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Date : 20230130


Dossier : T‑1588‑19

Référence : 2023 CF 138

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 30 janvier 2023

En présence de madame la juge Furlanetto

ENTRE :

ASSOCIATION DES PILOTES D’AIR CANADA

demanderesse

et

AIR CANADA ET ROY BENTLEY

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue le 28 août 2019 [la décision contestée] par le Tribunal canadien des droits de la personne [le TCDP] par laquelle ce dernier a, entre autres, refusé une demande visant à déclarer inconstitutionnels les alinéas 3b) et 5b) du Règlement sur l’application de la Loi canadienne sur les droits de la personne aux régimes de prestations, DORS/80‑68 [le Règlement], au motif que ces dispositions violent le paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.‑U.), 1982, c 11 [la Charte]. Le TCDP a conclu que les alinéas 3b) et 5b) du Règlement constituaient une défense complète contre les plaintes déposées par le défendeur, Roy Bentley, contre Air Canada [AC] et l’Association des pilotes d’Air Canada [l’APAC], portant qu’une disposition de la convention collective conclue entre AC et l’APAC permettant la cessation des prestations d’invalidité de longue durée pour les pilotes qui sont devenus admissibles à des prestations de retraite non réduites constituait de la discrimination fondée sur l’âge au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC 1985, c H‑6 [la Loi].

[2] M. Bentley est maintenant retraité d’AC et a choisi de ne pas participer à la présente instance. Il n’a produit aucun document et n’a pas participé à l’audience de cette affaire. L’APAC a plutôt présenté la demande en l’espèce pour contester la conclusion du TCDP fondée sur le paragraphe 15(1) de la Charte.

[3] Pour les motifs exposés ci‑dessous, je suis d’avis que la demande devrait être rejetée, car l’APAC n’a pas démontré que l’expression « âge normal ouvrant droit à la pension en vertu du régime de retraite auquel participe l’employé », employée aux alinéas 3b) et 5b) du Règlement viole la norme de l’égalité réelle consacrée au paragraphe 15(1) de la Charte.

I. Contexte

[4] En 2011, l’APAC et AC ont conclu une convention collective [la Convention] qui a été en vigueur de 2011 à 2016. En 2012, des modifications ont été apportées à la Convention en réponse à des modifications législatives abrogeant une disposition qui permettait la retraite obligatoire à l’âge de 60 ans. Les modifications prévoyaient que les pilotes étaient admissibles à la retraite avec pension non réduite à l’âge de 60 ans après 25 années de service, ou à l’âge de 65 ans s’ils n’avaient pas atteint 25 années de service admissible.

[5] La Convention comprenait également une garantie collective d’assurance‑invalidité [la GCAI] pour les pilotes en invalidité de longue durée. La disposition L75.07 de la GCAI prévoyait que les pilotes admissibles à une pension non réduite n’étaient pas admissibles aux prestations d’invalidité s’ils devenaient incapables de travailler en raison d’une maladie ou d’une invalidité.

[6] M. Bentley a eu 60 ans le 30 mai 2014. Il est devenu admissible à la retraite avec pension non réduite, car il avait accumulé plus de 25 années de service au sein d’AC. Lorsqu’il a appris qu’il ne recevrait pas de prestations de GCAI s’il devenait invalide, il a déposé une plainte pour atteinte aux droits de la personne.

A. L’instance devant le TCDP

[7] Devant le TCDP, M. Bentley a fait valoir que les alinéas 3b) et 5b) du Règlement contrevenaient au paragraphe 15(1) de la Charte et n’étaient pas justifiés au regard de l’article premier de la Charte, et que la disposition L75.07 du GCAI établissait une distinction fondée sur l’âge.

[8] AC et l’APAC se sont d’abord opposées aux arguments de M. Bentley. Toutefois, en mai 2018, le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario [le TDPO] a rendu sa décision dans l’affaire Talos v Grand Erie District School Board, 2018 HRTO 680 [Talos], dans laquelle le TDPO a conclu qu’une disposition de la législation ontarienne sur les droits de la personne contrevenait au paragraphe 15(1) de la Charte et n’était pas justifiée au regard de l’article premier de la Charte. Après la publication de l’arrêt Talos, l’APAC a changé de position pour finalement appuyer les arguments de M. Bentley.

B. La preuve soumise au TCDP

[9] Devant le TCDP, l’APAC a présenté le témoignage de trois anciens pilotes : M. Bentley, Robert Lyon et Sandra Anderson. M. Bentley n’était pas invalide et n’a donc pas subi de préjudice financier en raison des dispositions. Robert Lyon a eu besoin de six mois pour se remettre d’une crise cardiaque après son 60anniversaire. Il a pris un congé sans solde après avoir épuisé ses jours de vacances et de maladie avant de retourner au travail. Sandra Anderson a dû subir une intervention chirurgicale majeure quatre mois après son 60anniversaire. Elle a pris sa retraite sept mois plus tard après avoir utilisé ses jours de maladie et de congé accumulés, de sorte qu’elle n’a pas eu à se passer de revenu.

[10] AC a également présenté un rapport d’expert préparé par Peter Gorham [le rapport Gorham]. M. Gorham était qualifié d’expert [TRADUCTION« possédant une expertise actuarielle dans la conception, la mise en œuvre, la gouvernance, l’établissement des coûts et le financement des régimes de retraite et des programmes d’avantages sociaux des employés ». Voici les deux conclusions clés de son rapport :

  1. Du point de vue de l’actuariat et de l’assurance (c.‑à‑d. la rentabilité), il est approprié de remplacer les indemnités pour perte de revenu par des prestations de retraite à un moment donné entre 61 et 65 ans;

  2. Le renvoi à l’âge ouvrant droit à pension s’explique par le fait qu’il est un moyen raisonnable adopté par divers employeurs en ce qui concerne les situations particulières au moment de la retraite.

[11] Pour en arriver à ces conclusions, M. Gorham a déclaré qu’il [TRADUCTION« n’était pas judicieux sur le plan actuariel de continuer à verser la protection du revenu en cas d’invalidité après un moment où la majorité des travailleurs sont susceptibles d’avoir pris leur retraite. En agissant de la sorte, on indemniserait plus de la moitié des travailleurs invalides. »

[12] Il a fait remarquer que, pour que le régime soit pertinent sur le plan actuariel, il doit y avoir un moment où les indemnités pour perte de revenu cessent. Cependant, il n’existe pas d’âge précis auquel les prestations devraient cesser. Il a plutôt présenté un éventail d’âges qui pouvaient varier en fonction des habitudes de retraite des Canadiens, en général, et de l’employeur en particulier. À son avis, l’utilisation de l’âge ouvrant droit à pension est une méthode appropriée pour fixer un moment où les prestations d’invalidité pourraient prendre fin, car elle tient compte des situations d’emploi différentes, comme celles des employés qui touchent des prestations de retraite anticipée non réduites, lesquels ont tendance à prendre leur retraite à un plus jeune âge que ceux qui n’en bénéficient pas.

C. La décision faisant l’objet du présent contrôle judiciaire

[13] Le TCDP a conclu que, lorsque les effets de la disposition L75.07 sont pris en compte, les alinéas 3b) et 5b) du Règlement créent une distinction fondée sur un motif analogue, et que cela satisfait donc à la première étape de l’analyse fondée sur le paragraphe 15(1).

[14] Toutefois, le TCDP a conclu que les alinéas 3b) et 5b) du Règlement ne créent pas de désavantage, de préjudice ou de stéréotype pour le groupe de demandeurs. La cessation des prestations d’invalidité à l’âge ouvrant droit à pension a été compensée par des prestations de retraite généreuses et une pension non réduite. Compte tenu des coûts élevés du maintien de l’assurance‑invalidité pour les personnes âgées, il s’agissait d’un compromis raisonnable. Le TCDP n’a pas souscrit au renvoi à l’affaire Talos par l’APAC. Il a jugé inapplicable cette affaire, qui traitait des prestations d’assurance maladie, d’assurance dentaire et d’assurance vie plutôt que des prestations d’invalidité, et qui excluait expressément les régimes d’assurance‑invalidité de longue durée et de pension.

[15] Comme le TCDP a conclu qu’il n’y avait pas eu violation du paragraphe 15(1) de la Charte, il n’y a pas eu d’analyse fondée sur l’article premier.

II. Les questions en litige et norme de contrôle

[16] Selon l’article 22 de la Loi, les modalités d’un régime d’assurance ne contreviennent pas à la Loi si le fondement discriminatoire de ce régime d’assurance est permis par le Règlement. Les alinéas 3b) et 5b) du Règlement contiennent deux exemptions distinctes : si l’employé a au moins 65 ans; ou s’il a « l’âge normal ouvrant droit à la pension en vertu du régime de retraite ». Ces dispositions sont ainsi libellées :

3 Les dispositions suivantes d’un régime de prestations ne constituent pas des motifs raisonnables pour formuler, en vertu de la Partie III de la Loi, une plainte pour acte discriminatoire de la part de l’employeur :

3 The following provisions of a benefit plan do not constitute the basis for a complaint under Part III of the Act that an employer is engaging or has engaged in a discriminatory practice:

. . .

. . .

b) dans le cas d’un régime d’assurance‑revenu en cas d’invalidité, les dispositions qui en excluent un employé parce qu’il a atteint l’âge auquel les prestations cessent d’être payables aux membres du régime, ou a atteint cet âge même en tenant compte de la période d’attente entre le début de l’invalidité et la date où les prestations deviennent payables, lequel âge correspond à soixante‑cinq ans ou à l’âge normal ouvrant droit à la pension en vertu du régime de retraite auquel participe l’employé, selon ce qui se présente le premier;

(b) in the case of any disability income insurance plan, provisions that result in an employee being excluded from participation in the plan because the employee has attained the age at which a member of the plan would not be eligible to receive benefits under the plan or has attained that age less the length of the waiting period following the commencement of a disability that must pass before benefits may become payable thereunder, if that age is not less than 65 or the normal pensionable age under the pension plan of which the employee is a member, whichever occurs first;

. . .

