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Date : 20221220


Dossier : IMM-9571-21

Référence : 2022 CF 1777

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 20 décembre 2022

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

NAJEEB ULLAH

ASMA NAJEEB

MINAL NAJEEB

NAHEED KAUSAR

ABDULLAH NAJEEB

MUHAMMAD HUZAIFA

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La Cour est saisie de la présente demande de contrôle judiciaire visant la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés [la SAR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés [la SPR] selon laquelle les demandeurs n’ont pas la qualité de réfugiés au sens de la Convention ni celle de personnes à protéger. La SAR et la SPR ont toutes deux rejeté les demandes d’asile des demandeurs au motif qu’ils disposaient d’une possibilité de refuge intérieur [PRI].

Contexte

[2] Les demandeurs sont des citoyens du Pakistan de confession musulmane chiite qui forment une famille de six personnes composée de M. Najeeb Ullah [le demandeur principal], de sa femme, Mme Naheed Kausar, et de leurs quatre enfants.

[3] Le demandeur principal a déménagé en Arabie saoudite en 2003 pour le travail. Sa famille l’y a rejoint en 2014. En janvier 2019, les demandeurs sont retournés au Pakistan, où le demandeur principal a démarré une entreprise de salle de réception de mariages à Kamali, dans le district de Toba Tek Singh. Le demandeur principal affirme qu’il est devenu actif au sein de la communauté chiite à ce moment-là. Le 14 février 2019, le demandeur principal a tenu un majlis, c’est-à-dire un rassemblement religieux chiite, à la salle de réception de mariages.

[4] Le 18 février 2019, le demandeur principal a reçu un appel d’un homme se réclamant du groupe militant sunnite extrémiste Lashkar-e-Jhangvi [le groupe LeJ]. Son interlocuteur aurait accusé le demandeur principal de propager sa foi kafir (infidèle) chiite par l’intermédiaire de son argent mal acquis, et aurait exigé qu’il lui verse la somme de 2 500 000 roupies s’il souhaitait rester en vie et continuer à exploiter son entreprise en toute sécurité au Pakistan. Ce jour-là, le demandeur principal a déposé auprès de la police une plainte dans laquelle il décrivait cet appel. Deux jours plus tard, soit le 20 février 2019, un agresseur inconnu à moto aurait fait feu à trois reprises en direction du demandeur principal devant la salle de réception de mariages. Le demandeur principal soutient avoir appelé la police, qui s’est présentée sur place et a accepté de produire un premier rapport d’information et d’ouvrir une enquête sur cette affaire. Le jour même, le demandeur principal a reçu un autre appel d’un numéro inconnu dans lequel son interlocuteur lui disait de considérer la fusillade comme un avertissement et lui enjoignait de répondre à la demande du groupe LeJ. Le demandeur principal a signalé cet incident à la police, qui a affirmé qu’elle l’ajouterait au premier rapport d’information.

[5] Les demandeurs ont déménagé à Lahore le 5 mars 2019. Ils affirment que, le lendemain matin, six individus armés sont entrés par effraction dans les bureaux de la salle de réception de mariages, ont agressé le gérant et l’agent de sécurité, ont volé de l’argent, des téléphones cellulaires et une carabine enregistrée, et ont demandé où se trouvait le demandeur principal. D’après une description des assaillants, les demandeurs ont présumé qu’il s’agissait de membres du groupe LeJ. L’incident a été signalé à la police, mais aucune arrestation n’a eu lieu.

[6] Le 28 novembre 2018, les demandeurs ont demandé des visas de visiteur canadiens pour la période du 30 décembre 2018 au 10 janvier 2019, lesquels devaient permettre à la famille de prendre des vacances pour visiter les chutes Niagara, selon le demandeur principal. Les visas ont été délivrés le 24 décembre 2018. Le 17 mars 2019, les demandeurs se sont envolés pour le Canada munis de leurs visas de visiteur et ils ont demandé l’asile. Les demandeurs affirment qu’ils ont fui le Pakistan parce qu’ils craignent d’y être persécutés par le groupe LeJ pour des motifs religieux.

[7] La SPR a rejeté la demande des demandeurs dans sa décision du 12 juillet 2021. La question déterminante était l’existence d’une PRI viable à Hyderabad. Les demandeurs ont interjeté appel devant la SAR. Dans sa décision du 26 novembre 2021, la SAR a rejeté l’appel et a conclu que la SPR avait eu raison de conclure que les demandeurs n’ont pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger puisqu’ils disposent d’une PRI viable à Hyderabad. Les demandeurs ont sollicité le contrôle judiciaire de la décision de la SAR.

