retrouvé et persécuté dans les villes proposées comme PRI. La SAR a ensuite formulé sa conclusion dans l’affaire visée en l’espèce eu égard à la preuve dont elle disposait.

[25] Le fait que la SAR ne renvoie pas à une ou plusieurs instances à titre d’exemple ne constitue pas, à mon avis, une erreur susceptible de contrôle dans le contexte du paragraphe dont je fais mention plus haut et de la décision dans son ensemble. J’estime que le demandeur se livre en fin de compte à une « chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur » (Vavilov, au para 125). Je conviens avec le défendeur que la SAR a clairement indiqué que sa décision était fondée sur la preuve au dossier.

[26] En outre, plus loin dans son analyse des PRI, la SAR a renvoyé à trois affaires récentes dans lesquelles la Cour a conclu que les demandeurs, qui avaient été menacés par la police du Pendjab, disposaient néanmoins de PRI viables ailleurs en Inde, à l’extérieur du Pendjab. Dans l’affaire Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 341, les demandeurs avaient été détenus et torturés par la police, puis libérés moyennant un pot‑de‑vin. Dans l’affaire Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 459, le demandeur avait été détenu pendant la nuit, accusé de terrorisme et libéré le lendemain. Dans l’affaire Kaur c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1219, la demanderesse avait été agressée par un agent de la fonction publique et menacée par la police. Le fait que la SAR n’ait pas mentionné les décisions expressément au paragraphe 9 de sa décision et qu’elle y ait plutôt renvoyé plus loin ne rend pas sa décision déraisonnable.

B. L’analyse microscopique effectuée et le défaut de tenir compte des éléments de preuve montrant que le demandeur pouvait être retrouvé dans les villes proposées comme PRI

[27] Le demandeur soutient que la SAR a effectué une analyse microscopique et qu’elle n’a pas tenu compte des éléments de preuve subjectifs et objectifs montrant qu’il pouvait être retrouvé dans les villes proposées comme PRI. Les arguments du demandeur mettent l’accent sur le contenu du cartable national de documentation [le CND], en particulier les documents 4.4 et 4.9. Il soutient, en s’appuyant sur la décision Cepeda‑Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF no 1425, que la SAR n’a pas tenu compte de documents contradictoires dans le CND. Le demandeur fait valoir que la conclusion de la SAR selon laquelle il ne serait pas retrouvé est erronée puisqu’il a été arrêté à deux reprises et que la police tient des listes de ceux qui appuient ou défendent le Khalistan (le nom donné par les nationalistes sikhs à un État sikh indépendant).

[28] Le défendeur fait valoir que le demandeur n’a pas le profil d’une personne susceptible d’intéresser les autorités puisqu’il a été arrêté à deux reprises et libéré moyennant des pots‑de‑vin, mais n’a jamais été accusé de quelque crime que ce soit ni fait l’objet d’un premier rapport d’information. Le défendeur souligne que le demandeur a pu quitter l’Inde facilement au moyen de son propre passeport. Il fait aussi valoir que la mention d’une liste tenue par la police dans le document 4.4 ne renvoie pas à une liste nationale supplémentaire dont la SAR n’a pas tenu compte. Celle‑ci a plutôt tenu compte de l’information contenue dans les bases de données et systèmes existants (c’est‑à‑dire le Crime and Criminal Tracking Network and Systems [réseau de suivi des crimes et des criminels] [le CCTNS], le Central Monitoring System [système central de surveillance] [le CMS] et le système d’inscription des locataires) et a raisonnablement conclu que le demandeur ne s’était pas acquitté du fardeau qui lui incombait de prouver qu’il existait une possibilité sérieuse que la police ait les moyens ou la motivation de le retrouver.

[29] Je ne suis pas convaincue que la SAR a fait fi de documents contradictoires dans le CND et que sa décision s’en trouve donc déraisonnable. Les extraits cités par le demandeur fournissent des renseignements sur le traitement réservé par les autorités aux membres et aux partisans du parti et mentionnent des [traduction] « listes de la police », mais, dans l’ensemble, ils ne sont pas en contradiction avec l’appréciation que la SAR a faite du CND ni avec l’évaluation qu’elle a réalisée de la situation particulière du demandeur eu égard à son profil et à la preuve qu’il a présentée. Il n’appartient pas à la Cour, en l’absence de circonstances exceptionnelles, d’apprécier à nouveau la preuve prise en compte par le décideur (Vavilov, au para 125). La SAR a fourni une analyse détaillée de l’information contenue dans le CCTNS et le CMS en tenant compte du profil du demandeur, et je ne suis pas convaincue qu’elle a commis une erreur à cet égard.

[30] De même, le demandeur soutient que la SAR a commis une erreur en ne concluant pas qu’il serait considéré comme un terroriste et qu’il serait donc recherché en conséquence. Le défendeur soutient que le demandeur ne s’est pas acquitté de son fardeau et que, même s’il a bien été partisan d’un Khalistan indépendant, il a, de son propre aveu, cessé de faire de la politique il y a plus de cinq ans.

[31] Je ne suis pas convaincue que la SAR a commis une erreur, comme l’allègue le demandeur. Les conclusions de la SAR sur les PRI sont essentiellement factuelles, reposent sur son évaluation de la preuve, relèvent de son champ d’expertise et commandent donc un degré élevé de retenue de la part de la Cour (Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 459 au para 23). La SAR a examiné la preuve présentée par le demandeur, et la décision qui en a résulté tenait compte des observations présentées à la SAR et du dossier dont elle disposait. Je ne vois aucune raison d’intervenir.

IV. Conclusion

[32] Pour les motifs énoncés ci‑dessus, je conclus que la décision de la SAR n’est pas déraisonnable. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

[33] Les parties n’ont proposé aucune question grave de portée générale à certifier et je conviens que la présente affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑798‑22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande de contrôle judiciaire du demandeur est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Vanessa Rochester »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-798-22

INTITULÉ :

JASPAL SINGH MALHI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 7 DÉCEMBRE 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ROCHESTER

DATE DES MOTIFS :

Le 19 DÉCEMBRE 2022

COMPARUTIONS :

Mark Gruszczynski

Pour le demandeur

Patricia Nobl

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Mark J. Gruszczynski

Westmount (Québec)

Pour le demandeur

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour le défendeur

 

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