. . .

5 Les dispositions suivantes d’un régime d’assurance ne constituent pas des motifs raisonnables pour formuler, en vertu de la Partie III de la Loi, une plainte pour acte discriminatoire de la part de l’employeur :

5 The following provisions of an insurance plan do not constitute the basis for a complaint under Part III of the Act that an employer is engaging or has engaged in a discriminatory practice:

. . .

. . .

b) dans le cas d’un régime d’assurance‑revenu en cas d’invalidité, les dispositions qui établissent une distinction entre les employés parce qu’elles prévoient la cessation des prestations à l’âge de soixante‑cinq ans ou à l’âge normal ouvrant droit à la pension en vertu du régime de retraite auquel participe l’employé, selon ce qui se présente le premier;

(b) in the case of any disability income insurance plan, provisions that result in differentiation being made between employees because the benefits payable under the plan to an employee cease when the employee has attained the age of not less than 65, or the normal pensionable age under the pension plan of which the employee is a member, whichever occurs first;

[Je souligne]

[Emphasis Added]

[17] Dans le cadre du présent contrôle judiciaire, la demanderesse ne conteste pas la validité constitutionnelle de l’exemption des régimes d’assurance‑invalidité pour les employés d’au moins 65 ans. Elle ne remet pas non plus en question la pertinence des prestations de la GCAI. La seule question de fond à trancher dans la présente demande est celle de savoir si l’exception prévoyant la cessation des prestations d’invalidité pour les employés ayant atteint « l’âge normal ouvrant droit à la pension en vertu du régime de retraite auquel participe l’employé » [la disposition contestée] constitue une violation du paragraphe 15(1) de la Charte et, dans l’affirmative, si cette exception se justifie au regard l’article premier de la Charte.

[18] De plus, AC soulève, à titre préliminaire, la question de savoir si l’APAC devrait être autorisée à présenter, dans le cadre du contrôle judiciaire, de nouveaux arguments et éléments de preuve qui n’avaient pas été présentés au TCDP, notamment en ce qui a trait à l’introduction en preuve de divers documents de sciences sociales dans son recueil de jurisprudence [RJ].

[19] Il n’y a pas de norme de contrôle pour la question préliminaire.

[20] La norme de contrôle pour la question de fond est la norme de la décision correcte. La compatibilité des alinéas 3b) et 5b) du Règlement avec la Charte est une question constitutionnelle qui relève d’une exception à la présomption d’application de la norme de la décision correcte : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 55 à 57.

[21] Comme l’a fait remarquer AC, lorsqu’elle applique la norme de la décision correcte, la Cour doit demeurer consciente des limites structurelles d’un contrôle judiciaire, lequel vise la légalité de la décision sous‑jacente (Highwood Congregation of Jehovah’s Witnesses (Judicial Committee) c Wall, 2018 CSC 26 au para 13), et juger si des erreurs susceptibles de révision ont été commises. Comme l’a expliqué la Cour d’appel fédérale au paragraphe 11 de l’arrêt Bekker c Canada, 2004 CAF 186 [Bekker], le contrôle judiciaire n’est pas une audience de novo :

Les demandes de contrôle judiciaire ont une portée limitée. Il ne s’agit pas de nouvelles instances au cours desquelles de nouvelles questions peuvent être tranchées sur la foi de nouveaux éléments de preuve. Comme l’a dit le juge Rothstein, de la Cour d’appel fédérale, dans Gitxsan Treaty Society c Hospital Employees' Union […] « le but premier du contrôle judiciaire est de contrôler des décisions » et, j’ajouterais, simplement d’en déterminer la légalité […]. C’est la raison pour laquelle, sauf dans des circonstances exceptionnelles comme l’existence de questions relatives à la partialité ou à la compétence, qui ne figurent pas nécessairement au dossier, la cour de révision est liée par le dossier dont le juge ou l’office était saisi et est limitée à ce dossier. Par souci d’équité pour les parties et pour le tribunal dont la décision est révisée, cette restriction est nécessaire.

[Renvois omis.]

III. Analyse

A. Les nouveaux éléments de preuve et arguments de l’APAC devraient‑ils être admis?

[22] AC affirme que le TCDP n’avait pas été saisi de certains arguments et éléments de preuve présentés par l’APAC devant la Cour et que, par conséquent, ils n’ont donc pas été présentés en bonne et due forme.

[23] Comme l’a fait remarquer AC, et ainsi qu’il a été mentionné précédemment, dans ses observations initiales au TCDP, l’APAC a appuyé la position d’AC selon laquelle la modification de la Convention était protégée par les alinéas 3b) et 5b) du Règlement et que ces paragraphes n’enfreignaient pas la Charte. Ce faisant, elle s’est entièrement appuyée sur le rapport Gorham. Cependant, après une demande d’observations supplémentaires de la part de l’agent d’audience du TCDP à la suite de la décision du TDPO dans l’affaire Talos, l’APAC a changé sa position, affirmant que les alinéas 3b) et 5b) du Règlement étaient contraires au paragraphe 15(1) de la Charte. Dans ces observations supplémentaires, l’APAC a présenté bien peu d’arguments lui étant propres, adoptant essentiellement l’analyse du TDPO et affirmant qu’elle s’appliquait également à l’affaire dont le TCDP était saisi.

[24] Devant la Cour, l’APAC cherche maintenant à critiquer certains aspects du rapport Gorham à l’appui de son argument selon lequel les alinéas 3b) et 5b) sont inconstitutionnels.

[25] De plus, AC affirme que l’APAC soulève un nouvel argument au paragraphe 33 de son mémoire des faits et du droit qui est plus vaste que les questions dont le TCDP est saisi. Dans ce paragraphe, l’APAC décrit la question comme étant celle de savoir [TRADUCTION« si la simple existence d’un régime de pension excuse le refus complet des prestations d’invalidité – peu importe les avantages prévus par les modalités du régime de pension ».

[26] AC soutient que ce paragraphe est une reformulation des questions dont le TCDP était saisi, mais dont la portée de l’analyse a été élargie au‑delà de la GCAI, et qu’on ne lui a pas permis de déposer des éléments de preuve pertinents sur différents régimes de pension et sur la façon dont ils interagissent avec les alinéas 3b) et 5b) du Règlement. AC affirme également qu’on lui a refusé la possibilité de s’attaquer à la différence entre les régimes à prestations déterminées et les régimes à cotisations déterminées, ce qui serait pertinent dans le contexte de cette question plus vaste.

[27] L’APAC soutient qu’il ne s’agit pas d’une situation où une nouvelle question est soulevée devant la Cour alors qu’elle ne l’avait pas été devant le TCDP. En l’espèce, la question relative au paragraphe 15(1) de la Charte a été clairement soumise au TCDP, qui a rendu une décision à ce sujet. Ainsi, le décideur a eu l’occasion d’exprimer une opinion sur la question relative à la Charte.

[28] Je suis d’accord avec AC pour dire que les questions formulées ne peuvent être de portée plus vaste que celles dont le TCDP était saisi : Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61 au para 26. Cependant, je ne souscris pas à l’affirmation selon laquelle l’APAC n’est pas autorisée à contester les conclusions du TCDP à l’égard du paragraphe 15(1) ou à présenter des arguments qui se rapportent à ceux présentés par M. Bentley devant le TCDP ou qui englobent ce que le TCDP aurait pris en considération à la suite des observations postérieures à l’audience et de son examen de l’affaire Talos.

[29] En ce qui concerne les éléments de preuve, AC conteste les critiques de l’APAC à l’égard du rapport Gorham, le fait qu’on se fie à la preuve d’expert tirée de décisions comme Talos, et l’introduction d’articles de sciences sociales dans son RJ qui n’avaient pas été présentés au moyen d’un témoignage d’expert devant le TCDP.

[30] Je suis d’accord avec l’APAC pour dire le fait qu’on se soit fondé sur le rapport Gorham et les critiques formulées envers celui‑ci ne constituent pas une nouvelle preuve. L’APAC ne cherche pas à présenter des éléments de preuve qui divergent des opinions exprimées par M. Gorham. Elle cherche plutôt à attirer l’attention sur certains aspects de la preuve produite par M. Gorham et demande à la Cour de tirer une conclusion juridique différente de celle tirée par le TCDP quant à cette preuve.

[31] En ce qui concerne le recours à la preuve d’expert provenant d’autres décisions, cette preuve ne peut être considérée comme une preuve directe et ne peut être examinée que dans son contexte. Cette question sera traitée plus en détail, au besoin, lorsque les parties présenteront des arguments précis dans le cadre de l’analyse fondée sur le paragraphe 15(1).

[32] En ce qui concerne la référence de l’APAC aux documents de sciences sociales provenant de sources secondaires, l’APAC affirme qu’elle ne s’appuie pas sur ces documents comme preuve, mais plutôt pour mettre en contexte les éléments de preuve existants. L’APAC soutient que cela est conforme à l’approche adoptée dans d’autres affaires, comme Stadler v Directeur, St Boniface/St Vital, 2020 MBCA 46 [Stadler] et Fraser c Canada (Procureur général), 2020 CSC 28 [Fraser].