La décision faisant l’objet du contrôle

[8] La SAR a fait remarquer que les demandeurs alléguaient que la SPR avait commis une erreur dans son évaluation de l’existence d’une PRI, du manque de moyens dont disposait leur agent de persécution pour les retrouver, et du fait qu’il serait déraisonnable pour eux de déménager dans la ville proposée comme PRI.

[9] La SAR a conclu que la preuve objective sur les conditions dans le pays établissait une distinction entre l’ampleur et le lieu des actes de persécution menés contre des musulmans chiites. Les demandeurs ont soutenu que des événements violents s’étaient produits dans la province du Sindh, où se situe Hyderabad, mais la SAR a conclu que ces incidents étaient en petit nombre et espacés dans le temps, qu’ils avaient eu lieu plus au nord, et qu’il y avait peu d’indications, voire aucune indication, selon lesquelles des incidents avaient eu lieu dans la ville proposée comme PRI. De plus, la violence était concentrée dans ces régions en raison des routes empruntées par les pèlerins chiites. La SAR a conclu que la SPR avait correctement désigné la ville d’Hyderabad en tant que ville proposée comme PRI.

[10] La SAR n’était pas d’accord avec la description que les demandeurs ont faite de leur situation et a conclu que le groupe LeJ s’intéressait surtout au demandeur principal à des fins d’extorsion, et que cet intérêt était exacerbé par sa confession musulmane chiite. De plus, elle a affirmé que le groupe LeJ cible des groupes plutôt que des personnes. En outre, la preuve objective montrait que, lorsqu’une personne craint d’être persécutée ou de subir un préjudice grave de la part d’acteurs non étatiques, elle peut généralement déménager afin d’échapper à ce risque. La SAR a conclu que les liens du groupe LeJ avec la police ainsi que ses allégeances politiques étaient insuffisants pour étayer une conclusion selon laquelle ce groupe déploierait des ressources pour retrouver une personne qui suscite un intérêt en raison d’une occasion d’extorsion passée. De plus, le fait qu’il soit possible de retrouver des personnes par l’intermédiaire des réseaux sociaux n’est pas suffisant en soi pour établir l’existence d’un risque dans l’endroit proposé comme PRI. Les demandeurs n’ont présenté aucune preuve selon laquelle leur agent de persécution aurait la motivation nécessaire pour les poursuivre dans la ville proposée comme PRI compte tenu de leur situation. La SAR a conclu que la conclusion de la SPR à cet égard était correcte.

[11] En ce qui concerne les affirmations des demandeurs selon lesquelles il serait déraisonnable et excessivement difficile pour eux de déménager dans la ville proposée comme PRI, la SAR a énoncé les conclusions de la SPR ainsi que les allégations d’erreurs avancées par les demandeurs. La SAR a reconnu l’existence d’outils technologiques modernes permettant de suivre une personne, mais a conclu que la SPR avait eu raison de conclure qu’aucune preuve n’indiquait que le groupe LeJ aurait une motivation suffisante pour donner suite à de tels renseignements, parcourir plus d’un millier de kilomètres, et s’en prendre à une personne de confession musulmane chiite. De plus, la SAR a rejeté l’argument des demandeurs selon lequel son analyse devrait se concentrer sur la question de savoir si l’État les protégerait adéquatement dans la ville proposée comme PRI. Elle a plutôt conclu que, sur le plan qualitatif, la question de la protection de l’État était sans importance, puisque les problèmes des demandeurs étaient propres à une région et découlaient principalement d’une volonté de les extorquer, qui était renforcée par le profil du demandeur principal à titre de musulman chiite. La preuve documentaire objective n’appuyait pas non plus les allégations des demandeurs selon lesquelles des musulmans chiites auraient été maltraités dans la ville proposée comme PRI.

Questions en litige et norme de contrôle

[12] La seule question en litige qui est soulevée en l’espèce est celle de savoir si la décision de la SAR était raisonnable.

[13] Je suis d’accord avec les parties pour dire que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] aux para 23 et 25). Lors d’un contrôle judiciaire, la cour doit « se demander si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‐ci » (Vavilov, au para 99).

La décision de la SAR était-elle raisonnable?

