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Date : 20060615

Dossier : IMM-2515-06

Référence : 2006 CF 768

Ottawa (Ontario), le 15 Juin 2006

En présence de Monsieur le juge Lemieux

ENTRE :

GHEORCHE CALIN LUPSA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

[1]                J'explique brièvement pourquoi le 23 mai 2006 j'ai accordé un sursis contre le renvoi en Roumanie, prévu pour ce jour même, du demandeur Gheorche Calin Lupsa, citoyen de ce pays.

[2]                Sa demande de sursis est greffée à une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de la décision datée du 10 février 2006 de Charles Lajoie, un agent chargé de l'examen des risques avant renvoi (l'Agent ERAR). L'essentiel de la décision de l'Agent ERAR est le suivant :

Le demandeur ne dépose aucun document soutenant l'accusation portée contre lui en vertu des dispositions du code criminel roumainrelatives à la sédition. Je ne dispose d'aucun acte d'accusation, rapport de police ou de mandat d'arrestation. Je note que le demandeur est au Canada depuis plus de 13 ans et que pendant cette période il n'a pas réussi à obtenir les documents à l'origine des accusations qui pèsent contre lui. Il n'a pas fourni d'informations sur les raisons qui l'ont empêché d'obtenir des preuves de cette inculpation. Je note que les faits invoqués dans le cadre de la revendication, datant de 1992, ne font pas état d'une telle accusation. La seule dont il est fait mention dans le FRP est celle d'avoir conduit en état d'ébriété et le demandeur n'a pas non plus déposé d'élément prouvant cette allégation. Monsieur Lupsa explique avoir été hospitalisé au mois de décembre 1990 et janvier 1991, suite à une détention au cours de laquelle il aurait été battu. Il déclare avoir porté plainte à la police au mois de février suivant. Le demandeur ne dépose pas de preuve démontrant l'occurrence de ces événements. Enfin, le demandeur ne présente aucun élément de preuve corroborant les autres faits invoqués dans son FRP.

En l'occurrence, le demandeur n'a pas démontré, par la présentation de preuves fiables et objectives, qu'une accusation en vertu du code criminel roumain pesait contre lui. Puisque les craintes liées au processus judiciaire ainsi qu'au risque de détention découlent de l'existence de cette accusation et considérant que ce fait n'a pas été prouvé, je ne suis pas satisfait que le demandeur ait rencontré son fardeau de démontrer l'existence d'un risque personnalisé advenant son retour en Roumanie. Pour toutes ces raisons, la demande de protection doit être refusée.

[Non souligné dans l'originale.]

[3]                Peu de temps avant l'audition du sursis, la Cour reçoit certains documents de l'avocate récemment engagée du demandeur. Un de ces documents est une photocopie d'une convocation de la police de la municipalité d'Alba Iulia au sujet d'une infraction concernant l'article 155 du code pénal relatif à la sédition passible d'une peine d'emprisonnement de 15 à 25 ans.

[4]                L'autre document que je mentionne est une lettre de la mère de M. Calin, qui lui est adressée en date du 11 novembre 1994. Sa mère écrit que la police était encore à sa recherche.

[5]                L'avocate du demandeur, Maître Milos, indique à la Cour qu'elle a découvert ces documents, il y a très peu de temps, dans le dossier du demandeur devant la Section du Statut de Réfugié (SSR) en 1993, décision qui fut cassée par la Cour fédérale en 1994. La SSR juge en 1996 que le demandeur avait abandonné sa réclamation de réfugié.

[6]                L'avocate du défendeur, elle aussi, est étonnée par cette documentation nouvellement trouvée. Elle n'a pas eu le temps d'approfondir l'origine des deux documents à savoir s'ils étaient dans le dossier de l'Agent ERAR ou dans les dossiers de la SSR. Elle plaide que ces documents constituent une preuve nouvelle qui doit être exclue du dossier.

[7]                Considérant l'importance de ces documents et l'incertitude de leur provenance, j'estime que le demandeur a démontré l'existence d'une question sérieuse, à savoir si l'Agent ERAR a ignoré la preuve. Les conséquences énormes sur le demandeur s'il est arrêté à son retour en Roumanie justifie une détermination d'un préjudice irréparable. Il s'ensuit que la balance des inconvénients favorise le demandeur.

« François Lemieux »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-2515-06

INTITULÉ :                                        GHEORCHE CALIN LUPSA c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Ottawa

DATE DE L'AUDIENCE :                le 23 mai 2006

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Le juge Lemieux

DATE DES MOTIFS :                       le 15 juin 2006

COMPARUTIONS:

Maître Michelle Milos

POUR LE DEMANDEUR

Maître Lynne Lazaroff

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Milos & Demers Avocats

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c. r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

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