[33] AC affirme que l’APAC tente de présenter des éléments de preuve qui n’ont pas été présentés au TCDP parce que l’APAC n’avait pas contesté le rapport Gorham devant ce tribunal. AC conteste les références secondaires figurant aux points 35 à 45 du RJ de l’APAC, à l’exception des points 38 et 44 qui, selon elle, se rapportent respectivement à un rapport du gouvernement et à une infolettre du gouvernement.

[34] Il est bien établi que les décisions relatives à la Charte ne doivent pas être rendues dans un vide factuel : Mackay c Manitoba, [1989] 2 RCS 357, à la p. 361. Comme la Cour suprême du Canada l’a mentionné dans l’arrêt Danson c Ontario (Procureur général), [1990] 2 RCS 1086, à la p. 1101 :

[…] En général, toute contestation relative à la Charte fondée sur la prétention que les effets de la loi visée sont inconstitutionnels doit être appuyée par une preuve recevable concernant les effets contestés. En l’absence de telle preuve, les tribunaux auraient à se prononcer « dans le vide », ce qui est tout aussi difficile en matière constitutionnelle que dans la nature.

[35] Comme il est indiqué aux paragraphes 12 à 14 de l’arrêt Bekker, les préoccupations pertinentes dans le cas des contestations fondées sur l’article 15 exigent une enquête contextuelle complète et fondée sur plusieurs facteurs de la part de la cour de révision pour savoir si le texte législatif attaqué crée non seulement une différence de traitement, mais également une distinction discriminatoire au sens constitutionnel. Cela peut comprendre des données relevant des sciences sociales et des statistiques; il se peut que des contre‑interrogatoires soient aussi nécessaires, de même que la production de contre‑preuve.

[36] Cette analyse est illustrée dans l’arrêt Fraser au paragraphe 98, où la Cour a examiné les rapports de commissions, des décisions judiciaires et des travaux universitaires afin d’évaluer les affirmations de la demanderesse selon lesquelles les femmes avaient historiquement assumé une part écrasante des responsabilités en matière de garde d’enfants, que les travailleurs à temps partiel au Canada étaient de façon disproportionnée des femmes, et qu’elles étaient beaucoup plus susceptibles que les hommes de travailler à temps partiel en raison de responsabilités liées à la garde d’enfants, ce qui se traduisait par un emploi moins stable et des périodes de « réduction du temps de travail ». Cependant, l’arrêt Fraser ne parle pas de l’introduction de tels éléments de preuve.

[37] Dans l’arrêt Stadler, la Cour a fait référence à quatre documents déposés par un intervenant, le Social Planning Council, après que ce dernier eut obtenu l’autorisation d’intervenir et qu’elle lui eut accordé la permission de déposer les documents en question. À mon avis, il ne faut pas considérer que cette situation vient appuyer la proposition selon laquelle les parties sont régulièrement autorisées à déposer de nouveaux éléments de preuve sous forme de documents secondaires devant un tribunal judiciaire.

[38] Il est bien établi en droit que, en l’absence d’une exception reconnue, les nouveaux éléments de preuve, même sur des questions constitutionnelles, ne sont pas admissibles en contrôle judiciaire : Landau v Canada (Attorney General), 2022 CAF 12 [Landau], au para 11; Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 [Access Copyright], au para 20; Forest Ethics Advocacy Association c Canada (Office national de l’énergie), 2014 CAF 245 [Forest Ethics], aux para 40 à 46.

[39] Il ne fait aucun doute que les documents secondaires demandés n’ont pas été présentés au TCDP et qu’aucun de ces éléments de preuve ne relève des exceptions énumérées dans Access Copyright au paragraphe 20. Ils ne constituent pas de l’information générale, ne traitent pas des vices de procédure devant le TCDP et ne démontrent pas que le TCDP a tiré l’une ou l’autre de ses conclusions sans éléments de preuve sous‑jacents.

[40] Les documents rédigés par des universitaires sur lesquels se fonde l’APAC traitent des stéréotypes négatifs concernant les travailleurs âgés, de l’âgisme et de la sécurité d’emploi chez les personnes âgées. Cette preuve va dans le sens de l’argument de l’APAC fondé sur le paragraphe 15(1) de la Charte. Ces documents portent sur des faits contestés et ne sont pas des documents dont la Cour peut prendre connaissance d’office : Khodeir c Canada (Procureur général), 2022 CF 44 au para 21, 26 et 27.

[41] De plus, plutôt que de présenter cette preuve au moyen d’un affidavit d’expert, l’APAC a déposé cette preuve dans le cadre de sa RJ. Dans National R&D Inc c Canada, 2022 CAF 72 au para 14, la Cour d’appel fédérale a commenté l’interdiction de ce type de pratique (voir aussi Landau, au para 12, et Forest Ethics Advocacy Association c Office national de l’énergie, 2014 CAF 88 aux para 12 à 14) :

[…] À l’appui de cette affirmation, l’appelante invoque un article inclus dans le cahier des lois, règlements, jurisprudence et doctrine. J’estime qu’il s’agit d’une tentative inadmissible d’établir, par des moyens détournés, un fait qui devrait constituer une question de preuve à débattre au procès. S’il existe une différence cruciale entre la méthode des sciences appliquées et celle des sciences naturelles, l’appelante doit démontrer ce fait par des preuves (Public School Boards’ Assn. of Alberta c. Alberta (Procureur général), [1999] 3 R.C.S. 845, 1999 CanLII 640). On ne peut accepter aveuglément le contenu d’une revue spécialisée. Les questions relatives aux sciences sociales, appliquées ou naturelles doivent être présentées par l’entremise d’experts, et ceux‑ci doivent être disponibles pour pouvoir être contre‑interrogés, car c’est lors du contre‑interrogatoire que la cour peut vérifier la fiabilité des éléments de preuve (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Ishaq, 2015 CAF 151, [2016] 1 R.C.F. 686, par. 21).

[42] En procédant de cette façon, l’APAC a efficacement isolé la preuve du contre‑interrogatoire et a rendu impossible pour la Cour d’en déterminer la fiabilité : Forest Ethics, au para 42. De plus, dans certains cas, la référence n’est qu’un extrait du document, de sorte qu’il manque l’ensemble du contexte de l’article. Je conviens avec AC que ces documents secondaires ne peuvent pas être admis.

B. La disposition contestée est‑elle contraire au paragraphe 15(1) de la Charte?

[43] Le paragraphe 15(1) de la Charte est libellé ainsi :

Égalité devant la loi, égalité de bénéfice et protection égale de la loi

Equality before and under law and equal protection and benefit of law

15 (1) La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.

15 (1) Every individual is equal before and under the law and has the right to the equal protection and equal benefit of the law without discrimination and, in particular, without discrimination based on race, national or ethnic origin, colour, religion, sex, age or mental or physical disability.

[44] Comme il est énoncé dans l’arrêt Fraser au paragraphe 42, « l’égalité réelle est la “norme fondamentale” du cadre établi à l’égard de l’art. 15 [...] et que l’égalité réelle exige que l’on porte attention à “tous les éléments contextuels de la situation du groupe de demandeurs”, à “l’effet réel de la mesure législative sur leur situation” et aux “désavantages systémiques persistants [qui] ont eu pour effet de restreindre les possibilités offertes” aux membres du groupe ».

[45] Lorsqu’elle évalue une demande fondée sur le paragraphe 15(1) de la Charte, la Cour pose deux questions (Centrale des syndicats du Québec c Québec (Procureure générale), 2018 CSC 18 au para 22; Fraser, au para 27] : 1) à première vue ou de par son effet, la disposition contestée établit‑elle une distinction fondée sur un motif énuméré ou analogue, et, dans l’affirmative, 2) impose‑t‑elle un fardeau ou nie‑t‑elle un avantage d’une manière qui a pour effet de renforcer, de perpétuer ou d’accentuer le désavantage, y compris le désavantage « historique » subi?

(1) La disposition contestée établit‑elle une distinction fondée sur l’âge?

[46] Comme il est résumé dans Québec (Procureure générale) c Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux, 2018 CSC 17 au para 26, l’objet de la première étape de l’analyse fondée sur le paragraphe 15(1) est de faire en sorte que les personnes censées être protégées par cette disposition puissent s’en réclamer, et d’exclure les demandes qui n’ont rien à voir avec l’égalité réelle, du fait qu’elles ne sont pas fondées sur des motifs énumérés ou analogues qui sont des indicateurs permanents de discrimination potentielle. L’analyse effectuée au titre de cette étape ne doit pas obligatoirement prendre en compte les répercussions discriminatoires; elle met plutôt l’accent sur les motifs de distinction.

[47] Pour qu’une disposition crée par son effet une distinction fondée sur des motifs illicites, elle doit avoir un effet disproportionné sur les membres d’un groupe protégé : Fraser, par. 52.

[48] L’APAC affirme que, en l’espèce, la première étape du critère fondé sur le paragraphe 15(1) est facilement satisfaite. Elle soutient que, à première vue, la disposition contestée crée une distinction fondée sur l’âge, c’est‑à‑dire si un employé a atteint l’« âge normal ouvrant droit à la pension en vertu du régime de retraite ». Elle soutient que cette distinction est fondée sur l’appartenance à un groupe visé par un motif énuméré – en l’occurrence, les travailleurs âgés.

[49] AC souligne la nature contextuelle de l’analyse fondée sur le paragraphe 15(1) et son accent sur l’égalité réelle plutôt que formelle. Elle affirme que la distinction créée par la disposition contestée n’est pas fondée sur un motif énuméré ou analogue. La disposition contestée fait référence à l’« âge normal ouvrant droit à la pension », qui peut être déterminé par une période de service donnée, plutôt que par l’âge. Elle soutient que la période de service d’un employé n’est pas une caractéristique immuable qui a le caractère d’un motif énuméré ou analogue.