La position des demandeurs

[14] Les demandeurs font valoir que la SAR a indûment affirmé que le demandeur principal était devenu une personne d’intérêt aux fins d’extorsion pour le groupe LeJ au motif que la preuve qu’ils ont présenté établissait qu’il avait été ciblé en raison de sa religion et d’activités connexes. Ils soutiennent que l’interprétation erronée, par la SAR, du motif pour lequel le demandeur principal avait été ciblé l’a amenée à commettre une autre erreur lorsqu’elle a fait abstraction de la preuve documentaire objective établissant que le groupe LeJ avait les moyens et la motivation nécessaires pour retrouver les demandeurs à l’échelle du Pakistan.

[15] Les demandeurs font aussi valoir que, même si la SAR a conclu que les personnes craignant d’être persécutées ou de subir un préjudice de la part d’acteurs non étatiques peuvent généralement déménager pour échapper à ce risque, elle a commis une erreur de fait en concluant que le groupe LeJ est un acteur non étatique qui cible des groupes plutôt que des personnes.

[16] Enfin, les demandeurs soutiennent qu’Hyderabad n’est pas une PRI viable étant donné que les musulmans chiites forment toujours une communauté religieuse minoritaire qui est persécutée à l’échelle du pays par des groupes extrémistes sunnites comme le groupe LeJ. Ils soutiennent qu’il serait possible de les suivre par l’intermédiaire des médias sociaux, que le Pakistan ne protège pas adéquatement les musulmans chiites, et qu’ils seraient tenus de rompre les liens avec leur famille ou de vivre dans la clandestinité pour être en sécurité.

La position du défendeur

[17] Le défendeur soutient que la SAR n’a pas commis d’erreur dans son évaluation du motif pour lequel le demandeur principal a été pris pour cible. La SAR a conclu qu’il avait principalement été ciblé à des fins d’extorsion, mais a reconnu que cette situation était exacerbée par sa confession musulmane chiite. Cette conclusion est étayée par l’exposé contenu dans le formulaire Fondement de la demande d’asile [le formulaire FDA] du demandeur. De toute manière, la SAR a, de façon raisonnable, évalué la preuve documentaire objective et conclu que le groupe LeJ n’aurait pas les moyens ni la motivation nécessaires pour trouver les demandeurs à Hyderabad.

[18] De plus, même si les allégations des demandeurs au sujet du groupe LeJ étaient avérées, la preuve générale sur la situation au pays n’était pas probante dans les circonstances. En effet, il est difficile de savoir comment le groupe LeJ apprendrait que les demandeurs sont retournés au Pakistan plusieurs années après leur départ, ou qu’il les chercherait à plus de mille kilomètres de distance et parmi des millions de personnes en raison d’une tentative d’extorsion survenue il y a des années. De plus, la SAR a, de façon raisonnable, tenu compte de la violence sectaire qui sévit dans la province du Sindh, où se situe Hyderabad, y compris en évaluant expressément l’un des documents sur lesquels les demandeurs s’étaient fondés. Les demandeurs demandent simplement à la Cour d’apprécier la preuve à nouveau.

[19] Le défendeur soutient que les demandeurs n’ont pas établi l’existence d’une erreur en ce qui concerne les conclusions de la SAR relatives aux réseaux sociaux. Leurs arguments sont hypothétiques et ne tiennent pas compte du fait que l’agent de persécution manque de motivation. De plus, aucune preuve probante n’a été présentée quant à la façon dont le groupe LeJ pourrait utiliser les réseaux sociaux de la famille des demandeurs pour les retrouver. Comme l’a conclu la SAR, les demandeurs cherchent à appliquer les conditions générales dans le pays à leur situation particulière en l’absence de fondement valable, ou de se fonder sur des éléments de preuve relatifs à des régions n’ayant aucun lien avec la ville proposée comme PRI. Aucune preuve n’établissait que les demandeurs seraient exposés à un risque sérieux à Hyderabad et qu’il serait déraisonnable pour eux d’y déménager.

Analyse

[20] Une PRI est définie comme « une situation de fait dans laquelle une personne risque d’être persécutée dans une partie d’un pays mais pas dans une autre partie du même pays » (Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1993 CanLII 3011 (CAF) au para 2, [1994] 1 CF 589 (CA) [Thirunavukkarasu] à la p 592). Étant donné que l’existence d’une PRI dans une autre partie du même pays est un facteur déterminant dans la décision relative au statut de réfugié, il incombe au demandeur de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il risque sérieusement d’être persécuté dans tout le pays, y compris dans l’endroit proposé comme PRI (Thirunavukkarasu, aux para 5 et 9); Photskhverashvili c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 415 [Photskhverashvili] au para 28).

