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Date : 20230119


Dossier : IMM-8101-21

Référence : 2023 CF 89

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 19 janvier 2023

En présence de monsieur le juge Southcott

ENTRE :

TAIWO BOLANLE ADEDIRAN

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue le 2 novembre 2021 [la décision] par un agent d’immigration [l’agent], dans laquelle ce dernier a rejeté les demandes de permis de séjour temporaire [PST] et de permis d’études présentées par la demanderesse.

[2] Comme je l’expliquerai plus en détail ci‑dessous, la présente demande sera accueillie, parce que la décision démontre que l’agent n’a pas tenu compte des éléments de preuve relatifs à la tentative d’agression sexuelle dont la demanderesse a été victime lorsqu’elle était enfant, ou qu’il n’en a pas saisi l’importance.

II. Le contexte

[3] La demanderesse est une citoyenne du Nigéria âgée de 28 ans. Elle est venue au Canada en 2012 afin de poursuivre ses études postsecondaires. Avant d’arriver au Canada, la demanderesse a vécu avec sa famille au Royaume-Uni, où elle a terminé ses études secondaires. Sa mère et son frère résident toujours au Royaume-Uni. Son père est décédé.

[4] Le permis d’études initial de la demanderesse a expiré en 2015, mais elle est restée au Canada et y a étudié et travaillé sans autorisation. Elle a finalement demandé un PST et un nouveau permis d’études, mais les deux demandes ont été rejetées le 2 novembre 2021. Ce rejet fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

III. La décision faisant l’objet du contrôle judiciaire

[5] Dans les notes versées au Système mondial de gestion des cas, lesquelles font partie intégrante des motifs de la décision, l’agent a d’abord résumé les antécédents de la demanderesse en matière d’immigration. Il a ensuite résumé certaines des observations de la demanderesse au sujet de la difficulté qu’elle a eu à s’adapter à la vie au Canada, notamment les difficultés auxquelles sa famille et elle se sont heurtées lorsque son père est tombé malade et est décédé.

[6] Bien qu’il ait pris acte du souhait de la demanderesse de rester au Canada, étant donné qu’elle ne pouvait pas retourner au Royaume-Uni et qu’elle pensait qu’il serait difficile de retourner au Nigéria, l’agent a souligné que la demanderesse n’avait pas tenté de régulariser son statut au Canada ou de recourir à d’autres options, comme présenter une demande de résidence permanente.

[7] L’agent a également tenu compte des observations de la demanderesse au sujet des conditions de vie au Nigéria, notamment des risques de criminalité, de violence et de harcèlement sexuel. Il a pris acte du fait que la demanderesse a déclaré que plusieurs de ses amies avaient été victimes d’abus, mais il a conclu qu’elle n’avait pas elle-même présenté d’argument démontrant qu’elle serait directement touchée par ces risques.

[8] En conclusion, bien qu’il eut été d’avis qu’il n’y avait aucun risque à délivrer un PST à la demanderesse, l’agent n’était pas convaincu que l’octroi d’un permis était justifié dans les circonstances. La demande de PST ayant été rejetée, l’agent a également rejeté la demande de permis d’études de la demanderesse.

IV. Les questions en litige

[9] La demanderesse a soulevé les deux questions suivantes que la Cour doit trancher :

  1. L’agent a-t-il commis une erreur en n’exposant pas les motifs pour lesquels il a jugé qu’il n’était pas justifié de délivrer un PST à la demanderesse?

  2. L’agent a-t-il ignoré la preuve du préjudice subi par la demanderesse au Nigéria?

[10] Les parties conviennent, et je suis du même avis, que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable.

V. Analyse

[11] Ma décision d’accueillir la présente demande de contrôle judiciaire repose sur la deuxième question soulevée par la demanderesse. Elle soutient que la déclaration de l’agent, selon laquelle elle n’a pas présenté d’argument démontrant qu’elle serait directement touchée par le risque d’abus sexuel, ne tient pas compte du fait qu’elle a été victime d’une tentative d’agression sexuelle lorsqu’elle était enfant.

[12] À l’appui de sa demande de PST, la demanderesse a présenté des éléments de preuve relatifs à la prévalence de la violence sexuelle au Nigéria, notamment de la part de professeurs au niveau collégial. Selon mon interprétation de la décision, l’agent a tenu compte de ces éléments de preuve, mais a conclu que la demanderesse n’avait pas établi de lien entre ceux-ci et sa situation personnelle.

[13] Cependant, dans une déclaration solennelle soumise à l’appui de sa demande de PST, la demanderesse a expliqué qu’elle avait été victime d’une tentative d’agression sexuelle lorsqu’elle avait environ 11 ans et elle a établi un lien entre cet incident et sa crainte d’être exposée au risque de violence sexuelle au Nigéria. À mon avis, la décision démontre que l’agent a soit ignoré ces éléments de preuve, soit mal saisi leur importance pour les arguments de la demanderesse.

[14] Le défendeur soutient que, même si la Cour relevait une erreur de fait de cette nature, il ne s’agit pas d’une faille importante ou décisive qui justifie l’intervention de la Cour. Je ne souscris pas à cet argument. Je comprends que les arguments de la demanderesse à l’appui de sa demande de PST portaient en grande partie sur son souhait de rester au Canada pour terminer ses études. Cependant, ses arguments concernant l’isolement et les risques auxquels elle serait confrontée si elle retournait au Nigéria constituaient également des éléments importants de ses observations. Par conséquent, je conclus que l’erreur de l’agent concernant les éléments de preuve à l’appui de ces arguments n’est pas sans importance.

[15] La présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision sera annulée et l’affaire sera renvoyée à un autre agent pour qu’il rende une nouvelle décision, une fois que la demanderesse aura eu la possibilité de présenter des éléments de preuve et des observations à jour. Aucune des parties n’a proposé de question à certifier aux fins d’appel, et aucune n’est énoncée.


JUGEMENT dans le dossier IMM-8101-21

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, que la décision est annulée et que l’affaire est renvoyée à un autre agent pour qu’il rende une nouvelle décision, une fois que la demanderesse aura eu la possibilité de présenter des éléments de preuve et des observations à jour. Aucune question n’est certifiée aux fins d’appel.

« Richard F. Southcott »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mélanie Vézina

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-8101-21

INTITULÉ :

TAIWO BOLANLE ADEDIRAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 JanVIER 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SOUTHCOTT

DATE DES MOTIFS :

LE 19 JaNVIER 2023

COMPARUTIONS :

Sandra Dzever

POUR LA DEMANDERESSE

Diane Gyimah

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Law Office of Ronen Kurzfeld

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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