[50] Un motif analogue est une caractéristique personnelle qui est soit immuable, soit modifiable uniquement à un prix inacceptable du point de vue de l’identité personnelle : Withler c Canada (Procureur général), 2011 CSC 12 au para 33. AC affirme que la période d’emploi ou les années de service d’un employé ne constituent pas une caractéristique personnelle visée par cette définition.

[51] AC fait valoir que pour satisfaire à la première étape du critère fondé sur le paragraphe 15(1), le demandeur devait présenter des éléments de preuve pour établir qu’il y a un effet disproportionné sur les membres du groupe allégué, notamment des éléments de preuve sur la situation du groupe de demandeurs et des éléments de preuve sur les conséquences de la loi. Elle renvoie aux commentaires de la Cour d’appel fédérale dans Weatherley c Canada (Procureur général), 2021 CAF 158 [Weatherley], au paragraphe 39, qui renvoie à la Cour dans Fraser :

[39] Dans l’arrêt Fraser, de façon générale, les juges majoritaires de la Cour suprême nous enseignent que « [d]eux types d’éléments de preuve sont particulièrement utiles pour prouver qu’une loi a un effet disproportionné sur des membres d’un groupe protégé. Le premier porte sur la situation du groupe de demandeurs. Le deuxième porte sur les conséquences de la loi » (par. 56) ou les « conséquences […] des systèmes » (par. 58). Quant au deuxième type, il faut établir l’existence d’« un comportement distinct d’exclusion ou de préjudice statistiquement important et qui n’est pas simplement le résultat de la chance » (par. 59). Il en découle l’obligation de démontrer que la loi contestée cause les effets préjudiciables ou du moins y contribue. En d’autres termes, il doit y avoir « des éléments de preuve […] sur les effets de la loi contestée » (par. 60). Les deux types d’éléments de preuve ne sont pas toujours requis, et les normes de preuve ne doivent pas être appliquées de manière trop rigoureuse (par. 61 et 67). Les demandeurs doivent toutefois présenter un tant soit peu d’éléments de preuve à l’appui de leur thèse.

[52] AC affirme que l’APAC ne peut satisfaire à la première étape du critère, parce qu’elle n’a présenté aucune preuve et n’a pas démontré que la disposition contestée a un effet disproportionné sur les membres d’un groupe protégé.

[53] L’article 2 du Règlement définit l’expression « âge normal ouvrant droit à la pension » ainsi :

âge normal ouvrant droit à la pension, dans le cadre d’un régime de retraite, désigne la première date spécifiée à laquelle un employé peut prendre sa retraite et toucher les prestations auxquelles il aurait normalement droit en vertu du régime, sans rajustement à cause d’une retraite anticipée, que cette date soit celle d’un anniversaire de naissance ou le dernier jour d’une période d’emploi;

normal pensionable age under a pension plan, means the earliest date specified in the plan on which an employee can retire from his employment and receive all the benefits provided by the plan to which he would otherwise be entitled under the terms of the plan, without adjustment by reason of early retirement, whether such date is the day on which the employee has attained a given age or on which the employee has completed a given period of employment

[54] Je suis d’accord avec AC pour dire que la durée du service d’un employé à elle seule n’est pas une caractéristique personnelle immuable, car elle ne décrit pas ce qu’est une personne, mais plutôt ce qu’une personne fait ou a fait : Charles v Canada (Attorney General) (1996), 134 DLR (4th) 742 (CS ON) [Charles], au para 45.

[55] Cependant, contrairement à la décision Charles, où l’effet disparate allégué était fondé uniquement sur les années de service (Charles, au para 42 à 46), en l’espèce, la définition d’« âge normal ouvrant droit à la pension » comprend les pensions dont le versement des prestations commence à un âge précis, créant ainsi une distinction selon l’âge, bien que l’âge ne soit pas précisé, ainsi que celles où l’employé a atteint une période d’emploi donnée.

[56] En toute logique, les employés qui sont le plus susceptibles d’être touchés par l’admissibilité à la pension déterminée par une période de service donnée sont les employés plus âgés, compte tenu de la durée de service requise pour devenir admissible.

[57] Bien que peu d’éléments de preuve aient été présentés concernant la durée de service généralement requise par ces régimes ou l’âge auquel les employés qui occupent ces postes commencent à travailler pour déterminer leur âge d’admissibilité à la pension, compte tenu du lien logique entre la durée du service et l’âge, à mon avis, on peut conclure que la disposition contestée crée directement et indirectement une distinction fondée sur l’âge. De plus, pour cette étape de l’analyse et sans me prononcer sur le fond, j’accepte que l’APAC s’appuie sur les faits relatifs à Sandra Anderson et à Robert Lyon comme preuve proposée quant aux conséquences de la loi.

(2) La disposition contestée viole‑t‑elle la garantie réelle de l’égalité?

[58] Les parties reconnaissent que le droit a évolué depuis le dépôt de leur mémoire. Plus précisément, elles soulignent que l’arrêt Fraser de la Cour suprême du Canada a modifié de façon subtile la deuxième étape de l’analyse fondée sur l’article 15. Aux paragraphes 76 à 81 de l’arrêt Fraser :

[76] Cela nous amène à la deuxième étape de l’analyse relative à l’art. 15 : la question de savoir si la loi a pour effet de renforcer, de perpétuer ou d’accentuer un désavantage (Alliance, par. 25). Cet examen se déroule habituellement de la même façon dans les cas d’effet distinct et de discrimination explicite. Il n’existe pas de « modèle rigide » de facteurs pertinents à prendre en considération dans cette analyse (Québec c. A, par. 31, citant Withler, par. 66). L’objectif est d’examiner l’effet du préjudice causé au groupe touché. Le préjudice peut inclure [TRADUCTION]°« une exclusion ou un désavantage économique, une exclusion sociale [. . .] des préjudices psychologiques [. . .] des préjudices physiques [. . .], [ou] une exclusion politique », et il doit être examiné à la lumière des désavantages systémiques ou historiques auxquels fait face le groupe de demandeurs (Sheppard (2010), p. 62‑63 (soulignement supprimé)).

[77] Le but de l’examen est de faire en sorte que le par. 15(1) reste axé sur la protection des groupes qui sont défavorisés et exclus en raison de leurs caractéristiques, de même que sur la protection des personnes [TRADUCTION]°« qui appartiennent à plus d’un groupe socialement défavorisé dans la société » (Colleen Sheppard, « Grounds of Discrimination: Towards an Inclusive and Contextual Approach » (2001), 80 Rev. B. can. 893, p. 896; voir aussi Withler, par. 58). Comme la Cour l’a précisé dans Québec c. A au moment d’aborder la deuxième étape de l’analyse relative à l’art. 15 :

À la base, l’art. 15 résulte d’une prise de conscience que certains groupes ont depuis longtemps été victimes de discrimination, et qu’il faut mettre fin à la perpétuation de cette discrimination [par. 332].

(Voir aussi Taypotat, par. 20.)

[78] En particulier, la présence de préjugés et l’application de stéréotypes sociaux ne sont pas nécessairement des facteurs à prendre en compte dans l’analyse relative au par. 15(1). Ceux‑ci peuvent aider à démontrer qu’une loi a des effets négatifs sur un groupe particulier, mais ils ne sont « ni des éléments particuliers du critère établi dans l’arrêt Andrews, ni des catégories auxquelles doit se rattacher la plainte de discrimination » (Québec c. A, au para. 329), car […] [i]l faut se garder de considérer que les arrêts Kapp et Withler ont pour effet d’imposer aux demandeurs invoquant l’art. 15 l’obligation additionnelle de prouver qu’une distinction perpétue une attitude imbue de préjugés ou de stéréotypes à leur endroit. Une telle démarche s’attache à tort à la question de savoir s’il existe une attitude, plutôt qu’un effet, discriminatoire, contrairement aux enseignements des arrêts Andrews, Kapp et Withler. [En italiques dans l’original; par. 327.]

(Voir aussi par. 329‑331.)

[79] Qui plus est, la perpétuation du désavantage ne devient pas moins grave au regard du par. 15(1) simplement parce qu’elle était pertinente à l’égard d’un objectif légitime de l’État. Je suis d’accord avec la doyenne Mayo Moran sur le fait que l’ajout d’un critère de pertinence à l’analyse relative au par. 15(1) — même en tant que facteur contextuel parmi d’autres — risque de réduire l’examen à une simple recherche du [TRADUCTION]°« fondement rationnel » de la loi contestée […] Le critère à appliquer pour déterminer s’il y a violation à première vue du par. 15(1) concerne l’effet discriminatoire de la loi sur les groupes défavorisés et non la question de savoir si la distinction est justifiée, un examen qu’il convient d’effectuer au regard de l’article premier […]

[80] De même, un demandeur n’est pas tenu de prouver que la distinction est arbitraire pour démontrer une violation à première vue du par. 15(1). C’est au gouvernement qu’il incombe de démontrer que la loi n’est pas arbitraire dans les observations qu’il présente pour justifier l’atteinte au regard de l’article premier […]

[81] En résumé, donc, la première étape de l’analyse relative à l’art. 15 vise à établir que la loi impose un traitement différent sur la base de motifs protégés, soit explicitement soit par un effet préjudiciable. À la deuxième étape, la Cour doit se demander si la loi a pour effet de renforcer, de perpétuer ou d’accentuer un désavantage (Alliance, par. 25).