[21] Le critère à deux volets pour établir l’existence d’une PRI viable est bien établi. Le décideur doit être convaincu, selon la prépondérance des probabilités :

  1. que le demandeur ne risque pas sérieusement d’être persécuté dans la partie du pays où il existe une PRI;

  2. que la situation dans la PRI est telle qu’il ne serait pas déraisonnable pour le demandeur, compte tenu de toutes les circonstances, dont celles qui lui sont particulières, de s’y réfugier.

(Thirunavukkarasu, aux para 5, 9; Rasaratnam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1991 CanLII 13517 (CAF), [1992] 1 CF 706 (CA) à la p 711; Souleyman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 708 aux para 17-18); Photskhverashvili, au para 29.)

[22] Il incombe au demandeur de démontrer qu’au moins un de ces volets n’a pas été établi. Autrement dit, il incombe au demandeur d’établir que la PRI n’est pas viable, soit parce qu’il existe un risque sérieux de persécution, soit parce qu’il serait déraisonnable pour lui d’y chercher refuge (Thirunavukkarasu, à la p 590; Ranganathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2000 CanLII 16789 (CAF) [Ranganathan] aux para 13-15, [2001] 2 CF 164). Les demandeurs doivent présenter une preuve réelle et concrète de l’existence de conditions qui mettraient en péril leur vie et leur sécurité s’ils déménageaient dans la ville proposée comme PRI (Ranganathan, au para 15; Photskhverashvili, au para 31). S’ils ne peuvent s’acquitter de ce fardeau, la conclusion relative à la PRI est déterminante quant à la demande d’asile.

i. Caractérisation du risque

[23] À mon avis, la SAR n’a pas commis d’erreur en concluant que le demandeur principal est devenu une personne d’intérêt aux fins d’extorsion lorsqu’il a ouvert sa salle de réception de mariages, et que cette situation a été exacerbée par son identité religieuse. La preuve des demandeurs étayait cette conclusion de fait.

[24] Par exemple, dans son formulaire de demande générale, le demandeur principal a indiqué qu’il est retourné au Pakistan le 29 janvier 2019. Dans son formulaire FDA, il a déclaré avoir ouvert la salle de réception le 12 février 2019. Il a décidé de tenir un majlis, un rassemblement religieux chiite, dans la salle de réception, puisqu’il considérait cela comme un gage de bonne fortune pour la nouvelle vie qu’entamait sa famille au Pakistan. Il a invité de nombreux amis chiites ainsi que quelques amis sunnites à l’événement du 14 février 2019, et affirme que cela lui a permis de se présenter en tant qu’homme d’affaires, non seulement auprès de la communauté chiite, mais aussi auprès de la communauté majoritairement sunnite du quartier. Il affirme que, le 18 février 2019, il a reçu un appel d’une personne se réclamant du groupe LeJ, qui a affirmé que le demandeur principal était revenu au Pakistan pour propager la religion chiite (kafir ou infidèle) grâce à de l’argent qu’il aurait mal acquis, et l’a « menacé de [lui] donner une leçon très bientôt. Puis, il a exigé [qu’il lui] verse 2 500 000 roupies [s’il désirait] vivre et exploiter [son] entreprise en toute sécurité dans le pays ».

[25] En ce qui concerne la fusillade présumée, le demandeur principal déclare dans son formulaire FDA qu’il a par la suite reçu un appel dans lequel on lui conseillait de considérer l’incident comme un avertissement et de [traduction] « répondre aux demandes ». Une copie du premier rapport d’information concernant l’incident a été présentée à l’appui de la demande d’asile des demandeurs, dans laquelle le demandeur principal affirme qu’il soupçonnait fortement que le groupe LeJ était à l’origine de l’attaque [traduction] « parce que les militants de cette organisation essayaient de [lui] extorquer 2 500 000 roupies ». Les demandeurs ont également présenté une copie du rapport de police qui, selon eux, a été rédigé par le père du demandeur principal après l’incident du 6 mars 2019. Le rapport indique que les hommes qui sont entrés par effraction dans la salle de réception de mariages étaient soupçonnés d’être les membres du groupe LeJ qui avaient menacé le demandeur principal [traduction] « et qui souhaitaient lui extorquer de l’argent ». De même, un affidavit souscrit par le frère du demandeur principal indique qu’après le majlis, le demandeur principal [traduction] « a reçu une demande d’extorsion de la part d’extrémistes du groupe LeJ », et qu’il a demandé à la police de le protéger « des extorqueurs ». En ce qui concerne l’appel reçu par le demandeur principal à la suite de la fusillade présumée, il s’agissait d’un avertissement selon lequel il devait [traduction] « se conformer à la demande ». Le dossier comprend également la transcription du témoignage du demandeur principal lors de l’audience devant la SPR. Entre autres choses, il a déclaré avoir entendu des récits selon lesquels le groupe LeJ ciblait des personnes ayant vécu à l’étranger pour ensuite retourner au Pakistan afin de leur extorquer de l’argent, notamment les personnes de confession chiite. De plus, étant donné que le demandeur principal n’avait pas répondu à la demande d’extorsion et qu’il avait déposé un premier rapport d’information, le groupe LeJ était devenu son ennemi juré.