[59] L’APAC soutient que l’arrêt Fraser insiste sur la grande importance de l’effet discriminatoire de la disposition en question, en demandant si la disposition contestée « a pour effet de renforcer, de perpétuer ou d’accentuer un désavantage » (voir au para 81). L’APAC affirme que l’affectation des ressources et l’objectif de la législation dont il est question au paragraphe 68 de la décision ainsi qu’au paragraphe 71 de l’arrêt Withler ne sont donc plus pertinents. Elle soutient que l’arbitraire n’est plus un aspect nécessaire lors de l’analyse relative à l’article 15, mais qu’il est plutôt pertinent en ce qui a trait à l’article premier.

[60] AC reconnaît que l’arrêt Fraser a peaufiné les aspects de l’analyse dans cette étape du critère; toutefois, elle fait référence au paragraphe 145 de l’arrêt R c CP, 2021 CSC 19 [CP], rendu après Fraser, dans lequel l’approche contextuelle prescrite dans l’arrêt Withler y est toujours désignée comme celle établissant le cadre de l’analyse :

[145] Autrement dit, c’est l’effet réel de la disposition à la lumière de tout son contexte qui devrait régir l’analyse et le par. 37(10) ne devrait pas être dissocié de son contexte législatif global. Une approche qui exigerait une parité absolue avec le Code criminel sans tenir compte de la nature distincte du régime qui sous‑tend la LSJPA serait en fait contraire à l’approche contextuelle dictée dans l’arrêt Withler c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 12, [2011] 1 R.C.S. 396, par. 73, 76 et 79. L’analyse requiert plutôt une « compréhension contextuelle de la situation du demandeur dans le cadre d’un régime législatif et dans la société en général »; le tribunal doit s’interroger « sur l’opportunité générale de[s] [. . .] limites [établies], compte tenu de la situation des personnes touchées et des objets du régime » (par. 65 et 67). Une compréhension du régime législatif distinct qui sous‑tend le par. 37(10) est cruciale pour pouvoir évaluer l’effet réel de la loi sur les adolescents (voir P. J. Monahan, B. Shaw et P. Ryan, Constitutional Law (5éd. 2017), p. 469).

[61] AC affirme qu’une analyse contextuelle fait toujours partie de l’approche de la Cour à l’égard de l’égalité réelle, ce qui nécessite un équilibre des intérêts en jeu. Je souscris à son affirmation. Comme l’a déclaré la Cour suprême au paragraphe 153 de l’arrêt CP :

[153] […] L’analyse fondée sur le par. 15(1) de la Charte en ce qui a trait à la perpétuation d’un désavantage exige que l’on porte attention à « tous les éléments contextuels de la situation du groupe de demandeurs » et à « l’effet réel de la mesure législative sur leur situation » (Withler, par. 43; voir aussi Taypotat, par. 17). Cette analyse contextuelle peut pour sa part révéler qu’un traitement différent est discriminatoire parce qu’il perpétue un désavantage, qu’il est neutre ou qu’il est [TRADUCTION]°« nécessaire pour améliorer la situation véritable du groupe de demandeurs » (Withler, par. 39). Dans l’appréciation de l’effet réel de l’obligation d’obtenir une autorisation, notre Cour doit donc prendre en compte tous les éléments contextuels de la situation des adolescents, ce qui comprend, à mon sens, le fait qu’un contrôle en appel structurellement prolongé peut leur être plus préjudiciable.

[62] À mon avis, l’objet de la disposition contestée dans le contexte de l’ensemble du régime de retraite demeure une considération pertinente, tout comme la pertinence générale des limites établies au regard de la situation des groupes touchés et des objets du régime : Withler, au para 71. Il n’est pas nécessaire que le programme de prestations corresponde parfaitement à la situation et aux besoins véritables du groupe de demandeurs. L’affectation des ressources et les objectifs stratégiques particuliers peuvent aussi être pris en compte : Withler, au para 67. Contrairement aux affirmations de l’APAC, je considère que l’arrêt Fraser modifie cet aspect de la loi, surtout à la lumière des énoncés formulés dans l’arrêt CP.

[63] Dans ce cas, les paragraphes 3b) et 5b) du Règlement créent une distinction lorsqu’un demandeur atteint l’« âge normal ouvrant droit à la pension ». La question est de savoir si cette distinction devient discriminatoire par le refus d’une prestation d’une manière qui renforce, perpétue ou accentue le désavantage à mesure qu’un employé vieillit et atteint l’âge ouvrant droit à la pension.

[64] Comme indiqué dans l’arrêt CP au paragraphe 142, « [à] cet égard, il convient aussi de garder à l’esprit que, de façon générale, les distinctions fondées sur l’âge sont “courantes et nécessaires pour maintenir l’ordre dans notre société” et ne sont “pas fortement associé[es] à la discrimination et à la dénégation arbitraire de privilèges” (Gosselin c Québec (Procureur général), 2002 CSC 84, [2002] 4 R.C.S. 429, par. 31]. »

[65] AC affirme que, lorsqu’on effectue une analyse contextuelle, on obtient la même analyse que celle décrite dans Weatherley, à savoir que les régimes d’assurance‑invalidité servent de forme d’assurance pour les travailleurs lorsque la cessation de l’indemnisation est nécessaire à un moment donné.

[66] Comme il est indiqué dans l’arrêt Weatherley, aux paragraphes 24 à 29, une violation du paragraphe 15(1) de la Charte ne peut pas être déduite simplement du fait que la loi exclut un groupe, même un groupe vulnérable, d’un régime d’avantages sociaux :

[24] Dans l’arrêt Gosselin c Québec (Procureur général), 2002 CSC 84, [2002] 4 R.C.S. 429, par. 55, la Cour suprême conclut que les tribunaux ne sauraient insister sur « [une] correspondance parfaite entre un régime de prestations et les besoins ou la situation d’[un] groupe demandeur ». Bien que l’on puisse « éprouver de la sympathie » pour les personnes qui ne peuvent pas participer aux programmes, le « fait qu’un programme social donné ne réponde pas aux besoins de tous, sans exception, ne nous permet pas de conclure que ce programme ne correspond pas aux besoins et à la situation véritables du groupe concerné » (par. 55).

[25] Par conséquent, la Cour suprême, dans l’arrêt Gosselin, conclut qu’une violation du paragraphe 15(1) de la Charte ne peut être déduite simplement du fait que la législation en matière de prestations écarte un groupe, même un groupe vulnérable, du régime de prestations (par. 55) :

Le fait que certaines personnes soient victimes des lacunes d’un programme ne prouve pas que la mesure législative en cause ne tient pas compte de l’ensemble des besoins et de la situation du groupe de personnes touchées, ni que la distinction établie par cette mesure crée une discrimination réelle au sens du par. 15(1).

[26] L’arrêt de la Cour suprême Law c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497, 1999 CanLII 675, par. 105, va dans le même sens. Notre Cour décrit l’arrêt Law comme une contribution à notre conception du paragraphe 15(1) et du Régime en ces termes :

Les lois en matière de prestations sociales, comme le Régime de pensions du Canada, visent à améliorer les conditions de groupes particuliers. Cependant, la réalité sociale est complexe : les groupes se recoupent et, à l’intérieur de ceux‑ci, existent des personnes aux situations et aux besoins différents, certains urgents, d’autres pas, suivant des situations d’une variété presque infinie. En conséquence, les tribunaux ne devraient pas exiger « qu’une loi doi[ve] toujours correspondre parfaitement à la réalité sociale pour être conforme au par. 15(1) de la Charte » : arrêt Law, précité, au paragraphe 105.

[Miceli‑Riggins, par. 56.]

[27] Plus récemment, dans l’arrêt Withler c Canada (Procureur général), 2011 CSC 12, [2011] 1 R.C.S. 396, la Cour suprême conclut qu’il faut procéder délicatement à l’analyse portant à déterminer si la législation en matière de prestations contrevient au paragraphe 15(1), compte tenu de la tâche difficile que constitue la répartition de maigres ressources (par. 67) :

Lorsqu’il est question d’un régime de prestations de retraite, comme dans le cas qui nous occupe, l’examen des facteurs contextuels à la deuxième étape de l’analyse requise par le par. 15(1) porte en général sur l’objet de la disposition présentée comme discriminatoire, et se fait à la lumière du régime législatif complet. À qui le législateur voulait‑il accorder un avantage et pourquoi? Pour trancher la question de savoir si la distinction perpétue un préjugé ou applique un stéréotype à un certain groupe, le tribunal tient compte du fait que de tels programmes sont conçus dans l’intérêt de divers groupes et doivent forcément établir des limites en fonction de certains facteurs comme l’âge. Le tribunal s’interrogera sur l’opportunité générale de telles limites, compte tenu de la situation des personnes touchées et des objets du régime. Point n’est besoin que le programme de prestations corresponde parfaitement à la situation et aux besoins véritables du groupe de demandeurs. Le tribunal pourra également prendre en considération l’affectation des ressources et les objectifs particuliers d’intérêt public visés par le législateur.

Dans l’arrêt Withler, la Cour suprême indique également (par. 38 et 66) que les tribunaux devraient laisser une certaine marge de manœuvre, dans leur analyse au regard du paragraphe 15(1), aux choix du législateur lorsqu’ils déterminent si sa législation prévoyant des prestations est discriminatoire.

[28] C’est pourquoi la Cour suprême estime que ce n’est qu’en la présence d’un élément discernable ou concret –, comme une « distinction illégitime » d’un groupe particulier –, que la Cour peut être amenée à conclure que la législation prévoyant des prestations contrevient au paragraphe 15(1) :

Il n’est pas loisible au Parlement ou à une législature d’adopter une loi dont les objectifs de politique générale et les dispositions imposent à un groupe défavorisé un traitement moins favorable : Corbiere c Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), 1999 CanLII 687 (CSC), [1999] 2 R.C.S. 203. Par contre, la décision du législateur de ne pas accorder un avantage en particulier, lorsque l’existence d’un objectif, d’une politique ou d’un effet discriminatoire n’est pas établie, ne contrevient pas à ce principe ni ne justifie un examen fondé sur le par. 15(1). Notre Cour a conclu à maintes reprises que le législateur n’a pas l’obligation de créer un avantage en particulier, qu’il peut financer les programmes sociaux de son choix pour des raisons de politique générale, à condition que l’avantage offert ne soit pas lui‑même conféré d’une manière discriminatoire […].

Lorsqu’il s’agit de savoir si les membres d’un groupe font l’objet d’un stéréotype, déterminer si une définition légale excluant un groupe est discriminatoire et ne constitue pas un exercice légitime du pouvoir législatif de définir un avantage suppose l’examen de l’objectif du régime législatif qui confère l’avantage ainsi que des besoins généraux auxquels il est censé répondre. Le régime d’avantages excluant un groupe en particulier d’une manière qui compromet son objectif global sera vraisemblablement discriminatoire, car il exclut arbitrairement un groupe donné. Par contre, l’exclusion qui est compatible avec l’objectif général et l’économie du régime législatif ne sera vraisemblablement pas discriminatoire. La question est donc de savoir si l’avantage exclu fait partie du régime général d’avantages établi par la loi et s’il correspond aux besoins auxquels celle‑ci est censée répondre.

[Auton (Tutrice à l’instance de) c Colombie‑Britannique (Procureur général), 2004 CSC 78, [2004] 3 R.C.S. 657, par. 41 et 42.]

[29] Même alors, il se peut que ce ne soit pas suffisant pas pour que la demanderesse qui invoque le paragraphe 15(1) ait gain de cause. En effet, « [l] » élaboration d’un régime d’aide sociale […] est un problème complexe, auquel il n’existe pas de solution parfaite » et « [q]uelles que soient les mesures adoptées par le gouvernement, il existera toujours un certain nombre de personnes auxquelles un autre ensemble de mesures aurait mieux convenu » (Gosselin par. 55). Notre Cour tient un discours semblable :

Lorsque la Cour examine un argument qui veut qu’un régime complexe de prestations prévu par la loi, comme celui de l’assurance‑chômage, a un effet négatif différentiel sur certains demandeurs contrairement à l’article 15, elle ne peut se préoccuper de la question de savoir s’il serait désirable d’accorder des prestations étendues comme on le recherche. Dans la création des programmes sociaux, il faut établir des priorités. Le législateur est mieux équipé pour cette tâche que les tribunaux et la Constitution n’exige pas que les tribunaux procèdent à un réglage minutieux des régimes législatifs.

[Krock c Procureur général du Canada, 2001 CAF 188, par. 11.]

[67] L’APAC affirme que l’objet de l’analyse dans la présente affaire est différent de l’objet de l’arrêt Withler, sur lequel le TCDP s’est appuyé, et de l’arrêt Weatherley. Elle souligne que dans l’arrêt Withler se rapportait à une contestation des modalités d’un régime de prestations de retraite, qui étaient codifiées en loi, et que l’arrêt Weatherley se rapportait à la contestation d’un régime de prestations. La présente demande ne conteste pas les modalités de la GCAI. Elle affirme que le défi dans cette demande consiste à déterminer si le lien entre « l’âge normal ouvrant droit à la pension » et un régime d’invalidité est inapproprié.

[68] AC soutient que les mêmes principes s’appliquent aux choix faits relativement aux alinéas 3b) et 5b) du Règlement; les règles ne s’appliquent pas de manière restrictive aux lois sur les avantages sociaux, mais aux régimes d’assurance en général.

[69] Comme l’a fait valoir AC, un exemple de cela est énoncé dans Landau aux paragraphes 14 à 16, où la Cour a établi un parallèle entre le régime en cause dans cette affaire et un régime d’assurance dans lequel certains sont favorisés plus que d’autres, concluant que les régimes d’assurance privés ne changent pas la logique énoncée dans Weatherley :

[14] La contestation de la demanderesse ne tient pas compte de la nature et du rôle du RPC, qui contredisent ses allégations comme quoi il crée des distinctions manifestes au sens du paragraphe 15(1), ou comme quoi toutes les distinctions sont discriminatoires au sens de cette disposition ou injustifiées au sens de l’article premier de la Charte. Le régime a été conçu pour assurer un remplacement partiel du revenu dans certains cas. Il n’était pas censé être exhaustif ou combler les besoins de tous les cotisants dans toutes les circonstances imaginables (Weatherley c. Canada (Procureur général), 2021 CAF 158, par. 10). Il s’apparente plutôt à un régime d’assurance interfinancé qui serait plus avantageux pour certains cotisants que pour d’autres. Dans ce genre de régime, les cotisations et les prestations doivent être encadrées par des critères précis, rigoureux et bien énoncés. Par ailleurs, tel qu’il est expliqué dans l’arrêt Weatherley, il est à prévoir que, si un groupe en particulier obtient une augmentation de ses prestations ou une réduction de ses cotisations, il s’ensuivra dans bien des cas une réduction des prestations ou une augmentation des cotisations, ou les deux, pour d’autres personnes, parmi lesquelles beaucoup sont démunies et vulnérables, et vraisemblablement visées par le paragraphe 15(1) de la Charte. […]

[15] Ainsi, dans l’arrêt Auton, la Cour suprême du Canada a reconnu qu’il est nécessaire de tracer des limites et de s’appuyer sur des certitudes pour permettre à des régimes de prestations comme le RPC d’atteindre ses objectifs. La Cour suprême a noté, au paragraphe 42, que les contestations fondées sur le paragraphe 15(1), comme celle dont sommes saisis ici, sont possibles seulement si un régime législatif exclut un groupe pour des raisons illégitimes et incompatibles avec ses objectifs. Ce n’est pas le cas en l’espèce.

[16] Dans son arrêt récent Fraser c. Canada (Procureur général), 2020 CSC 28, 450 D.L.R. (4th) 1, analysé et commenté dans l’arrêt Weatherley, précité, la Cour suprême du Canada n’a ni infirmé ni mis en doute les jugements précités.

[70] Comme l’a fait remarquer le TCDP, le rapport Gorham appuie l’opinion selon laquelle le régime prévu aux alinéas 3b) et 5b) du Règlement et le concept d’« âge normal ouvrant droit à la pension » sont compatibles avec un régime d’assurance‑revenu.

[71] Comme énoncé aux paragraphes 59, 63 et 67 à 69 du rapport Gorham :

[traduction]

59. Par définition, l’assurance vise à indemniser une perte subie. L’assurance‑invalidité vise à compenser la perte de salaire à la suite d’une invalidité. Par conséquent, si un travailleur invalide n’avait pas travaillé même en l’absence d’une invalidité, il ne devrait pas être indemnisé pour la perte de salaire.

[…]

63. Afin d’offrir une indemnisation selon les principes de l’assurance, il est nécessaire de formuler une hypothèse sur le moment où le travail aurait pris fin et d’appliquer cette hypothèse comme condition de couverture.

[…]

67. L’une des façons dont une compagnie d’assurance peut se protéger contre les pertes est de s’assurer qu’une personne n’est protégée que contre la possibilité d’une perte réelle. Le fait de fournir un revenu pendant une période d’invalidité alors qu’il n’y a pas de perte financière pour la personne en question encouragerait l’abus potentiel de la protection en cas d’invalidité. Par conséquent, les prestations sont limitées aux périodes au cours desquelles il existe une probabilité raisonnable que la personne ait continué à occuper son emploi en l’absence de l’invalidité.

68. Même si la retraite n’est pas une raison de limiter l’âge auquel les prestations d’invalidité sont payables, le coût facturé par l’assureur entraînerait une limite. Si les prestations d’invalidité étaient maintenues à vie, les coûts de l’assurance seraient si élevés que les employeurs refuseraient probablement de fournir la prestation ou demanderaient quelque chose de moins cher, ce qui entraînerait la cessation des prestations à un âge donné. […]

69. […] À tout moment où plus de la moitié d’entre eux sont encore en activité, on s’attend à ce que les prestations versées surindemnisent moins de 50 % des travailleurs accidentés. À tout moment où moins de la moitié des travailleurs sont encore en activité, on s’attend à ce que les prestations versées surindemnisent plus de 50 % des travailleurs accidentés. Le point d’équilibre est le point où l’on s’attend à ce que la moitié ait cessé de travailler.

[72] La preuve non contestée, comme l’a reconnu le TCDP, était que les régimes de prestations d’invalidité d’une durée indéterminée ne sont pas viables. En l’absence d’une limite, le coût de l’assurance serait trop élevé. Les régimes deviennent non viables lorsque les travailleurs ont entre 61 et 65 ans.

[73] Cependant, l’APAC conteste maintenant la conclusion supplémentaire de M. Gorham, qui a été reconnue par le TCDP, à savoir que « la cessation des prestations d’invalidité à un âge moins élevé pourrait être appropriée quand le contexte de l’emploi diffère de la moyenne au Canada, comme [lorsque] le régime prévoit une pension non réduite avant 65 ans dans certaines circonstances ». Comme l’a expliqué M. Gorham :

[TRADUCTION]

133. Pour que le régime soit fiable sur le plan actuariel, il doit y avoir un moment où les indemnités pour perte de revenu cessent. À mon avis, il n’y a pas d’âge précis auquel les prestations devraient cesser. Il existe un éventail d’âges qui peuvent varier en fonction des habitudes de retraite des Canadiens en général et de l’employeur en particulier. D’après les statistiques sur l’emploi au Canada, je crois qu’une plage appropriée se situe entre 61 et 65 ans.