[26] À la lumière de la preuve dont elle disposait, la SAR a raisonnablement conclu que la principale motivation de l’agent de persécution était d’extorquer de l’argent aux demandeurs, et que cette motivation était exacerbée par la foi chiite du demandeur principal. Par conséquent, la SAR n’a pas commis d’erreur en décrivant de manière erronée la nature du risque encouru par les demandeurs.

[27] Indépendamment de cette conclusion, la SAR a aussi reconnu l’allégation des demandeurs concernant l’activisme du demandeur principal au sein de la communauté chiite, la tenue du majlis dans la salle de réception de mariages, ainsi que leur affirmation selon laquelle la SPR avait commis une erreur en ne reconnaissant pas ces faits. Cependant, la SAR a fait référence à des onglets du cartable national de documentation [le CND] pour conclure que la preuve objective établissait une distinction entre l’ampleur et le lieu des actes de persécution menés contre des musulmans chiites. La SAR a notamment fait référence à l’onglet 1.6 du CND sur le Pakistan : Rapport sur la situation au pays préparé par le centre de recherche sur l’asile (Asylum Research Centre) daté du 18 juin 2018, en particulier le rapport de 2018 sur la sécurité de l’Institut pakistanais d’études sur la paix, qui énonçait qu’à l’exception d’une attaque majeure revendiquée par l’EI, la plupart des autres attaques sectaires étaient de faible intensité et ont principalement eu lieu autour de Quetta, de Dera Ismail Khan et de Peshawar. En outre, même si les observations des demandeurs faisaient allusion à des événements qui se sont produits dans la province du Sindh, où se situe Hyderabad, ces événements semblaient peu nombreux et espacés dans le temps, et se seraient produits beaucoup plus au nord, à proximité de la province du Balouchistan. Il y avait peu d’indications, voire aucune indication, concernant des événements qui se seraient bel et bien produits dans la ville proposée comme PRI. De plus, la violence était concentrée dans ces régions en raison des routes empruntées par les pèlerins chiites qui se rendent en Iran et en Iraq (en référence au CND sur le Pakistan daté du 16 avril 2021 et au dossier no PAK106393.EF de la CISR daté du 15 janvier 2020). De plus, la SAR a souligné que le ministère des Affaires étrangères et du Commerce (Department of Foreign Affairs and Trade) de l’Australie n’avait observé « aucune preuve de discrimination systémique à l’endroit des chiites » dans les secteurs public et privé à Hyderabad.

[28] Même si, dans leurs observations écrites, les demandeurs font référence à diverses parties d’articles consignés dans le CND à l’appui de leur observation selon laquelle ils seront pris pour cible en raison de leur confession chiite, et qu’ils font valoir que la SAR a commis une erreur en faisant abstraction de cet élément, les motifs de la SAR montrent qu’elle a bien répondu à cette préoccupation, mais qu’elle a conclu que la conclusion de la SPR selon laquelle Hyderabad était une PRI viable était correcte. À mon avis, les demandeurs sont tout simplement en désaccord avec l’évaluation, par la SAR, de la documentation objective sur la situation au pays. Toutefois, il n’appartient pas à la Cour d’apprécier la preuve à nouveau dans le cadre du contrôle judiciaire (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 (CanLII), [2009] 1 RCS 339 au para 61).

ii. Profil

[29] Je ne suis pas non plus convaincue par l’observation des demandeurs voulant que, puisqu’ils ont été ciblés en raison de leur religion, le groupe LeJ a les moyens et la motivation nécessaires pour les retrouver n’importe où au Pakistan, et que la SAR a fait abstraction de cette motivation.

[30] Comme je l’ai déjà conclu, la SAR n’a pas commis d’erreur en concluant que le demandeur principal avait surtout été ciblé à des fins d’extorsion, et que les demandeurs, en tant que chiites, pourraient déménager dans la ville proposée comme PRI en toute sécurité. La SAR a conclu que l’agent de persécution n’aurait pas la motivation nécessaire pour poursuivre les demandeurs dans la ville proposée comme PRI dans le but de les extorquer. Elle a aussi fait référence à un onglet du CND qui indiquait qu’une personne craignant d’être persécutée ou de subir un préjudice grave de la part d’un acteur non étatique peut généralement déménager pour échapper à ce risque (CND sur le Pakistan, 16 avril 2021, onglet 1.16 : renseignements stratégiques et information sur le pays du Ministère de l’Intérieur du Royaume-Uni).

[31] À cet égard, les demandeurs font valoir que la SAR a commis des erreurs factuelles lorsqu’elle a conclu que le groupe LeJ est un acteur non étatique qui cible des groupes plutôt que des personnes.

[32] À l’appui de leur thèse selon laquelle la SAR a commis une erreur en concluant que le groupe LeJ est un acteur non étatique, les demandeurs se fondent sur l’onglet 7.21 du CND daté du 14 décembre 2020 (Réponses aux demandes d’information, 14 décembre 2020). Ce document présente des renseignements généraux sur le groupe LeJ. Selon l’interprétation des demandeurs, ce document indique que le groupe LeJ n’est pas exclusivement un acteur non étatique. Toutefois, une lecture du document dans son ensemble montre clairement que le groupe LeJ est une organisation terroriste qui est responsable d’attentats terroristes et qui a fait l’objet d’opérations menées par les forces de sécurité pakistanaises et le service de lutte contre le terrorisme.

[33] Je fais aussi remarquer, par exemple, que la note du ministère de l’Intérieur du Royaume-Uni intitulée [traduction] « renseignements stratégiques et information sur le pays. Pakistan : musulmans chiites » indique qu’aucune discrimination systématique par l’État à l’égard des musulmans chiites n’a été signalée. En outre, même si les musulmans chiites sont considérés comme des apostats ou des hérétiques par certains groupes et individus extrémistes sunnites, de sorte que ces groupes, y compris le groupe LeJ, sont hostiles à l’égard de certains chiites et menacent leur sécurité, la majorité des attaques ciblées, qui prennent généralement la forme d’attentats à la bombe à l’occasion d’événements dans des lieux à prédominance chiite, se sont produites dans les régions tribales. Le rapport indique qu’en général, un musulman chiite n’est pas susceptible d’être exposé à un risque réel de persécution et/ou de préjudice grave de la part d’acteurs non étatiques, bien que ce risque puisse varier en fonction du lieu. De plus, même si des attaques ciblées continuent d’être perpétrées dans les régions à majorité chiite, ces attaques sont peu fréquentes et ne donnent pas, en général, des motifs sérieux de penser qu’il existe un risque réel de persécution ou de préjudice grave. De plus, malgré les efforts du gouvernement, les musulmans chiites continuent d’être ciblés dans certaines parties du pays, notamment la région frontalière.

[34] À mon avis, la preuve documentaire objective n’appuie pas la thèse des demandeurs selon laquelle le groupe LeJ est un acteur étatique. L’observation des demandeurs porte en fait sur la question de savoir si le groupe LeJ pourrait demander l’aide d’agents étatiques — la police — pour les retrouver dans la ville proposée comme PRI, et s’il le ferait. Il s’agit d’établir si le groupe LeJ a les moyens et la motivation nécessaires pour les suivre et les persécuter à Hyderabad. J’examinerai cette question plus loin.

[35] De plus, même si les demandeurs font référence à des points du CND pour faire valoir que les attaques visant des musulmans chiites ne sont pas toutes perpétrées par des groupes, la documentation figurant dans le CND montre que c’est généralement le cas; la SAR a conclu qu’il s’agit d’attentats à la bombe visant des rassemblements et des zones très fréquentées ainsi que des attaques contre des pèlerins. Les demandeurs ne font pas non plus référence à un incident précis ayant ciblé des chiites à Hyderabad, et ont plutôt cité des points du CND qui portent sur des incidents, notamment des attaques groupées par l’EIIL dans le nord du Sindh, ainsi que des massacres survenus dans des foyers sectaires, qui ne concernent pas Hyderabad, malgré le fait qu’un d’entre eux soit survenu dans le nord du Sindh.

[36] Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas d’accord avec l’observation des demandeurs selon laquelle la SAR a commis des erreurs de fait ou a fait abstraction de la preuve sur la situation au Pakistan qui étaye leur thèse selon laquelle le groupe LeJ est un acteur étatique. La SAR n’a pas non plus commis d’erreur en concluant que le groupe LeJ mène généralement des attaques groupées visant des musulmans chiites, et que de telles attaques n’ont pas eu lieu à Hyderabad. Les demandeurs n’ont pas établi que la SAR a fait abstraction de la preuve sur la situation dans le pays qui contredit directement ces conclusions.