134. À mon avis, et sans tenir compte des restrictions prévues par la loi, cela ne devrait pas empêcher un employeur d’adopter un âge de fin des prestations d’invalidité qui soit plus précoce ou plus avancé, si la situation d’emploi diffère de la moyenne pour le Canada. L’une de ces situations consisterait à offrir un régime de retraite prévoyant des pensions de retraite anticipée non réduites payables avant l’âge de 61 ans. Une autre situation serait celle d’un milieu de travail où les employés travaillent régulièrement après l’âge de 65 ans.

135. À mon avis, le recours à l’âge ouvrant droit à la pension est une méthode appropriée pour fixer le moment auquel les prestations d’invalidité pourraient cesser. Elle reconnaît les situations d’emploi différentes. Par exemple, les employés qui ont de généreuses pensions de retraite anticipée non réduites atteindront un âge ouvrant droit à la pension avant ceux qui ont des pensions de retraite anticipée moins généreuses ou qui n’en ont pas. D’après mon expérience, les employés qui bénéficient de prestations de retraite anticipée non réduites prennent généralement leur retraite, en moyenne, à un plus jeune âge que ceux qui ont une pension de retraite anticipée non réduite. L’utilisation de l’âge ouvrant droit à la pension comme point d’arrêt peut donc permettre de reconnaître les différences entre les régimes de retraite des différents employeurs.

[74] Je suis d’accord avec AC pour dire que l’utilisation de « l’âge normal ouvrant droit à la pension » permet aux employeurs de tenir compte de la situation de l’employé et des prestations ouvrant droit à la pension conformément aux enseignements énoncés au paragraphe 67 de l’arrêt Withler :

[67] Lorsqu’il est question d’un régime de prestations de retraite, comme dans le cas qui nous occupe, l’examen des facteurs contextuels à la deuxième étape de l’analyse requise par le par. 15(1) porte en général sur l’objet de la disposition présentée comme discriminatoire, et se fait à la lumière du régime législatif complet. À qui le législateur voulait‑il accorder un avantage et pourquoi? Pour trancher la question de savoir si la distinction perpétue un préjugé ou applique un stéréotype à un certain groupe, le tribunal tient compte du fait que de tels programmes sont conçus dans l’intérêt de divers groupes et doivent forcément établir des limites en fonction de certains facteurs comme l’âge. Le tribunal s’interrogera sur l’opportunité générale de telles limites, compte tenu de la situation des personnes touchées et des objets du régime. Point n’est besoin que le programme de prestations corresponde parfaitement à la situation et aux besoins véritables du groupe de demandeurs. Le tribunal pourra également prendre en considération l’affectation des ressources et les objectifs particuliers d’intérêt public visés par le législateur.

[75] Comme l’a souligné le TCDP dans sa décision, le Règlement était fondé sur les recommandations des intervenants après de longues consultations, qui ont notamment consisté en une mise en équilibre des intérêts des employeurs, des organisations d’employeurs, des souscripteurs de régimes d’avantages sociaux, des sociétés d’experts‑conseils en avantages sociaux ainsi que d’autres administrateurs des droits de la personne et organisations intéressées.

[76] L’objectif de la Commission canadienne des droits de la personne lorsqu’elle a créé des exceptions à l’interdiction de discrimination dans les régimes d’avantages sociaux était de [TRADUCTION« reconnaître qu’une certaine différenciation en ce qui concerne l’âge, le sexe, l’état matrimonial ou le handicap physique n’est pas toujours indésirable dans de tels régimes ». (Commission canadienne des droits de la personne, Rapport annuel, 1979, section 3.1.1)

[77] En l’espèce, les facteurs contextuels démontrent que la distinction faite par l’« âge normal ouvrant droit à la pension » est une distinction de bonne foi. Elle ne cible pas des groupes pour des raisons illégitimes en dehors du régime général. En l’espèce, conformément à l’arrêt Withler et aux objectifs poursuivis, le fait de mettre fin aux prestations d’invalidité lorsqu’un employé a atteint l’âge normal ouvrant droit à la pension ne met pas les employés dans une situation difficile, parce qu’ils peuvent toucher des prestations de retraite non réduites.

[78] Comme l’a fait remarquer le TCDP, cela contraste avec l’affaire Talos, où la cessation des prestations à l’âge de 65 ans n’avait pas été compensée par un autre arrangement. Comme l’a résumé le TCDP, le tribunal dans la décision Talos devait se pencher sur le paragraphe 25(2.1) du Code des droits de la personne de l’Ontario, LRO 1990, c H‑19 [le Code], conjointement avec la Loi sur les normes d’emploi (LO 2000, c 41) et son Règlement, et a spécifiquement exclu les travailleurs âgés de 65 ans et plus des protections en ce qui concerne les différences de traitement dans les régimes d’avantages sociaux, les régimes de retraite et les autres régimes en milieu de travail, dans un effort visant à maintenir une certaine souplesse en milieu de travail, et ce, pour que les parties puissent prendre des dispositions qui respectent la viabilité financière de ces régimes. L’arbitre a conclu qu’une différence de traitement qui n’était expliquée que par l’âge de l’employé constituerait à première vue une discrimination fondée sur l’âge au titre du Code. Par conséquent, elle a conclu qu’une disposition législative qui empêchait un travailleur de 65 ans et plus de contester toute réduction ou élimination de l’accès aux avantages sociaux en raison de la discrimination fondée sur l’âge constituait de prime abord une violation du paragraphe 15(1) de la Charte.

[79] L’APAC soutient que le TCDP a mal analysé la décision Talos et que le raisonnement adopté dans cette décision est convaincant et devrait être suivi. Elle soutient que ce raisonnement peut s’appliquer tout aussi bien aux faits en l’espèce, même si les mêmes avantages ne sont pas en jeu. Elle affirme que la question de savoir si un employé a une bonne pension n’a rien à voir avec ses droits à l’égalité. De même, elle soutient que le raisonnement suivant énoncé au paragraphe 234 de la décision Talos s’applique également à la situation de Sandra Anderson en l’espèce :

[traduction]

[...] en l’absence de prestations d’assurance maladie une travailleuse blessée ou malade âgée de 65 ans ou plus pourrait être forcée de prendre sa retraite parce qu’elle n’a pas les moyens de se payer les soins de santé [...] qui l’aideraient à maintenir son état de santé au quotidien afin qu’elle soit apte à travailler avec ou sans mesures d’adaptation. En supprimant les prestations d’assurance maladie à l’âge de 65 ans, il s’ensuit logiquement que les travailleurs âgés sont privés du soutien offert à leurs jeunes collègues pour maintenir leur aptitude au travail.

[80] Cependant, je suis d’avis qu’un tel parallèle ne peut être fait. Au contraire, comme l’a fait valoir AC, la situation vécue par Mme Anderson, bien qu’elle ne soit pas idéale, est conforme aux attentes énoncées dans l’arrêt Withler, selon lesquelles, tant que les objectifs du programme sont atteints, il n’est pas nécessaire que celui‑ci corresponde parfaitement à la situation et aux besoins véritables d’un groupe de demandeurs. Dans le cas de Mme Anderson, elle a quand même pu obtenir une indemnisation pour la perte de salaire causée par son invalidité. Comme l’a fait remarquer le TCDP :

[67] Dans la présente affaire, la preuve m’amène à conclure que les prestations d’invalidité ont été conçues pour offrir aux membres du régime un moyen de pallier la perte de revenu s’ils deviennent invalides ou incapables de travailler. Cependant, si le membre est admissible à une pension non réduite, même s’il n’a plus droit aux prestations d’invalidité, il peut choisir en cas d’invalidité d’utiliser ses jours de congé de maladie et de congé annuel, et peut‑être même prendre un congé non payé, avant de reprendre le travail. C’est l’option qu’a choisie Robert Lyon. L’alternative est de prendre sa retraite et de toucher une pension non réduite. C’est l’option qu’a choisie Sandra Anderson.

[81] L’APAC soutient que l’utilisation par le TCDP du terme « alternative » pose problème. Elle souligne que la Cour a toujours soutenu qu’une différence de traitement peut être discriminatoire, même si cette différence est fondée sur les choix faits par la personne ou le groupe touché : Fraser, aux para 86 et 87; OPSEU v Ontario (Government and Consumer Services), 2021 CanLII 19542 (ON GSB) [OPSEU], aux para 101 et 102.

[82] Toutefois, je suis d’accord avec AC pour dire que ces commentaires doivent être examinés dans leur contexte, tout comme la disposition contestée. Je ne crois pas que la décision donne à penser les choix faits par Sandra Anderson ont, d’une façon ou d’une autre, eu une incidence sur l’effet des alinéas 3b) et 5b) du Règlement et sur la façon dont ils devraient être perçus.

[83] L’APAC soutient que l’établissement d’un lien entre l’admissibilité aux prestations d’invalidité et les régimes de pension présente des problèmes fondamentaux en ce qui a trait aux droits de la personne. En particulier, cela tient pour acquis qu’il y aura un régime de pension généreux pour remplacer le revenu de pension d’invalidité qui aura été perdu, ce qui n’est souvent pas le cas dans un régime à cotisations déterminées. Les dispositions du Règlement font référence aux régimes d’assurance‑invalidité en général et pas seulement aux régimes d’assurance‑invalidité de longue durée, peu importe la durée prévue de l’invalidité. De plus, ce ne sont pas tous les régimes de pension qui offrent des prestations complètes pour le groupe des 61 à 65 ans; certains prévoient un âge beaucoup plus précoce. L’effet de la disposition contestée est de donner le contrôle à la partie qui rédige le régime de retraite, soit souvent l’employeur de façon unilatérale. Elle affirme que tout cela est incompatible avec la garantie générale d’égalité.