[37] La principale question en litige est celle de savoir si le groupe LeJ a les moyens et la motivation nécessaires pour trouver les demandeurs dans la ville proposée comme PRI.

[38] La SPR a conclu que le groupe LeJ n’avait pas ces moyens ni cette motivation. Lorsqu’on lui a demandé comment les agents de persécution retrouveraient les demandeurs, le demandeur principal a affirmé que le groupe LeJ les trouverait lorsqu’ils loueraient un logement, puisqu’ils devraient inscrire la nouvelle résidence auprès de la police, dévoilant ainsi leur emplacement. La SPR a reconnu l’existence d’un système d’enregistrement des locataires et d’éléments de preuve indiquant que la police peut retrouver des personnes qui se trouvent dans d’autres provinces par l’intermédiaire de ce système. Cependant, la SPR a conclu que le système a pour objectif de recueillir de l’information afin de suivre les déplacements des personnes liées à des activités criminelles et qu’en général, la police communique avec différentes provinces pour trouver des personnes d’intérêt dans le contexte d’affaires très médiatisées. Les documents sur la situation au Pakistan montraient qu’une police locale qui reçoit de l’information concernant des locataires ne vérifie pas systématiquement ces renseignements; elle le fait uniquement lorsqu’il y a une correspondance entre le profil du locataire et une base de données répertoriant des criminels ou des terroristes recherchés. La SPR a conclu qu’elle ne disposait d’aucune preuve selon laquelle les demandeurs s’étaient livrés à des activités criminelles ou que la police pakistanaise s’intéressait à eux d’une quelconque façon. De plus, même si la preuve comprenait certaines indications selon lesquelles des groupes militants étaient liés aux forces de l’ordre, il était hypothétique de supposer que le groupe LeJ chercherait à obtenir l’aide de la police pour retrouver les demandeurs, qui ne sont pas des personnes connues, ce que le demandeur principal a confirmé dans son témoignage, où il a affirmé n’avoir [traduction] « rien de spécial ». De plus, rien ne prouvait qu’il y avait de la collusion au sein de la police ou que celle-ci était sous le contrôle du groupe LeJ et souhaitait porter préjudice aux demandeurs.

[39] La SAR a souscrit aux conclusions de la SPR et a conclu que les liens du groupe LeJ avec la police ainsi que ses affiliations politiques n’étaient pas suffisants pour étayer la conclusion selon laquelle la police déploierait des ressources pour retrouver des personnes se trouvant dans la situation des demandeurs, c’est-à-dire dans le cas où l’intérêt suscité par ces personnes découlait d’une occasion d’extorsion dans le contexte de la poursuite de l’exploitation d’une entreprise passée.

[40] Les demandeurs ne contestent pas cette conclusion. Ils affirment toutefois que leur profil en tant que musulmans chiites amènerait le groupe LeJ à tirer parti de ses liens avec la police et de ses affiliations politiques pour les retrouver, ce que la SAR a omis de reconnaître selon les demandeurs.

[41] Cependant, la SAR a conclu que la preuve n’appuyait pas le fait que l’agent de persécution avait l’intérêt nécessaire pour suivre les demandeurs dans la ville proposée comme PRI étant donné que son objectif initial était de les extorquer, et ce, même si cet objectif était exacerbé par leur profil en tant que musulmans chiites. La SAR a conclu que la conclusion de la SPR à cet égard était correcte.

[42] À mon avis, la SAR n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a conclu que les demandeurs n’avaient pas établi que le groupe LeJ aurait les moyens et la motivation nécessaires pour les retrouver en raison de leur confession musulmane chiite. Je tiens également à souligner que très peu d’éléments de preuve ont été présentés à l’appui de l’affirmation selon laquelle le demandeur principal a acquis une grande visibilité religieuse au cours de son séjour à Toba Tek, c’est-à-dire entre le 29 janvier 2019 et son départ pour Lahore le 5 mars 2019. Mis à part le fait que le demandeur principal a tenu le majlis — un événement auquel des chiites et des sunnites étaient invités et que celui-ci a qualifié occasion d’affaires — ainsi que son affirmation générale selon laquelle il est devenu [traduction] « actif » dans la communauté chiite de Toba Tek, aucune preuve laissant entendre que le groupe LeJ aurait la motivation nécessaire pour chercher le demandeur principal dans la ville proposée comme PRI en raison de son profil religieux n’a été présentée.

iii. Caractère raisonnable du déménagement dans la ville proposée comme PRI

[43] Les demandeurs soutiennent qu’ils sont membres d’une communauté religieuse minoritaire et qu’ils seront persécutés par le groupe LeJ à l’échelle du pays. Cependant, comme je l’ai conclu précédemment, la SAR n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a établi qu’Hyderabad constituait une PRI viable.

[44] Dans son analyse du deuxième volet du critère relatif à la PRI, la SAR a aussi conclu que la protection qualitative par l’État était sans importance, car les problèmes des demandeurs étaient propres à une région et découlaient principalement d’une volonté d’extorquer une entreprise commerciale, laquelle était renforcée par le profil du demandeur principal en tant que musulman chiite. De plus, l’affirmation des demandeurs selon laquelle les personnes chiites courent un risque à l’échelle du Pakistan ne permettait pas une évaluation équitable de la preuve objective; le fondement objectif des observations des demandeurs n’indiquait pas de façon adéquate que le document de référence en question précise qu’il existe peu de renseignements sur le traitement réservé aux musulmans chiites à Hyderabad et qu’il y est souligné qu’il existe dans cette ville une culture soufie qui est très accueillante à l’égard des minorités; les références des demandeurs à d’autres éléments de preuve objectifs étaient distinctes puisqu’elles citaient des renseignements qui s’appliquaient aux régions plutôt qu’à la ville proposée comme PRI.

[45] Les demandeurs soutiennent aussi que la SAR a reconnu qu’il est possible de retrouver une personne par l’intermédiaire des réseaux sociaux, et que cela peut être fait en [traduction] « un clic », rendant ainsi caduque la question de la distance entre l’agent de persécution et l’endroit proposé comme PRI. Toutefois, la SAR a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que la SPR avait eu raison de conclure à l’absence de preuve selon laquelle le groupe LeJ aurait la motivation nécessaire pour donner suite à de tels renseignements, se déplacer sur un millier de kilomètres, et s’en prendre à une personne de confession musulmane chiite.

[46] J’ajouterais que les demandeurs n’ont pas non plus expliqué comment leur agent de persécution pourrait les retrouver au moyen des réseaux sociaux. À ce sujet, le juge Southcott a conclu ce qui suit dans la décision Adeyig c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 659 :

[23] Enfin, en ce qui concerne le premier volet du critère relatif à la PRI, les demandeurs reprochent à la SAR d’avoir commis une erreur en rejetant le témoignage du demandeur principal selon lequel sa famille et lui‐même devraient demeurer cachés et éviter les médias sociaux et d’autres technologies de communication afin de ne pas être repérés à Abuja. La SAR a conclu que les demandeurs n’avaient pas expliqué comment les agents de persécution pourraient utiliser les médias sociaux pour les trouver et a conclu à nouveau à l’absence d’éléments de preuve établissant ce risque de manière claire et convaincante. Selon les demandeurs, la façon d’utiliser les médias sociaux pour tenter de trouver une personne qui est présente sur ces plateformes relève de l’évidence.

[24] À cet égard, je conviens avec les défendeurs que le fait de s’attendre à ce que le demandeur d’asile utilise avec prudence les médias sociaux ne constitue pas une erreur susceptible de contrôle et, en l’absence d’éléments de preuve plus précis quant à la façon dont l’utilisation prudente des médias sociaux par les demandeurs les exposerait au risque de se faire repérer par les agents de persécution, la conclusion de la SAR était raisonnable.

[47] En résumé, je ne relève aucune erreur dans l’analyse de la SAR. Les demandeurs ne se sont tout simplement pas acquittés du fardeau d’établir qu’il serait objectivement déraisonnable pour eux de déménager dans la ville proposée comme PRI.


JUGEMENT dans le dossier IMM-9571-21

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

  2. Aucuns dépens ne sont adjugés;

  3. Aucune question de portée générale n’a été proposée aux fins de certification, et l’affaire n’en soulève aucune.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-9571-21

 

INTITULÉ :

NAJEEB ULLAH, ASMA NAJEEB, MINAL NAJEEB, NAHEED KAUSAR, ABDULLAH NAJEEB, MUHAMMAD HUZAIFA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Audience tenue par vidéoconférence sur Zoom

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 30 NOVEMBRE 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

LE 20 DÉCEMBRE 2022

 

COMPARUTIONS :

John Guoba

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Charles J. Jubenville

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Avocats

Grice and Associates

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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