[84] Cependant, les arguments de l’APAC ne reposent sur aucune preuve ni sur l’objectif du Règlement, ce qui pose problème. L’APAC n’a produit aucune preuve concernant les versements réels des régimes à cotisations déterminées ou ce qui constitue un régime « généreux » dans ces circonstances, ou dans toute autre situation. Elle n’a présenté aucune preuve de l’application des dispositions du Règlement à la cessation des prestations d’invalidité de courte durée ni des répercussions de la cessation de ces régimes sur les travailleurs âgés. De plus, les seuls régimes de pension auxquels fait référence l’APAC sont les conventions collectives comme celles en cause dans la décision Healy v Gregory, [2009] OJ No 2562, 2009 CanLII 31609 (CS ON), ou les régimes de retraite crées par la loi, comme celui prévu par la Loi sur la pension de la fonction publique, LRC 1985, c P‑36. Il n’y a pas de preuve devant la Cour concernant les régimes de retraite dans des contextes non syndiqués ou les abus commis par les employeurs relativement à de tels régimes dans ces contextes.

[85] Les arguments présentés par l’APAC sont insuffisants pour remettre en question la preuve présentée par M. Gorham, soit celle dont était saisi le TCDP.

[86] M. Gorham a indiqué que la grande majorité des régimes d’assurance‑invalidité de longue durée offerts par les employeurs mettaient fin aux prestations à l’âge de 65 ans, âge auquel les prestations de retraite devenaient généralement accessibles sans réduction. Il a fait remarquer que cela s’expliquait par des tendances historiques.

[87] Il a constaté que la statistique appropriée à utiliser pour déterminer quand passer de l’assurance‑salaire au revenu de retraite était le moment où environ la moitié de la main‑d’œuvre avait pris sa retraite. Il était d’avis qu’il était approprié du point de vue de l’actuariat et des assurances de remplacer les indemnités pour perte de revenu par des prestations de retraite à un moment donné entre 61 et 65 ans et que l’âge ouvrant droit à pension constituait un moyen raisonnable.

[88] De plus, les arguments de l’APAC ne tiennent pas compte du fait qu’il existe certaines distinctions inhérentes lorsqu’on envisage une disposition fondée sur l’âge. Comme l’indique McKinney c Université de Guelph, [1990] 3 RCS 229, à la p. 297 :

[…] D’abord, il n’y a rien d’inhérent dans la plupart des motifs énumérés de discrimination, savoir la race, la couleur, la religion, l’origine nationale ou ethnique, ou le sexe, qui justifie une corrélation générale entre ces caractéristiques et les capacités. Mais il n’en est pas ainsi de l’âge. Il y a un rapport général entre le vieillissement et l’affaiblissement des capacités […] bien qu’il faille se méfier des lois qui ont des effets préjudiciables inutiles sur les personnes âgées en raison de suppositions inexactes quant aux effets de l’âge sur les capacités, il y a souvent des motifs sérieux de conférer des avantages à un groupe d’âge plutôt qu’à un autre dans la mise sur pied de grands régimes sociaux et dans la répartition des bénéfices […]

[89] Les dispositions fondées sur l’âge doivent également tenir compte du cycle naturel, en gardant à l’esprit à la fois des besoins « verticaux » et « horizontaux » de la population, comme le reconnaît l’arrêt Withler au paragraphe 76 :

[76] La juge Garson a expliqué que le régime légal de prestations gouvernementales doit tenir compte de la totalité des fonctionnaires, des membres des forces armées et de leurs familles. Chaque élément du régime est harmonisé aux autres prestations et soupesé au regard de l’intérêt public. Le régime visera souvent les mêmes personnes à différentes étapes de leur existence et de leur vie professionnelle. Il est conçu pour répondre aux besoins particuliers des bénéficiaires à des moments précis de leur vie. Le régime s’applique suivant un axe horizontal à de nombreuses personnes ayant des besoins différents à un moment précis et suivant un axe vertical à chaque étape de la vie de ces personnes. En ce qui concerne les jeunes employés, cette prestation agit à titre d’assurance vie collective garantissant une protection en cas de décès inattendu à une époque où leur conjoint survivant ne toucherait aucune pension. Pour les employés plus âgés, cette prestation vise à contribuer aux dépenses occasionnées par la dernière maladie et le décès. Bien que le régime traite les bénéficiaires de façon différente, en fonction de leur position sur cet axe vertical, il n’est discriminatoire ni par son objet ni par ses effets.

[90] L’APAC renvoie aux propos de la Cour suprême du Canada au paragraphe 368 de l’arrêt Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb.), [1987] 1 RCS 313, où cette dernière souligne l’importance fondamentale du travail dans la vie d’une personne en tant que « composante essentielle du sens de l’identité d’une personne, de sa valorisation et de son bien‑être sur le plan émotionnel ». L’APAC soutient que l’incidence de la disposition contestée sur un groupe de demandeurs perpétuera les stéréotypes et renforcera le fait que les travailleurs âgés sont moins conciliants, plus réfractaires au changement et moins motivés. Elle affirme qu’il en est ainsi du fait que l’on suppose que les travailleurs âgés sont moins engagés dans leur emploi et plus susceptibles de prendre leur retraite à la première occasion. Elle s’appuie sur les décisions OPSEU et Talos comme exemples d’affaires où il a été conclu que des dispositions constituaient une discrimination fondée sur l’âge et perpétuaient ce stéréotype négatif. Cependant, aucune de ces décisions ne concerne les régimes d’assurance‑invalidité de longue durée. La Cour ne peut permettre que l’APAC fasse référence à des sources secondaires à l’appui de son argument, comme il a été mentionné précédemment, car aucune de ces sources secondaires n’a été soumise au TCDP ni dûment admise en preuve.

[91] Même si l’on admettait que les travailleurs âgés sont victimes de stéréotypes en milieu de travail et qu’ils ont subi certains désavantages associés à ces stéréotypes, la preuve ne suffit pas à étayer la perte de prestations d’invalidité sur les travailleurs âgés est insuffisante, ni l’existence d’un lien clair entre la perte des prestations d’invalidité et les stéréotypes et désavantages allégués.

[92] Comme l’a reconnu l’APAC lors de l’audience devant le TCDP, les alinéas 3b) et 5b) du Règlement créent une exception nécessaire à l’approche personnalisée qui, sinon, s’appliquerait sous le régime de la Loi. Les alinéas 3b) et 5b) [TRADUCTION« reconnaissent la validité des principes de l’assurance, la nécessité de ces principes pour élaborer un régime d’assurance viable, et reconnaissent que ces principes ne sont pas fondés sur des stéréotypes dans le langage des droits de la personne; ils sont fondés sur une analyse statistique ». [TCDP, transcription, page 1369, lignes 14 à 21].

[93] L’article 15 garantit l’égalité réelle de tous les employés. Cela ne veut pas dire que tous les travailleurs auront à ce titre exactement la même couverture d’invalidité, ni qu’il y aura une égalité formelle entre les travailleurs âgés et les jeunes travailleurs : Withler, aux para 2 et 71; Fraser, au para 40. L’article 15 exige plutôt que tous les travailleurs soient admissibles à une forme d’indemnisation pour la perte de salaire en raison d’une invalidité. À mon avis, le TCDP a conclu à juste titre que ce droit à l’égalité était protégé par les alinéas 3b) et 5b) du Règlement et, du moins dans ses effets, par la disposition contestée.

[94] À mon avis, la disposition contestée des alinéas 3b) et 5b) du Règlement ne viole pas le droit à l’égalité réelle protégé par le paragraphe 15(1) de la Charte, car ces alinéas permettent un équilibre acceptable qui ne perpétue pas un désavantage discriminatoire fondé sur l’âge.

IV. Conclusion

[95] Pour tous ces motifs, je suis d’avis que la demande devrait être rejetée. Comme j’ai conclu que les alinéas 3b) et 5b) du Règlement ne contreviennent pas au paragraphe 15(1) de la Charte et que la décision n’est pas erronée, rien ne justifie que je procède à une analyse fondée sur l’article premier de la Charte.

[96] Les parties ont convenu que les dépens devraient être fixés à 3 000 $ (tout compris) et j’accepte d’accorder ce montant.

 


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T‑1588‑19

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. La défenderesse se voit accorder 3 000 $ au titre des dépens.

« Angela Furlanetto »

Juge

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1588‑19

 

INTITULÉ :

ASSOCIATION DES PILOTES D’AIR CANADA c AIR CANADA ET ROY BENTLEY

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AFFAIRE ENTENDUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 12 mai 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE FURLANETTO

 

DATE DES MOTIFS :

LE 30 JANVIER 2023

 

COMPARUTIONS :

Christopher Rootham

 

Pour la Demanderesse

 

Maryse Tremblay

 

Pour LA DÉFENDERESSE

AIR CANADA

 

Personne n’a comparu

 

Pour LE DÉFENDEUR

ROY BENTLEY

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nelligan O’Brien Payne

Avocats et procureurs

Ottawa (Ontario)

 

Pour la Demanderesse

 

Borden Ladner Gervais

Avocats et procureurs

Montréal (Québec)

 

Pour l’Intimé

AIR CANADA

 

Hamilton Duncan Armstrong & Stewart

Avocats et procureurs

Surrey (Colombie‑Britannique)

Pour LE DÉFENDEUR

ROY BENTLEY

 

 

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